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20/11/2018 | FRANCE | N°16BX03851

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 20 novembre 2018, 16BX03851


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H...A...a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner le centre hospitalier de Guéret à lui verser une somme globale de 430 334,88 euros en réparation des préjudices résultant de sa prise en charge en février et mars 2006.

La caisse de la mutualité sociale agricole (MSA) de la Creuse a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier de Guéret à lui verser une somme globale de 90 028,56 euros.

Par un jugement n° 1401115 du 6 octobre 2016, le tribunal administratif de

Limoges a condamné le centre hospitalier de Guéret à verser à M. A...une somme de 39 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H...A...a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner le centre hospitalier de Guéret à lui verser une somme globale de 430 334,88 euros en réparation des préjudices résultant de sa prise en charge en février et mars 2006.

La caisse de la mutualité sociale agricole (MSA) de la Creuse a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier de Guéret à lui verser une somme globale de 90 028,56 euros.

Par un jugement n° 1401115 du 6 octobre 2016, le tribunal administratif de Limoges a condamné le centre hospitalier de Guéret à verser à M. A...une somme de 39 146,82 euros et à la caisse de la MSA de la Creuse une somme de 5 946,23 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 décembre 2016 et le 12 mars 2018, M. A..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 6 octobre 2016, par lequel le tribunal administratif a limité à la somme de 39 146,82 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné le centre hospitalier de Guéret en réparation des préjudices qu'il a subis ;

2°) de porter à la somme totale de 547 043,22 euros le montant de l'indemnité due.

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Guéret la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la réduction incomplète de sa fracture et l'absence de reprise chirurgicale que dictait l'examen radiologique du 9 mars 2006, ainsi que l'absence de demande d'avis spécialisé, sont à l'origine de l'apparition de lésions arthrosiques importantes et rapides attestées par le cal vicieux rendant indispensable une arthrodèse, laquelle l'a définitivement privé de la possibilité de poursuivre son activité professionnelle ; il conserve un handicap de 15 % alors qu'en l'absence de faute, son déficit fonctionnel n'aurait été que de 6 % et qu'il aurait pu poursuivre son activité professionnelle ; qu'ainsi, il n'y a pas eu de perte de chance et contrairement à ce qu'a considéré le tribunal, c'est tout le dommage constaté qui doit être réparé intégralement ;

- au titre des préjudices patrimoniaux, la perte de revenus qu'il a subie pendant les quarante-quatre mois d'incapacité, jusqu'à la consolidation de son état, s'élève à la somme de 33 901 euros, après déduction des indemnités journalières d'un montant de 23 279 euros qu'il a perçues ; il a exposé des frais de déplacements pour se rendre à l'hôpital à Guéret et à Limoges ainsi qu'à Poitiers pour les besoins de l'expertise, à hauteur de 3 285,60 euros ; sur la base d'une perte mensuelle de 1 345 euros et du barème de capitalisation publié par la Gazette du Palais, sa perte de gains professionnels futurs s'élève à la somme de 429 856,62 euros, compte tenu du coefficient applicable à un homme de 47 ans à la date de consolidation ;

- au titre des préjudices extrapatrimoniaux, le déficit fonctionnel temporaire subi durant la période d'incapacité de 778 jours du 18 septembre 2007 au 31 octobre 2009 devra être indemnisé à hauteur de 30 000 euros ; ses souffrances liées aux reprises chirurgicales évaluées à 3,5/7 doivent être indemnisées à hauteur de 10 000 euros ; une somme de 24 000 euros doit lui être allouée au titre de son déficit fonctionnel permanent ; il souffre d'une boiterie à l'origine d'un préjudice esthétique permanent, pour lequel il demande une indemnité de 8 000 euros ; enfin, il subit un préjudice d'agrément par suite du blocage de sa cheville dont il sollicite l'indemnisation à hauteur de 8 000 euros.

Par un mémoire, enregistré le 1er mars 2017, la mutualité sociale agricole (MSA) du Limousin, représentée par MeE..., demande à la cour de condamner le centre hospitalier de Guéret à lui verser une somme de 90 038,60 euros au titre de ses débours, ainsi qu'une somme de 1 037 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et de mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 400 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2017, le centre hospitalier de Guéret, représenté par MeG..., conclut au rejet de la requête et des conclusions de la MSA du Limousin.

Il soutient que :

- c'est à bon droit et sans dénaturer les conclusions de l'expert que le tribunal administratif de Limoges a jugé que la faute du centre hospitalier de Guéret a été à l'origine d'une perte de chance pouvant être évaluée à 50 %, laquelle doit être appliquée à l'ensemble des préjudices y compris le préjudice professionnel ;

- M. A...ayant limité ses prétentions indemnitaires en première instance à la somme de 430 334,88 euros, il est irrecevable à solliciter en appel et en l'absence d'aggravation de son état de santé une somme supérieure ;

- il ne saurait solliciter une somme de 34 877,74 euros au titre de la perte de revenus perçus jusqu'à la date de consolidation de son état de santé dès lors qu'il ressort des pièces produites que son revenu annuel moyen, évalué sur la base des revenus des années précédant son accident, s'élève à la somme de 15 960 euros, et non 16 140 euros et que la période devant être prise en compte eu égard aux six mois nécessaires en tout état de cause à sa consolidation, va du mois d'août 2006 au mois d'octobre 2009, soit 38 mois, correspondant à la somme totale

de 50 540 euros de laquelle il convient de déduire des indemnités journalières

de 22 730,47 euros, soit une perte de revenus effectivement subie de 27 809,53 euros;

- seuls les trajets relatifs à l'expertise ainsi que ceux nécessaires aux hospitalisations de M. A...sont justifiés et en lien avec la faute du centre hospitalier de Guéret, de sorte qu'il conviendra de confirmer les premiers juges quant à l'indemnisation des frais de déplacement ;

- c'est à bon droit que le tribunal administratif de Limoges a rejeté les conclusions de M. A...tendant à l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs dès lors que l'impossibilité de reprendre son activité de bûcheron n'est pas liée à la faute du centre hospitalier de Guéret mais à la fracture dont il a été victime qui reste à l'origine d'une incapacité permanente partielle de 6 %, et d'une raideur importante de la cheville ; en tout état de cause, il conviendrait d'appliquer le taux de perte de chance retenu ;

- en lui allouant la somme de 7 500 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire total du 8 au 15 janvier 2007, du 30 janvier au 2 février 2008, puis du 31 août

au 3 septembre 2009 et partiel allant du 9 mars 2006 à octobre 2009, le tribunal a fait une évaluation conforme à la jurisprudence ;

- il en est de même de la somme de 5 410 euros allouée pour les souffrances endurées évaluées par l'expert à 3,5/7 ;

- l'incapacité permanente devant être mise à la charge du centre hospitalier de Guéret étant de 9 %, les premiers juges ont fait une évaluation conforme en lui allouant à ce titre une somme de 12 500 euros ;

- il a été justement alloué la somme de 1 400 euros pour son préjudice esthétique évalué par l'expert à 1,5/7 ;

- enfin, pas plus en appel qu'en première instance, M. A...ne justifie de la réalité du préjudice d'agrément invoqué ;

- eu égard à la préférence accordée à la victime, la MSA du Limousin, à supposer qu'elle ait intérêt à agir, ne saurait réclamer les indemnités journalières versées à M. A...dès lors que les pertes totales de revenus subies par ce dernier s'élèvent après déduction des indemnités journalières perçues à la somme de 27 60,53 euros, alors qu'après application du taux de perte de chance le préjudice indemnisable est de 25 270 euros ; la MSA ne saurait en outre solliciter le remboursement du capital de la rente accident du travail puisque l'impossibilité pour M. A...de travailler résulte de son accident initial, et non du manquement imputé au centre hospitalier de Guéret.

Par ordonnance du 13 mars 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 8 mai 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- et les conclusions de M. Normand, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. H...A..., né le 1er janvier 1962, alors bûcheron indépendant, a été victime le 20 février 2006 d'un accident de travail, ayant entraîné une fracture bi-malléolaire déplacée de la cheville gauche. Pris en charge au centre hospitalier de Guéret, il a fait l'objet d'une intervention chirurgicale le 21 février 2006 consistant en la pose d'une plaque sur la malléole externe et d'une vis en malléole interne suivie d'une immobilisation par attelle en résine. Il a subi deux autres interventions pour cal vicieux sur fracture bi-malléolaire avec dégradation arthrosique importante les 9 janvier 2007 (double ostéotomie) et 31 janvier 2008 (arthrodèse).

Le 1er septembre 2009, il a été procédé à l'ablation du matériel et M. A...n'a pas repris son activité professionnelle. Par courrier du 8 juin 2010, M. A...a sollicité la reconnaissance par le centre hospitalier de Guéret de sa responsabilité et après dépôt du rapport d'expertise amiable de M. C..., médecin agréé et de M.B..., chirurgien orthopédique, il a saisi le tribunal administratif de Limoges d'une demande de condamnation du centre hospitalier à lui verser la somme globale de 430 334,88 euros en réparation des préjudices résultant de sa prise en charge en février et mars 2006. Il demande la réformation du jugement du 6 octobre 2016, en tant qu'il a limité à une somme de 39 146,82 euros le montant de l'indemnité à laquelle il a condamné le centre hospitalier. La mutualité sociale agricole (MSA) du Limousin relève également appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit aux conclusions de la MSA de la Creuse et demande de porter à 90 038,60 euros le montant des débours que le centre hospitalier doit lui rembourser.

Sur la responsabilité du centre hospitalier et l'étendue du préjudice indemnisable :

2. Il y a lieu par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'ailleurs non sérieusement contestés par les parties, de juger qu'en ne prenant pas l'avis d'un médecin spécialisé, alors que le défaut de réduction de la fracture bi-malléollaire dont M. A...a été opéré le 21 février 2006 à la suite de son accident de travail était visible sur les radiographies réalisées le 9 mars 2006, avant sa sortie de l'hôpital, et qu'une reprise chirurgicale à cette date était encore possible, le centre hospitalier de Guéret a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

3. Ainsi que l'a rappelé le tribunal, dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

4. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise précité

du 11 avril 2011 de MM. C...et B...que le caractère incomplet de la réduction de la fracture a " significativement augmenté " le risque de survenue à court ou moyen terme d'une arthrose tibio-talienne post-traumatique, et que M. A...a ainsi perdu une chance d'éviter cette évolution arthrosique rapide. Si l'appelant soutient qu'avec une prise en charge adaptée son déficit fonctionnel permanent aurait été de 6 % au lieu de 15 % et qu'il aurait été capable de poursuivre son activité professionnelle, il ne conteste pas utilement que la nature de la fracture initiale bi-malléollaire avec un diastasis dont il souffrait l'exposait, en elle-même, à une évolution arthrosique même en cas de réduction correcte. S'il n'est pas certain que cette évolution aurait conduit dans un avenir aussi proche à l'arthrodèse qu'il a subie, il n'est pas non plus établi qu'une réduction dite anatomique aurait permis d'éviter, ainsi que le soutient l'appelant, l'arthrose post-traumatique compte tenu de la gravité des lésions initiales.

M. A...n'apporte ainsi aucun élément probant de nature à contredire les conclusions de l'expert, qui a fixé à 50 % dans l'annexe à son rapport du 15 juillet 2011 le taux de perte de chance d'éviter les lésions arthrosiques en cause. Dès lors, les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation de l'ampleur de la perte de chance d'éviter le dommage survenu à l'intéressé en évaluant la réparation incombant au centre hospitalier de Guéret à 50 %.

Sur l'évaluation des préjudices :

5. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise de M. C...que la date de consolidation de l'état de santé de M. A... doit être fixée au 31 octobre 2009.

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

6. En application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 relative au financement de la sécurité sociale, le juge saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et du recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudice, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime. Il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ou du fait que celle-ci n'a subi que la perte de chance d'éviter le dommage corporel. Le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale.

Quant aux dépenses de santé :

7. M. A...n'allègue pas que des dépenses de santé seraient restées à sa charge. Ainsi qu'il a été jugé par le tribunal administratif de Limoges, la caisse de la MSA de la Creuse justifie de ses débours correspondant à des dépenses de santé pour le compte de son assuré à hauteur d'une somme totale de 11 892,45 euros qui doit être mise à la charge du centre hospitalier de Guéret dans les proportions fixées au point 4, soit la somme de 5 946,23 euros.

Quant aux frais de déplacement :

8. M. A...se borne à reprendre en appel ses conclusions tendant à la condamnation du centre hospitalier de Guéret à lui verser la somme globale de 3 285,60 euros au titre des frais de déplacement effectués par lui-même ou les membres de sa famille au cours des consultations et hospitalisations au centre hospitalier de Guéret ainsi qu'à la clinique Chénieux à Limoges et pour se rendre aux opérations d'expertise à Poitiers, sans présenter aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation qu'il avait développée devant le tribunal administratif de Limoges, ni produire de nouvelles pièces ou éléments probants de nature à remettre en cause le bien-fondé du jugement attaqué. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, de condamner le centre hospitalier de Guéret à verser à M. A...une somme non contestée de 471,82 euros correspondant, après application du taux de perte de chance de 50 %, au montant des frais kilométriques qui sont établis.

Quant aux pertes de revenus :

9. D'une part, il résulte de l'instruction et notamment des rapports de l'expertise amiable, qu'en cas de réduction initiale satisfaisante de sa fracture, M.A..., dont le revenu moyen mensuel non contesté, au regard des résultats de son activité sur les deux années précédant son accident, était d'environ 1 330 euros, aurait subi un arrêt de travail d'au moins six mois. Il aurait ainsi pu prétendre à une reprise de son activité professionnelle le 20 août 2006. Dès lors, à compter de cette date et jusqu'au 30 octobre 2009, date de sa consolidation,

M.A..., dont l'arrêt du travail est imputable à la faute commise, a droit à une indemnité correspondant à la différence entre les revenus qu'il aurait perçus s'il avait repris le travail à l'issue d'un traitement initial adapté, soit la somme de 50 540 euros, et ceux qu'il a effectivement reçus, constitués des indemnités journalières versées par la MSA pour un montant de 22 730,47 euros. Par suite, la part de la perte temporaire de revenus qu'il a réellement subie s'élève à la somme de 27 809,53 euros.

10. Compte tenu des règles rappelées au point 6 et du taux de perte de chance confirmé au point 4, l'indemnité mise à la charge du centre hospitalier de Guéret doit être fixée à la somme de 25 270 euros. Le juge devant allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, c'est à bon droit que les premiers juges ont alloué à M. A...la somme de 25 270 euros, aucun solde ne revenant à la MSA.

11. D'autre part, il résulte de l'instruction que postérieurement au 30 octobre 2009, date de sa consolidation, M. A...n'a pas repris l'exercice de sa profession de bûcheron et reste atteint d'un déficit fonctionnel permanent évalué à 15 % en raison de la faute commise par le centre hospitalier de Guéret, au titre duquel il perçoit une rente d'accident de travail d'un montant d'environ 186 euros par mois. L'expert a toutefois noté que, compte tenu de la gravité de la fracture initiale, il aurait conservé, même bien traitée, une raideur à la cheville qui aurait rendu difficile la poursuite de son activité professionnelle et aurait entraîné un déficit probable de 6%. Or l'appelant n'établit pas qu'il serait, nonobstant les difficultés dont il se prévaut concernant l'expression en français et l'absence de formation, dans l'incapacité d'exercer tout autre emploi, ni n'allègue avoir entamé des démarches afin de se reconvertir. Il suit de là que l'absence de revenus qu'il subit postérieurement à la date de consolidation de son état, dont il demande réparation, n'est pas imputable au centre hospitalier de Guéret. C'est ainsi à bon droit que les premiers juges ont rejeté sa demande d'indemnisation des pertes de gains professionnels futurs.

En ce qui concerne les préjudices personnels :

Quant aux déficits fonctionnels :

12. Il résulte de l'instruction et en particulier des rapports d'expertise précités qu'avant la consolidation de son état de santé fixée au 30 octobre 2009, M. A...a subi en lien avec le défaut de prise en charge au centre hospitalier de Guéret des hospitalisations

du 8 au 15 janvier 2007, puis du 30 janvier au 6 février 2008 et du 31 août au 3 septembre 2009, constituant des périodes de gêne temporaire totale, ainsi qu'une gêne partielle de classe III

du 9 mars 2006 au 7 janvier 2007, du 16 janvier 2007 au 29 janvier 2008 puis de classe II

du 7 février 2008 au 30 août 2009 et du 4 septembre 2009 jusqu'à la consolidation. Les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice ayant résulté pour lui de son déficit fonctionnel temporaire en l'évaluant à la somme de 7 500 euros, et en condamnant le centre hospitalier de Guéret à lui verser à ce titre, compte tenu du taux de perte de chance confirmé au point 4, la somme de 3 750 euros.

13. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que M. A...demeure atteint après consolidation de son état d'une incapacité permanente partielle de 15 %. M. C...note toutefois que l'intéressé aurait conservé une incapacité estimée à 6 % si l'accident initial avait été bien traité. En outre, l'expert indique que son incapacité, qui en tout état de cause aurait subsisté avec une raideur de la cheville, a un retentissement professionnel puisqu'il ne pourra jamais reprendre son activité de bûcheron. Compte tenu de son âge à la date de la consolidation, les premiers juges ont fait une juste appréciation de son déficit fonctionnel permanent, en allouant à l'appelant la somme de 12 500 euros, et compte tenu de la fraction de 50 % retenue au point 4, mis à la charge du centre hospitalier de Guéret une somme

de 6 250 euros.

Quant au préjudice esthétique :

14. Les premiers juges ont fait une juste appréciation, dans leur réalité et leur étendue, des souffrances endurées en raison des trois interventions subies sous anesthésie générale et du préjudice esthétique lié à la persistance d'une nette boiterie et aux cicatrices, évalués respectivement à 3,5 et 1,5 sur 7 par l'expert, en allouant les sommes de 5 410 et 1 400 euros à ce titre, auxquelles il convient d'appliquer le taux de perte de chance retenu au point 4, soit les sommes de 2 705 et 700 euros.

Quant au préjudice d'agrément :

15. Si M. A...demande la réparation de son préjudice d'agrément, il n'apporte aucun élément en appel de nature à établir l'existence de ce préjudice. En l'absence de justifications, sa demande ne peut donc qu'être rejetée.

16. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le centre hospitalier de Guéret, que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a limité à la somme de 39 146,82 euros le montant de l'indemnité qu'il a condamné le centre hospitalier de Guéret à lui verser.

Sur les droits de la MSA

17. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 qu'il y a lieu de confirmer les premiers juges qui ont condamné le centre hospitalier de Guéret à rembourser à la MSA la somme

de 5 946,23 euros correspondant, après application du taux de perte de chance retenu, aux dépenses de santé engagés pour le compte de son assuré.

18. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 9 à 11, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté, d'une part, la demande présentée par la MSA tendant au remboursement des indemnités journalières versées à M. A...compte tenu de l'indemnité allouée prioritairement à ce dernier et, d'autre part, sa demande présentée au titre de la rente d'accident de travail dès lors que l'incapacité permanente conservée par l'intéressé ne peut être regardée comme ayant directement entraîné des pertes de revenus professionnels, ni une incidence professionnelle dont la victime n'a au demeurant pas demandé réparation.

19. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le centre hospitalier de Guéret, que la MSA du Limousin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a limité à la somme de 5 946,23 euros le montant des débours qu'il a condamné le centre hospitalier de Guéret à lui rembourser. Ses conclusions d'appel, y compris celles tendant au paiement de l'indemnité forfaitaire de gestion doivent être rejetées.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier de Guéret, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à M.A..., d'une part, et à la MSA du Limousin, d'autre part, les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... et les conclusions de la MSA du Limousin sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A..., au centre hospitalier de Guéret et à la mutualité sociale agricole du Limousin.

Délibéré après l'audience du 9 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 20 novembre 2018.

Le rapporteur,

Aurélie F...

Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne à ministre de la santé et des solidarités en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX03851


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03851
Date de la décision : 20/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation - Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Aurélie CHAUVIN
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : MAZURE HELENE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-11-20;16bx03851 ?
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