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20/03/2018 | FRANCE | N°17BX03743

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 20 mars 2018, 17BX03743


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1703648 du 15 septembre 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 novembre 2017, M.C..., représenté par MeD..., de

mande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 septembre 2017 du magistrat désigné du tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1703648 du 15 septembre 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 novembre 2017, M.C..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 septembre 2017 du magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de l'admettre au séjour dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et, à tout le moins, de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au profit de son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi sur l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- l'arrêté du 18 juillet 2017 est entaché d'une incompétence de l'auteur de l'acte dès lors qu'il est signé de MmeA..., sous-préfète chargée de mission, secrétaire général adjoint de la préfecture de la Haute-Garonne, laquelle n'aurait pu signer cet arrêté qu'en cas d'absence ou d'empêchement de M. Daguin, secrétaire général de la préfecture, et en l'espèce, cette absence ou cet empêchement ne sont pas établis par le préfet ;

- la décision d'obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article L. 551-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En effet, elle ne fait pas état des faits qui se rapportent à sa situation notamment quant à la circonstance que sa demande d'asile a été présentée en rétention quelques jours à peine après son entrée en France et dans des conditions incompatibles avec les droits de la défense et que la procédure devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a eu lieu en son absence. Le préfet aurait dès lors dû porter dans sa décision, une attention toute particulière quant à l'existence des risques encourus en Afghanistan ;

- l'obligation de quitter le territoire est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet déduit du seul fait du rejet pour irrecevabilité par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) de sa demande de réexamen de sa demande d'asile le 21 avril 2017, et des décisions de l'OFPRA du 21 juillet 2016 et de la CNDA du 2 décembre 2016, le fait que cette demande de réexamen n'aurait été présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement. Tel n'est pourtant pas le cas dans la mesure où la demande de réexamen de sa demande d'asile était notamment fondée sur le fait qu'il disposait de documents qu'il a obtenus en Allemagne, démontrant l'existence d'un risque en cas de retour en Afghanistan ;

- la décision d'obligation de quitter le territoire prise au motif que la demande de réexamen de la demande d'asile n'aurait été présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire est par ailleurs entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de ce qu'il ne peut envisager de retourner dans son pays d'origine sans craindre pour sa sécurité, son père ayant été tué par les talibans et lui-même se trouvant menacé compte tenu de son engagement dans l'armée ;

- la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire ;

- cette décision est entachée d'un défaut de motivation en raison de l'absence totale d'indication des risques qu'il encourt en cas de retour dans son pays d'origine. Le considérant stéréotypé adopté à cet égard par la décision du préfet ne saurait être considéré comme satisfaisant à l'obligation de motivation d'autant qu'à la date de la décision, sa demande d'asile n'avait pas fait l'objet d'un rejet définitif ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu des risques auxquels il se trouve exposé en cas de retour en Afghanistan, et dès lors qu'il dispose de nouveaux éléments quant à l'existence de ces risques ;

- la décision litigieuse est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où le préfet de la Haute-Garonne s'est estimé lié par les décisions de refus de l'OFPRA et de la CNDA.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 janvier 2018, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 novembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 18 janvier 2018, le président de la cour a désigné M. Frédéric Faïck pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Bentolila,

- et les conclusions de M. Frédéric Faïck, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...C..., ressortissant afghan, né le 1er janvier 1990 à Char Sang (Afghanistan), est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 29 juin 2016. Il a fait l'objet le 30 juin 2016, d'un arrêté du préfet de la Moselle l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et ordonnant son placement en rétention administrative. Au cours de sa rétention, M. C...a sollicité son admission au bénéfice de l'asile le 5 juillet 2016, demande qui a été rejetée par l'Office français des protections des réfugiés et apatrides (OFPRA) en date du 21 juillet 2016 et par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) en date du 2 décembre 2016. M. C...a sollicité, le 27 février 2017, le réexamen de sa demande d'asile. L'Office français des protections des réfugiés et apatrides a déclaré le 21 avril 2017 sa demande irrecevable. Le 4 mai 2017, M. C... a formé un recours devant la CNDA contre cette décision. Par arrêté du 18 juillet 2017, le préfet de la Haute-Garonne a pris à son encontre une décision l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi. M. C...relève appel du jugement du 15 septembre 2017 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 juillet 2017.

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ". Selon l'article L. 743-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) 4° L'étranger n'a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 723-11, qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement (...) ". Aux termes de l'article L. 743-3 : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI. ".

3. Le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié. Ce droit implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, dans les conditions et sous les réserves définies par les dispositions précitées de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. C...soutient que le préfet aurait commis une erreur de droit en déduisant du rejet par l'OFPRA par la décision du 21 avril 2017, pour irrecevabilité, de sa demande de réexamen de sa demande d'asile, le fait que la demande de réexamen de sa demande d'asile présentée le 22 novembre 2016, n'aurait été présentée au sens de l'article L 743-2 précité du code de l'entrée et du séjour " qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement (...) " sans apprécier par lui-même la portée des documents présentés à l'appui de la demande de réexamen de sa demande d'asile. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la rédaction de l'arrêté du 18 juillet 2017 du préfet de la Haute-Garonne portant obligation de quitter le territoire français que le préfet s'est fondé pour prendre sa décision, sur la décision du 21 avril 2017 par laquelle l'OFPRA a rejeté pour irrecevabilité la demande de réexamen de la demande d'asile présentée par M.C..., le préfet estimant que le recours formé par l'intéressé le 4 mai 2017 devant la CNDA n'avait dès lors pas d'effet suspensif. Toutefois, faute pour le préfet d'avoir porté une appréciation sur les documents présentés par M. C...à l'appui de sa demande de réexamen de sa demande d'asile, constitués notamment par la production du " taskera " (document d'identité) et de son livret militaire, ainsi que d'un document d'avertissement daté de l'année 2015 accompagné de sa traduction française indiquée par une traductrice assermentée, et un expert judiciaire, comme établie à partir de l'original, se présentant comme une menace de mort que lui aurait adressée les talibans, du fait de sa qualité de militaire, le requérant est fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions précitées des articles L. 511-1 et L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. M.C... est dès lors fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 18 juillet 2017 du préfet de la Haute-Garonne portant obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours, ainsi que par voie de conséquence, de la décision subséquente de fixation du pays de renvoi et à demander l'annulation du jugement du 15 septembre 2017 du magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

5. L'annulation prononcée ci-dessus implique seulement que le préfet réexamine la situation de M. C...conformément à l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. .

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et les dépens :

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me D...sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L 761-1 du code de justice administrative, ce versement valant renonciation de Me D...à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1703648 du 15 septembre 2017 du magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse, ainsi que l'arrêté du 18 juillet 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a obligé M. C...à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, sont annulés.

Article 2: Il est mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser au conseil de M. C... sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ce versement valant renonciation de Me D... à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C..., à MeD..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 9 février 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 mars 2018.

Le rapporteur,

Pierre BentolilaLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Evelyne Gay-Boissières

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX03743


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX03743
Date de la décision : 20/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: M. FAÏCK
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-03-20;17bx03743 ?
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