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26/10/2018 | FRANCE | N°16BX02395

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 26 octobre 2018, 16BX02395


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Saint-Christophe Automobiles a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des rappels de taxe sur les surfaces commerciales mis à sa charge au titre des années 2010 et 2011 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1302631 du 19 mai 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 juillet 2016, la société Saint Christophe Automobiles, représentée par

MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers ;

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Saint-Christophe Automobiles a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des rappels de taxe sur les surfaces commerciales mis à sa charge au titre des années 2010 et 2011 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1302631 du 19 mai 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 juillet 2016, la société Saint Christophe Automobiles, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses, assorties des intérêts moratoires ;

3°) de condamner l'administration fiscale à lui rembourser les frais de constitution de garanties en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la taxe sur les surfaces commerciales ne s'applique pas aux concessions automobiles eu égard à l'intention du législateur lors de la mise en place de la taxe et de la notion de vente au détail, seule concernée par ladite taxe ;

- à titre subsidiaire, les ventes de véhicules neufs à des entreprises n'ont pas vocation à entrer dans le chiffre d'affaires soumis à cette taxe dès lors qu'elles présentent le caractère de ventes entre professionnels et ne peuvent être qualifiées de ventes au détail ; cette position rejoint celle de la doctrine administrative publiée sous la référence BOI-TFP-TSC-20131002 commentant l'article 37 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 ; dans le cas d'autres concessions relevant de la direction du contrôle fiscal ouest, le chiffre d'affaires correspondant aux ventes de véhicules à des entreprises de location de véhicules n'a pas été pris en compte pour le calcul de la taxe ; elle a procédé à une comptabilisation distincte des ventes faites à des professionnels permettant de les exclure du calcul de la taxe sur les surfaces commerciales ; les ventes de véhicules d'occasion remis en état ne constituent pas des ventes en l'état et n'entrent pas non plus dans le champ de la taxe.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2017, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête de première instance était irrecevable en tant qu'elle tendait à la décharge des sommes excédant celles faisant l'objet de la réclamation préalable la société Saint-Christophe Automobiles, soit 33 654 euros, et que, pour le surplus, les moyens soulevés par la société Saint-Christophe Automobiles ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 8 mars 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 11 juin 2018 à 12 heures.

Vu :

- la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 ;

- le décret n° 95-85 du 26 janvier 1995 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marianne Pouget,

- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Saint-Christophe Automobiles a pour activité la vente de véhicules neufs et d'occasion, la vente de pièces détachées, la réparation automobile et la vente de cycles et accessoires dans un établissement situé à Niort (Deux-Sèvres). Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le montant déclaré de la taxe sur les surfaces commerciales, au titre des années 2010 et 2011, a été remis en cause par une proposition de rectification du 3 juillet 2012. La société Saint-Christophe Automobiles relève appel du jugement du 19 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe mis à sa charge au titre des années 2010 et 2011.

Sur la compétence de la cour :

2. En vertu de l'article R.351-2 du code de justice administrative, lorsqu'une cour administrative d'appel est saisie de conclusions qu'elle estime relever de la compétence du Conseil d'Etat, le dossier doit être transmis au Conseil d'Etat qui poursuit l'instruction de l'affaire.

3. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif (...) peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : (...) 4° Sur les litiges relatifs aux impôts locaux et à la contribution à l'audiovisuel public, à l'exception des litiges relatifs à la contribution économique territoriale (...). ". Pour l'application de ces dispositions, doit être regardé comme un impôt local tout impôt dont le produit, pour l'année d'imposition en cause, est majoritairement affecté aux collectivités territoriales, à leurs groupements ou aux établissements publics qui en dépendent ;

4. La taxe sur les surfaces commerciales due au titre des années d'imposition 2011 et suivantes constitue, du fait de son affectation aux communes et établissements publics de coopération intercommunale, un impôt local au sens du 4° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative. Il en résulte que les jugements ou ordonnances afférents aux demandes tendant à la décharge de cette taxe, rendus en premier et dernier ressort, ne peuvent faire l'objet d'un appel, mais seulement donner lieu à pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat.

5. En conséquence, les conclusions de la dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge de la taxe sur les surfaces commerciales auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2011 ressortissent à la compétence du Conseil d'Etat, auquel il y a lieu de les transmettre.

Sur le bien-fondé des rappels en litige devant la cour :

En ce qui concerne le principe de l'assujettissement des commerces de vente de véhicules automobiles à la taxe sur les surfaces commerciales :

6. Aux termes de l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 dans sa rédaction applicable aux faits du litige : " Il est institué une taxe sur les surfaces commerciales assise sur

la surface de vente des magasins de commerce de détail, dès lors qu'elle dépasse 400 mètres carrés des établissements ouverts à partir du 1er janvier 1960 quelle que soit la forme juridique de l'entreprise qui les exploite. / (...) La surface de vente des magasins de commerce de détail, prise en compte pour le calcul de la taxe, et celle visée à l'article L. 720-5 du code de commerce, s'entendent des espaces affectés à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats, de ceux affectés à l'exposition des marchandises proposées à la vente, à leur paiement, et de ceux affectés à la circulation du personnel pour présenter les marchandises à la vente. / La surface de vente des magasins de commerce de détail prise en compte pour le calcul de la taxe ne comprend que la partie close et couverte de ces magasins. / (...) Si ces établissements, à l'exception de ceux dont l'activité principale est la vente ou la réparation de véhicules automobiles, ont également une activité de vente au détail de carburants, l'assiette de la taxe comprend en outre une surface calculée forfaitairement (...) ".

7. Il résulte des termes mêmes des dispositions de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 qui instituent une taxe sur les surfaces commerciales assise sur la surface de vente des magasins de commerce de détail d'une superficie de 400 m² et prévoient des dispositions particulières notamment pour les établissements dont l'activité principale est la vente ou la réparation de véhicules automobiles, qu'elles incluent ces établissements dans le champ d'application de cet impôt.

En ce concerne le chiffre d'affaires à retenir :

8. Aux termes de l'article 3 de la loi susvisée du 13 juillet 1972 : " (...) Pour les établissements dont le chiffre d'affaires au mètre carré est inférieur à 3 000 euros, le taux de cette taxe est de 5,74 euros au mètre carré de surface définie au troisième alinéa. Pour les établissements dont le chiffre d'affaires au mètre carré est supérieur à 12 000 euros, le taux est fixé à 34,12 euros. / (...) Lorsque le chiffre d'affaires au mètre carré est compris entre 3 000 et 12 000 euros, le taux de la taxe est déterminé par la formule suivante : 5,74 euros + [0,00315 × (CA / S-3 000)] euros, dans laquelle CA désigne le chiffre d'affaires annuel hors taxe de l'établissement assujetti, exprimé en euros, et S désigne la surface des locaux imposables, exprimée en mètres carrés. (...) La taxe ne s'applique pas aux établissements dont le chiffre d'affaires annuel est inférieur à 460 000 euros (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 26 janvier 1995 relatif à la taxe sur les surfaces commerciales : " (...) Lorsqu'un établissement réalise à la fois des ventes au détail de marchandises en l'état et une autre activité, le chiffre d'affaires à prendre en considération au titre de la taxe sur les surfaces commerciales est celui des ventes au détail en l'état, dès lors que les deux activités font l'objet de comptes distincts (...) ".

9. Il résulte des dispositions précitées de la loi du 13 juillet 1972 et du décret du 26 janvier 1995 que la taxe sur les surfaces commerciales est assise sur la surface de vente des magasins de commerce de détail, et que son taux est déterminé en fonction du chiffre d'affaires par mètre carré.

S'agissant des ventes à des professionnels :

10. En application des dispositions précitées, le chiffre d'affaires à prendre en compte pour le calcul de la taxe sur les surfaces commerciales est celui réalisé par les surfaces de vente

au détail, en l'état, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que l'acheteur est un particulier ou un professionnel. Il s'en déduit que les ventes au détail en l'état à des professionnels doivent être prises en compte pour la détermination du chiffre d'affaires par mètre carré, sauf s'il est établi que ces ventes sont réalisées avec des grossistes ou intermédiaires. Par suite, le chiffre d'affaires de la société requérante résultant de l'activité de vente de véhicules, pièces détachées et accessoires industriels acquis par des professionnels, dans un but autre que leur revente en l'état, doit être prise en compte pour la détermination du chiffre d'affaires. Or, la société requérante ne justifie pas du montant de ses ventes à des professionnels dans un but autre que la revente au détail en l'état.

11 Les dispositions du code général des impôts se référant à la notion de vente au détail sont sans influence sur la solution du litige dès lors qu'elles ne concernent pas la taxe sur les surfaces commerciales. La loi de finances rectificative pour 2012 ne saurait davantage être utilement invoquée par la société requérante dès lors qu'elle est postérieure aux années d'imposition en litige. La circonstance, au demeurant non établie, que la direction du contrôle fiscal sud-ouest n'aurait pas pris en compte le chiffre d'affaires correspondant aux ventes de véhicules à des entreprises de location dans le calcul de la taxe sur les surfaces commerciales d'autres concessions automobiles, est sans influence sur la solution du litige dès lors que la société requérante a été imposée conformément à la loi.

S'agissant des ventes de véhicules d'occasion :

12. Doit être pris en compte dans la base de calcul de la taxe sur les surfaces commerciales le chiffre d'affaires réalisé grâce à la vente aux clients de marchandises dans l'état où elles ont été acquises.

13. La société requérante soutient que la vente de véhicules d'occasion, qui implique une remise en état des véhicules, ne peut entrer dans le champ d'application de la taxe sur les surfaces commerciales dès lors qu'elle ne constitue pas une vente en l'état au sens des dispositions précitées. Elle fait valoir que la revente de véhicules d'occasion implique un diagnostic des réparations nécessaires, la réalisation de tests et l'engagement du concessionnaire à respecter le concept " certificat d'état et d'origine " développé par le constructeur qui prévoit, notamment, la réalisation de 82 points de contrôle du véhicule. Les vérifications effectuées, les garanties accordées et la reprise du véhicule s'opposent ainsi, selon elle, à ce que la vente des véhicules d'occasion soit considérée comme de la vente de marchandises revendues en l'état.

14. Toutefois, les éléments produits par l'intéressée ne permettent pas d'établir pour l'activité de vente de véhicules d'occasion que les réparations réalisées et leur importance entraineraient des transformations telles que lesdits véhicules ne pourraient plus être considérés comme vendus dans l'état où ils avaient été acquis. La circonstance que la vente d'un véhicule s'accompagne de la reprise d'un ancien véhicule est sans incidence sur la qualification de vente au détail d'un véhicule.

15. La société requérante ne peut utilement se prévaloir de l'instruction 6F-2-12 du 23 avril 2012 et de la doctrine administrative BOFIP-TFP-TSC-20131002 dès lors qu'elles sont postérieures aux années d'imposition en litige.

Sur les autres conclusions de la société requérante:

16. D'une part, Aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : "... Si le contribuable a constitué des garanties autres qu'un versement en espèces, les frais qu'il a exposés lui sont remboursés dans les limites et conditions fixées par décret ", et aux termes de l'article R. 208-3 du même livre : "Pour obtenir le remboursement prévu par l'article L. 208 des frais qu'il a exposés pour constituer les garanties, le contribuable doit adresser une demande : b. Au directeur des services fiscaux, s'il s'agit d'impôts, droits ou taxes recouvrés par les comptables de la direction générale des impôts... La demande, appuyée de toutes justifications utiles, doit être formulée dans le délai d'un an à compter de la notification de la décision soit du directeur ou du trésorier-payeur général soit du tribunal saisi ". La requérante ne justifie pas avoir formé une demande de remboursement des frais de garantie auprès du service chargé du recouvrement des impositions. Sa demande n'est, dès lors, pas recevable.

17. D'autre part, les intérêts dus au contribuable en vertu de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, en cas de remboursements effectués en raison de dégrèvements d'impôt prononcés par la juridiction administrative sont, en application de l'article R. 208-1 du même livre, " payés d'office en même temps que les sommes remboursées au contribuable par le comptable chargé du recouvrement des impôts ".

18. Il n'existe aucun litige né et actuel entre le comptable et le requérant concernant ces intérêts. Dès lors, les conclusions de la société requérante tendant au versement par l'Etat d'intérêts moratoires ne sont pas recevables et ne peuvent qu'être rejetées.

19. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit condamné à verser à la société Saint Christophe Automobiles la somme qu'elle réclame en remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : Les conclusions de la requête de la société Saint Christophe Automobiles dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur les surfaces commerciales qui lui ont été réclamés au titre de l'année 2011 sont transmises au Conseil d'Etat.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Saint Christophe Automobiles est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, à la société Saint Christophe Automobiles et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Marianne Pouget, président,

Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,

M. Romain Roussel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 octobre 2018.

Le premier assesseur,

Sylvande PerduLe président,

Marianne PougetLe président,

Philippe POUZOULET

Le greffier,

Catherine JussyLe greffier,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX02395


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02395
Date de la décision : 26/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-01-01-02 Contributions et taxes. Généralités. Textes fiscaux. Légalité et conventionnalité des dispositions fiscales. Décrets.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: Mme Marianne POUGET M.
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : CABINET CALLIOS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-10-26;16bx02395 ?
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