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22/11/2018 | FRANCE | N°18BX02202,18BX02203

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 22 novembre 2018, 18BX02202,18BX02203


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler, d'une part, l'arrêté du 15 mars 2018 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel le préfet de la Haute-Vienne l'a assigné à résidence dans le département de la Haute-Vienne du 16 mars 2018 au 29 avril 2018.

Par un jugement n°s 1800416-1800417 du 20 mars

2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a renvoy...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler, d'une part, l'arrêté du 15 mars 2018 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel le préfet de la Haute-Vienne l'a assigné à résidence dans le département de la Haute-Vienne du 16 mars 2018 au 29 avril 2018.

Par un jugement n°s 1800416-1800417 du 20 mars 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a renvoyé les conclusions de la requête de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 15 mars 2018 par laquelle le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour devant une formation collégiale du tribunal administratif de Limoges et rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 31 mai 2018 sous le n°18BX02202, M.B..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 20 mars 2018 en tant qu'il a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi du préfet de la Haute-Vienne du 15 mars 2018 ;

2°) d'annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi du préfet de la Haute-Vienne du 15 mars 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de 13 euros au titre du droit de plaidoirie.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ; le refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- le préfet, qui a pris sa décision très peu de temps après avoir reçu sa demande de certificat de résidence, n'a pas procédé a un examen sérieux de sa demande de titre de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 août 2018, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée le 31 mai 2018 sous le n°18BX02203, M.B..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges du 20 mars 2018 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 mars 2018 par laquelle le préfet de la Haute-Vienne l'a assigné à résidence ;

2°) d'annuler la décision du 15 mars 2018 par laquelle le préfet de la Haute-Vienne l'a assigné à résidence ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui restituer son passeport à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de 13 euros au titre du droit de plaidoirie.

Il soutient que :

- la décision portant assignation à résidence est insuffisamment motivée en droit ;

- elle entraîne une atteinte manifestement disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 août 2018, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 mai 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le décret n° 95-161 du 15 février 1995 relatif aux droits de plaidoirie et à la contribution équivalente

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme Déborah de Paz pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme C...a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant algérien, est entré en France le 26 mai 2008. Il a bénéficié de deux certificats de résidence algérien pour raisons de santé entre le 19 février 20l0 et le 18 juin 2011. Le 17 décembre 2014 et le 24 novembre 2016, il a fait l'objet d'arrêtés portant refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien et obligation de quitter le territoire français. Le 15 mars 2018, il a été interpellé à Limoges par des agents de police pour usage de faux. Il était dépourvu de tout document d'identité ou de voyage en cours de validité. Le même jour, après son interpellation, il a présenté une demande de titre de séjour. Par arrêté du 15 mars 2018, le préfet de la Haute-Vienne a pris à son encontre, d'une part, un arrêté portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, et, d'autre part, un arrêté portant assignation à résidence pour la période du 16 mars 2018 au 29 avril 2018. Par un jugement du 20 mars 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a renvoyé les conclusions de M. B...tendant à l'annulation de la décision du 15 mars 2018 par laquelle le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour devant une formation collégiale du tribunal administratif de Limoges et rejeté le surplus des conclusions de la requête. M. B...relève appel, dans cette mesure, de ce jugement.

2. Les requêtes enregistrées sous les numéros 18BX02202 et 18BX02203 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions en annulation :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. A l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement, M. B...se borne à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour.

4. L'appelant reprend en appel le moyen déjà soulevé en première instance tiré du défaut d'examen sérieux de sa demande de titre de séjour, sans faire état d'éléments de fait ou de droit nouveaux. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge.

5. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ; (...) ".

6. A supposer que l'appelant ait entendu invoquer une méconnaissance des stipulations précitées du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, il est constant qu'à la date de la décision en litige, il ne résidait pas en France depuis plus de dix ans. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérienne ne peut qu'être écarté.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. B...se prévaut de la durée de son séjour en France, de ce qu'il s'est vu délivrer des titres de séjour à plusieurs reprises et de ce qu'une partie de sa famille vit en France. Si l'intéressé vit en France depuis le 26 mai 2008 et a bénéficié de deux certificats de résidence en raison de son état de santé, valables du 19 février 2010 au 18 décembre 2010 et du 19 décembre 2010 au 18 juin 2011, il a fait l'objet le 17 décembre 2014, après le rejet d'une nouvelle demande de certificat de résidence du fait de son état de santé, d'une obligation de quitter le territoire français. A la suite du rejet d'une nouvelle demande de certificat de résidence, une mesure d'éloignement a de nouveau été prononcée à son encontre le 24 novembre 2016. Par ailleurs, l'intéressé est en instance de divorce et sans charge de famille et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait développé, en dehors de sa cellule familiale composée de son père, d'un frère et d'un oncle, des liens d'une intensité particulière en France. Enfin, il ne démontre pas être dépourvu d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-sept ans. Dans ces conditions, la décision contestée n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a donc pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour à l'encontre de la mesure d'éloignement.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

10. M. B...ne soulève aucun moyen à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi. Il n'est, dès lors, pas fondé à en demander l'annulation.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

11. Si l'appelant soutient que la mesure susvisée est insuffisamment motivée en droit, il ressort toutefois des termes mêmes de cette décision qu'elle vise l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui en constitue le fondement. Contrairement à ce que soutient l'appelant, le préfet n'était pas tenu d'indiquer l'alinéa de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement duquel l'assignation à résidence a été prise. Par suite, le moyen tiré de défaut de motivation en droit doit être écarté.

12. Le préfet a édicté à l'encontre de M. B...une assignation à résidence du 16 mars au 29 avril 2018 dans le département de la Haute-Vienne, assortie de l'obligation de se présenter une fois par jour au commissariat de police de Limoges à 9h00. Eu égard à ce qui a été dit au point 8 du présent arrêt, la décision d'assignation à résidence n'a pas porté à son droit de mener une vie privée et familiale normale une atteinte disproportionnée, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette décision n'est pas non plus entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions du 15 mars 2018 portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de renvoi et l'assignant à résidence. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et celles tendant au remboursement des droits de plaidoirie doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 26 octobre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président-rapporteur,

M. Paul-André Braud, premier-conseiller,

Mme Sabrina Ladoire, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 22 novembre 2018.

Le premier-conseiller,

Paul-André Braud

Le président- rapporteur,

Marianne C...

Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 18BX02202, 18BX02203


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX02202,18BX02203
Date de la décision : 22/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: Mme Marianne POUGET M.
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : SELARL PREGUIMBEAU GREZE AEGIS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-11-22;18bx02202.18bx02203 ?
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