Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a prononcé son transfert aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile et l'arrêté du même jour par lequel la même autorité l'a assignée à résidence dans le département de la Haute-Garonne.
Par un jugement n° 1705072 du 6 novembre 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2017, MmeC..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 novembre 2017 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler les arrêtés du 17 octobre 2017 par lesquels le préfet de la Haute-Garonne a décidé son transfert aux autorités italiennes et l'a assignée à résidence dans le département de la Haute-Garonne ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre principal, d'enregistrer sa demande d'asile et, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de 24 heures suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 alinéa 2ème de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ou si la demande d'aide juridictionnelle est rejetée, de lui verser la même somme par application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne l'arrêté portant remise aux autorités italiennes :
- cet arrêté est entaché d'un défaut de motivation qui révèle un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle et familiale ; il ne comporte aucune indication de faits de nature à justifier le refus de faire application des articles 17.1 et 17.2 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et ne mentionne pas non plus l'existence de son fils ;
- le préfet de la Haute-Garonne n'a pas procédé à un examen suffisant de sa situation au regard de la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement 604/2013 et a entaché la décision contestée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet de la Haute-Garonne s'est estimé lié par la seule circonstance que sa demande d'asile semblait relever de la compétence des autorités italiennes ;
- cet arrêté a été pris en violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York.
En ce qui concerne l'arrêté l'assignant à résidence :
- cet arrêté est entaché d'un défaut de motivation ; le préfet de la Haute-Garonne ne démontre pas le caractère strictement nécessaire et proportionnée de la mesure ;
- il est entaché d'un défaut de base légale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2018, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 12 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 14 février 2018 à 12 heures.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 janvier 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er mars 2018, le président de la cour a désigné M. Frédéric Faïck pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Florence Madelaigue a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., ressortissante iranienne, née le 23 novembre 1968, est entrée en France le 3 novembre 2016 selon ses déclarations avec son fils mineur. Le 6 février 2017, elle a sollicité son admission au bénéfice de l'asile. Les autorités italiennes ont été saisies le 14 mars 2017 d'une demande de prise en charge en application de l'article 12.4 du règlement UE n° 604/2013 susvisé. A la suite de l'accord implicite de ces autorités, né le 16 mai 2017, le préfet de la Haute-Garonne a prononcé son transfert aux autorités italiennes responsables de sa demande d'asile et l'a assignée à résidence dans le département de la Haute-Garonne par deux arrêtés du 17 octobre 2017. Mme C...relève appel du jugement du 6 novembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur l'arrêté ordonnant son transfert aux autorités italiennes :
2. En premier lieu, au soutien des moyens tirés du défaut de motivation et du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle et familiale, la requérante ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, Mme C...soutient que l'arrêté contesté est irrégulier dès lors qu'il ne mentionne pas l'existence de son fils mineur. S'il ressort des pièces du dossier qu'elle avait effectivement mentionné l'existence de son fils dans " le formulaire type de détermination de l'Etat membre responsable de la demande de protection internationale " et lors de l'entretien individuel du 6 mars 2017, cette erreur est restée sans influence sur la légalité de la décision dès lors que la décision a seulement pour objet de remettre la requérante aux autorités italiennes, responsables de sa demande d'asile et qu'elle n'a pas par elle-même pour effet de séparer l'intéressée de son fils. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) 2. Lorsqu'aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. " Aux termes du 1 de l'article 17 du même règlement (UE) n° 604/2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. Le cas échéant, il en informe, au moyen du réseau de communication électronique "DubliNet" établi au titre de l'article 18 du règlement (CE) no 1560/2003, l'État membre antérieurement responsable, l'État membre menant une procédure de détermination de l'État membre responsable ou celui qui a été requis aux fins de prise en charge ou de reprise en charge. L'État membre qui devient responsable en application du présent paragraphe l'indique immédiatement dans Eurodac conformément au règlement (UE) no 603/2013 en ajoutant la date à laquelle la décision d'examiner la demande a été prise. 2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'État membre responsable, ou l'État membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre État membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit. ". Il résulte de ces dispositions que la faculté laissée à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
5. Pour soutenir que le préfet a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation en ne mettant pas en oeuvre la clause humanitaire prévue par les dispositions précitées, Mme C...se prévaut de la présence de son enfant mineur, scolarisé en France depuis plus d'un an et qui présente un état de santé préoccupant. Toutefois, l'appelante n'établit pas en quoi son fils ne serait pas en mesure d'être scolarisé en Italie ni qu'il ne pourrait y bénéficier des soins adaptés à son état de santé.
6. Elle soutient également que, débordées par l'afflux de migrants, les autorités italiennes ne sont pas en mesure d'accorder aux demandeurs d'asile des conditions d'accueil satisfaisantes leur permettant de bénéficier de l'ensemble des garanties prévues par cette procédure. Toutefois, l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de ces deux conventions internationales. Si cette présomption est réfragable lorsqu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant, l'appelante n'établit pas, par la seule production d'un document général de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés, l'existence de défaillances en Italie qui constitueraient des motifs sérieux et avérés de croire que sa demande d'asile ne serait pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient MmeC..., la circonstance que le préfet de la Haute-Garonne n'ait pas décidé de mettre en oeuvre la clause dérogatoire ne saurait révéler une méconnaissance des dispositions précitées du 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pas plus que ce que le préfet se serait cru en situation de compétence liée et qu'en s'abstenant de mettre en oeuvre les clauses dérogatoires prévues tant par l'article 3.2 que l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013/UE du 26 juin 2013, il se serait livré à une appréciation manifestement erronée de sa situation personnelle, notamment du degré de gravité des conséquences de son éloignement vers l'Italie.
7. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions· publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Comme il l'a été dit précédemment, la décision n'a ni pour objet ni pour effet de séparer l'enfant mineur de sa mère. En outre, l'appelante n'établit pas en quoi son fils ne serait pas en mesure d'être scolarisé en Italie pas plus qu'il ne pourrait y bénéficier des soins appropriés à son état de santé. Par suite, la décision contestée n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations précitées. Dès lors, le moyen tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ne peut qu'être écarté.
Sur l'arrêté l'assignant à résidence :
8. En premier lieu, au soutien du moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté l'assignant à résidence, la requérante ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
9. En second lieu, la décision de transfert n'étant pas entachée des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision, invoqué par voie d'exception à l'encontre de l'assignation à résidence, doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à MeB.... Copie en sera transmise au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 20 mars 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Pierre Bentolila, président-assesseur,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 3 mai 2018.
Le rapporteur,
Florence MadelaigueLe président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Evelyne Gay-Boissières La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX03857