Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Prolibexpert a demandé le 25 juillet 2013 au tribunal administratif de Poitiers la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre des années 2009, 2010 et 2011 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1301595 du 4 février 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 1er avril 2016, le 24 février 2017 et le
4 mai 2018, la société Prolibexpert, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 4 février 2016 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions susmentionnées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les redevances de location mobilière versées à M. B...correspondent à la location de la clientèle dont M. B...est propriétaire, et aux prestations techniques que ce dernier lui a fournies ;
- la compétence de M.B..., également gérant de la société, est établie par ses diplômes autant que par ses 40 ans d'expérience professionnelle dans le domaine du conseil et de la gestion ; la société Prolibexpert ne possède aucun moyen humain à l'exception d'un salarié non qualifié sur le plan juridique employé entre mai et décembre 2011 ; l'absence de contrat de travail signé avec M. B...résulte d'une décision de gestion opposable à l'administration ; la réalité de son activité de gestion et de conseil est démontrée par les factures et les courriers de ses clients et est également corroborée par l'absence de moyen matériel et humain de la société ;
- le mode de calcul de la redevance relève du pouvoir discrétionnaire de M. B...et suit l'augmentation de l'activité ; la redevance prend en compte le travail fourni, les impératifs de gestion et les encaissements de l'exercice ;
- la majoration de 40 % n'est pas justifiée.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 27 septembre 2016, le 5 avril 2018 et le 18 avril 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caroline Gaillard ;
- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public ;
- et les observations de Me A...représentant la société Prolibexpert.
Considérant ce qui suit :
1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Prolibexpert dont
M. B...est l'unique gérant et associé, a pour activité le conseil et la gestion d'affaires consistant à établir des bilans et des liasses fiscales pour des clients exerçant dans le domaine de la santé. A l'issue de la vérification de comptabilité de la société, l'administration a remis en cause la déductibilité de trois factures de redevances versées à M. B...et lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2009 au
30 décembre 2011, assorties de pénalités pour manquement délibéré. La société Prolibexpert fait appel du jugement du 4 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.
Sur le bien-fondé des impositions :
2. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts qui prévoit, dans sa rédaction alors applicable aux faits de l'espèce : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. (...)". L'article 272 du même code dispose que : " (...) 2. La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies au 4 de l'article 283 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture. / (...) ". Enfin, l'article 283 de ce code prévoit que : " (...) 4. Lorsque la facture ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée. / (...) ".
3. En vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui n'est pas le fournisseur réel de la marchandise ou de la prestation effectivement livrée ou exécutée. Dans le cas où l'auteur de la facture est régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés, assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée et se présente comme tel à ses clients, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y est mentionnée, d'établir qu'il s'agit d'une facture de complaisance et que le contribuable le savait ou ne pouvait l'ignorer. Si l'administration apporte des éléments suffisants en ce sens, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur cette opération, sans qu'il ne puisse être exigé de lui des vérifications qui ne lui incombent pas.
4. L'administration a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé une redevance annuelle pour location de clientèle versée à M. B...au titre des années 2009 à 2011.
5. Il résulte toutefois de l'instruction qu'au cours de la période d'imposition en litige, M. B...a en réalité continué d'exploiter lui-même et sans aucun autre concours, mais par l'intermédiaire de sa société, le fonds de clientèle qu'il s'était constitué à titre individuel. En raison de sa qualité d'associé unique d'une société fiscalement transparente, il ne peut être regardé comme s'étant trouvé dans une situation différente de celle de l'exploitant direct de cette clientèle. Par suite, comme l'administration le fait valoir en défense, les sommes que sa société a allouées à M. B...n'avaient pas la nature d'une charge justifiée de l'entreprise correspondant à la fourniture d'une prestation grevée de taxe sur la valeur ajoutée mais devaient être regardées comme une modalité particulière de répartition des bénéfices sociaux au profit du requérant. M. B...s'est d'ailleurs abstenu de déclarer la taxe collectée. Par conséquent, il ne pouvait résulter pour la société aucun droit à déduction de taxe d'une facturation établie par M. B...à son profit et dont l'administration établit qu'elle était de pure complaisance.
Sur les pénalités :
6. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ".
7. L'administration, en faisant valoir que, compte tenu de sa qualification professionnelle, M.B..., unique représentant de sa société, ne pouvait ignorer que les déductions répétitives et pour des montants substantiels de taxe sur la valeur ajoutée étaient opérées sur la base d'une facturation de complaisance établie par ses soins, établit le caractère délibéré des agissements de l'entreprise de l'intéressé.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Prolibexpert n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la société Prolibexepert la somme qu'elle réclame sur ce fondement.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Prolibexpert est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Prolibexpert et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera délivrée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 25 mai 2018 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
Mme Marianne Pouget, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 juin 2018.
Le rapporteur,
Caroline Gaillard
Le président,
Philippe Pouzoulet
Le greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 16BX01098