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26/10/2018 | FRANCE | N°18BX02092

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 26 octobre 2018, 18BX02092


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...D...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 30 avril 2018 par laquelle le préfet de la Gironde a décidé son transfert aux autorités italiennes.

Par un jugement n°1801809 du 22 mai 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 mai 2018, M. A...C...D..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler c

e jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux du 22 mai 2018 ;
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...D...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 30 avril 2018 par laquelle le préfet de la Gironde a décidé son transfert aux autorités italiennes.

Par un jugement n°1801809 du 22 mai 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 mai 2018, M. A...C...D..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux du 22 mai 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 30 avril 2018 par laquelle le préfet de la Gironde a décidé son transfert aux autorités italiennes ;

3 °) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles 37 aliéna deux de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de transfert contestée méconnaît l'article 21 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 dès lors qu'en se bornant à produire le seul constat d'un accord implicite des autorités italiennes, le préfet n'établit pas que les autorités italiennes ont été effectivement saisies d'une requête à fin de prise en charge ;

- la décision de transfert contestée est entachée d'une motivation insuffisante au sens des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle ne permet pas d'identifier le fondement légal de la saisine des autorités italiennes ;

- la décision de transfert contestée méconnaît les dispositions combinées de l'article 53-1 de la Constitution et de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2018, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté, nouveau en cause d'appel, est inopérant ;

- M. C...D...ne se prévalant pas d'élément nouveau en appel, il s'en remet à ses écritures produites devant le tribunal.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison d'empreintes digitales aux fins de l'application effective du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. Nicolas Normand pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Agnès Bourjol a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C...D..., ressortissant soudanais né le 1er janvier 1990, s'est présenté à la plateforme d'accueil des demandeurs d'asile et a été convoqué, le 8 août 2017, à la préfecture de la Gironde afin d'enregistrer sa demande d'asile. Estimant au vu des résultats des relevés de ses empreintes décadactylaires que l'Italie pouvait s'avérer l'Etat responsable de l'examen de son dossier, le préfet de la Gironde a formé une demande de prise en charge auprès des autorités italiennes, sur le fondement de l'article 13-1 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013. Ces autorités ayant implicitement donné leur accord pour traiter cette demande d'asile, le préfet de la Gironde, par une décision du 30 avril 2018, a prononcé le transfert de l'intéressé aux autorités italiennes. M. C...D...relève appel du jugement du 22 mai 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 précité : " L'État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date d'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur. / Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif (" hit ") Eurodac (...), la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif (...). / Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéa, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'État membre auprès duquel la demande a été introduite. ". Aux termes de l'article 22 du même règlement : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête (...) / 7. L'absence de réponse à l'expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 (...) équivaut à l'acceptation de la requête et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée. ".

3. Le préfet a produit devant le tribunal administratif la copie du document, intitulé " constat d'un accord implicite et confirmation de reconnaissance de la responsabilité ", établi sur papier à en-tête de ses services, et destiné aux autorités italiennes. Ce document indique qu'une requête de prise en charge a été adressée aux autorités italiennes le 3 octobre 2017 concernant M. C...D...dont l'identité, la date de naissance et la nationalité ainsi que les références des dossiers français et italiens sont mentionnées sur ledit document. Ce document atteste, à lui seul, et contrairement à ce que soutient M. C...D..., de la réalité de saisine des autorités italiennes. Par suite, le moyen invoqué par le requérant en ce sens doit être écarté.

4. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) ".

5. La décision de transfert d'un demandeur d'asile en vue de sa prise en charge par un autre Etat membre doit être suffisamment motivée afin de le mettre à même de critiquer l'application du critère de détermination de l'Etat responsable de sa demande et, ainsi, d'exercer le droit à un recours effectif garanti par les dispositions de l'article 27 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, elle doit permettre d'identifier le critère de responsabilité retenu par l'autorité administrative parmi ceux énoncés au chapitre III de ce règlement ou, à défaut, au paragraphe 2 de son article 3.

6. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté litigieux vise notamment l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et indique en particulier que la vérification des empreintes de M. C... D...dans la base de données européenne Eurodac a révélé que l'intéressé avait franchi irrégulièrement la frontière italienne en provenance d'un Etat tiers, circonstance qui avait justifié la saisine des autorités italiennes, le 3 octobre 2017, d'une demande de prise en charge en application de l'article 13-1 du règlement (UE) n° 604/2013, à laquelle les autorités italiennes devaient être regardées comme ayant donné leur accord implicite en application du 7 de l'article 22 de ce règlement. Ainsi, l'arrêté litigieux est suffisamment motivé.

7. Aux termes du second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution : " (...) les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif. ". En vertu du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ".

8. Le requérant soutient que la décision du préfet est entachée d'illégalité dès lors qu'elle décide de sa remise aux autorités italiennes sans mettre en oeuvre la clause discrétionnaire de l'article 17-1 du règlement n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Toutefois, le requérant ne conteste pas comme le lui oppose l'arrêté en litige, l'inexistence d'attaches privées et familiales en France et n'apporte à l'appui de son moyen aucun élément permettant de considérer que le préfet, ce qui ne ressort pas davantage des pièces du dossier, aurait méconnu les dispositions de l'article 53-1 de la Constitution ainsi que celles précitées de l'article 17.1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions en annulation de l'arrêté du l'arrêté du 30 avril 2018 par lequel le préfet de la Gironde a décidé son transfert aux autorités italiennes. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...D...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Une copie sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

M. Paul-André Braud, premier conseiller,

Mme Agnès Bourjol, conseiller.

Lu en audience publique, le 26 octobre 2018.

Le rapporteur,

Agnès Bourjol

Le président,

Marianne Pouget

La greffière,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX02092


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX02092
Date de la décision : 26/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03-03


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: Mme Agnès BOURJOL
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : LANNE PIERRE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-10-26;18bx02092 ?
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