Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...A...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2017 par lequel le préfet du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays de renvoi.
Par un jugement n°1704753 du 19 février 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 mai 2018, Mme B...A...épouseD..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 19 février 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2017 du préfet du Tarn susmentionné ;
3°) d'enjoindre au préfet du Tarn de lui délivrer une carte de séjour temporaire et, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont omis de statuer sur les moyens tirés de l'erreur de droit commise par le préfet en s'abstenant d'examiner la possibilité de solliciter le regroupement familial sur place et de faire usage de son pouvoir d'appréciation d'une part et de la violation des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile d'autre part ;
- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier ;
- la décision attaquée portant refus de titre de séjour est entachée d'un défaut de motivation au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, dès lors elle a fait état de circonstances particulières concernant l'état de santé de son époux et de son invalidité, que le préfet n'a pas prises en considération ;
- la décision de refus de séjour est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- le refus de séjour contesté est entaché d'erreur de fait en ce que le préfet n'a pas pris en compte la nécessité de sa présence auprès de son époux ;
- elle est entaché d'une erreur de droit dès lors que le préfet n'a pas examiné la possibilité d'un regroupement familial sur place ;
- cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle justifie d'un séjour de plus de deux années en France ; le caractère récent de son mariage ne permet pas d'en déduire qu'elle ne dispose pas d'attaches en France ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale, dès lors que son éloignement est susceptible d'entraîner des conséquences graves quant à sa vie familiale ;
- la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale du fait de l'illégalité de la mesure d'éloignement prise à son encontre.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 août 2018, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens invoqués par Mme A...épouseD... ne sont pas fondés.
Mme A...épouse D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. Nicolas Normand pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Agnès Bourjol a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B...A...épouseD..., née le 20 août 1975, de nationalité marocaine, est entrée irrégulièrement sur le territoire français le 17 mai 2015, selon ses déclarations. Par un arrêté du 6 juillet 2017, le préfet du Tarn a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A...épouse D...relève appel du jugement du 19 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Contrairement à ce que soutient Mme A...épouseD..., une éventuelle dénaturation des pièces du dossier n'affecterait que le bien-fondé du jugement attaqué et reste, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité de ce jugement.
3. En indiquant au point 8 du jugement attaqué que le préfet n'était nullement tenu d'examiner la possibilité de regroupement familial de la requérante eu égard à son entrée et à son séjour irréguliers en France et en tirant comme conséquence que ce dernier n'avait pas commis d'erreur de droit en s'abstenant de procéder à cet examen, les premiers juges ont bien examiné le moyen tiré de l'erreur de droit résultant de ce que le préfet se serait abstenu de faire usage de son pouvoir d'appréciation. En outre, contrairement à ce que soutient Mme A...épouseD..., le tribunal a répondu au moyen tiré de ce que le refus de séjour serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le jugement attaqué n'est entaché d'aucune omission à statuer et le tribunal n'a, dès lors, entaché son jugement d'aucune irrégularité.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
4. Pour écarter le moyen tiré de l'insuffisance de motivation en fait, les premiers juges ont relevé que la décision portant refus de titre de séjour contestée mentionne que la requérante " est mariée et que son frère réside en France, dans la mesure où il est mentionné qu'elle a été hébergée par ce dernier qui dispose de la nationalité française ; que le préfet soutient, sans être contredit, que la requérante n'a produit, dans le cadre de la procédure administrative, qu'une pièce attestant que son époux bénéficie d'une pension d'invalidité et sa carte lui reconnaissant la qualité d'handicapé ; que, par suite, elle n'était pas en mesure de mentionner que l'état de santé de son époux nécessitait éventuellement sa présence en France ". En l'absence de tout élément nouveau présenté en appel à l'appui de ce moyen, auquel les premiers juges ont suffisamment et pertinemment répondu, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif.
5. Il ne ressort, ni de la motivation de la décision portant refus de séjour, ni des pièces du dossier que le préfet ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation personnelle de Mme A...épouse D...avant de prendre cette décision.
6. La requérante soutient que le préfet a commis une erreur de fait au motif qu'il a ignoré la nécessité de sa présence aux côtés de son époux, porteur de plusieurs affections chroniques et en situation d'invalidité. Toutefois, en se bornant à produire un certificat médical daté du 13 mars 2018, postérieur à l'édiction du refus de séjour contesté, Mme A...épouse D...n'établit pas avoir porté à la connaissance du préfet, antérieurement à cette décision, des éléments suffisamment précis sur le caractère indispensable de sa présence auprès de son époux en raison de son état de santé.
7. La requérante reproche au préfet de ne pas avoir examiné son droit au séjour au titre du regroupement familial sur place et de ne pas avoir fait usage de son pouvoir d'appréciation. Cependant, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, l'intéressée n'était pas en situation régulière sur le territoire national au moment de son mariage avec un compatriote. Dans ces conditions, le préfet, qui n'était pas tenu d'examiner la possibilité de regroupement familial de la requérante, n'a commis aucune erreur de droit.
8. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. /2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l' exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
9. Pour soutenir que la décision portant refus de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, la requérante se prévaut de la nécessité de sa présence auprès de son époux, atteint d'un syndrome dépressif et de lombalgies chroniques. Mme A...épouse D...a produit, en première instance, deux certificats médicaux, postérieurs à la décision contestée, l'un rédigé par un médecin psychiatre, daté du 28 août 2017, attestant que son époux souffre depuis 2004 de troubles dépressifs anxieux, bénéficie à ce titre d'une pension d'invalidité depuis le 1er juillet 2014, en précisant que " la présence de son épouse est décrite par [son époux] comme apaisante quant à ses troubles ", l'autre, daté du 4 septembre 2017, émanant d'un médecin généraliste, décrivant comme étant bénéfique la présence de la requérante auprès de son époux du fait des difficultés de ce dernier à gérer la vie quotidienne. Ce faisant, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, il ne ressort pas des pièces produites que l'état de santé de M. D...nécessite de façon impérieuse la présence constante ou régulière de son épouse. Si, par le certificat médical produit en appel, au demeurant postérieur à la décision contestée, la requérante établit le mauvais état de santé de son époux, il n'est pas davantage de nature à démontrer, eu égard à la nature et à la gravité des pathologies en cause, du besoin permanent que son époux aurait de l'assistance d'une tierce personne, ni par suite, du caractère indispensable de la présence de l'intéressée à ses côtés comme seule personne susceptible de l'aider. Si elle fait valoir que le centre de ses intérêts privés et familiaux se situe en France, où elle réside depuis plus de deux ans, et auprès de son époux, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'entrée en France ainsi que le mariage de l'intéressée avec un compatriote, M.D..., titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 2 novembre 2017, étaient très récents à la date de la décision attaquée. En outre, elle n'établit ni même n'allègue être dépourvue de toute attache personnelle et familiale au Maroc, pays où elle a vécu jusqu'à l'âge de 40 ans et où réside son père. Dans ces conditions, le préfet, qui ne s'est pas mépris sur l'appréciation de la situation de Mme A...épouseD..., n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
10. Pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés, le moyen soulevé par la voie de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour à l'encontre de la mesure d'éloignement, et le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français contestée a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
11. Il résulte de qui a été dit précédemment que la mesure d'éloignement prise à son encontre n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision désignant le pays de renvoi serait dépourvue de base légale doit être écarté.
Sur les autres conclusions :
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...épouse D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...épouse D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...épouse D...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet du Tarn.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président,
M. Paul-André Braud, premier conseiller,
Mme Agnès Bourjol, conseiller.
Lu en audience publique, le 26 octobre 2018.
Le rapporteur,
Agnès Bourjol
Le président,
Marianne PougetLa greffière,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 18BX01821