Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler l'arrêté préfectoral du 22 mars 2018 en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français.
Par une ordonnance n° 1800534 du 5 juin 2018, le vice-président du tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 juin 2018, M. A..., représenté par MeC..., demande au juge des référés :
1°) d'ordonner sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'ordonnance du tribunal administratif de Mayotte du 5 juin 2018 ainsi que de l'arrêté du préfet de Mayotte du 22 mars 2018 portant obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français pendant 3 ans ;
2°) d'enjoindre au préfet des Mayotte de procéder à un examen de sa situation et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation de séjour lui permettant de travailler, assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d'une délai de quinze jours suivant la notification du présent arrêt à intervenir ;
3°) de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative est remplie ; en effet, la mise à exécution de l'arrêté contesté entraînerait pour lui des conséquences difficilement réparables dès lors qu'il porterait atteinte de manière particulièrement grave et immédiate à son droit au respect d'une vie privée et familiale normale ;
- il existe un doute sérieux de la légalité de la décision préfectorale dès lors que l'arrêté critiqué a porté atteinte à son droit au respect de sa vie familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté contesté est aussi entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;
- le délai de trente jours accordé par le préfet est insuffisant pour qu'il mène à terme sa scolarité ;
- la décision préfectorale méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu :
- la requête à fin d'annulation, enregistrée le 29 juin 2018 sous le n° 18BX2515 ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la cour a désigné M. E... en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.
Après avoir, à l'audience publique du 21 août 2018, dont les parties ont été régulièrement avisées, présenté le rapport de l'affaire.
La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet de Mayotte, à la suite d'un contrôle des services de police, a, par un arrêté du 22 mars 2018, fait obligation à M.A..., de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par une correspondance du même jour le préfet de Mayotte a assortie sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 3 années. M. A...a demandé au tribunal administratif de Mayotte l'annulation de l'arrêté préfectoral du 22 mars 2018 en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français. Le vice-président du tribunal a rejeté sa demande par une ordonnance du 5 juin 2018 au motif que M. A...n'établissant pas avoir été éloigné du territoire français n'est pas recevable alors qu'il est présent sur le territoire à demander l'annulation dudit arrêté. M. A...a régulièrement relevé appel, par une requête enregistrée sous le n°18BX02515, de l'ordonnance n° 1800534 du 5 juin 2018. M. A...sollicite par la présente requête la suspension de l'exécution de l'arrêté préfectoral en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 3 années sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. ". Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article 20 précité de la loi du 10 juillet 1991, d'admettre provisoirement M. A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur les conclusions subsidiaires tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de l'ordonnance du 5 juin 2018 :
3. Il n'appartient pas au juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution d'une ordonnance de tribunal administratif frappée d'appel. Par suite, les conclusions de M. A...tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de l'ordonnance du vice-président du tribunal administratif de Mayotte du 5 juin 2018 ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables.
Sur les conclusions tendant à la suspension de l'arrêté du 22 mars 2018 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français :
4. Par les dispositions des I et II de l'article L. 511-1 et de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de la procédure contentieuse régissant la contestation de la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français. Cette procédure se caractérise en particulier par le fait que la mesure d'éloignement ne peut pas être exécutée d'office pendant le délai de départ volontaire accordé, qu'elle doit être contestée dans le délai de trente jours en cas d'octroi d'un délai de départ volontaire ou dans le délai de quarante-huit heures, en cas de refus d'un tel délai, par le caractère suspensif du recours exercé devant le tribunal administratif à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français et par le délai de trois mois accordé au tribunal administratif à compter de sa saisine pour statuer, délai réduit à soixante-douze heures en cas d'assignation à résidence ou de rétention administrative de l'intéressé. L'appel est lui-même enfermé dans un délai spécifique réduit à un mois par l'article R. 776-9 du code de justice administrative. Eu égard aux caractéristiques particulières de la procédure ainsi définie, l'étranger qui fait appel du jugement rejetant sa demande en annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français n'est, en principe, pas recevable à demander au juge des référés de la cour, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de cette décision. Une obligation de quitter le territoire français n'est justiciable d'une procédure de référé-suspension que dans le cas où les mesures par lesquelles il est procédé à l'exécution d'une telle décision comportent des effets qui, en raison de changements dans les circonstances de droit ou de fait depuis son intervention, excèdent le cadre qu'implique normalement sa mise à exécution.
5. M. A...n'invoque aucun changement dans les circonstances de droit ou de fait survenu postérieurement à l'intervention de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français qui serait susceptible de faire obstacle à son exécution normale. Il s'ensuit que la demande de suspension à l'encontre de l'arrêté du 22 mars 2018 par lequel le préfet de Mayotte lui a fait obligation de quitter le territoire français présentée par M.A..., sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, est entachée d'irrecevabilité manifeste. Elles ne peuvent par suite être accueillies.
Sur les conclusions tendant à la suspension de l'arrêté du 22 mars 2018 en tant qu'elles porte interdiction de retour sur le territoire français :
6. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ".
En ce qui concerne l'urgence :
7. Les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoient que le recours devant le tribunal administratif a un effet suspensif sur la seule obligation de quitter le territoire français, ne privent pas les étrangers de la possibilité de présenter une demande de suspension à l'encontre de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français.
8. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre.
9. M. A...fait l'objet d'une mesure d'éloignement qui est susceptible d'être exécutée à tout moment s'il est de nouveau interpellé. Il justifie d'une scolarisation sur le territoire français depuis 2004, et suit actuellement un enseignement au Lycée Younoussa Bamana dans l'académie de Mayotte en 1ère " sciences et technologies du management et de la gestion " et il est hébergé à titre gratuit comme l'atteste M.D.... Il ressort des pièces du dossier que son père réside de façon régulière à Mayotte et que l'un de frère est français. Ainsi, alors même qu'il n'aurait bénéficié d'aucune autorisation de séjour, en l'absence de démarche de sa part, l'ancienneté de sa présence sur le territoire, au regard des effets de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une période de trois années, ne permet pas de regarder sa demande, dans les circonstances de l'espèce, comme dépourvue de caractère d'urgence.
En ce qui concerne les moyens propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :
10. Aux termes du III de l'article de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence des cas prévus au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans. "
11. Il ressort des pièces du dossier que pour prononcer à l'encontre de M. A...une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de trois ans, le préfet de Mayotte s'est nécessairement fondé dans sa correspondance du 22 mars 2018 sur le quatrième alinéa du III de l'article L. 511-1 précité puisque cette autorité relève que l'intéressé a fait l'objet, le même jour d'une mesure d'éloignement pour laquelle aucun délai de départ volontaire ne lui a été accordé. Toutefois, il ressort expressément des termes de l'arrêté préfectoral 4453/2018/DIIC/SMI/DDSP du 22 mars 2018 que M. A...a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français pour l'exécution de laquelle une délai de trente jours lui était accordé à compter de la notification de l'arrêté précité. Or en application des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque l'obligation de quitter le territoire français est assortie d'un délai de départ volontaire, l'autorité administrative ne peut prononcer l'interdiction de retour que pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification, prenant effet à l'expiration du délai de départ volontaire. Ainsi, l'interdiction de retour en litige, prononcée pour une durée de trois ans prenant effet à compter de sa notification, ne saurait légalement se fonder sur l'obligation de quitter le territoire français prononcée le 22 mars 2018 à l'égard de M.A.... Ainsi, il existe un doute sérieux quant à la légalité de cette mesure d'interdiction de retour du territoire français.
12. Il résulte de ce qui précède que les conditions fixées par l'article L. 521-1 du code de justice administrative étant satisfaites, M. A...est fondée à demander la suspension de l'arrêté du 22 mars 2018 du préfet de Mayotte en tant qu'il porte une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de trois ans.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt n'implique pas qu'il soit enjoint au préfet de Mayotte de procéder à un examen de la situation de M. A...et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation de séjour lui permettant de travailler. Par suite, les conclusions présentées par M. A... à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que le conseil du requérant, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à ce dernier de la somme de
1 000 euros.
ORDONNE :
Article 1er : M. A...est admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : L'exécution de l'arrêté du préfet de Mayotte du 22 mars 2018 prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une période de trois années est suspendu jusqu'à ce qu'il soit statué par la cour sur la requête n° 18BX02515.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera à Me C...la somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve que ce dernier renonce à percevoir le bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B...A..., à Me C...et au ministre d'état, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de Mayotte
Fait à Bordeaux, le 21 août 2018.
Gil E...
La République mande et ordonne au ministre d'état, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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No 18BX02514