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26/10/2018 | FRANCE | N°18BX02335

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 26 octobre 2018, 18BX02335


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 4 mai 2018 par lequel le préfet des Deux-Sèvres a ordonné son transfert aux autorités italiennes et l'arrêté du même jour par lequel la même autorité a ordonné son assignation à résidence du 4 mai 2018 au 18 juin 2018.

Par un jugement n° 1800997 du 11 mai 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une r

equête, enregistrée le 11 juin 2018, MmeC..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 4 mai 2018 par lequel le préfet des Deux-Sèvres a ordonné son transfert aux autorités italiennes et l'arrêté du même jour par lequel la même autorité a ordonné son assignation à résidence du 4 mai 2018 au 18 juin 2018.

Par un jugement n° 1800997 du 11 mai 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 juin 2018, MmeC..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers en date du 11 mai 2018 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet des Deux-Sèvres en date du 4 mai 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Deux-Sèvres de procéder au réexamen de sa situation administrative dans le délai de dix jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer, dans l'attente, une attestation de demande d'asile ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- les arrêtés du 4 mai 2018 méconnaissent les dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 dès lors que le formulaire d'information sur les droits et obligations des étrangers assignés à résidence ne mentionne pas la qualité de son signataire ;

- l'arrêté portant transfert aux autorités italiennes méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle est particulièrement intégrée en France où sa fille est scolarisée et où réside sa famille, notamment son frère, qui travaille et qui est titulaire d'un titre de séjour, sa belle-soeur, ainsi que sa mère, également titulaires d'un titre de séjour ; pour les mêmes motifs cet arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- cet arrêté méconnaît les dispositions de l'article 6 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dans la mesure où sa fille est scolarisée en France où elle vit auprès de sa mère et des membres de leur famille ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle.

Par ordonnance du 11 juillet 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 10 septembre 2018 à 12 heures.

Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juillet 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. Nicolas Normand pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Agnès Bourjol a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeC..., ressortissante arménienne, est entrée en France irrégulièrement au cours du mois d'octobre 2017, où elle a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 6 décembre 2017. La consultation de la base de données Visabio a fait apparaître qu'elle s'est vu délivrer par les autorités italiennes un visa de court séjour de type C valable du 22 octobre au 16 novembre 2017. Le préfet des Deux-Sèvres a adressé à l'Italie, le 24 janvier 2018, une demande de reprise en charge de la demande d'asile de MmeC.... Cette demande ayant été implicitement acceptée le 24 mars 2018, le préfet des Deux-Sèvres a, par un arrêté du 4 mai 2018, décidé le transfert de Mme C...aux autorités italiennes et, par un arrêté du même jour, a ordonné son assignation à résidence pour la période du 4 mai 2018 au 18 juin 2018. Mme C...relève appel du jugement du 11 mai 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 561-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les étrangers assignés à résidence sur le fondement des articles L. 552-4 et L. 561-2 se voient remettre une information sur les modalités d'exercice de leurs droits, sur les obligations qui leur incombent et, le cas échéant, sur la possibilité de bénéficier d'une aide au retour. ". Aux termes de l'article R. 561-5 du même code : " L'étranger auquel est notifiée une assignation à résidence en application de l'article L. 552-4 ou de l'article L. 561-2 est informé de ses droits et obligations par la remise d'un formulaire à l'occasion de la notification de la décision par l'autorité administrative ou, au plus tard, lors de sa première présentation aux services de police ou de gendarmerie. (...). ". En se prévalant des dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000, abrogées depuis le 1er janvier 2016, la requérante doit être regardée comme invoquant le bénéfice des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration aux termes desquelles " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ".

3. Mme C...soutient que le formulaire d'information sur les droits et obligations des étrangers assignés à résidence ne mentionne pas la qualité de son signataire. Toutefois, le document mentionné à l'article L. 561-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne figure pas au nombre des décisions qui doivent, en application de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, comporter la qualité de son auteur. Au surplus, il ressort des mentions des décisions contestées, qui sont en caractères lisibles, qu'elles ont été signées par M. Didier Doré, secrétaire général de la préfecture des Deux-Sèvres.

4. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Mme C...fait valoir qu'elle s'est particulièrement bien insérée en France où sa fille Naré, alors âgée de huit ans, est scolarisée et qu'elle y est entourée de sa famille, notamment de son frère, qui travaille et qui est titulaire d'un titre de séjour, de sa belle-soeur et de sa mère, également titulaires d'un titre de séjour. Elle se prévaut également des relations personnelles qu'elle a tissées depuis son arrivée sur le territoire. Toutefois, MmeC..., qui est entrée très récemment en France pour y demander l'asile, ne se prévaut d'aucun obstacle à la poursuite de la scolarité de sa fille en Italie, qui est inscrite en classe UPEA2 pour l'année 2017/2018. Elle n'apporte pas davantage en appel qu'en première instance d'éléments de preuve de ses liens de filiation ainsi que de l'effectivité des relations dont elle se prévaut avec des membres de sa famille présents en France. Par suite, MmeC..., qui ne résidait en France que depuis cinq mois à la date de la décision contestée et nonobstant ses récents efforts d'intégration dans la société française, n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté portant transfert aux autorités italiennes porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, l'arrêté contesté n'est pas entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

6. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 6 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " L'intérêt supérieur de l'enfant est une considération primordiale pour les Etats membres dans toutes les procédures prévues par le présent règlement ".

7. Mme C...soutient que l'arrêté de transfert porterait atteinte à l'intérêt supérieur de sa fille, née le 16 octobre 2009 et scolarisée en France. Toutefois il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que sa fille serait exposée à des risques pour sa sécurité en Italie, ni que la décision de transfert aurait pour objet ou pour effet de la séparer de sa mère, ni qu'elle serait dans l'impossibilité de poursuivre sa scolarité en Italie. Dans ces conditions, l'arrêté de transfert ne porte pas atteinte à l'intérêt supérieur de sa fille mineure et ne méconnaît pas les dispositions précitées de l'article 6.1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet des Deux-Sèvres en date du 4 mai 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet des Deux-Sèvres.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

M. Paul-André Braud, premier-conseiller,

Mme Agnès Bourjol, conseiller.

Lu en audience publique, le 26 octobre 2018.

Le rapporteur,

Agnès Bourjol

Le président,

Marianne Pouget

La greffière,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 18BX02335


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX02335
Date de la décision : 26/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

.

Étrangers - Séjour des étrangers - Restrictions apportées au séjour - Assignation à résidence.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: Mme Agnès BOURJOL
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : MUNOZ

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-10-26;18bx02335 ?
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