La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/07/2018 | FRANCE | N°18BX01197

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 27 juillet 2018, 18BX01197


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 4 août 2017 par lequel le préfet du Gers a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1702053 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 mars 2018, MmeA..., représentée pa

r Me Tercero, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 4 août 2017 par lequel le préfet du Gers a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1702053 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 mars 2018, MmeA..., représentée par Me Tercero, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 19 décembre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Gers de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dès la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- les premiers juges ne se sont pas prononcés sur le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 313-11 11°, R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne l'arrêté attaqué :

- le préfet a méconnu les articles L. 313-11, R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; l'avis du médecin de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ne lui a pas été communiqué ; ce même avis ne comporte pas toutes les mentions obligatoires à sa légalité ;

- le préfet a méconnu les articles L. 313-11 11° et L. 511-4 du même code ; son état de santé nécessite une prise en charge dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; elle a été victime de traumatismes graves au Kosovo nécessitant un suivi psychiatrique ; elle n'aura pas accès à un traitement dans son pays d'origine ;

- le préfet a méconnu l'article L. 313-14 du code précité et a commis une erreur manifeste d'appréciation ; il a rejeté sa demande en se fondant sur l'absence de contrat de travail ou de promesse d'embauche alors qu'une telle obligation ne découle pas de cet article ; elle fait valoir des circonstances exceptionnelles justifiant son admission au séjour ; ses enfants sont scolarisés en France ; elle justifie d'une bonne intégration et d'attaches sur le territoire national ;

- l'arrêté attaqué méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; la décision litigieuse l'éloignerait de son mari et de ses enfants ;

- le même arrêté a été pris en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le préfet n'a pas examiné de façon particulière sa situation ; il s'est contenté d'indiquer que sa demande d'asile avait été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides la Cour nationale du droit d'asile.

Le préfet du Gers, auquel la requête a été régulièrement communiquée, n'a pas présenté de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 26 avril 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 30 mai 2018 à 12h00.

Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 février 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leur mission, prévues à l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridictionnelle ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Laurent Pouget a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., ressortissante kosovare, déclare être entrée en France le 30 décembre 2015 de manière irrégulière, accompagnée de son époux et de leurs trois enfants. Sa demande d'asile a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 23 mars 2017. Par une demande du 13 février 2017, la requérante a sollicité son admission au séjour pour raison médicale, ainsi que son admission exceptionnelle au séjour. Par une décision en date du 4 août 2017, le préfet du Gers a rejeté sa demande. Mme A...relève appel du jugement du 19 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. (...) / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ". En vertu de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative de se prononcer sur la demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade au vu de l'avis émis par un collège de médecins nommés par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Préalablement à l'avis rendu par ce collège d'experts, un rapport médical, relatif à l'état de santé de l'intéressé et établi par un médecin instructeur, doit lui être transmis. Le médecin instructeur à l'origine de ce rapport médical ne doit pas siéger au sein du collège de médecins qui rend l'avis transmis au préfet. Au nombre des éléments de procédure que doit mentionner l'avis rendu par le collège de médecins figure, notamment, le nom du médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a établi le rapport médical de façon à permettre à l'autorité administrative de s'assurer, préalablement à sa décision, que ce médecin ne siège pas au sein du collège qui rend l'avis, et, par suite, de la composition régulière de ce collège.

4. En l'espèce, l'avis du collège de médecins du 12 juillet 2017 statuant sur le cas de Mme A...ne mentionne pas le nom du médecin qui a établi le rapport médical au vu duquel il a été émis. Le préfet du Gers ne conteste d'ailleurs pas qu'il n'a pu s'assurer de la régularité de la composition du collège de médecins. Il s'ensuit que Mme A...a été privée d'une garantie.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Gers du 4 août 2017 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de renvoi.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard au motif qui la fonde, l'annulation prononcée n'implique pas que le préfet du Gers délivre un titre de séjour à Mme A...mais seulement qu'il procède au réexamen de sa demande, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions présentées au titre du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Tercero, avocat de MmeA..., au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1702053 du 19 décembre 2017 du tribunal administratif de Pau et l'arrêté du 4 août 2017 du préfet du Gers sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Gers de réexaminer la demande de titre de séjour de Mme A... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Tercero, avocat de MmeA..., la somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, au préfet du Gers et à Me Tercero.

Délibéré après l'audience publique du 5 juillet 2018 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président-rapporteur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,

Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 juillet 2018.

Le premier assesseur,

Marie-Pierre BEUVE DUPUYLe président-rapporteur,

Laurent POUGETLe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18BX01197


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18BX01197
Date de la décision : 27/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POUGET L.
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET L.
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : ATY AVOCATS ASSOCIES AMARI DE BEAUFORT-TERCERO-YEPONDE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-07-27;18bx01197 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award