Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...D...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 9 août 2017 par lequel le préfet de la Charente a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1702267 du 21 décembre 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 février 2018, MmeD..., représentée par
MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 décembre 2017;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Charente du 9 août 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Charente de lui délivrer une carte de séjour temporaire, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 2 000 euros à verser à son avocat.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dès lors qu'elle souffre d'une pathologie invalidante, qu'il n'y a eu aucune évolution notable dans le système de santé algérien justifiant que l'avis rendu le 6 juin 2017 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indiquant qu'il existait un traitement à sa pathologie dans son pays d'origine, revienne sur les avis des médecins de l'agence régionale de santé indiquant antérieurement qu'un tel traitement n'était pas disponible, et que deux médecins algériens attestent que les traitements nécessaires n'existent pas ;
- elle méconnaît également les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 en ce qu'elle vit en France avec son mari depuis 2014, qu'elle n'a pu travailler en raison de son handicap, que son époux travaille en France et que leur fille née en France est scolarisée en maternelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est irrégulière du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2018, le préfet de la Charente conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- il incombe à l'intéressée d'établir que l'avis du collège des médecins est erroné. Les certificats médicaux produits ne sont pas convaincants, l'un ayant été établi sans avoir même ausculté l'intéressée et les deux autres émanant de médecins généralistes et non de spécialistes. Le traitement requis est disponible en Algérie comme en atteste la nomenclature nationale des médicaments d'Algérie, et le CHU de Tlemcen comporte un service prenant en charge les polyarthrites rhumatoïdes. Le " revirement " de l'avis médical ne s'explique pas par une évolution de l'offre de soins en Algérie mais par une meilleure connaissance de celle-ci grâce à une banque d'informations ;
- la requérante est arrivée récemment en France après avoir vécu la majeure partie de sa vie en Algérie. Son époux a également fait l'objet d'un refus de renouvellement de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français le 24 juillet 2017. Les contrats à durée déterminée d'insertion conclus par son mari n'ont aucune incidence sur sa situation administrative. Il n'y a pas d'obstacle à que la cellule familiale se reconstitue en Algérie, où la requérante n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales.
Par ordonnance du 27 février 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 avril 2018 à 12h00.
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer les conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Paul-André Braud a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...D..., ressortissante algérienne née le 7 avril 1985, est entrée en France le 11 février 2014 et a bénéficié d'autorisations provisoires de séjour et de certificats de résidence en raison de son état de santé du 20 novembre 2014 jusqu'au 9 février 2017. Par un arrêté du 9 août 2017, le préfet de la Charente a refusé de renouveler son certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme D...relève appel du jugement du 21 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. "
3. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) mentionné à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge médicale risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
4. Il ressort des pièces du dossier que le collège des médecins de l'OFII a estimé dans son avis du 6 juin 2017 que l'état de santé de Mme D...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Algérie. Si l'appelante allègue que les traitements nécessaires ne sont pas disponibles dans son pays d'origine, les certificats médicaux qu'elle produit émanant des docteurs Mahmoudi et Brendhamane, médecins généralistes en Algérie, ne suffisent pas à remettre en cause, par leur caractère général et peu circonstancié, l'avis du 6 juin 2017 alors qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier, et notamment de la nomenclature nationale des produits pharmaceutiques à usage de la médecine humaine d'Algérie, que les médicaments requis sont disponibles en Algérie et que l'hôpital de Tlemcen dispose d'une unité de rhumatologie permettant de suivre l'évolution de la pathologie dont souffre la requérante. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit être écarté.
5. En deuxième lieu, en vertu de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale" est délivré de plein droit (...) 5) au ressortissant algérien (...), dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
6. Mme D...est entrée en France en 2014 à l'âge de 28 ans et a donc passé la majeure partie de sa vie en Algérie. A la date de l'arrêté en litige, son époux M. B...D..., ressortissant algérien, ne bénéficiait plus d'un droit au séjour dès lors que par arrêté du 24 juillet 2017 le préfet de la Charente a refusé de renouveler son titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Enfin, si l'enfant du couple, Célia, est née en France, elle n'est âgée que de 3 ans et n'est scolarisée que depuis septembre 2017, de sorte que rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, le refus de renouvellement de titre de séjour en litige n'a pas porté au droit de Mme D...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été édicté. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit être écarté.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale à raison de l'illégalité de la décision lui refusant le séjour.
8. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par l'obligation de quitter le territoire français litigieuse doit être écarté pour les motifs énoncés au point 6.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 9 août 2017. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Charente.
Délibéré après l'audience du 26 avril 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
M. Paul-André Braud, premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 24 mai 2018.
Le rapporteur,
Paul-André BRAUDLe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 18BX00634