La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/10/2018 | FRANCE | N°16BX02518

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 09 octobre 2018, 16BX02518


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 1301600 du 14 juin 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a, notamment, condamné l'Établissement français du sang à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde une somme de 34 871,90 euros en remboursement de ses débours.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2016, l'Établissement français du sang (EFS), représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Borde

aux du 14 juin 2016 en tant qu'il l'a condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 1301600 du 14 juin 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a, notamment, condamné l'Établissement français du sang à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde une somme de 34 871,90 euros en remboursement de ses débours.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2016, l'Établissement français du sang (EFS), représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 14 juin 2016 en tant qu'il l'a condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde (CPAM) une somme de 34 871,90 euros ;

2°) de mettre à la charge de la CPAM une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les dispositions de l'article L. 1221-14, alinéa 8 du code de la santé publique font obstacle à ce qu'il soit condamné à rembourser la CPAM des sommes que cette caisse a déboursées à raison de la contamination de M. C...A...dès lors que l'origine des produits sanguins concernés n'a pu être déterminée à l'exception de ceux qui proviennent du centre de transfusion sanguine de Bordeaux, établissement dont la couverture d'assurance est épuisée au titre de l'année concernée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2018, la CPAM conclut au rejet de la requête, à ce que l'EFS soit condamné à lui verser une somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et à ce qu'une somme de 800 euros soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que plusieurs centres de transfusion sanguine sont identifiés ou identifiables, que l'ancienneté des faits, l'impossibilité de retrouver la trace des produits fournis ou d'identifier clairement le centre en cause ne permettent pas à l'EFS de s'exonérer de sa responsabilité dès lors que le doute doit profiter non seulement à la victime mais également au tiers payeur.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.D...,

- et les conclusions de M. Normand, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'Établissement français du sang (EFS) demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 14 juin 2016 en tant qu'il l'a condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde une somme de 34 871,90 euros en remboursement des débours qu'elle a exposés à la suite de la contamination de M. C...A...par le virus de l'hépatite C.

2. En premier lieu, le I de l'article 67 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 a introduit dans le code de la santé publique un article L. 1221-14 qui confie à l'ONIAM l'indemnisation, au titre de la solidarité nationale, des victimes de préjudices résultant d'une contamination par le VHC causée par une transfusion de produits sanguins ou par une injection de médicaments dérivés du sang. Le I de l'article 72 de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 a complété cet article par une disposition prévoyant que l'Office et les tiers payeurs peuvent, après avoir indemnisé la victime, exercer une action subrogatoire contre l'EFS venu aux droits et obligations des établissements de transfusion sanguine à la condition que l'établissement de transfusion sanguine ait été assuré et que sa couverture d'assurance ne soit pas épuisée ou venue à expiration. L'ensemble de ces dispositions est entré en vigueur le 1er juin 2010.

3. En deuxième lieu, le IV de l'article 67 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 prévoit que l'ONIAM est substitué à l'EFS dans les contentieux en cours à la date d'entrée en vigueur de cette loi, portant sur les préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique et n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable. Enfin, le II de l'article 72 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 a inséré à la suite de ces dispositions un dernier alinéa aux termes duquel : " Les tiers payeurs ne peuvent exercer d'action subrogatoire contre l'office si l'établissement de transfusion sanguine n'est pas assuré, si sa couverture d'assurance est épuisée ou encore dans le cas où le délai de validité de sa couverture est expiré ". L'ensemble de ces dispositions est applicable aux actions juridictionnelles en cours à la date du 1er juin 2010.

4. Il résulte de la combinaison des dispositions rappelées aux points 3 et 4 que, s'agissant des litiges en cours au 1er juin 2010, l'ONIAM est substitué en toute hypothèse à l'EFS à l'égard tant des victimes que des tiers payeurs, ces derniers ne pouvant toutefois engager une action subrogatoire à l'égard de l'office que si l'établissement de transfusion sanguine à l'origine du dommage était assuré et que sa couverture d'assurance n'est pas épuisée ou venue à expiration. S'agissant des litiges engagés après le 1er juin 2010, d'une part, l'ONIAM est tenu d'indemniser la victime au titre de la solidarité nationale, d'autre part, l'office et les tiers payeurs peuvent engager une action subrogatoire contre l'EFS, après avoir indemnisé la victime, à la condition que l'établissement de transfusion sanguine à l'origine du dommage ait été assuré et que sa couverture d'assurance ne soit pas épuisée ou venue à expiration.

5. Par ailleurs, il résulte des travaux parlementaires de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 que, lorsque le législateur a subordonné les recours subrogatoires des " tiers payeurs " dirigés contre l'EFS, en application de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, ou contre l'ONIAM, en application du IV de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008, à la condition que la couverture d'assurance d'un établissement de transfusion sanguine puisse être mise en jeu, il n'a entendu viser que les seuls " tiers payeurs " débiteurs des prestations énumérées à l'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.

6. En l'occurrence, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport de l'expert judiciaire remis au greffe du tribunal administratif le 30 décembre 2015, que M. A...était atteint d'une hémophilie de type A sévère qui a rendu nécessaire l'administration de nombreux médicaments dérivés du sang entre 1981 et 1998 et qu'il a été contaminé par le virus de l'hépatite C au plus tard en 1990. Il ressort en outre de son carnet de santé d'hémophile que la provenance de ces médicaments, le plus souvent administrés par une infirmière à domicile, n'a pu être que très partiellement déterminée et, notamment, que le produit sanguin contaminé n'a pu être identifié. Dans ces conditions, si plusieurs centres de transfusion sanguine ont délivré, ponctuellement, des produits dérivés du sang à M.A..., il n'a pas été possible de déterminer si l'un d'entre eux est à l'origine du dommage subi par ce dernier. Par suite, l'EFS n'étant pas en mesure de mobiliser au moins l'une des polices d'assurance souscrites par les centres de transfusions concernés, cet établissement est fondé à soutenir que les conditions auxquelles sa prise en charge, à titre subrogatoire, des débours de la CPAM est subordonnée par les dispositions de l'article L 1221-14 du code de la santé publique ne sont pas réunies.

7. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que l'EFS est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la CPAM sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'autre part, que les conclusions de la CPAM tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et L. 376-1 alinéa 8 du code de la sécurité sociale doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 14 juin 2016 est annulé en tant qu'il a condamné l'EFS à rembourser la CPAM de ses débours pour une somme de 34 871,90 euros.

Article 2 : La CPAM versera à l'EFS une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la CPAM tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et L. 376-1 alinéa 8 du code de la sécurité sociale sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Établissement français du sang et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 11 septembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 octobre 2018.

Le rapporteur,

Manuel D...

Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°16BX02518


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02518
Date de la décision : 09/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-05-03 Responsabilité de la puissance publique. Recours ouverts aux débiteurs de l'indemnité, aux assureurs de la victime et aux caisses de sécurité sociale. Subrogation.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SELARL HOUDART ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-10-09;16bx02518 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award