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03/05/2018 | FRANCE | N°16BX00652,16BX00727

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 03 mai 2018, 16BX00652,16BX00727


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler, d'une part, l'arrêté du préfet de Lot-et-Garonne du 10 avril 2014 déclarant d'utilité publique les acquisitions et travaux nécessaires à la réalisation de la zone d'activité concertée "Technopole Agen Garonne ", valant mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme des communes de Brax et Sainte-Colombe-en-Bruilhois et, d'autre part, l'arrêté du 29 septembre 2014 déclarant cessibles, à la demande de l'agglomération d'Agen, le

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler, d'une part, l'arrêté du préfet de Lot-et-Garonne du 10 avril 2014 déclarant d'utilité publique les acquisitions et travaux nécessaires à la réalisation de la zone d'activité concertée "Technopole Agen Garonne ", valant mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme des communes de Brax et Sainte-Colombe-en-Bruilhois et, d'autre part, l'arrêté du 29 septembre 2014 déclarant cessibles, à la demande de l'agglomération d'Agen, les terrains nécessaires à la réalisation de cette zone d'activité concertée.

Par un jugement n° 1402244, 1404962 du 22 décembre 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à ces demandes.

Procédure devant la cour :

I) Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 février 2016 et 25 janvier 2017 sous le n° 16BX00652, l'agglomération d'Agen, représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 décembre 2015 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de rejeter les demandes de première instance de M.C... ;

3°) de mettre à la charge de M. C...une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la déclaration d'utilité publique (DUP) ne constitue pas une mesure d'application du plan local d'urbanisme, de sorte que l'éventuelle annulation du document d'urbanisme n'impacte pas automatiquement la DUP ;

- si le Conseil d'Etat admet la substitution de base légale en application de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ainsi que l'ont pratiqué les premiers juges, il apprécie toutefois si le document d'urbanisme remis en vigueur et dont la mise en compatibilité est assurée par l'arrêté préfectoral ne contient pas de dispositions faisant obstacle, à terme, à la réalisation du projet d'utilité publique ;

- le tribunal qui a pour partie suivi ce raisonnement puisqu'il a admis que l'arrêté préfectoral portant mise en compatibilité du document d'urbanisme de la commune de Sainte-Colombe-en-Bruilhois avait pu assurer " en procédant à une adaptation ad'hoc " la mise en compatibilité du plan d'occupation des sols (POS) redevenu applicable par la création des secteurs 1 AUe a dénaturé les pièces du dossier et entaché son jugement d'une erreur de droit en considérant que ce raisonnement n'était pas transposable aux terrains de la ZAC dont le classement a été maintenu en zone 2 AUe ;

- la procédure de mise en compatibilité du plan d'occupation des sols par la DUP a également porté sur les terrains situés en zone 2 AUe ;

- à travers la procédure de mise en compatibilité du plan local d'urbanisme (PLU), il a été décidé de modifier le règlement de la zone 2 AUe (qui concerne le surplus de la zone non ouverte à l'urbanisation) pour autoriser la réalisation des constructions et installations à usage d'équipements d'intérêts collectifs et/ou publics ; cette mise en compatibilité peut parfaitement être transposée au règlement de la zone NC du POS remis en vigueur suite à l'annulation du PLU ; par delà la nomenclature des zones ce qui importe ce sont les droits à construire ; or, la zone 2AUe créée à travers le PLU approuvé en juin 2012 est fermée à l'urbanisation ; s'agissant de la zone NC du POS, l'article R. 123-18 du code de 1'urbanisme dans sa version applicable à l'espèce ne précisait pas clairement l'affectation de la zone NC, laissant une souplesse qui permettait un élargissement à des constructions qui n'étaient pas strictement liées à l'agriculture ; ainsi, bien que le zonage soit différent, les droits à construire résultant de la zone 2AUe sous l'empire du PLU, ou de la zone NC sous l'empire du POS, sont quasiment similaires ; il en résulte que la mise en compatibilité du document d'urbanisme de Sainte-Colombe-en-Bruilhois par la DUP permettant au sein de la zone NC du POS la réalisation d'équipements publics propres à cette activité n'est pas entachée d'illégalité ;

- par l'effet dévolutif de l'appel, le moyen tiré de la prétendue irrégularité de l'avis émis par le commissaire-enquêteur manque en fait ;

- le moyen tiré de l'irrégularité de l'arrêté d'ouverture d'enquête publique et de l'avis de publicité d'enquête publique n'est pas fondé ;

- l'omission, à la supposer établie, de l'information sur l'existence d'une étude impact dans l'avis de l'enquête ne saurait constituer un vice dirimant de nature à entacher d'illégalité ladite enquête publique et n'aurait pu avoir pour effet de priver M. C...d'une garantie puisque ce dernier, en sa qualité notamment de membre d'une association fermement opposée à ce projet, a pris une part active à l'enquête publique et a donc pu prendre connaissance de ladite étude d'impact ;

- au regard du contexte économique actuel du Pays de l'agenais, le projet de Technopole Agen Garonne répond à un réel besoin ; le projet a également vocation à s'insérer dans un contexte de futures infrastructures de communication d'intérêt national voire européen ; il a également un impact social ambitieux au travers notamment de la création d'emplois, ce qui justifie son utilité publique.

Par des mémoires, enregistrés les 7 juin 2016 et 27 mars 2017, M. B...C..., représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête, et ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'agglomération d'Agen sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- un projet ne peut être déclaré d'utilité publique que s'il est compatible avec le plan local d'urbanisme ;

- l'annulation du PLU a eu pour effet de remettre en vigueur le plan d'occupation des sols antérieur, applicable sur les terrains objet de la déclaration d'utilité publique ;

- avant la révision du plan local d'urbanisme, les terrains étaient classés en zone agricole et ne pouvaient pas recevoir le projet de la zone industrielle ; après la révision du plan local d'urbanisme, les terrains d'assiette du projet ont été classés en zone 2AUe et la DUP comportait une procédure de mise en compatibilité très partielle ; il s'agissait d'une mise en compatibilité de détails qui ne modifiait pas le classement des terrains au plan local d'urbanisme sur l'essentiel du projet ; l'essentiel du passage de la zone agricole en zone 2AUe a été opéré lors de la révision du plan local d'urbanisme ; l'annulation de cette révision du plan local d'urbanisme remet en vigueur les terrains agricoles NC sur l'essentiel de la déclaration d'utilité publique incompatibles avec la réalisation d'un projet de technopole industrielle ;

- l'enquête publique est entachée d'irrégularité au regard des dispositions des articles R. 123-9 et R. 123-11 du code de l'environnement et de celles de l'article 6 de la directive européenne n° 85/337/CE du 27 juin 1985, en ce que les conditions de publicité de l'avis d'enquête publique n'ont pas permis une information suffisante du public ;

- 1'avis du commissaire-enquêteur est insuffisamment motivé ; il donne un avis favorable au seul regard du respect des procédures, sans s'exprimer sur le bien-fondé de l'opération ;

- le dossier du projet démontre une profonde impréparation et l'absence d'utilité publique ; le projet est disproportionné au regard des objectifs supposés de développement économique de communes modestes ;

- la présente déclaration d'utilité publique est entachée de détournement de pouvoir, l'opération ayant pour but de valoriser des propriétés privées appartenant à des élus municipaux de Sainte-Colombe-en-Bruilhois.

Par un mémoire, enregistré le 13 avril 2016, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur déclare s'associer aux moyens présentés par l'agglomération d'Agen, reprendre ses écritures déposées au greffe de la cour le 23 février 2016 dans le cadre de sa requête d'appel n° 16BX00727 à l'encontre du même jugement et demande à la cour de faire usage de son pouvoir de jonction s'agissant de ces deux affaires connexes.

Par ordonnance du 27 janvier 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 28 mars 2017 à 12h00.

II) Par un recours et un mémoire, enregistrés les 23 février 2016 et 2 janvier 2018 sous le n° 16BX00727, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 22 décembre 2015 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de rejeter les demandes de première instance de M.C... ;

Il soutient que :

- les premiers juges ont fait une interprétation erronée des conséquences de l'annulation du 10 février 2015 du plan local d'urbanisme de la commune de Sainte-Colombe-en-Bruilhois approuvé le 28 juin 2012 ;

- il appartenait au préfet de Lot-et-Garonne, avant de prononcer la déclaration d'utilité publique du projet " Technopôle Agen - Garonne ", de s'assurer que ce projet était compatible avec les dispositions d'urbanisme effectivement et réellement en vigueur à cette date sur le territoire de la commune de Sainte-Colombe-en-Bruilhois, ainsi que l'exigent les dispositions de l'article L. 123-14 du code de l'urbanisme relatif à la mise en compatibilité d'un plan local d'urbanisme par une déclaration d'utilité publique ; or, à cette date, il n'est pas contesté que le plan local d'urbanisme était en vigueur sur le territoire de la commune de Sainte-Colombe-en-Bruilhois et produisait des effets juridiques ; à la date du 10 avril 2014, le préfet était dans l'impossibilité matérielle d'anticiper l'annulation à venir du PLU de la commune de Sainte-Colombe-en-Bruilhois ;

- les premiers juges qui n'ont pas fait usage de leurs pouvoirs de modulation dans le temps des effets de l'annulation du PLU ont méconnu l'étendue de leurs pouvoirs ;

- l'autorité de la chose jugée par le tribunal administratif dans son jugement d'annulation du PLU est relative ; le vice ayant justifié l'annulation a seulement trait à la phase de concertation devant précéder l'adoption d'un plan local d'urbanisme ; tirer comme conséquence du jugement du 10 février 2015 que le plan d'occupation des sols de la commune de Sainte-Colombe-en-Bruilhois a été remis en vigueur du fait de l'annulation du plan local d'urbanisme de cette même commune reviendrait à perpétuer une erreur de droit qui se trouverait aujourd'hui sanctionnée par le Conseil d'Etat ;

- dès lors que la mise en compatibilité du plan local d'urbanisme de la commune de Sainte-Colombe-en-Bruilhois par l'arrêté du 10 avril 2014 du préfet du Lot-et-Garonne a également porté sur la zone 2AUe du plan local d'urbanisme, ce dernier est réputé avoir mis en compatibilité, sur ce point, le règlement de la zone NC du plan d'occupation des sols remis en vigueur ;

- le plan d'occupation des sols ne pouvait pas être remis en vigueur dans les conditions prévues par l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, compte tenu de son incompatibilité avec le schéma de cohérence territoriale du pays de l'Agenais, en ce que ledit plan ne permet pas la réalisation de l'opération ; le plan d'occupation des sols ne pouvait qu'être déclaré illégal avec, par voie de conséquence, la remise en vigueur du règlement national d'urbanisme, notamment de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme alors en vigueur ;

- l'utilité publique de l'opération, qui n'a jamais été remise en cause a depuis été explicitement reconnue dans son jugement n° 1505106 rendu le 31 janvier 2017 par le tribunal administratif de Bordeaux à l'occasion du recours dirigé contre la délibération du 17 septembre 2015 du conseil de la communauté d'agglomération d'Agen mettant en compatibilité le plan d'occupation des sols de la commune de Sainte-Colombe-en-Bruilhois.

Par des mémoires, enregistrés les 9 juillet 2017, 15 octobre 2017, 25 janvier 2018 et 21 février 2018, M. C..., représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête, et à la condamnation de l'agglomération d'Agen à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- un projet ne peut être déclaré d'utilité publique que si celui-ci est compatible au plan local d'urbanisme ; cette exigence de compatibilité de la DUP avec les dispositions prévues par le plan d'urbanisme présente un caractère absolu et s'apprécie à la date de la DUP ;

- l'annulation du PLU a eu pour effet de remettre en vigueur le plan d'occupation des sols antérieur, applicable sur les terrains objet de la déclaration d'utilité publique ;

- avant la révision du plan local d'urbanisme, les terrains étaient classés en zone agricole et ne pouvaient pas recevoir de projet de la zone industrielle ; après la révision du plan local d'urbanisme, les terrains d'assiette du projet ont été classés en zone 2AUe et la DUP comportait une procédure de mise en compatibilité très partielle. L'essentiel du passage de la zone agricole en zone 2AUe a été opéré lors de la révision du plan local d'urbanisme ; l'annulation de cette révision du plan local d'urbanisme remet en vigueur les terrains agricoles NC sur l'essentiel de la déclaration d'utilité publique incompatibles avec la réalisation d'un projet de technopole industrielle ;

- contrairement à ce que soutient le ministre, un schéma de cohérence territoriale (SCOT) " n'impose pas " la réalisation d'un projet ; par ailleurs, le POS est antérieur au SCOT et dans cette hypothèse, la sanction ne serait pas l'illégalité du plan d'occupation des sols, mais la mise en oeuvre d'une procédure spécifique prévue à l'article L. 123-14-1 du code de l'urbanisme ; au demeurant, l'application du RNU aboutirait à la mise en oeuvre de la règle dite de construction limitée qui interdit des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole ;

- l'enquête publique est entachée d'irrégularité au regard des dispositions des articles R. 123-9 et R. 123-11 du code de l'environnement et de celles de l'article 6 de la directive européenne n° 85/337/CE du 27 juin 1985, en ce que les conditions de publicité de l'avis d'enquête publique n'ont pas permis une information suffisante du public ;

- 1'avis du commissaire-enquêteur est insuffisamment motivé ; il donne un avis favorable au seul regard du respect des procédures, sans s'exprimer sur le bien-fondé de l'opération ;

- le dossier du projet démontre une profonde impréparation et l'absence d'utilité publique ; le projet est disproportionné au regard des objectifs supposés de développement économique de communes modestes ;

- la présente déclaration d'utilité publique est entachée de détournement de pouvoir, l'opération ayant pour but de valoriser des propriétés privées appartenant à des élus municipaux de Sainte-Colombe-en-Bruilhois.

Par des mémoires, enregistrés les 12 septembre 2017 et 14 février 2018, l'agglomération d'Agen, représentée par MeE..., déclare s'associer aux moyens présentés par le ministre de l'intérieur, conclut à l'annulation du jugement du 22 décembre 2015 du tribunal administratif de Bordeaux, au rejet des demandes de première instance de M. C...et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par ordonnance du 14 février 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 28 février 2018 à 12h00.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er mars 2018, le président de la cour a désigné M. Frédéric Faïck pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Madelaigue,

- les conclusions de M. Frédéric Faïck, rapporteur public ;

- et les observations de MeE..., représentant l'agglomération d'Agen, de M. D..., responsable du secteur aménagement au bureau de la domanialité, de l'urbanisme, de la voirie et de l'habitat, représentant le ministre de l'intérieur et de Me A..., représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. L'établissement public " Agglomération d'Agen " a approuvé, par une délibération de son conseil du 26 septembre 2013, la création de la zone d'aménagement concerté (ZAC) "Technopôle Agen Garonne " qui vise à " accueillir des entreprises industrielles et tertiaires dans un emplacement stratégique en termes d'infrastructures et notamment de voies de communication " sur les territoires des communes de Brax et de Sainte-Colombe-en-Bruilhois. Ce même conseil avait précédemment sollicité du préfet de Lot-et-Garonne, par une délibération du 28 mars 2013, l'engagement d'une procédure de déclaration d'utilité publique des acquisitions et des travaux nécessaires à la réalisation de la ZAC, et de mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme des communes concernées. A la suite d'une enquête publique conjointe, le préfet de Lot-et-Garonne a déclaré d'utilité publique le projet de ZAC et mis en compatibilité les plans locaux d'urbanisme des communes de Brax et de Sainte-Colombe-en-Bruilhois avec ledit projet par un arrêté du 10 avril 2014. Par arrêté du 29 septembre 2014, le préfet a déclaré cessibles les terrains nécessaires à la réalisation de l'opération. A la demande de M.C..., le tribunal administratif de Bordeaux a annulé ces arrêtés par un jugement du 22 décembre 2015. Par deux requêtes enregistrées sous les nos 16BX00652 et 16BX00727, l'agglomération d'Agen et le ministre de l'intérieur relèvent appel de ce jugement.

2. Ces requêtes concernent le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a dès lors lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article L. 11-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, alors applicable : " Ainsi qu'il est dit à l'article L. 123-14 du code de l'urbanisme : " Lorsque la réalisation d'un projet public ou privé de travaux, de construction ou d'opération d'aménagement, présentant un caractère d'utilité public ou d'intérêt général, nécessite une mise en compatibilité d'un plan local d'urbanisme, ce projet peut faire l'objet d'une déclaration d'utilité publique (...) Dans ce cas, l'enquête publique porte à la fois sur l'utilité publique ou l'intérêt général du projet et sur la mise en compatibilité du plan qui en est la conséquence. La déclaration d'utilité publique (...) d'une opération qui n'est pas compatible avec les dispositions d'un plan local d'urbanisme ne peut intervenir qu'au terme de la procédure prévue par l'article L. 123-14-2" ". Il résulte de ces dispositions que la déclaration d'utilité publique d'une opération doit être compatible avec la réglementation locale d'urbanisme. Par ailleurs, l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme dispose : " L'annulation ou la déclaration d'illégalité (...) d'un plan local d'urbanisme (...) a pour effet de remettre en vigueur (...) le plan d'occupation des sols (...) immédiatement antérieur ".

4. Il ressort des pièces du dossier que la quasi-totalité des terrains inclus dans le périmètre envisagé de l'opération de la ZAC " Technopole Agen Garonne " étaient classés en zone agricole (NC) du plan d'occupation des sols (POS) de la commune de Sainte-Colombe-en-Bruilhois approuvé le 13 novembre 2001 et modifié le 26 octobre 2006. Le règlement du POS n'autorisant dans cette zone que les constructions directement liées et nécessaires à l'activité des exploitations agricoles, l'essentiel de ces terrains a fait l'objet dans la perspective de la création future de cette ZAC, par l'effet du plan local d'urbanisme (PLU) approuvé le 28 juin 2012, d'un reclassement en zone à urbaniser 2AUe à vocation principale d'activité, équipements et services, voire d'habitats, ne pouvant être ouverte à l'urbanisation qu'après modification ou révision du PLU. Par l'effet de la procédure conjointe de déclaration d'utilité publique et de mise en compatibilité des PLU des communes de Brax et de Sainte-Colombe-en-Bruilhois, la zone 2AUe a été ouverte à l'urbanisation et les terrains, situés au Sud et à l'Est du périmètre défini ont fait l'objet d'un reclassement en zone 1AUe permettant leur ouverture à l'urbanisation sous condition de réalisation des équipements publics nécessaires.

5. Par un jugement du 10 février 2015 devenu définitif, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la délibération du 28 juin 2012 par laquelle le conseil municipal de la commune de Sainte-Colombe-en-Bruilhois a approuvé son PLU. En vertu des dispositions précitées de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, cette annulation a eu pour effet de remettre en vigueur les dispositions du plan d'occupation des sols approuvé par la délibération du 13 novembre 2001 et modifié le 26 octobre 2006.

6. Les requérants soutiennent que l'arrêté du 10 avril 2014 portant mise en compatibilité du document d'urbanisme de la commune doit être regardé comme emportant mise en compatibilité du plan d'occupation des sols approuvé le 13 novembre 2001 et modifié le 26 octobre 2006, lequel était seul applicable en vertu de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme après l'annulation du PLU de la commune de Sainte-Colombe-en-Bruilhois.

7. Il ressort des pièces du dossier que les terrains en question sont classés par le plan d'occupation des sols remis en vigueur en zone naturelle NC, décrite par le préambule du règlement comme " Zone naturelle, non équipée, réservée aux activités agricoles et à certaines activités complémentaires. (...) " n'autorisant dans cette zone que " (...) les occupations et utilisations du sol destinées aux usages suivants : les constructions strictement liées à l'activité agricole, y compris les constructions à usage d'habitation, qui sont destinées au logement des exploitants agricoles. Les installations industrielles et artisanales directement liées à l'agriculture, à l'élevage. Les constructions à usage d'habitation qui sont destinées au logement des exploitants agricoles retraités sur la partie de leur propriété qu'ils sont autorisés à conserver dans le cadre de la législation en vigueur. Les gîtes ruraux, les campings à la ferme, les aires naturelles de camping. Les constructions à usage d'habitation qui sont destinées au logement des employés agricoles, et de toutes personnes reconnues utiles à l'activité agricole sous réserve que les dites constructions soient implantées à moins de 50 mètres des bâtiments principaux de l'exploitation agricole. L'extension des installations industrielles et artisanales existantes sous réserve qu'il n'y ait pas aggravation des nuisances, le camping-caravaning, les H.L.L. Dans les parcelles comportant une maison d'habitation, peuvent être admis les bâtiments à usage privé autre qu'habitation : garage, abri de jardin ... (limités à 2). L'adaptation, la réfection et l'extension des constructions existantes ainsi que la reconstruction des bâtiments sinistrés, Le changement de destination n'est autorisé que dans le seul cas ou il s'agit d'aménager un bâtiment pour un usage d'habitation, les ouvrages techniques nécessaires au fonctionnement des services publics, la construction d'une station d'épuration des eaux usées. Les constructions liées à l'accueil à la ferme. ". L'article NC2 du POS interdit toutes les activités non mentionnées à l'article NC1, notamment les constructions qui ne sont pas liées à l'activité agricole. Et l'article R. 123-7 du code de l'urbanisme subordonne l'autorisation des équipements publics en zone agricole à la condition qu'ils ne remettent pas en cause la vocation des unités foncières sur lesquelles ils seront implantés.

8. Compte tenu, d'une part, des équipements envisagés par le projet de ZAC, consistant notamment en des voiries, réseaux et bassins de rétention et des caractéristiques de l'opération et, d'autre part, de l'objectif de préservation recherché par les auteurs du plan d'occupation des sols, la création de ces installations ne peut être regardée comme compatible avec la vocation de la zone NC. En se bornant à ouvrir le secteur à l'urbanisation sans en modifier le zonage, contrairement à ce qui a été décidé s'agissant de la création de la zone 1AUe, la DUP ne peut être regardée comme ayant mis le POS en compatibilité s'agissant de ce secteur qui représente la majeure partie de l'emprise de la ZAC.

9. Les requérants soutiennent que le plan d'occupation des sols du 13 novembre 2001 modifié le 26 octobre 2006 aurait dû lui-même être écarté en raison de son incompatibilité avec le schéma de cohérence territoriale (SCOT) du pays de l'Agenais, approuvé le 28 février 2014, dès lors que le classement en zone naturelle des parcelles nécessaires au projet, tel qu'il résulte de ce plan, fait obstacle à la création de la technopole, alors que cette opération est au nombre des orientations expresses du schéma de cohérence, avec laquelle le plan d'occupation des sols doit être compatible. Toutefois, l'article L. 122-1 du code de l'urbanisme, dans sa version en vigueur en octobre 2006, date de la dernière révision du plan d'occupation des sols, ne prévoyait pas que de tels documents devaient être rendus compatibles avec les SCOT adoptés postérieurement.

10. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que le classement en zone NC du POS de Sainte-Colombe-en-Bruilhois de la zone en litige aurait compromis la réalisation des objectifs du SCOT.

11. En dernier lieu, les requérants ne peuvent utilement soutenir que les premiers juges qui n'ont pas fait usage de leurs pouvoirs de modulation dans le temps des effets de l'annulation du PLU, ont méconnu l'étendue de leurs pouvoirs, dès lors qu'ils n'ont pas sollicité cette modulation dans leurs écritures à l'occasion du litige concernant le PLU devant le tribunal administratif de Bordeaux et qu'il n'a pas été relevé appel dudit jugement. En tout état de cause, l'annulation totale du PLU ne crée aucun vide juridique qui justifierait de moduler dans le temps les effets de l'annulation puisque comme il vient d'être dit, en vertu de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, cette annulation a pour effet de remettre en vigueur le POS antérieur, dont l'application est ainsi prolongée jusqu'à l'adoption d'un nouveau PLU.

12. Il résulte de ce qui précède que l'opération pour laquelle la déclaration d'utilité publique en litige a été prise, n'étant pas compatible avec le plan d'occupation des sols approuvé le 13 novembre 2001 et modifié le 26 octobre 2006, l'arrêté du 10 avril 2014 était entaché d'illégalité au regard des dispositions de l'article L. 11-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et de celles de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme et qu'en conséquence, l'arrêté de cessibilité du 29 septembre 2014, qui procède de l'arrêté du 10 avril 2014, est également entaché d'illégalité.

13. Il résulte de tout ce qui précède que l'agglomération d'Agen et le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé ces arrêtés.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.C..., qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que demande l'agglomération d'Agen au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'agglomération d'Agen le versement à M. C...d'une somme de 1 500 euros au même titre.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'agglomération d'Agen et le recours du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur sont rejetés.

Article 2 : L'agglomération d'Agen versera à M. C...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'agglomération d'Agen, au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, à M. B...C..., à la commune de Brax et à la commune de Sainte Colombe en Bruilhois. Copie en sera transmise au préfet de Lot-et-Garonne.

Délibéré après l'audience du 20 mars 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 3 mai 2018.

Le rapporteur,

Florence MadelaigueLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Evelyne Gay-Boissières

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°s 16BX00652, 16BX007272


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 16BX00652,16BX00727
Date de la décision : 03/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Plans d'aménagement et d'urbanisme - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d'urbanisme (PLU) - Légalité des plans - Modification et révision des plans - Modification du plan par une déclaration d'utilité publique.

Urbanisme et aménagement du territoire - Plans d'aménagement et d'urbanisme - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d'urbanisme (PLU) - Légalité des plans - Légalité interne - Appréciations soumises à un contrôle d'erreur manifeste - Classement et délimitation des ones.

Urbanisme et aménagement du territoire - Plans d'aménagement et d'urbanisme - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d'urbanisme (PLU) - Application des règles fixées par les POS ou les PLU - Compatibilité avec le plan de diverses opérations ou travaux.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: M. FAÏCK
Avocat(s) : SCP BOUYSSOU et ASSOCIES ; CABINET D'AVOCATS TETE ; SCP BOUYSSOU et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-05-03;16bx00652.16bx00727 ?
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