Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2018 par lequel le préfet du Tarn a décidé de le remettre aux autorités bulgares, responsables de l'examen de sa demande d'asile.
Par un jugement n° 1800964 du 14 mars 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 25 janvier 2018 décidant le transfert de M. B...aux autorités bulgares, a enjoint au préfet du Tarn de réexaminer la demande de l'intéressé dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 mars 2018, le préfet du Tarn demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 14 mars 2018 et de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- contrairement à ce que le premier juge a estimé, l'arrêté en litige n'est entaché d'aucun défaut de motivation ; les considérants de faits de cet acte administratif précisent que M. B... avait fait l'objet de relevés d'empreintes digitales, codées 1 dans le système central Eurodac, en Bulgarie le 20 janvier 2016, puis en Autriche le 22 octobre 2017 et en Allemagne le 27 octobre 2017 ; or, l'article 24-4 du règlement n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 prévoit que la catégorie 1 désigne les demandeurs de protection internationale ; ainsi, l'intéressé ayant présenté sa première demande d'asile en Bulgarie, la décision attaquée est conforme aux dispositions de l'article 7 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, qui fixe la hiérarchie des critères de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile ; la décision de transfert est dûment motivée en droit dès lors qu'elle a été édictée sur le fondement de l'article 18-1 b) du règlement Dublin ; la demande de reprise en charge de M. B...transmise aux autorités bulgares a bien été présentée sur la base de ces dispositions, de même que l'accord donné par ces mêmes autorités ; ainsi que l'impose l'article 13-2 du règlement Dublin III, il a été vérifié et constaté que M. B... n'avait pas quitté la Bulgarie depuis plus d'un an ;
- les autres moyens soulevés en première instance par M. B...à l'encontre de l'arrêté contesté ne sont pas fondés ;
- l'auteur de la décision litigieuse disposait d'une délégation régulière ;
- l'arrêté n'est entaché d'aucune erreur de droit concernant la détermination de l'Etat responsable de la demande d'asile de M.B... ; dès lors que l'intéressé avait présenté pour la fois une demande de protection internationale en Bulgarie, ce pays était responsable de l'examen de cette demande ; cette décision respecte les dispositions de l'article 23-33 du règlement (UE) n° 604/2013, aucune raison humanitaire ne justifiant la prise en charge de sa demande par la France ;
- l'obligation d'information a été remplie puisque M.B... a reçu, avant l'édiction de la décision de transfert, l'ensemble des documents prévus par les textes ainsi qu'en atteste notamment l'apposition de sa signature sur la première page de chacune des brochures remises lors de son entretien individuel, le 9 novembre 2017 ;
- M. B...ne démontre pas que sa demande d'asile ne pourrait pas être réexaminée en Bulgarie, si tant est qu'elle ait déjà été rejetée dans ce pays, ainsi que l'affirme l'intéressé, ni que les autorités bulgares le renverraient en Afghanistan ; il n'établit pas encourir de risques particuliers dans ce dernier pays ; il n'est ainsi pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il ne s'est pas placé en situation de compétence liée pour édicter son arrêté mais a recherché si la demande d'asile pouvait être prise en compte par les autorités françaises au titre des articles 16 et 17 du règlement Dublin III ;
- M. B...n'est pas davantage fondé à soutenir qu'il a méconnu l'article 3-2 du même règlement ; la jurisprudence européenne relative à l'application de cet article ne concerne pas la Bulgarie ; par ailleurs, il appartient aux demandeurs d'asile d'établir qu'ils ont été victimes de mauvais traitements ; des allégations imprécises et non étayées sur leurs conditions de séjour ne sont pas estimées suffisantes ; l'annulation d'une décision de remise aux autorités bulgares ne saurait être motivée par la seule référence à des documents généraux ; il appartenait à M. B...de produire des éléments personnels et probants de nature à prouver qu'il risquait de subir des traitements inhumains ou dégradants en Bulgarie.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 mai 2018, M.B..., représenté par Me A..., demande à la cour de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, à titre principal, de prononcer un non-lieu à statuer sur la requête du préfet du Tarn ou, à titre subsidiaire, de rejeter cette requête et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ainsi que les entiers dépens.
Il soutient que :
- les conclusions de la requête sont devenues sans objet dès lors que le préfet lui a remis un dossier de demande d'asile à adresser à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ainsi qu'une attestation de demande d'asile " procédure accélérée " ;
- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé ; d'une part, il ne comporte aucune indication des faits de nature à justifier le refus de faire application à sa situation des articles 17-1 et 17-2 du règlement (UE) n° 604/2013 ; d'autre part, aucun élément de droit ou de fait ne lui permet d'identifier le critère retenu par l'autorité préfectorale pour déterminer l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, en l'espèce la Bulgarie, alors que ses empreintes ont été relevées dans plusieurs Etats membres ;
- il est entaché d'un défaut d'examen circonstancié de sa situation personnelle ;
- il méconnaît l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 car le préfet ne démontre pas qu'il a eu connaissance des éléments d'information prévus par ce texte ;
- il a été pris en méconnaissance de l'article 5 du règlement communautaire n° 604/2013 ; l'entretien individuel est affecté d'une irrégularité qui a préjudicié à ses droits et l'a privé d'une garantie fondamentale ; le compte rendu de cet entretien ne mentionnant pas la personne qui l'a mené et n'étant pas signé, il ne peut s'assurer qu'il a été réalisé par une personne qualifiée ;
- le préfet n'a pas exercé son pouvoir d'appréciation afin de vérifier si sa situation personnelle et familiale lui permettait de bénéficier des dispositions des articles 17-1 et 17-2 du règlement (UE) n° 604/2013 autorisant l'Etat à examiner une demande d'asile relevant de la compétence d'un autre Etat ; il s'est estimé lié par la circonstance que la demande d'asile semblait relever de la compétence des autorités bulgares ;
- la décision en litige procède d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'application des articles 17-1 et 17-2 du règlement (UE) n° 604/2013 ; il est constant que le système de demande d'asile de la Bulgarie est défaillant aussi bien dans les conditions d'accueil que de traitement des demandes de protection ; en janvier 2014, le haut-commissariat aux réfugiés a recommandé la suspension temporaire des réadmissions vers la Bulgarie ; dans un rapport daté du mois d'août 2016, le haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme a dénoncé la détention quasi-systématique et sur de longues durées des étrangers entrés irrégulièrement dans ce pays ; ces mêmes constatations ressortent du rapport annuel 2016-2017 établi par Amnesty international ; le Conseil d'Etat italien a décidé le 3 novembre 2017 que la Bulgarie n'était pas un pays sûr pour les demandeurs d'asiles " dublinés " ; des cas de refoulement, d'intimidation, de violence physique et de refus d'entrée à la frontière continuent d'être signalés en 2018 ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il encourt des risques de traitements inhumains et dégradants dès lors que les autorités bulgares vont le renverront en Afghanistan, pays où il se trouvera en danger.
Par une ordonnance du 28 mai 2018, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 7 juin 2018 à 12 heures.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 juin 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (CE) 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié ;
- le règlement d'exécution (UE) n ° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n ° 1560/2003 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Sabrina Ladoire a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant afghan né le 20 novembre 1991, déclare être entré irrégulièrement sur le territoire français le 1er novembre 2017. Le 9 novembre 2017, il a déposé une demande d'asile auprès de la préfecture de police de Paris. Les recherches sur le fichier européen " Eurodac " ont révélé que les empreintes de l'intéressé avaient déjà été enregistrées en Bulgarie le 20 janvier 2016 sous une autre identité, ainsi qu'en Autriche le 22 octobre 2017, puis en Allemagne le 27 octobre 2017. Les autorités bulgares, saisies d'une demande de reprise en charge de l'intéressé le 13 novembre 2017, ont explicitement accepté, le 14 novembre 2017, le transfert de M.B.... Par un arrêté du 25 janvier 2018, le préfet du Tarn a décidé la remise de l'intéressé aux autorités bulgares responsables de l'examen de sa demande d'asile. Le préfet du Tarn relève appel du jugement du 14 mars 2018 par lequel le magistrat désigné par le Président du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté et lui a enjoint de réexaminer la demande de M. B...dans un délai de quinze jours.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Par une décision du 7 juin 2018, M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, sa demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle est devenue sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur l'exception à fin de non-lieu à statuer :
3. Le préfet du Tarn, qui interjette appel du jugement annulant son arrêté
du 25 janvier 2018 portant transfert aux autorités bulgares de M.B..., ne peut être regardé comme ayant entendu donner définitivement satisfaction à M. B...au motif qu'il a, postérieurement à l'enregistrement de sa requête et en exécution du jugement contesté, autorisé l'intéressé à déposer sa demande d'asile en France en lui délivrant, le 12 avril 2018, une attestation de demande d'asile suivant la procédure accélérée. Par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué du 14 mars 2018 auraient perdu leur objet.
Sur la légalité de l'arrêté du 25 janvier 2018 :
4. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 dit " Dublin III ": " Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 20 de ce règlement : " Le processus de détermination de l'État membre responsable commence dès qu'une demande de protection internationale est introduite pour la première fois auprès d'un État membre ". Le paragraphe 1 de l'article 18 dudit règlement dispose : " L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre.".
5. Le jugement attaqué a annulé l'arrêté du 25 janvier 2018 au motif qu'il ne permettrait pas de déterminer sur quel critère le préfet s'est fondé pour estimer la Bulgarie responsable de l'examen de la demande d'asile de M.B..., et serait en conséquence insuffisamment motivé. Toutefois, si l'arrêté en litige mentionne que les empreintes digitales de l'intéressé avaient été relevées dans des pays différents, en premier lieu en Bulgarie le 20 janvier 2016, en deuxième lieu en Autriche le 22 octobre 2017, et en dernier lieu en Allemagne le 27 octobre 2017, il précise également qu'elles relèvent toutes de la catégorie 1. Cette mention révèle que M. B... a déposé une demande de protection internationale dans ces trois pays et pour la première fois en Bulgarie, ainsi qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier, et en particulier du document émanant de la direction générale des étrangers en France (direction de l'asile) daté du 9 novembre 2017, indiquant les résultats de la comparaison des empreintes de l'intéressé avec celles figurant dans le système Eurodac. Le préfet, qui a rappelé qu'il s'agissait d'une demande de reprise en charge de M.B..., a visé les dispositions du d du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 relatives au cas dans lequel l'Etat membre responsable de la demande d'asile a rejeté cette demande et sur lesquelles se fonde la décision en litige. Par suite, ces mentions permettaient d'appréhender les éléments de fait et de droit de nature à identifier le critère retenu par le préfet du Tarn pour déterminer l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile de l'intéressé. Dès lors, c'est à tort que le premier juge a annulé l'arrêté préfectoral du 25 janvier 2018 en retenant le moyen tiré de son insuffisance de motivation.
6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... à l'encontre de la décision ordonnant son transfert aux autorités bulgares.
7. L'arrêté attaqué vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention de Genève du 28 juillet 1951, les règlements (UE) n° 604/2013 et n°118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n°1560/2003 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il fait état de ce que M. B... a déposé, le 1er novembre 2017, une demande d'asile, que le relevé des bornes Eurodac a établi que ses empreintes digitales, de catégorie 1, avaient été précédemment relevées en Bulgarie, puis en Autriche et en Allemagne, et que les autorités bulgares ont donné leur accord le 14 novembre 2017 pour reprendre l'intéressé en charge. Cette décision précise également que les éléments évoqués par M. B... ne sont pas suffisants pour établir la réalité des menaces invoquées et ne justifient donc pas que sa demande d'asile soit traitée en France en application des articles 16, 17- et 17-2 du règlement (UE) n° 604/2013. Enfin, elle relève qu'elle ne porte pas une atteinte disproportionnée au respect du droit à la vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, les dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers du droit d'asile n'exigent pas une motivation circonstanciée précisant la raison pour laquelle l'intéressé ne réunit pas les conditions justifiant la dérogation prévue par les articles 17. 1 et 17. 2 du règlement (UE) du 26 juin 2013. Dans ces conditions, le moyen tiré par M. B... de l'insuffisance de motivation de la décision prononçant son transfert vers la Bulgarie manque en fait.
8. Il ressort des mentions de l'arrêté en litige que le préfet a procédé à un examen circonstancié de la situation de M. B....
9. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n°604/2013 susvisé : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend (...) ". En vertu de l'article 20 de ce règlement : " (...) 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur (...) est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat membre concerné (...). ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit, et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la natures desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie. Dans un premier temps, seul le préfet est en mesure d'apporter des éléments relatifs à la délivrance d'une information écrite au demandeur.
10. Il ressort des pièces du dossier que M.B..., qui a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture de police le 1er novembre 2017, a bénéficié d'un entretien individuel confidentiel le 9 novembre 2017 à l'occasion duquel il s'est vu remettre les brochures relatives au règlement Dublin III, en particulier le guide du demandeur d'asile et la brochure prévue au paragraphe 3 de l'article 4 du règlement contenant les informations mentionnées au paragraphe 1 de cet article, notamment le guide du demandeur d'asile et les brochures " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " (A) et " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " (B), en langue pachto qu'il a déclaré comprendre, dont les copies versées au dossier comportent sa signature. Ainsi, M. B... a reçu l'information exigée par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.
11. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".
12. Si M. B...a fait valoir que le compte rendu d'entretien ne mentionne pas le nom et la qualité de l'agent qui l'a mené, cette circonstance n'a pas eu d'incidence sur le sens de la décision prise par le préfet et n'a manifestement pas privé l'intéressé d'une garantie, dès lors notamment qu'une telle obligation n'est nullement prévue par l'article 5 du règlement
n° 604/2013. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du règlement 604/2003 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit être écarté.
13. Aux termes de l'article 17 du règlement dit " Dublin III " : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit ". En vertu de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. L'attestation délivrée en application de l'article 741-1 mentionne la procédure dont il fait l'objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l'Etat responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat ".
14. Il ressort de la motivation de la décision de transfert que le préfet a examiné les éléments du dossier de M. B...en exerçant le pouvoir d'appréciation prévu notamment par la clause discrétionnaire mentionnée ci-dessus, sans s'estimer lié par l'accord des autorités bulgares. Le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut dès lors qu'être écarté.
15. D'une part, M. B...ne soutient ni même n'allègue qu'il aurait de la famille en France et ne fait état d'aucune autre circonstance qui justifierait que la France examine sa demande de protection internationale. D'autre part, si l'intéressé soutient qu'il existe des défaillances systémiques dans le traitement des demandes d'asile et dans les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Bulgarie, les documents dont il se prévaut ne permettent pas de tenir pour établis, à la date de la décision attaquée, l'atteinte qui serait portée au droit d'asile des ressortissants étrangers et l'absence d'examen des demandes d'asile dans le respect des garanties exigées par les conventions internationales, alors au demeurant que la Bulgarie est un Etat membre de l'Union européenne, et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En l'espèce, aucun élément du dossier ne laisse à penser que la demande d'asile de M. B...dans ce pays ne serait pas instruite dans des conditions conformes aux garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par suite, en ne mettant pas en oeuvre la procédure dérogatoire prévue par les dispositions précitées des articles 17-1 et 17-2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, le préfet du Tarn n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
16. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
17. M.B..., qui ne peut présumer que les autorités bulgares le renverront automatiquement en Afghanistan en méconnaissance de son droit de demander l'asile, ne fait état d'aucun élément circonstancié et récent de nature à établir qu'il serait directement et personnellement exposé à des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut être accueilli.
18. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Tarn est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 25 janvier 2018 portant remise de M. B...aux autorités bulgares, lui a enjoint de réexaminer la demande de l'intéressé dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
En ce qui concerne les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
19. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le juge ne peut pas faire bénéficier la partie perdante ou son conseil du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Par suite, les conclusions présentées par M. B...tendant à l'application au profit de son conseil des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentée par M.B....
Article 2 : Le jugement n° 1800964 du 14 mars 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Tarn.
Délibéré après l'audience du 5 juillet 2018 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve-Dupuy, premier conseiller,
Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 27 juillet 2018.
Le rapporteur,
Sabrina LADOIRELe président,
Laurent POUGETLe greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition certifiée conforme.
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N° 18BX01267