Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Somaf a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe, de condamner l'Etat à lui rembourser le crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de
2 114 861 euros qu'elle détenait au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 mars 2011.
Par un jugement n° 1200417 du 23 avril 2015, le tribunal administratif de la Guadeloupe a accordé à la société le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 2 114 861 euros et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par un recours et un mémoire enregistrés le 12 août 2015 et le 22 septembre 2016, le ministre des finances et des comptes publics, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 7 mai 2015 en tant qu'il a accordé à la société Somaf le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de 2 114 861 euros.
2°) de rejeter la demande susmentionnée de la société Somaf.
Il soutient que :
- le 5 juillet 2011 la société Somaf a sollicité sur le fondement de la décision du Conseil d'Etat " Distrivit " du 26 novembre 2002 la restitution de la somme de
2 264 312 euros correspondant aux droits qu'elle aurait acquittés à tort au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 mars 2011 du fait de son ignorance de son droit à déduction de la TVA sur ses importations de tabacs manufacturés en outre mer ; cette demande a été rejetée au motif que l'administration a appliqué une compensation entre la somme demandée correspondant à la TVA acquittée à tort au titre des importations de tabac manufacturés et la TVA relative aux opérations de vente de tabacs manufacturés que la société a réalisées et pour lesquelles elle n'a pas collecté de TVA ; pour contester cette compensation, la société Somaf invoque la doctrine 3 G-261 du 1er septembre 1998 et la décision Distrivit précitée ; or contrairement à ce qu'elle soutient et à ce qu'ont retenus les premiers juges, il ne résulte nullement de la doctrine précitée que l'administration aurait renoncé à percevoir la TVA sur les vente de tabacs ; en effet, l'administration a subordonné la non perception de la TVA sur les ventes de tabacs à la renonciation par les redevables, de leur droit à déduction correspondant ; ainsi la société Somaf doit être regardée comme ayant renoncé à son droit à déduction en ne percevant pas en amont la TVA correspondante sur les importations de
tabac ; ainsi la dispense de taxe prévue par la doctrine précitée à laquelle la société Somaf a entendu renoncer ne peut faire obstacle à la taxation des ventes de tabacs manufacturés prévue par les dispositions des articles 298 quaterdecies du code général des impôts par l'application de la compensation prévue par l'article L. 203 du livre des procédures fiscales ; en l'espèce l'omission de la collecte de TVA sur les ventes de tabacs est apparue au service pendant l'instruction de la demande de remboursement de la taxe ; par suite l'administration pouvait à bon droit procéder à la compensation entre le droit à déduction de la société Somaf et les insuffisances constatées en matière de TVA collectée ; le tribunal a commis une erreur de droit en jugeant le contraire ;
- c'est seulement dans sa réclamation que la société Somaf a révélé son choix de ne plus se conformer à la doctrine précitée ; il ne résulte d'aucune disposition que l'article L. 203 du livre des procédures fiscales ne peut être mis en oeuvre dans le cas d'une demande de restitution d'une taxe spontanément acquittée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2015, la société Somaf, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête du ministre.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le ministre n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caroline Gaillard ;
- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public ;
- et les observations de Me B...représentant la société Somaf.
Considérant ce qui suit :
1. La société par action simplifiée (SAS) Somaf exploite une activité de commerce de gros de produits à base de tabacs et, à ce titre, importe du tabac en Guadeloupe et le revend à des distributeurs locaux. Par réclamation du 5 juillet 2011 complétée le 6 février 2012, elle a sollicité le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a constaté dans ses écritures pour une somme de 2 114 861 euros au titre de la période du 1er janvier 2007 au
31 mars 2011. Par une décision du 12 avril 2012, l'administration a rejeté sa demande après avoir procédé à la compensation, sur le fondement de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, entre les droits de taxe sur la valeur ajoutée déductibles dont elle reconnaissait le bien-fondé à hauteur de 2 264 312 euros et des insuffisances d'imposition au titre de la taxe sur la valeur ajoutée pour la même période à hauteur de 2 264 312 euros en raison de l'omission de la collecte de la même taxe à l'occasion de la revente des tabacs manufacturés. Par un jugement du 23 avril 2015, dont le ministre relève appel, le tribunal administratif de la Guadeloupe a accordé à la société Somaf le remboursement d'un crédit de taxe à la valeur ajoutée d'un montant de 2 114 861 euros.
2. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I-1 La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération ". Par application des dispositions du IV du même article, les entreprises peuvent obtenir le remboursement des taxes déductibles dont l'imputation n'a pas pu être opérée. Aux termes de l'article 298 quaterdecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. Les opérations portant sur les tabacs manufacturés sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée dans les conditions de droit commun, sous réserve des dispositions ci-après. / II. Le fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux ventes dans les départements de France continentale de tabacs manufacturés est celui qui est prévu à l'article 575 C (relatif à la mise à la consommation). / La taxe est assise sur le prix de vente au détail, à l'exclusion de la taxe sur la valeur ajoutée elle-même. / Elle est acquittée par le fournisseur dans le même délai que le droit de consommation ". Aux termes de l'article 298 sexdecies du même code : " Dans les départements de la Réunion, de la Martinique et de la Guadeloupe, les marges commerciales postérieures à la fabrication ou à l'importation demeurent... ".
4. Aux termes des dispositions de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l' imposition contestée entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l 'instruction de la demande ". Ces dispositions s'appliquent lorsqu'il est demandé le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée.
5. Il résulte de l'instruction que par réclamation du 5 juillet 2011, la société Somaf a sollicité le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ses importations au titre des années 2007 à 2011 à hauteur de la somme de 2 114 861 euros qu'elle estime avoir réglée à tort. Sur le fondement de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, l'administration a procédé à une compensation entre les droits de taxe sur la valeur ajoutée déductibles dont elle a admis le bien-fondé à hauteur de la somme de 2 264 312 euros et le montant de la taxe sur la valeur ajoutée que la société aurait dû collecter à l'occasion des opérations de vente des tabacs manufacturés en appliquant à ces opérations de vente, la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix de revient tel qu'il ressortait des documents d'importation après exclusion de la marge commerciale postérieure à l'importation, évaluée à 2 264 312 euros.
6. Toutefois, il résulte de l'instruction que le non assujettissement des opérations de vente des tabacs manufacturés réalisées par la société Somaf résulte d'une volonté délibérée de l'administration de renoncer à percevoir la taxe à la valeur ajoutée, exprimée antérieurement à la réclamation du 12 janvier 2012 et fondée sur sa doctrine résultant de l'instruction 3 G-261 du 1er septembre 1998 publiée au paragraphe 3-G-26 du Bulletin officiel de la direction générale des impôts en vertu de laquelle : " 1. Dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion où la législation sur les taxes sur le chiffre d'affaires a été introduite, les tabacs manufacturés sont soumis à la TVA dans les conditions ci-après. 10. Dans ces départements, les marges commerciales postérieures à la fabrication ou à l'importation sont, aux termes de l'article 298 sexdecies du CGI, exclues de la TVA. Il en résulte que les négociants grossistes, dépositaires, détaillants ou débitants qui opèrent la distribution des tabacs ne doivent pas être recherchés en paiement de la taxe. 20. La TVA est exigible soit à l'importation, soit à l'issue de la fabrication, c'est-à-dire à la sortie des tabacs manufacturés des établissements de production. 30. Le taux applicable aux tabacs est le taux normal applicable dans les DOM.40. Les fabricants exercent leurs droits à déduction par imputation sur la taxe due à l'issue des opérations de fabrication des tabacs et, le cas échéant, la fraction non imputable de ces droits peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions fixées aux articles 242 OA et suivants de l'annexe II au CGI. Dans la mesure où ils sont dispensés du paiement de la TVA, les négociants qui opèrent la distribution des tabacs dans les départements d'outre-mer ne peuvent prétendre à aucun droit à déduction ". Par suite, comme le tribunal administratif l'a estimé à bon droit, le non assujettissement par la requérante de ses opérations de vente à la taxe sur la valeur ajoutée ne peut être regardée comme une insuffisance ou omission constatée au cours de l'instruction de sa réclamation.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a accordé à la société Somaf le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de
2 114 861 euros.
DECIDE :
Article 1er : Le recours du ministre de l'action est des comptes publics est rejeté.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Somaf et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera délivrée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 3 juillet 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président,
Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 août 2018.
Le rapporteur,
Caroline Gaillard
Le président,
Marianne PougetLe greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 15BX02801