Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par un jugement n° 1201020 du 19 novembre 2015, le tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné le centre hospitalier de Capesterre-Belle-Eau à verser, en réparation des préjudices subis en raison de l'irrégularité du marché de conception-réalisation du nouvel hôpital de Capesterre-Belle-Eau, la somme de 1 091 547,88 euros à la société GTM Guadeloupe, la somme de 148 010,73 euros à la société BDM Architectes, la somme de 13 043,74 euros à la société Michel Corbin Architectes, la somme de 120 956,77 euros à la société EGIS Bâtiment Antilles-Guyane et la somme de 11 308,95 euros à la société ETEC, ainsi que la somme de 500 euros à chacune de ces sociétés au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un arrêt n° 16BX00695-16BX00696 du 11 octobre 2016, la cour a réduit à 52 393,34 euros, 10 363,71 euros et 111 088,16 euros les sommes respectivement dues par le centre hospitalier de Capesterre-Belle-Eau aux sociétés BDM Architectes, Michel Corbin Architectes et EGIS Bâtiment Antilles-Guyane, a réformé en ce sens le jugement n° 1201020 du 19 novembre 2015 du tribunal administratif de la Guadeloupe et rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 septembre 2017 et des mémoires enregistrés les 22 décembre 2017 et 9 janvier 2018, les sociétés GTM Guadeloupe, BDM Architectes, Michel Corbin Architectes, EGIS Bâtiment Antilles-Guyane et ETEC demandent à la cour d'assurer l'exécution du jugement susvisé tel que réformé par l'arrêt de la cour n° 16BX00695-16BX00696 du 11 octobre 2016 sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, et de condamner le centre hospitalier de Capesterre-Belle-Eau à verser à chacune d'elles la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elles soutiennent que le centre hospitalier de Capesterre-Belle-Eau ne justifie pas de son impossibilité d'exécuter les condamnations prononcées à son encontre et d'assumer la charge financière correspondant à la majoration des intérêts.
Par des mémoires enregistrés le 22 décembre 2017 et le 13 février 2018, le centre hospitalier de Capesterre-Belle-Eau demande au juge de l'exécution : 1) de l'exonérer intégralement de la majoration prévue à l'article L. 313-3 du code monétaire et financier ; 2) de mettre à la charge du groupement représenté par la société GTM Guadeloupe la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en vertu de l'article 1231-7 du code civil, les sommes dues par le centre hospitalier aux sociétés BDM Architectes, Michel Corbin Architectes et EGIS Bâtiment Antilles-Guyane ne sont exigibles, dès lors que la cour a réformé le jugement en ce qui les concerne, qu'à compter de l'arrêt de la cour et non à compter du jugement du tribunal administratif, de sorte que les intérêts au taux légal ne commencent à courir, pour ces sommes, qu'à partir du 11 octobre 2016 ;
- la situation financière très difficile dans laquelle se trouve le centre hospitalier de Capesterre-Belle-Eau, en raison du retard de versement des dotations pour 2017, de la hausse exponentielle du coût de construction du nouvel hôpital, du versement d'une dotation globale de soins au titre de l'EHPAD inférieure à la réglementation, des ouragans Irma et Maria, de l'incendie du CHU de Pointe-à-Pitre, justifie que lui soit accordée l'exonération totale de la majoration prévue par l'article L. 313-3 du code monétaire et financier.
Par un mémoire enregistré le 9 janvier 2018, les sociétés GTM Guadeloupe, BDM Architectes, Michel Corbin Architectes, EGIS Bâtiment Antilles-Guyane et ETEC concluent au rejet de la demande d'exonération de la majoration des intérêts au motif que le centre hospitalier ne justifie pas de son incapacité.
Par une ordonnance n° 18BX01093 du 19 mars 2018, le président de la cour a ouvert une procédure juridictionnelle pour l'exécution de cet arrêt n° 16BX00695-16BX00696.
Par un mémoire enregistré le 28 septembre 2018, le centre hospitalier de Capesterre-Belle-Eau maintient sa demande à fin d'exonération de la majoration des intérêts en produisant de nouveaux éléments sur sa situation financière. Il demande également que les entreprises requérantes lui versent 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le 4 octobre 2018 a été envoyée aux parties une lettre les informant de ce que la cour était susceptible de relever d'office un moyen d'ordre public.
Par un mémoire enregistré le 5 octobre 2018, les sociétés requérantes font valoir que le mandatement d'office n'est pas possible dès lors qu'il existe une difficulté sérieuse liée à la demande du centre hospitalier d'obtenir l'exonération de la majoration d'intérêts prévue à l'article L. 313-3 du code monétaire et financier.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Aymard de Malafosse,
- les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la société GTM Guadeloupe et autres, et de MeB..., représentant le centre hospitalier de Capesterre-Belle-Eau.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement n° 1201020 du 19 novembre 2015, le tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné le centre hospitalier de Capesterre-Belle-Eau à verser, en réparation des préjudices subis en raison de l'irrégularité du marché de conception-réalisation du nouvel hôpital de Capesterre-Belle-Eau, la somme de 1 091 547,88 euros à la société GTM Guadeloupe, la somme de 148 010,73 euros à la société BDM Architectes, la somme de 13 043,74 euros à la société Michel Corbin Architectes, la somme de 120 956,77 euros la société EGIS Bâtiment Antilles-Guyane et la somme de 11 308,95 euros à la société ETEC, ainsi que la somme de 500 euros à chacune de ces sociétés au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un arrêt n° 16BX00695-16BX00696 du 11 octobre 2016, la cour a réduit à 52 393,34 euros, 10 363,71 euros et 111 088,16 euros les sommes respectivement dues par le centre hospitalier de Capesterre-Belle-Eau aux sociétés BDM Architectes, Michel Corbin Architectes et EGIS Bâtiment Antilles-Guyane, a réformé en ce sens le jugement n° 1201020 du 19 novembre 2015 du tribunal administratif de la Guadeloupe et rejeté le surplus des conclusions des parties. Par ailleurs, en vertu de l'article 1231-7 du code civil, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement, et ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement sauf si le juge en dispose autrement. Les sommes que le centre hospitalier de Capesterre-Belle-Eau a été condamné à verser à ces entreprises par les décisions juridictionnelles précitées portent donc intérêts au taux légal à compter du prononcé de ces décisions. En vertu de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, ce taux d'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où le jugement prononçant une condamnation pécuniaire est devenu exécutoire. Les sociétés GTM Guadeloupe, BDM Architectes, Michel Corbin Architectes, EGIS Bâtiment Antilles-Guyane et ETEC demandent que soient prises à l'encontre du centre hospitalier des mesures d'injonction assorties d'astreinte à l'effet d'obtenir paiement des sommes dues en vertu du jugement du tribunal administratif tel que réformé, pour certaines de ces sommes, par l'arrêt de la cour, ce paiement devant porter tant sur les sommes au principal que sur les intérêts et la majoration des intérêts. Le centre hospitalier, pour sa part, demande à être exonéré de cette majoration.
Sur les conclusions du centre hospitalier tendant à l'exonération de la majoration d'intérêts prévue par l'article L. 313-3 du code monétaire et financier et les conclusions des sociétés requérantes en tant qu'elles portent sur cette majoration :
2. Aux termes de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier : " Le taux d'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où le jugement prononçant une condamnation pécuniaire est devenu exécutoire. / Toutefois le juge de l'exécution peut, à la demande du débiteur ou du créancier, et en considération de la situation du débiteur, exonérer celui-ci de cette majoration ou en réduire le montant ".
3. Les intérêts majorés prévus par les dispositions précitées de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier résultent de l'augmentation forfaitaire de cinq points du taux de l'intérêt légal lorsque le créancier n'a pas exécuté une décision de justice à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où celle-ci est devenue exécutoire. La demande d'exonération ou de réduction de l'augmentation forfaitaire prévue à cet article est examinée par le juge de l'exécution au regard de la situation du débiteur à la date à laquelle il statue, c'est-à-dire de sa capacité financière à régler les sommes qu'il doit en exécution d'une décision de justice ; le juge peut aussi prendre en considération le comportement du créancier lorsqu'il est susceptible d'avoir rendu plus difficile le règlement de la condamnation pécuniaire.
4. Le centre hospitalier de Capesterre-Belle-Eau justifie, notamment par la production d'un plan de trésorerie et des correspondances échangées avec l'agence régionale de santé ainsi que par les précisions qu'il donne sur le caractère éventuel de certaines recettes attendues, de la réalité et de l'importance des difficultés financières dans lesquelles il se trouve pour faire face notamment à ses dépenses de fonctionnement, et les conséquences néfastes qu'aurait sur sa situation l'obligation de payer, en plus des sommes dues au principal et des intérêts au taux légal, la majoration prévue par les dispositions précitées du code civil. Dans ces conditions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de lui accorder l'exonération de cette majoration. Par voie de conséquence, les conclusions des sociétés requérantes tendant au prononcé de mesures d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées en tant qu'elles portent sur cette majoration.
Sur le surplus des conclusions des sociétés requérantes :
5. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. / Toutefois, en cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. ".
6. L'article L. 911-9 du code de justice administrative dispose que : " Lorsqu'une décision passée en force de chose jugée a prononcé la condamnation d'une personne publique au paiement d'une somme d'argent dont elle a fixé le montant, les dispositions de l'article 1er de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980, ci-après reproduites, sont applicables. " Art. 1er .- (...) II. - Lorsqu'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné une collectivité locale ou un établissement public au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme doit être mandatée ou ordonnancée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de justice. A défaut de mandatement ou d'ordonnancement dans ce délai, le représentant de l'Etat dans le département ou l'autorité de tutelle procède au mandatement d'office (...) ". Toutefois, alors même qu'une partie a la faculté de solliciter le mandatement d'office de la somme qu'une collectivité locale ou un établissement public a été condamné à lui payer et même dans l'hypothèse où elle n'aurait pas sollicité ce mandatement, elle est recevable, lorsque la décision juridictionnelle qui, selon elle, est inexécutée ne fixe pas précisément le montant de la somme due ou lorsque le calcul de celle-ci soulève une difficulté sérieuse à demander que soit ordonné, le cas échéant sous astreinte, le versement de la somme due.
7. En l'espèce, les décisions juridictionnelles dont la société GTM et les autres entreprises demandent l'exécution fixent de façon précise les sommes dues au principal. Le calcul des intérêts dus sur ces sommes en application de l'article 1231-7 du code civil ne soulève pas de difficulté sérieuse. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par ces sociétés en ce qui concerne ces sommes et ces intérêts.
Sur les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Il est accordé au centre hospitalier de Capesterre-Belle-Eau l'exonération de la majoration de cinq points du taux d'intérêt légal portant sur les sommes auxquelles il a été condamné par le jugement n° 1201020 du 19 novembre 2015 du tribunal administratif de la Guadeloupe tel que réformé par l'arrêt n° 16BX00695-16BX00696 du 11 octobre 2016 de la cour.
Article 2 : Les conclusions des sociétés GTM Guadeloupe, BDM Architectes, Michel Corbin Architectes, EGIS Bâtiment Antilles-Guyane et ETEC tendant au prononcé de mesures d'injonction sous astreinte sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés GTM Guadeloupe, BDM Architectes, Michel Corbin Architectes, EGIS Bâtiment Antilles-Guyane et ETEC, et au centre hospitalier de Capesterre-Belle-Eau.
Délibéré après l'audience du 11 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 15 novembre 2018.
Le président-assesseur,
Laurent POUGETLe président-rapporteur,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
6
N° 18BX01093
6