Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de La Guadeloupe, à titre principal, de condamner l'État à lui verser la somme de 255 449,73 euros en réparation des préjudices que lui a causés le refus opposé par le recteur de l'académie de la Guadeloupe à sa demande d'inscription sur la liste départementale d'aptitude aux fonctions de directeur d'école au titre de l'année 2004.
Par un jugement n° 1301742 et n°1600359 du 2 juin 2016, le tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné l'État à verser à Mme A...la somme de 19 432 euros en réparation de ses préjudices.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 août 2016, et des mémoires, enregistrés les 13 et 20 septembre 2018, MmeA..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de La Guadeloupe du 2 juin 2016 en tant qu'il n'a pas condamné l'État à lui verser une somme globale de 255 449,73 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2015 ;
2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son inscription sur la liste départementale d'aptitude aux fonctions de directeur d'école au titre de l'année 2004 lui aurait permis d'accéder aux fonctions de directrice de l'école maternelle de Grand Case ;
- elle aurait, par conséquent, bénéficié, dès le premier mouvement du 15 juin 2004, d'une majoration d'indice de 30 points et d'une NBI de 8 points ainsi que d'une indemnité de ZEP à Saint Martin ;
- elle justifie de la réalité et du montant de ses préjudices.
Par un mémoire, enregistré le 12 mai 2017, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.
Il soutient que, faute d'avoir occupé le poste de directrice d'école de 2004 à 2007, l'appelante n'est pas fondée à demander la reconstitution de sa carrière mais seulement à se prévaloir d'une perte de chance sérieuse d'occuper ce poste et qu'elle ne justifie pas de la réalité de ses préjudices.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991 ;
- le décret n°83-50 du 26 janvier 1983
- le décret n° 83-644 du 8 juillet 1983 ;
- le décret n° 89-122 du 24 février 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M.D...,
- et les conclusions de M. Normand, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 14 mai 2013 devenu définitif, le tribunal administratif de Saint-Martin a annulé la décision par laquelle le recteur de l'académie de la Guadeloupe avait décidé de ne pas inscrire MmeA..., professeur des écoles, sur la liste départementale d'aptitude aux fonctions de directeur d'une école de deux classes et plus au titre de l'année 2004. Mme A...demande à la cour de réformer le jugement attaqué du 2 juin 2016, par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a considéré que l'illégalité de cette décision lui avait fait perdre une chance sérieuse d'être nommée directrice de l'école de Grand-Case de Saint-Martin, en tant qu'il n'a pas condamné l'État à lui verser une somme globale de 255 449,73 euros en réparation de son préjudice de carrière.
2. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement privé d'une chance sérieuse d'être nommé sur un emploi fonctionnel a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance de cette illégalité, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions.
3. En premier lieu, la bonification de salaire de 40 % pour résidence à Saint-Martin, l'indemnité forfaitaire de changement de résidence, la " majoration ZEP " et l' " indemnité ZEP ", ont pour seul objet de compenser des frais, des charges ou des contraintes liés à l'exercice des fonctions que Mme A...aurait exercées si elle avait été effectivement nommée directrice de l'école de Grand-Case à Saint-Martin. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que les sommes correspondantes auraient dû être incluses dans le montant de l'indemnité à laquelle elle a droit au titre de ses pertes de revenus et que les premiers juges ont justement fixé à la somme de 12 321 euros.
4. En outre, si Mme A...soutient qu'elle aurait pris en charge la surveillance de la cantine scolaire de l'école de Grand-Case, elle ne produit aucun élément à l'appui de cette allégation alors que le ministre soutient, sans être contredit, que ce service de surveillance relève de la responsabilité de la commune et n'est pas nécessairement dévolu aux directeurs d'école auxquels les dispositions de l'article 2 du décret n°89-122 du 24 février 1989 relatif aux directeurs d'école, dont se prévaut l'appelante, n'attribuent qu'une fonction d'organisation et de supervision du travail des personnels communaux. Par suite, celle-ci n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été privée d'une chance sérieuse de prendre en charge cette activité et de bénéficier des émoluments correspondants.
5. En second lieu, Mme A...n'établit pas que la décision de ne pas l'inscrire sur la liste d'aptitude aux fonctions de directeur d'école au titre de l'année 2004 lui a fait perdre une chance sérieuse de bénéficier d'une retraite majorée au taux plein de 79 % en se bornant à soutenir, sans toutefois l'établir, qu'elle n'aurait pas fait valoir ses droits à la retraite si elle avait été nommée directrice de l'école de Grand-Case.
6. En revanche, aux termes des dispositions de l'article L. 15 du code des pensions civiles et militaires de retraite, le montant de la pension versées aux fonctionnaires " est calculé en multipliant le pourcentage de liquidation tel qu'il résulte de l'application de l'article L. 13 par le traitement ou la solde soumis à retenue afférents à l'indice correspondant à l'emploi, grade, classe et échelon effectivement détenus depuis six mois au moins par le fonctionnaire ou militaire au moment de la cessation des services valables pour la retraite ". En outre, l'article 1er du décret n°83-50 du 26 janvier 1983 fixant le régime de rémunération applicable aux instituteurs et professeurs des écoles nommés sur certains emplois ou exerçant certaines fonctions prévoit que " Les instituteurs et professeurs des écoles exerçant les fonctions de directeur d'école à classe unique ou nommés dans les emplois de directeur d'école de deux classes et plus, conformément au décret n° 89-122 du 24 février 1989 susvisé, perçoivent, outre la rémunération afférente à leur grade et à leur échelon, une bonification indiciaire soumise à retenue pour pension. ". Il résulte de ces dispositions combinées que la bonification indiciaire, qui correspond à l'emploi de directeur d'école est un élément constitutif du traitement indiciaire sur la base duquel est calculé le montant de la pension versée aux instituteurs ou professeurs des écoles qui étaient nommés depuis six mois dans cet emploi.
7. Par suite, le montant mensuel de la bonification indiciaire de 30 points dont Mme A... a perdu une chance sérieuse de bénéficier ayant été fixé par les premiers juges à la somme mensuelle non contestée de 138,91 euros, celle-ci a également été privée d'une chance sérieuse de bénéficier d'une majoration correspondante du montant de sa pension. Le montant de cette pension étant égal à 57 % de son traitement indiciaire, il sera fait une juste appréciation du préjudice correspondant en le fixant à la somme de 23 753 euros bruts, compte tenu de l'espérance de vie de 25 années dont se prévaut sans être contestée MmeA.... D'autre part, eu égard à la durée durant laquelle elle aurait pu percevoir huit points de nouvelle bonification indiciaire, elle aurait également bénéficié d'une seconde majoration du montant de sa pension pour un montant non sérieusement contesté de 3,70 euros par mois, soit une somme totale, calculée sur 25 ans, de 1 110 euros. La somme que l'État sera condamné à lui verser à ces différents titres doit, par suite, être portée de 3 111 euros à 24 863 euros.
8. En troisième et dernier lieu, l'appelante fait à nouveau état, en appel, des chefs de préjudice dont elle s'est prévalue en première instance concernant ses préjudices de carrière et moral. Toutefois, elle n'apporte aucun élément nouveau ni ne critique l'évaluation qui en a été faite par les premiers juges. Par suite, il y a lieu de rejeter la demande de Mme A...tendant à ce que la somme globale que l'État a été condamné à lui verser au titre de ces postes de préjudice soit portée de 4 000 à 30 000 euros par adoption de la juste appréciation retenue par le tribunal administratif.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...est seulement fondée à demander que la somme que l'État a été condamné à lui verser en réparation des préjudices qu'elle a subis soit portée de 19 432 euros à 41 184 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2015 ainsi que le demande l'appelante.
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : L'État est condamné à verser à Mme A...une somme de 41 184 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2015.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 2 juin 2016 est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Mme A...la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A...et au ministre de l'éducation nationale.
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 novembre 2018.
Le rapporteur,
Manuel D...
Le président,
Éric Rey-BèthbéderLe greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°16BX02692