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30/03/2018 | FRANCE | N°15BX01802,15BX01968

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 30 mars 2018, 15BX01802,15BX01968


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association syndicale autorisée (ASA) d'irrigation de l'étang des Faures a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner in solidum la société Gatineau et l'Association syndicale pour l'équipement de l'agriculture périgourdine (ASAEP) à lui verser la somme " provisionnelle " de 1 293 000 euros en réparation des désordres affectant l'étanchéité d'une réserve d'eau réalisée avec le concours de ces dernières, la somme de 326 024,41 euros à titre de dommages intérêts, une somme de 20

000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association syndicale autorisée (ASA) d'irrigation de l'étang des Faures a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner in solidum la société Gatineau et l'Association syndicale pour l'équipement de l'agriculture périgourdine (ASAEP) à lui verser la somme " provisionnelle " de 1 293 000 euros en réparation des désordres affectant l'étanchéité d'une réserve d'eau réalisée avec le concours de ces dernières, la somme de 326 024,41 euros à titre de dommages intérêts, une somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'une somme de 29 116,82 euros au titre des dépens de l'instance.

Par un jugement n°1202822 du 1er avril 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné in solidum l'association syndicale pour l'équipement de l'agriculture périgourdine et la société Gatineau à verser à l'ASA de l'Etang des Faures la somme de 650 000 euros HT en réparation de son préjudice, la somme de 29 116,82 euros au titre des dépens et a condamné l'ASEAP à garantir la société Gatineau à concurrence de 75 % des condamnations prononcées contre cette société.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 29 mai 2015 sous le n° 15BX01802, et des mémoires enregistrés le 30 juillet 2015, le 27 juillet 2016, le 22 septembre 2016 et le 20 février 2018, l'Association syndicale autorisée d'irrigation de l'étang des Faures, représentée par MeG..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a limité à 650 000 euros HT le montant de l'indemnité devant lui être versée, en tant qu'il lui a alloué cette somme à titre définitif et en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de la société Gatineau et de l'ASEAP à lui verser la somme de 326 024,41 euros.

2°) de condamner in solidum la société Gatineau et l'ASEAP à lui verser la somme provisionnelle de 1 293 000 euros à indexer sur l'évolution de l'indice BT01 du coût de la construction à compter du 11 février 2011 et déduite de la taxe sur la valeur ajoutée applicable au moment du versement ainsi que la somme de 326 024,41 euros HT ;

3°) de mettre à la charge de la société Gatineau et de l'ASEAP la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a estimé à bon droit que son président avait qualité à agir ;

- la société Groupama, assureur de l'ASEAP, n'est pas recevable en sa seule qualité d'intervenant volontaire à présenter une demande d'expertise ;

- les désordres en litige qui rendent l'ouvrage impropre à sa destination et affectent sa solidité sont de nature à mettre en cause la garantie décennale de l'ASEAP et de la société Gatineau et cette présomption de responsabilité la dispense de prouver la moindre faute ;

- le protocole transactionnel, d'interprétation stricte, n'a pas porté sur la réparation du réseau de fissures dans le terrain sous-jacent à la retenue;

- la cour fixera à 1 293 000 euros, ce qui correspond au chiffrage de l'expert, la somme que devront lui verser la société Gatineau et l'ASEAP en réparation de son préjudice ; les travaux qui doivent désormais être exécutés et qui trouvent leur origine dans un défaut de conception de l'ouvrage, correspondent, comme l'expert l'a démontré, à des désordres nouveaux : ils concernent la réparation des fissures karstiques tandis que la précédente expertise avait mis en évidence des problèmes de bâches perforées et de talus ; ces travaux viennent ainsi en complément des travaux indemnisés au titre de la précédente expertise et qui portaient sur la reprise d'étanchéité de la bâche ; la réparation des nouveaux désordres implique de revoir le coût de reprise des premiers désordres ; le tribunal administratif a ainsi défalqué à tort du montant arrêté par l'expert les travaux d'étanchéité évalués à 641 900 euros HT ;

- elle n'a pas été en mesure de procéder jusqu'à maintenant aux travaux préconisés par M. D...en l'absence des crédits suffisants ;

- la somme qui doit lui être allouée sera à parfaire en fonction du coût réel des travaux ;

- le tribunal administratif a rejeté à tort sa demande tendant au paiement de la somme de 326 024,41 euros au titre des travaux de reprise en réparation des défauts d'étanchéité de la membrane de la réserve d'eau ; les travaux ont dû être interrompus à la suite de la découverte de fissures dans le sol mais devront être ultérieurement entièrement repris ;

- la cour rejettera la demande de désignation d'un expert présentée par la société Gatineau dès lors que rien ne justifie de procéder à une contre-expertise du rapport de

M. D...dont les constructeurs sont libres de critiquer les conclusions.

Par des mémoires, enregistrés le 7 juin 2016 et le 30 septembre 2016, l'association syndicale pour l'équipement de l'agriculture périgourdine (ASEAP), représentée par

MeE..., conclut au rejet de la requête de l'ASA de l'Etang des Faures et demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en tant qu'il a retenu sa responsabilité et en tant qu'il l'a condamnée à verser à l'ASA la somme de 650 000 euros ;

2°) de retenir une part de responsabilité de l'ASA à hauteur de 25 % minimum et de fixer la part de responsabilité lui incombant à 50 % au maximum ;

3°) de condamner l'ASA à lui verser la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande en première instance de l'ASA était irrecevable en l'absence de délibération du syndicat donnant autorisation à son directeur d'ester en justice ; la délibération du 21 décembre 2011 ne peut être regardée comme ayant valablement délégué à son directeur le pouvoir d'introduire cette action en justice ;

- sa responsabilité, limitée à une erreur de conception, ne peut plus être recherchée dès lors qu'elle a été prise en compte par le protocole transactionnel du 2 juin 2006 en application duquel l'ASA a d'ores et déjà perçu la somme de 1 185 000 euros et qui a mis fin au litige qui les opposait ; en outre, les désordres apparus en 2007 sont liés aux travaux qui ont été réalisés à la demande de l'ASA sous la maîtrise d'oeuvre de la société Antea ; les failles découvertes après les travaux de reprise sont liées aux travaux réalisés par cette dernière ; les travaux de creusement supplémentaires du fond de l'étang réalisés sans précaution particulière ont modifié l'existant ; il y a bien eu un surcreusement du fond du bassin imputable à l'ASA ;

- l'ASA, en application du protocole transactionnel a d'ores et déjà perçu la somme

de 1 185 000 euros ; une partie des travaux retenus par l'expert M. D...(assistance d'un bureau d'étude, travaux sur talus, certains travaux sur les failles, mise en oeuvre de la membrane) sont déjà au nombre des travaux de reprise devant être réalisés en exécution du protocole transactionnel et font ainsi double emploi avec ces derniers ;

- l'ASA ayant commis une faute en continuant les travaux en toute connaissance de cause, sans prendre l'attache d'un spécialiste des sols, doit supporter une part de responsabilité qui ne saurait être inférieure à 25 % ;

- le quantum du partage de responsabilité retenu par le tribunal à hauteur de 75 % pour elle-même n'est pas fondé ; il ne saurait excéder 50 % en ce qui la concerne.

Par un mémoire en intervention enregistré le 10 juin 2016 et un mémoire enregistré le 29 juillet 2016, la société Groupama Centre Atlantique, assureur de l'ASAEP, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête de l'ASA de l'étang des Faures.

Elle soutient que :

- elle justifie d'un intérêt légitime et suffisant pour intervenir volontairement eu égard aux sommes déjà versées en application du protocole transactionnel, auquel elle était partie, et qui ont pour objet la réparation des désordres affectant la réserve de l'étang des Faures ;

- elle s'en remet à l'appréciation de la cour quant à la recevabilité de la demande de première instance de l'ASA de l'étang des Faures ;

- l'ASA de l'étang des Faures ne justifie d'aucune habilitation de son président pour introduire la présente requête d'appel ;

- la responsabilisé décennale de l'ASEAP à l'égard de l'ASA de l'étang des Faures n'est pas susceptible d'être engagée au titre des désordres soumis à l'expertise confiée à

M. D...dès lors qu'ils ne sont pas en lien direct et certain avec les travaux pour lesquels l'ASEAP a reçu une mission de maîtrise d'oeuvre d'une part et compte tenu des effets attachés au protocole transactionnel signé le 2 juin 2006 d'autre part ;

- la cour, par arrêt avant dire droit, sollicitera une expertise en vue de chiffrer les travaux complémentaires induits par la mise en évidence des fractures karstiques par rapport à ceux chiffrés par le premier expert judiciaire ;

- l'ASA ne justifie pas des préjudices dont elle sollicite réparation, tant en ce qui concerne les travaux de reprise liés à la mise en évidence des failles karstiques que la somme

de 326 024,41 euros à titre de dommages et intérêts au titre des travaux prétendument inutiles engagés dans le prolongement du 1er rapport d'expertise ;

- l'ASA ne peut solliciter dans le cadre de la présente instance au fond une indemnité d'un montant à parfaire dans l'attente de connaître le coût définitif des travaux qui n'ont toujours pas été engagés ;

- la demande d'indexation ne pourra qu'être rejetée, l'ASA ne justifiant pas avoir été dans l'impossibilité financière ou technique de faire procéder aux travaux nécessaires à la date du dépôt du rapport d'expertise de M.D... ;

- l'ASA ne contestant pas être assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, les condamnations éventuelles ne pourront être prononcées qu'hors taxe ; il en est de même des dépens ;

- si la cour condamnait l'ASEAP, elle devrait réformer le jugement en ce qu'il a fixé la part de responsabilité de cette dernière à hauteur de 75 % et faire droit à l'appel en garantie présenté par cette dernière en retenant une part de responsabilité imputable à la société Gatineau qui ne saurait être inférieure à 50 % des conséquences dommageables.

Par un mémoire, enregistré le 20 juillet 2016, la société Gatineau, représentée par

MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif du 1er avril 2015 ;

2°) de rejeter toutes les demandes tendant à sa condamnation ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner l'ASEAP à la garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre à hauteur d'au moins 75% ;

4°) de condamner l'ASA de l'étang des Faures à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance de l'ASA était irrecevable en l'absence de délibération du syndicat donnant autorisation à son directeur d'ester en justice ; la délibération du 21 décembre 2011 ne peut être regardée comme ayant valablement délégué à son directeur le pouvoir d'introduire cette action en justice ;

- les désordres en litige entrent dans le champ d'application du protocole transactionnel du 2 juin 2006 qui a été entièrement exécuté et qui a l'autorité de la chose jugée ;

- sa responsabilité de plein droit n'est pas susceptible d'être retenue sur le fondement des dispositions de l'article 1792 du code civil : l'ouvrage ayant entièrement été repris sous la maîtrise d'ouvrage de la société Antea, sa responsabilité ne saurait être retenue qu'à la condition qu'une faute propre lui soit imputable, ce qui n'est pas le cas ; en effet, les travaux qu'elle a réalisés en 2000 ne sont pas à l'origine des fissures karstiques qui résultent des travaux réalisés sous la maîtrise d'oeuvre de la société Antea ;

- elle ne saurait être condamnée à verser à l'ASA une somme supérieure à

147 870 euros et devrait être garantie à hauteur d'au moins 75 % ;

- à titre subsidiaire, il est demandé à la cour d'ordonner une nouvelle expertise judiciaire ;

- l'ASA ne contestant pas être assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, les condamnations éventuelles ne pourront être prononcées qu'hors taxe.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de la requête d'appel. de l'Association syndicale autorisée d'irrigation de l'étang des Faures (défaut de qualité pour agir en l'absence d'habilitation donnée au président) et de l'irrecevabilité par voie de conséquence des conclusions d'appel incident présentées par l'Association syndicale pour l'équipement de l'agriculture périgourdine et la société Gatineau.

II. Par une requête, enregistrée le 11 juin 2015 sous le n° 15BX01968, un mémoire en production de pièces enregistré le 18 août 2015 et des mémoires enregistrés le 7 juin 2016 et le 30 septembre 2016, l'association syndicale pour l'équipement de l'agriculture périgourdine (ASEAP), représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202822 du 1er avril 2015 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a retenu sa responsabilité et en tant qu'il l'a condamnée à verser à l'ASA de l'étang des Faures la somme de 650 000 euros ;

2°) de fixer la part de responsabilité lui incombant à 50 % au maximum ;

3°) de condamner l'ASA à lui verser la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable dès lors que le désistement de sa première requête d'appel n'a pas emporté acquiescement au jugement, l'ASA ayant interjeté appel le 23 mai 2015 ; sa requête, enregistrée le 11 juin 2015 n'est pas tardive dès lors que le jugement attaqué lui a été notifié le 13 avril 2016 ;

- la demande de première instance de l'ASA était irrecevable en l'absence de délibération du syndicat donnant autorisation à son directeur d'ester en justice ; la délibération du 21 décembre 2011 ne peut être regardée comme ayant valablement délégué à son directeur le pouvoir d'introduire cette action en justice ;

- sa responsabilité, limitée à une erreur de conception, ne peut plus être recherchée dès lors qu'elle a été prise en compte par le protocole transactionnel du 2 juin 2006 en application duquel l'ASA a d'ores et déjà perçu la somme de 1 185 000 euros ; en outre, les désordres apparus en 2007 sont liés aux travaux qui ont été réalisés à la demande de l'ASA sous la maîtrise d'oeuvre de la société Antea ; l'intervention de la société Antea a nécessairement eu des conséquences sur le préjudice allégué par l'ASA ; les failles découvertes après les travaux de reprise sont liées aux travaux de reprise ; les travaux de creusement supplémentaires du fond de l'étang réalisés sans précaution particulière ont modifié l'existant ; il y a bien eu un surcreusement du fond du bassin imputable à l'ASA ;

- l'ASA, en application du protocole transactionnel, a d'ores et déjà perçu la somme

de 1 185 000 euros ; un certain nombre de travaux retenus par M. D...(assistance d'un bureau d'étude, travaux sur talus, certains travaux sur les failles, mise en oeuvre de la membrane) font ainsi double emploi avec les travaux devant être réalisés en exécution du protocole transactionnel ;

- l'estimation des travaux faite par M. D...à hauteur de 1 293 000 euros ne correspond pas à un chiffrage précis ; seul un maître d'oeuvre dûment habilité, accompagné d'un bureau d'études géotechniques, pourrait procéder à une évaluation fiable ;

- l'ASA a commis une faute en continuant les travaux en toute connaissance de cause, sans prendre l'attache d'un spécialiste des sols ; ce faisant, elle doit supporter une part de responsabilité qui ne saurait être inférieure à 25 % ;

- le partage de responsabilité retenu par le tribunal administratif à hauteur de 75 % en ce qui la concerne n'est pas justifié : le quantum du partage de responsabilité mis à sa charge ne saurait excéder 50 %.

Par des mémoires, enregistrés le 23 mai 2016, le 27 juillet 2016, le 22 septembre 2016 et le 20 février 2018, l'ASA de l'Etang des Faures, représentée par MeG..., conclut au rejet de la requête de l'ASEAP et demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a fixé à 650 000 euros seulement le montant de l'indemnité devant lui être versée, en tant qu'il lui a alloué cette somme à titre définitif et en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de la société Gatineau et de l' ASEAP à lui verser la somme de 326 024,41 euros à titre de dommages et intérêts en remboursement des travaux effectués inutilement au titre d'un précédent sinistre et qui sont à refaire ;

2°) de condamner in solidum la société Gatineau et l'ASEAP à lui verser la somme provisionnelle de 1 293 000 euros à indexer sur l'évolution de l'indice BT01 du coût de la construction à compter du 11 février 2011 et déduite du taux de taxe sur la valeur ajoutée applicable au moment du versement ainsi que la somme de 326 024,41 euros HT ;

3°) de mettre à la charge de la société Gatineau et de l'ASEAP la somme de 20 000 sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête de l'ASEAP est irrecevable : le désistement de sa première requête appel rend le jugement définitif d'une part et elle a été introduite hors délai d'autre part, la première notification en date du 1er avril 2015 ayant fait courir le délai d'appel ;

- le tribunal administratif a estimé à bon droit que son président avait qualité à agir ;

- la société Groupama, assureur de l'ASEAP, n'est pas recevable en sa seule qualité d'intervenante volontaire à présenter une demande d'expertise ;

- les désordres en litige qui rendent l'ouvrage impropres à sa destination et affectent sa solidité sont de nature à mettre en cause la garantie décennale de l'ASEAP et de la société Gatineau et cette présomption de responsabilité la dispense de prouver la moindre faute ;

- le protocole transactionnel, d'interprétation stricte, n'a pas porté sur la réparation du réseau de fissures ;

- la cour fixera à 1 293 000 euros, ce qui correspond au chiffrage de l'expert, la somme que devront lui verser la société Gatineau et l'ASEAP en réparation de son préjudice ; les travaux qui doivent désormais être exécutés et qui trouvent leur origine dans un défaut de conception de l'ouvrage, correspondent à des désordres nouveaux; ils concernent la réparation des fissures karstiques de sorte qu'ils viennent en complément des travaux indemnisés au titre de la précédente expertise qui portaient sur la reprise d'étanchéité de la bâche ; la réparation des nouveaux désordres implique de revoir la coût de reprise des premiers désordres ; autrement dit, le tribunal administratif a défalqué à tort du montant arrêté par l'expert les travaux d'étanchéité évalués à 641 900 euros HT ;

- elle n'a pas été en mesure de procéder jusqu'à maintenant aux travaux préconisés par M. D...en l'absence des crédits suffisants ;

- la somme qui doit lui être allouée ne peut être que provisionnelle et sera à parfaire en fonction du coût réel des travaux ; le taux de taxe sur la valeur ajoutée applicable au moment du versement sera déduit de la provision ;

- le tribunal administratif a rejeté à tort sa demande tendant au paiement de la somme

de 326 024,41 euros, au titre des travaux de reprise en réparation des défauts d'étanchéité de la membrane de la réserve d'eau ; les travaux ont dû être interrompus à la suite de la découverte de fissures au sol mais devront être ultérieurement entièrement repris.

- la cour rejettera la demande de désignation d'un expert présentée par la société Gatineau dès lors que rien ne justifie de procéder à une contre-expertise du rapport de

M. D...dont les constructeurs sont libres de critiquer les conclusions.

Par des mémoires, enregistré le 6 juin 2016 et le 20 juillet 2016, la société Gatineau, représentée par MeA..., demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif du 1er avril 2015 et :

1°) de rejeter toutes les demandes dirigées contre elle ;

2°) à titre subsidiaire, de désigner un expert et de condamner l'ASEAP à la relever indemne de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre à hauteur au minimum de 75 % ;

3°) de condamner l'ASA de l'étang des Faures à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'aux entiers dépens, y compris les dépens de première instance et les frais d'expertise judiciaire.

Elle soutient que :

- la demande de première instance de l'ASA était irrecevable en l'absence de délibération du syndicat donnant autorisation à son directeur d'ester en justice ; la délibération du 21 décembre 2011 ne peut être regardée comme ayant valablement délégué à son directeur le pouvoir d'introduire cette action en justice ;

- les désordres en litige entrent dans le champ d'application du protocole transactionnel du 2 juin 2006 qui a été entièrement exécuté et qui a l'autorité de la chose jugée ;

- sa responsabilité de plein droit n'est pas susceptible d'être retenue sur le fondement des dispositions de l'article 1792 du code civil : l'ouvrage ayant entièrement été repris sous la maîtrise d'ouvrage de la société Antea, sa responsabilité ne saurait être retenue qu'à la condition qu'une faute propre lui soit imputable, ce qui n'est pas le cas ; alors qu'il ne lui appartenait pas dans le cadre de son marché de faire procéder à des études préalables, elle a fait appel à un géotechnicien qui n'a formulé aucune observation particulière ni réserve sur les travaux à réaliser ; il en résulte nécessairement une responsabilité prépondérante de la maîtrise d'oeuvre ;

- les désordres sont imputables aux entreprises ayant réalisé les travaux de

reprise ; l'apparition de failles et cavités lors de la reprise de l'ouvrage résulte du choix de l'ASA de creuser plus profondément le bassin ; elle n'a pris aucune part dans ce choix et n'a pas participé à ces travaux de reprise des désordres ;

- à titre subsidiaire, il est demandé à la cour d'ordonner une nouvelle expertise judiciaire ;

- le chiffrage des désordres réalisé par l'expert judiciaire, en l'absence de toute consultation d'entreprise, est contestable ; l'expert a omis de prendre en compte le versement d'une indemnité destinée au financement des travaux de reconstruction de l'ouvrage, lesquels n'ont pas été menés à leur terme ; le chiffrage ne correspond pas au préjudice subi par l'ASA qui n'est constitué que par le surcoût de l'opération imputable à la présence des failles ;

- en tout état de cause, elle ne saurait être condamnée à verser à l'ASA une somme supérieure à 147 870 euros et devrait être relevée indemne par l'ASEAP ;

- la demande de l'ASA tendant au paiement de travaux exécutés inutilement ne pourra qu'être rejetée dès lors qu'il n'est pas établi qu'elle ait subi un préjudice distinct de celui lié à la nécessité de réaliser des travaux de reprise des désordres ;

- l'ASA a d'ores et déjà perçu une somme totale de 1 185 000 euros HT au titre des travaux de reprise, supérieure au montant des travaux chiffrés par l'expert judiciaire ; elle devra s'expliquer sur l'emploi de cette somme ;

- l'ASA ne contestant pas être assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, les condamnations éventuelles ne pourront être prononcées qu'hors taxe.

Par un mémoire en intervention enregistré le 10 juin 2016 et un mémoire enregistré le 29 juillet 2016, la société Groupama Centre Atlantique, assureur de l'ASAEP, représentée par MeC..., conclut aux mêmes fins que la requête de l'ASEAP et à titre subsidiaire à ce que, par arrêt avant-dire droit, la cour ordonne une mesure d'instruction.

Elle soutient que :

- elle justifie d'un intérêt légitime et suffisant pour intervenir volontairement eu égard aux sommes déjà versées en application du protocole transactionnel, auquel elle était partie, en réparation des désordres affectant la réserve de l'étang des Faures ;

- elle s'en remet à l'appréciation de la cour quant à la recevabilité de la demande de première instance de l'ASA de l'étang des Faures ;

- la responsabilisé décennale de l'ASEAP à l'égard de l'ASA de l'étang des Faures n'est pas susceptible d'être engagée au titre des désordres objet de l'expertise confiée à

M. D...dès lors qu'ils ne sont pas en lien direct et certain avec les travaux pour lesquels l'ASEAP a reçu un mission de maîtrise d'oeuvre d'une part et compte tenu des effets attachés au protocole transactionnel signé le 2 juin 2006 d'autre part ;

- la cour, par arrêt avant dire droit, sollicitera une expertise en vue de chiffrer les travaux complémentaires induits par la mise en évidence des fractures karstiques par rapport à ceux chiffrés par le premier expert judiciaire ;

- l'ASA ne justifie pas des préjudices dont elle sollicite réparation, tant en ce qui concerne les travaux de reprise liés à la mise en évidence des failles karstiques que la somme

de 326 024,41 euros à titre des dommages et intérêts au titre des travaux prétendument inutiles engagés dans le prolongement du 1er rapport d'expertise ;

- l'ASA ne peut solliciter une indemnité de nature provisionnelle dans l'attente de connaître le coût définitif des travaux qui n'ont toujours pas été engagés ;

- la demande d'indexation ne pourra qu'être rejetée, l'ASA ne justifiant pas avoir été dans l'impossibilité financière ou technique de faire procéder aux travaux nécessaires à la date du dépôt du rapport d'expertise de M.D... ;

- l'ASA ne contestant pas être assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, les condamnations éventuelles ne pourront être prononcées qu'hors taxe ; il en est de même des dépens ;

- si la cour condamnait l'ASEAP, elle devra réformer le jugement en ce qu'il a fixé sa part de responsabilité à hauteur de 75 % et faire droit à l'appel en garantie formulée par cette dernière en retenant une part de responsabilité imputable à la société Gatineau qui ne saurait être inférieure à 50 % des conséquences dommageables.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de la requête d'appel. de l'Association syndicale autorisée d'irrigation de l'étang des Faures (défaut de qualité pour agir en l'absence d'habilitation donnée au président) et de l'irrecevabilité par voie de conséquence des conclusions d'appel incident présentées par l'Association syndicale pour l'équipement de l'agriculture périgourdine et la société Gatineau.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marianne Pouget,

- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant l'ASA de l'étang de Faures, de Me E..., représentant l'ASEAP et de MeA..., représentant la société Gatineau TP.

Considérant ce qui suit :

1. Par conventions conclues au cours de l'année 1999, l'association syndicale autorisée (ASA) de l'étang des Faures a confié la conception et la réalisation d'une réserve d'eau de 377 000 mètres cube à l'association syndicale pour l'équipement de l'agriculture périgourdine (ASEAP), maître d'oeuvre, et à la société Gatineau, chargée du lot terrassement. Après réception du fond de forme exécuté par la société Gatineau le 20 juillet 2000 et des travaux d'étanchéité le 25 janvier 2001, un manque d'étanchéité des parois bâchées de la réserve a été constaté. Alors qu'étaient effectués les travaux de réparation liés au manque d'étanchéité de la bâche entrepris en vertu d'un protocole transactionnel conclu le 2 juin 2006 entre le maître d'ouvrage et les constructeurs, a été mis en évidence courant août 2007 un réseau de fissures karstifiées. L'ASA a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande d'expertise et l'expert désigné par ordonnance du 5 juin 2008 a rendu son rapport le 11 février 2011. L'ASA de l'étang de Faures a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner in solidum la société Gatineau et l'ASEAP à lui verser la somme provisionnelle de 1 293 000 euros en réparation des désordres ainsi que la somme de 326 024,41 euros à titre de dommages et intérêts et de mettre à la charge in solidum de la société Gatineau et de l'ASEAP une somme de 29 116,82 euros au titre des dépens de l'instance.

2. Par un jugement n° 1202822 du 1er avril 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné in solidum l'ASEAP et la société Gatineau à verser à l'ASA la somme de

650 000 euros HT en réparation de son préjudice, la somme de 29 116,82 euros au titre des dépens et a condamné l'ASEAP à garantir la société Gatineau à concurrence de 75 % des condamnations prononcées contre elle. Par une requête enregistrée sous le n° 15BX01802, l'ASA demande à la cour de réformer le jugement en tant qu'il a limité à 650 000 euros HT l'indemnité devant lui être versée par l'ASEAP et la société Gatineau, en tant qu'il lui a alloué cette somme à titre définitif et en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de la société Gatineau et de l' ASEAP à lui verser la somme de 326 024,41 euros à titre de dommages et intérêts. Par la voie de l'appel incident, l'ASEAP demande à la cour de retenir une part de responsabilité de l'ASA à hauteur de 25 % minimum et de fixer la part de responsabilité lui incombant à 50 % au maximum. Par la voie de l'appel provoqué, la société Gatineau demande à la cour de condamner l'ASEAP à la garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre par l'ASEAP à hauteur d'au moins 75 %.

3. Par une requête enregistrée sous le n° 15BX01968, l'ASEAP demande à la cour de réformer le jugement n° 1202822 du 1er avril 2015 en tant que le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamnée solidairement avec la société Gatineau à verser à l'ASA la somme de 650 000 euros HT en réparation des désordres affectant la réserve de l'étang des Faures, a mis solidairement à sa charge et à celle de la société Gatineau la somme totale de 29 116,82 euros au titre des dépens de l'instance et à titre subsidiaire de limiter à hauteur de 50 % sa part de responsabilité. Par voie d'appel incident, l'ASA de l'étang des Faures demande à la cour de condamner in solidum la société Gatineau et l'ASEAP à lui verser la somme provisionnelle de 1 293 000 euros à indexer sur l'évolution de l'indice BT01 du coût de la construction à compter du 11 février 2011 et déduite du taux de taxe sur la valeur ajoutée applicable au moment du versement ainsi que la somme de 326 024,41 euros HT à titre de dommages et intérêt. Par voie d'appel incident, la société Gatineau demande à la cour de confirmer la condamnation de l'ASEAP à la garantir à hauteur d'au moins 75 % et par voie d'appel provoqué, de rejeter les demandes supplémentaires de condamnation de l'ASA de l'étang des Faures dirigées contre elle.

4. Les requêtes n° 15BX01802 et 15BX01968 présentées respectivement par l'ASA et par l'ASEAP sont dirigées contre le même jugement du tribunal administratif de Bordeaux. Il y a donc lieu de les joindre pour qu'il soit statué par un même arrêt.

Sur l'intervention de la société Groupama :

5. La société Groupama, qui est l'assureur de l'ASEAP, justifie d'un intérêt suffisant à intervenir dans les présentes instances. Dès lors, son intervention doit être admise.

Sur la recevabilité des conclusions de l'ASA :

6. L'ASA produit une délibération du 5 février 2018 de son bureau autorisant notamment le directeur de l'association à interjeter appel du jugement attaqué et à agir en qualité d'appelant et d'intimé dans le cadre des deux instances. Dans ces conditions, ses conclusions d'appel principal et d'appel incident sont recevables.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

7. En vertu de l'article 10 des statuts réactualisés en 2009 de l'ASA, son bureau délibère notamment sur l'autorisation donnée au président d'agir en justice. Au vu des délibérations du bureau qui étaient produites devant lui, comprenant une délibération du 4 décembre 2007 autorisant le directeur de l'association à ester en justice et désignant Me G...pour solliciter la désignation d'un expert, agir au fond et (ou) transiger, une délibération du 15 novembre 2011 par laquelle le bureau a décidé de confier la poursuite de ses intérêts à Me G...ainsi qu'une délibération du bureau du 21 décembre 2011, prise en complément de celle du 15 novembre 2011, autorisant son président, M.H..., à agir en justice dans le cadre de toute action liée à la réserve d'eau de l'étang des Faures, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Bordeaux a estimé que le président du syndicat avait qualité pour introduire l'instance et a écarté la fin de non-recevoir opposée par l'ASEAP et la société Gatineau.

Sur la responsabilité :

8. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans.

9. Il résulte du rapport d'expertise de M. I...du 8 novembre 2004, établi en application d'une ordonnance du tribunal de grande instance de Périgueux du 17 janvier 2002, que les désordres qui ont été constatés peu après la réception des travaux sont caractérisés par de très nombreuses perforations de la bâche réalisée en polyéthylène de basse densité de 1,5 millimètre posée sur un géotextile et que ces désordres résultent, d'une part, d'une erreur de conception liée à l'absence d'étude géotechnique ayant entraîné l'insuffisance de stabilité des digues du fait de leur pente trop importante, d'autre part, de ce que la membrane assurant l'étanchéité de la paroi n'a pas été posée en conformité avec les documents applicables à ce type d'ouvrage. Par un protocole transactionnel conclu le 2 juin 2006 avec l'ASA de l'étang des Faures, et dont le rappel de faits se réfère aux conclusions de ce rapport d'expertise, l'ASEAP, la société Gatineau, la société Eco Etanche, chargée de la pose de la bâche recouvrant la réserve d'eau, ainsi que les compagnies d'assurance SMABTP et Groupama, se sont engagées à régler à l'ASA la somme de 1 185 000 euros " à titre transactionnel forfaitaire, définitif et pour solde de tout compte en réparation des dommages matériels et immatériels résultant des désordres affectant la réserve de l'étang des Faures ". En application de cet accord transactionnel, toute partie s'est engagée à se désister " de toute instance et de toute action déjà entreprise et/ou à entreprendre, et ce réciproquement, qui pourrait concerner les faits visés au préambule ".

10. Il résulte en revanche du rapport de l'expert M.D..., désigné par l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux du 5 juin 2008, que les problèmes rencontrés dans l'exécution des travaux de reprise de la retenue d'eau de l'ASA, à la suite de la première expertise, étaient " de nature nouvelle " et très différents de ceux ayant fait l'objet du rapport de M.I.... Le second expert a en effet constaté qu'il ne s'agissait plus de désordres affectant la pente des talus de la retenue ou les matériaux mis en oeuvre mais de la mise à jour d'un important réseau de fractures dans le sol sous-jacent remettant en cause la conception du bassin et les conditions de son étanchéité. L'expert a conclu que ces désordres étaient nouveaux par rapport à ceux identifiés par le premier expert et avaient des implications quant aux solutions à mettre en oeuvre pour assurer l'étanchéité de la retenue.

11. Ainsi, l'ASEAP et la société Gatineau ne sont pas fondées à soutenir que les désordres en cause dans le présent litige doivent être regardés comme étant au nombre de ceux déjà réglés par le protocole du 2 juin 2006 alors que le premier expert, M.I..., ne s'était pas prononcé sur l'erreur de conception relevée par le second expert, M.D..., et que les deux experts n'ont pas été chargés de déterminer les travaux permettant de remédier aux mêmes désordres mais à des désordres de nature différente constatés à deux moments différents.

12. L'ASEAP et la société Gatineau font également valoir que l'intervention de la société Antea et de la société Doyeux, auxquelles l'ASA a confié les travaux de reprise préconisés par le premier expert, ont modifié l'existant en provoquant un creusement excessif fragilisant ainsi le terrain sous-jacent, ce qui les exonérerait de toute responsabilité dans les désordres d'étanchéité de la retenue. Toutefois, il résulte du rapport de l'expert que ces travaux ont seulement rendu plus apparentes les failles karstifiées du terrain à l'origine de la détérioration de la retenue et des pertes d'étanchéité avant même ces travaux.

13. Par suite, les désordres cités au point 10, qui affectent gravement l'étanchéité de la retenue, rendent l'ouvrage impropre à sa destination. Ils sont de nature à mettre en cause la garantie décennale des constructeurs.

14. Il résulte encore de l'étude géologique réalisée par la société Terrefort, dont les résultats sont repris par M. D...dans son rapport, que la présence possible de failles et fractures karstifiées pouvait être identifiée à la lecture des cartes géologiques accessibles sur le site Infoterre. Or, il résulte du rapport de l'expert que l'ASEAP n'a fait réaliser aucune étude géotechnique ; après avoir identifié des failles qu'elle a elle-même qualifiées de nombreuses dans son compte rendu de chantier du 6 juillet 2000, elle n'a eu recours à aucun géotechnicien pour les examiner et définir un système de pontage ; si l'ASEAP a demandé à l'entreprise Gatineau après la découverte des failles " d'apporter une attention particulière au réglage du fond de la réserve et notamment au bouchage et compactage des nombreuses failles présentes ", l'expert note toutefois que " le souci pris en compte lors du pontage de la fissure n'était que la pérennité de la géo membrane servant d'étanchéité au bassin, a priori aucune interrogation sur son étendue souterraine n'a été à l'ordre au jour, aucun géotechnicien n'a été consulté pour avis sur cet accident géologique ".

15. L'ASEAP soutient qu'elle avait avisé le maître d'ouvrage de la découverte de failles et que ce dernier a laissé les travaux se poursuivre en toute connaissance de cause de sorte qu'il devrait supporter une part de responsabilité qui ne saurait être inférieure à 25 %. Mais il résulte de l'instruction que l'ASEAP n'a pas suffisamment alerté l'ASA sur les incidences du réseau de fractures quant à la localisation même de l'ouvrage, à la stabilité des digues, à la pérennité du système d'étanchéité de la retenue d'eau qu'elle-même, comme il a été dit au point précédent, avait sous-évaluées. L'ASEAP a ainsi manqué à ses obligations telles que définies par l'article 2 de la convention de réalisation d'une opération d'aménagement hydraulique agricole comprenant notamment " le choix technique des différentes solutions proposées ", " la surveillance et le contrôle de l'exécution des travaux " et les " interventions de toute nature nécessaires à une bonne marche de l'opération ". Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que l'ASA aurait commis une faute de nature à atténuer sa responsabilité.

16. Il résulte enfin du rapport d'expertise établi par M. D...que la société Gatineau a mis en oeuvre de grandes quantités de matériaux sans faire réaliser d'analyse granulométrique du sol ni d'essai de laboratoire afin d'en définir la sensibilité et qu'après la découverte des failles, elle n'a pas consulté de géotechnicien en vue d'un examen de ces failles et de la définition du système de pontage. La société engage ainsi sa responsabilité décennale et solidaire avec l'ASEAP. Il n'y a pas lieu de revenir sur le partage des responsabilités entre le maître d'oeuvre et la société arrêtée à juste titre par les premiers juges au point 16 de leur décision.

17. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges, après avoir prononcé la condamnation solidaire de l'ASEAP et de la société Gatineau, ont exclu la faute de l'ASA et, eu égard à la part prise respectivement par l'ASEAP et la société Gatineau dans la réalisation des désordres, ont laissé à la charge finale de l'ASEAP 75 % de la réparation de ces derniers et condamné le maître d'oeuvre à garantir la société dans cette limite.

Sur les préjudices :

18. Il résulte du rapport de l'expert que les travaux nécessaires à la réparation des désordres, que celui-ci estime à la somme de 1 193 000 euros TTC, consistent à ponter les fractures par des dalles BA rigides, à stabiliser le pied de talus amont avec des gabions pour éviter les tassements différentiels et d'endommager la membrane, à choisir une étanchéité appropriée aux risques et une mise en oeuvre sécurisante (protection) et à s'attacher les services d'une maîtrise d'oeuvre complète avec les missions appropriées (G2 G4 notamment). Toutefois, l'ASEAP est fondée à faire valoir que les travaux relatifs à l'étanchéité et au changement de la membrane font double emploi avec les travaux de reprise préconisés par le premier expert, pour lesquels l'ASA a déjà perçu la somme de 1 185 000 euros, et qui ont été interrompus. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont évalué le préjudice subi par l'ASA au titre des nouveaux désordres en excluant de l'indemnité devant lui être allouée le montant de ces travaux et ont fixé à la somme de 650 000 euros, soit environ la moitié du montant des travaux TTC préconisés par M.D..., la somme devant lui être définitivement versée. L'ASEAP n'apporte pas d'éléments de nature à remettre en cause l'évaluation faite par le tribunal administratif du montant de ces travaux fixée à 650 000 euros. L'ASA ne justifie pas non plus qu'une somme supplémentaire devrait lui être allouée au titre du revêtement du fond de la retenue. Et la demande de cette dernière tendant à ce que son indemnisation soit fixée à titre " provisionnel " ne peut qu'être rejetée.

19. L'ASA demande que des dommages intérêts lui soient alloués à hauteur de 326 024,41 euros au titre des travaux de reprise de l'étanchéité de la membrane de la réserve d'eau préconisés par l'expert La Fourchardière dont la réalisation a été convenue par le protocole d'accord du 2 juin 2006 et qui se sont révélés inutiles dans la mesure où de nouveaux désordres ont été découverts alors qu'ils étaient engagés. Toutefois, dès lors que l'ASA, en signant le protocole, avait marqué son accord sur le caractère nécessaire et suffisant de ces travaux pour remédier aux désordres de la retenue, elle n'est pas fondée à en contester a posteriori l'utilité dans le présent litige. Aussi bien, ces travaux, qui n'ont pas été entièrement exécutés, n'ont pas été inutiles puisqu'ils ont permis de révéler les désordres structurels que la première expertise n'avait pu détecter.

20. Enfin, le montant du préjudice dont le maître de l'ouvrage est fondé à demander réparation aux constructeurs en raison des désordres affectant l'ouvrage qu'ils ont réalisé correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection. Ces frais comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable du coût des travaux, à moins que le maître de l'ouvrage ne relève d'un régime fiscal qui lui permet normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle dont il est redevable à raison de ses propres opérations.

21. L'ASEAP soutient sans être contredite par l'ASA que cette dernière est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée et qu'elle a ainsi la possibilité de déduire la taxe grevant les travaux de reprise quel qu'en soit le taux. Le protocole transactionnel conclu le 2 juin 2006 mentionne d'ailleurs au 4° que l'ASA " récupère la TVA ". Dès lors, le montant de l'indemnisation doit être fixé hors taxe ainsi qu'en a décidé le tribunal. Par suite, la demande de l'ASA tendant à ce que la " provision " qui doit lui être allouée soit " déduite du taux de TVA applicable au moment du versement ", sans objet, ne peut qu'être rejetée.

Sur les frais d'expertise de première instance :

22. Il n'y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et compte tenu du point 17 ci-dessus, de modifier ni la charge des frais de l'expertise et des frais afférents au constat d'huissier au regard de laquelle s'étaient prononcés les premiers juges, taxés et liquidés à la somme

de 29 116, 82 euros, ni la condamnation de l'ASEAP à garantir la société Gatineau à concurrence de 75 % prononcée à juste titre par le tribunal.

23. Il résulte de tout ce qui précède que les parties ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné in solidum l'ASEAP et la société Gatineau à verser à l'ASA la somme de 650 000 euros HT en réparation de son préjudice, la somme de 29 116,82 euros au titre des dépens et a condamné l'ASEAP à garantir la société Gatineau à concurrence de 75 % des condamnations prononcées contre elle.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

24. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de la société Groupama est admise.

Article 2 : Les requêtes n° 15BX01802 et 15BX01968 et les conclusions d'appel incident et provoqué présentées par les parties sont rejetées.

Article 3: Le présent arrêt sera notifié à l'association syndicale autorisée d'irrigation de l'étang des Faures, à l'association syndicale pour l'équipement de l'agriculture périgourdine et à la société Gatineau. Copie en sera adressée à M. F...D..., expert.

Délibéré après l'audience du 2 mars 2018 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Marianne Pouget, président-assesseur,

Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 30 mars 2018.

Le rapporteur,

Marianne Pouget

Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

11

N° 15BX01802 ; 15BX01968


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