Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par trois requêtes distinctes, la société Distrivit a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner l'Etat à lui rembourser la somme de 3 599 406 euros, assortie des intérêts moratoires, représentant le crédit de taxe à la valeur ajoutée qu'elle a acquittée au titre des mois de mars 2012 à août 2012, de prononcer la décharge des rappels de TVA qui lui ont été réclamés pour un montant de 807 727 euros en principal et de 64 618 euros en majoration et d'ordonner au Trésor Public de lui rembourser une somme de 968 617 euros, représentant la TVA déductible de 2010.
Par un jugement n°1300394, 1300395 et 1300396 du 16 février 2016, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 avril 2016 et 17 janvier 2017, la société Distrivit, rereprésentée par Me B...et MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 16 février 2016 ;
2°) d'annuler la décision d'admission partielle en date du 18 février 2013 sauf en ce qu'elle fait droit au remboursement de la somme de 798 818 euros ;
3°) de faire droit à sa demande de remboursement de la somme de 3 599 406 euros, assortie des intérêts moratoires ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché de contradiction en ce qui concerne l'étendue du litige : tantôt il considère que le litige porte sur la somme de 2 415 397 euros tantôt sur la somme de 2 089 429 euros ; en tout état de cause, sa réclamation préalable portait sur le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de 3 599 406 euros ;
- il convient de faire une distinction entre sa qualité d'importateur, au titre de laquelle elle acquitte et déduit la taxe sur la valeur ajoutée à l'importation, et sa qualité de revendeur de tabacs au titre de laquelle elle est dispensée de collecter la taxe sur la valeur ajoutée en application de la doctrine et de la jurisprudence ;
- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ne sont fondés sur aucune disposition législative ou réglementaire ; en application de l'article 298 quaterdecies et 294 du code général des impôts, les importations de tabacs dans les départements d'outre mer sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée et la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par les opérateurs lors de l'importation de tabacs manufacturés est déductible conformément à l'article 298 quindecies du code général des impôts ; en revanche, en application de l'article 298 sexdecies, les marges commerciales postérieures à la fabrication ou à l'importation demeurent... ; cette instruction garantit l'absence totale de taxe sur la valeur ajoutée sur les reventes postérieures aux importations ; toute interprétation contraire reviendrait à méconnaître les dispositions de l'article L. 80 du livre des procédures fiscales ; cette lecture est celle retenue en Martinique ; sauf à méconnaître les principes de confiance légitime et de sécurité juridique, l'administration qui n'a jamais remis en cause l'absence de taxation, ne peut adopter à présent une position différente ;
- la détermination par l'administration d'un prix de revient des marchandises sur la base des documents d'importation, qui aurait pour but de prendre en compte le fait que les marges commerciales postérieures à la fabrication et à l'importation sont exclues de la taxe sur la valeur ajoutée, est dépourvue de toute base légale ; admettre le contraire reviendrait pour le législateur à méconnaître la compétence qui lui est dévolue par l'article 34 de la constitution ; l'article 298 sexdecies ne précise ni le fait générateur ni l'assiette et la notion de marge commerciale ne fait l'objet d'aucune définition légale ; aucune disposition du code général des impôts ne renvoie à la définition de la notion de marge commerciale retenue par l'Autorité des normes comptables ; dans le silence de la loi, elle ne pouvait que se référer à la doctrine de l'administration, opposable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
- elle se trouve dans une situation en tous points identiques à celle de la société Somaf dont le tribunal administratif a eu à connaître dans l'affaire n° 1200417 du 24 avril 2015 et ne peut ainsi être tenue d'une quelconque collecte de taxe sur la valeur ajoutée sur les reventes de tabacs manufacturés ;
- le tribunal administratif a considéré à tort que la doctrine précitée, qui prévoit la non imposition des négociants, ne serait applicable qu'à la condition que les importateurs-négociants n'exercent pas leur droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ; la jurisprudence du Conseil d'Etat (Distrivit) a validé la déduction de taxe sur la valeur ajoutée acquittée par les opérateurs à l'importation des tabacs manufacturés alors même que les ventes subséquentes de l'importateur aux distributeurs n'avaient pas été soumises à la taxe sur la valeur ajoutée en application de la doctrine administrative référencée 3G-261 ; la haute juridiction confirme ainsi le principe dégagé par sa décision n° 2049 du 3 novembre 1978, Société touristique et hôtelière de Divonne-les-Bains.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 octobre 2016 et 18 janvier 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le tribunal administratif était tenu de déclarer irrecevables les conclusions tendant à la décharge des droits et pénalités auxquels la société a été assujettie pour 872 345 euros dès lors qu'elles avaient le même objet et la même cause juridique que celles qu'il a tranchées dans son jugement n° 1301462-1301463 du 4 février 2016 ;
- par l'instruction dont se prévaut la requérante, l'administration n'a pas renoncé à percevoir la taxe sur les ventes de tabacs ; elle a seulement subordonné la non-perception de taxe sur la valeur ajoutée à la renonciation par les redevables de leur droit à déduction correspondant ; à défaut, elle est en droit, non pas de remettre en cause le droit à déduction pratiquée, mais de procéder au rappel de la taxe sur la valeur ajoutée collectée à tort ;
- en faisant valoir son droit à déduction en amont, lors de sa demande de remboursement, la société requérante a entendu expressément se placer sur le terrain de la loi fiscale et ne plus se conformer à l'instruction 3 G-261 ; dès lors qu'elle n'en remplit plus les conditions, la société requérante ne saurait invoquer la doctrine administrative ;
- la dispense de fait de la taxe prévue par la doctrine administrative, à laquelle en tout état de cause la requérante a entendu renoncer, ne saurait faire obstacle à la taxation des opérations légalement passibles de la taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 298 quaterdecies du code général des impôts ;
- le jugement rendu par le tribunal administratif de la Guadeloupe le 7 mai 2014, n° 1200417, SAS Somaf dont se prévaut la requérante, fait l'objet d'un recours devant la cour administrative d'appel de Bordeaux ;
- l'administration a soumis à la taxe sur la valeur ajoutée les opérations de vente de tabacs réalisés par la société requérante en application des dispositions combinées des articles 298 quaterdecies et 298 sexdecies du code général des impôts ; pour tenir compte de l'exclusion de la taxe sur la valeur ajoutée des marges commerciales postérieures à l'exportation, le service a retenu comme base d'imposition un prix de revient des marchandises tel qu'il ressortait des documents d'importation ;
- la notion de marge commerciale a été précisée par l'autorité de normes comptables ; l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux opérations portant sur les tabacs manufacturés est ainsi définie précisément ;
- les conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires sont irrecevables en l'absence de litige né et actuel entre le comptable et la société requérante concernant lesdits intérêts.
Par un mémoire distinct, enregistré le 3 juin 2016, déposé au titre des articles 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 modifiée du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et R. 771-3 du code de justice administrative, la société Distrivit demande qu'une question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article 298 sexdecies du code général des impôts soit transmise au Conseil d'Etat en vue de son examen par le Conseil constitutionnel.
Elle soutient que :
- l'article 298 sexdecies du code général des impôts constitue le fondement des impositions contestées ;
- cet article n'a pas déjà été déclaré conforme à la Constitution ;
- la question de la constitutionnalité de cet article présente un caractère sérieux : en effet, alors que l'article 34 de la Constitution prescrit que la loi fixe les règles concernant l'assiette des impositions, les dispositions de l'article 298 sexdecies se borne à exclure de la base imposable à la TVA les " marges commerciales postérieures à la fabrication ou à l'importation " des tabacs manufacturés sans aucunement définir les modalités de calcul des marges ainsi exclues de la base d'imposition et ce, en dépit de la grande incertitude qui affecte la notion de marge ; en raison de leur imprécision et de leur manque d'intelligibilité, ces dispositions portent atteinte au principe de légalité de l'impôt découlant de l'article 34 de la Constitution et des articles 14 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration, à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi découlant des articles 4, 5, 6, 14 et 16 de ladite Déclaration et aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime découlant de l'article 16 de la Déclaration.
Par une ordonnance du 15 juin 2016, le président de la 4ème chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux a décidé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat cette question prioritaire de constitutionnalité.
Par ordonnance du 18 décembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 29 janvier 2018 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
-le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marianne Pouget,
- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant la société Distrivit et M. C...représentant le ministre de l'action et des comptes publiques.
Une note en délibéré présentée par la société Distrivit a été enregistrée le 27 juin 2018.
Considérant ce qui suit :
1. La société Distrivit exploite une activité de commerce de gros de produits à base de tabacs et à ce titre importe du tabac en Guadeloupe et le revend à des distributeurs locaux. Par un courrier du 7 septembre 2012, elle a sollicité le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a constaté dans ses écritures pour une somme de 3 599 406 euros au titre des mois de mars, mai, juin, juillet et août 2012, correspondant notamment à la TVA acquittée lors de l'importation des tabacs manufacturés. Par une proposition de rectification en date du 14 septembre 2012 faisant suite à un contrôle sur pièces au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010, le service a indiqué à la société qu'en raison de son omission de collecte de la taxe à la valeur ajoutée sur les ventes de tabacs manufacturés qu'elles avaient réalisées, il était amené à opérer au titre de l'année 2010 un rappel des droits d'un montant de 968 617 euros qui autorisait la mise en recouvrement de droits d'un montant de 872 345 euros en principal et pénalités compte tenu du crédit de taxe constaté au bénéfice de la société au 31 décembre 2010. Par une requête enregistrée sous le n° 13000395, la société requérante a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe la décharge des impositions mises en recouvrement et le remboursement de la TVA déductible afférente à l'année 2010 à concurrence de la somme de 968 817 euros.
2. La société Distrivit a également fait l'objet d'une vérification de comptabilité du 15 juin 2012 au 2 août 2012 en matière de TVA à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié, par proposition de rectification du 14 septembre 2012, des rappels d'un montant total de 2 250 319 euros. Compte tenu des redressements opérés, le crédit de TVA dont pouvait bénéficier la société requérante au 31 août 2012 a été fixé par l'administration à 798 818 euros. Par deux requêtes enregistrées sous le n° 1300394 et sous le n° 1300396, la société Distrivit a contesté la décision de rejet partiel intervenue le 18 février 2013 de sa réclamation en date du 7 septembre 2012 et demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de lui rembourser la somme de 2 415 397 euros, représentant le montant du crédit de TVA dont elle s'estimait bénéficiaire au 31 août 2012.
3. Par un jugement n° 1300394, 1300395, 13000396 du 16 février 2016, dont la société requérante interjette appel, le tribunal administratif a rejeté ces demandes.
Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ayant entraîné le rejet partiel de la demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée :
4. La société Distrivit fait valoir que l'administration ne pouvait opérer les rappels de la taxe sur la valeur ajoutée dès lors qu'elle n'était pas tenue de facturer la TVA aux négociants qui lui ont acheté les tabacs en litige, ainsi que le prévoyait l'instruction administrative 3-G-261 du 1er septembre 1998, et que, même si elle n'a pas collecté la TVA, l'administration ne pouvait remettre en cause son droit de déduire la TVA acquitté lors des importations de tabacs.
5. Il y a lieu, toutefois, de statuer au préalable sur le bien-fondé des rappels en litige au regard de la loi fiscale.
Sur le terrain de la loi fiscale :
6. Aux termes de l'article 298 quaterdecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. Les opérations portant sur les tabacs manufacturés sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée dans les conditions de droit commun, sous réserve des dispositions ci-après./ II. Le fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux ventes dans les départements de France continentale de tabacs manufacturés est celui qui est prévu à l'article 575 C (relatif à la mise à la consommation). / La taxe est assise sur le prix de vente au détail, à l'exclusion de la taxe sur la valeur ajoutée elle-même. / Elle est acquittée par le fournisseur dans le même délai que le droit de consommation ". Aux termes de l'article 298 sexdecies du même code : " Dans les départements de la Réunion, de la Martinique et de la Guadeloupe, les marges commerciales postérieures à la fabrication ou à l'importation demeurent... ". En vertu de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de l'article 15 de la loi du 24 mai 1976 dont elles sont issues, en Corse et dans les départements d'outre-mer, les opérations portant sur les tabacs manufacturés sont, à chacun des stades du circuit de commercialisation, soumises à la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle sont soumises les ventes de tabacs manufacturés réalisées dans les conditions du droit commun. Demeurent.exclues de la taxe sur la valeur ajoutée et selon l'instruction fiscale 3 G-261 du 1er septembre 1998, les négociants grossistes, dépositaires, détaillants ou débitants qui opèrent la distribution des tabacs ne doivent pas être recherchés en paiement de la taxe
7. Il résulte de ce qui précède que, même si les marges commerciales que la société a réalisées à la revente étaient exclues de l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée, la société aurait néanmoins dû facturer et collecter la TVA, établie par conséquent sur le seul prix de revient des tabacs, aux opérateurs auxquels elle les a revendus, dès lors que ces opérations étaient soumises à la TVA en application des dispositions précitées du code général des impôts.
8. Il résulte encore de l'instruction que l'administration, en opérant les rappels de la TVA non collectée, n'a nullement remis en cause le droit de déduction de la taxe ayant grevé les importations des tabacs ensuite revendus dont la société était fondée à se prévaloir sur le fondement de l'article 271 du code général des impôts dès lors que ces opérations étaient soumises à la TVA.
9. Par suite, au regard de la loi fiscale, la société n'est pas fondée à contester le bien-fondé des rappels de taxe et du rejet d'une partie de sa demande de remboursement de taxe qui procèdent d'une exacte application de la loi fiscale précitée.
Sur le terrain de la doctrine administrative :
10. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " (...) Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...)".Si ces dispositions instituent une garantie contre les changements de doctrine de l'administration, qui permet aux contribuables de se prévaloir des énonciations contenues dans les notes ou instructions publiées, qui ajoutent à la loi ou la contredisent, c'est à la condition que les intéressés entrent dans les prévisions de la doctrine, appliquée littéralement, résultant de ces énonciations. Les contribuables ne peuvent se prévaloir utilement, sur le fondement de l'article L. 80A précité, d'une partie seulement d'une telle doctrine dont les éléments, bien qu'énoncés successivement, sont indissociables.
11. Sur le fondement de ces dispositions, la société Distrivit se prévaut de l'instruction 3G-261 du 1er septembre 1998 publiée au paragraphe 3-g-26 du bulletin officiel de la direction générale des impôts selon laquelle : " 1. Dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion où la législation sur les taxes sur le chiffre d'affaires a été introduite, les tabacs manufacturés sont soumis à la TVA dans les conditions ci-après. 10. Dans ces départements, les marges commerciales postérieures à la fabrication ou à l'importation sont, aux termes de l'article 298 sexdecies du code général des impôts, exclues de la TVA. Il en résulte que les négociants grossistes, dépositaires, détaillants ou débitants qui opèrent la distribution des tabacs ne doivent pas être recherchés en paiement de la taxe. 20. La TVA est exigible soit à l'importation, soit à l'issue de la fabrication, c'est-à-dire à la sortie des tabacs manufacturés des établissements de production.30. Le taux applicable aux tabacs est le taux normal applicable dans les DOM.40 Les fabricants exercent leurs droits à déduction par imputation sur la taxe due à l'issue des opérations de fabrication des tabacs et, le cas échéant, la fraction non imputable de ces droits peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions fixées aux articles 242 OA et suivants de l'annexe II au code général des impôts. Dans la mesure où ils sont dispensés du paiement de la TVA, les négociants qui opèrent la distribution des tabacs dans les départements d'outre-mer ne peuvent prétendre à aucun droit à déduction ".
12. Si cette instruction retient une interprétation différente de la loi fiscale, en ce qu'elle exclut les ventes de tabacs importés du champ d'application de la TVA, les contribuables ne peuvent se prévaloir utilement, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, d'une partie seulement d'une telle doctrine dont les éléments, bien qu'énoncés successivement, sont indissociables. Dès lors que la société a revendiqué le droit à déduction de la taxe acquitté à l'importation des tabacs, elle a entendu placer ses ventes dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, excluant par là-même le bénéfice de la doctrine précitée selon laquelle l'exclusion de la taxation des tabacs à la revente en Guadeloupe avait pour contrepartie la renonciation au droit de déduction de la taxe acquittée à l'importation des tabacs. En d'autres termes, la société ne peut en même temps prétendre au bénéfice des dispositions de l'instruction précitée excluant les ventes de tabac du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée pour contester les rappels de la TVA qu'elle n'a pas collectée lors de telles ventes, tout en réclamant le remboursement de la taxe ayant grevé ses importations alors que l'exclusion de toute créance de TVA énoncée par l'instruction est indissociable de l'exclusion des ventes de tabacs du champ d'application de la taxe et de la collecte de la taxe.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Distrivit n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant au versement des intérêts moratoires :
12. Aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés (exclues de la taxe sur la valeur ajoutée et selon l'instruction fiscale 3 G-261 du 1er septembre 1998, les négociants grossistes, dépositaires, détaillants ou débitants qui opèrent la distribution des tabacs ne doivent pas être recherchés en paiement de la taxe) ".
13. En l'absence, tant devant le tribunal administratif qu'en appel, de litige né et actuel relatif à un refus de paiement des intérêts moratoires dus au contribuable au titre de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, les conclusions de la société Distrivit tendant au paiement de ces intérêts sont sans objet et, par suite, irrecevables.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance soit condamné à verser à la société Distrivit la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Distrivit est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Distrivit et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 22 juin 2018 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
Mme Marianne Pouget, président-assesseur,
Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 8 août 2018.
Le rapporteur,
Marianne Pouget
Le président,
Philippe Pouzoulet
Le greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publiques en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX01249