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20/03/2018 | FRANCE | N°15BX01496

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 20 mars 2018, 15BX01496


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E...D...ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté en date du 3 novembre 2011 par lequel le préfet de Tarn-et-Garonne a déclaré d'utilité publique au bénéfice de la commune de Castelsarrasin les travaux d'aménagement de la zone d'aménagement concerté Terre-Blanche et cessibles les parcelles nécessaires à l'opération envisagée et a prononcé la mise en compatibilité du plan d'occupation des sols.

Par un jugement n° 1200126 du 27 février 2015, le tribunal

administratif de Toulouse a annulé l'arrêté en date du 3 novembre 2011 du préfet de Tar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E...D...ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté en date du 3 novembre 2011 par lequel le préfet de Tarn-et-Garonne a déclaré d'utilité publique au bénéfice de la commune de Castelsarrasin les travaux d'aménagement de la zone d'aménagement concerté Terre-Blanche et cessibles les parcelles nécessaires à l'opération envisagée et a prononcé la mise en compatibilité du plan d'occupation des sols.

Par un jugement n° 1200126 du 27 février 2015, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté en date du 3 novembre 2011 du préfet de Tarn-et-Garonne en tant qu'il a déclaré cessibles les parcelles nécessaires aux travaux d'aménagement de la zone d'aménagement concerté Terre-Blanche et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 4 mai 2015, le 20 octobre 2015 et le 22 janvier 2016, la commune de Castelsarrasin, représentée par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 27 février 2015 ;

2°) de rejeter la requête de M. et MmeD... ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme D...la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le caractère d'utilité publique du projet est avéré et le besoin axé sur le développement local cohérent valorisant des espaces stratégiques à vocation économique ; le tribunal a mis à tort sur le même plan la ZAC de Terre Blanche et les zones de Fleury et de Barrès qui n'ont pas le même objet ni la même localisation et ne sont d'ailleurs pas aménagées par la commune de Castelsarrasin ; la population de la ville est jeune et en croissance ;

- les recommandations du commissaire enquêteur ont été prises en compte en amont de la déclaration d'utilité publique en vue de minimiser le risque d'inondation ; les risques d'atteinte à la sécurité des personnes et des biens comme d'atteinte à l'environnement sont mineurs ;

- le coût financier est un simple élément d'appréciation et en l'espèce, il sera moindre compte tenu des revenus perçus de la commercialisation des terrains.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 juin 2015, le 30 octobre 2015 et 20 décembre 2017, M. et Mme E...D..., représentés par MeA..., concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat et de la commune de Castelsarrasin sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la présence d'infrastructures disponibles ayant une vocation commerciale au sein de la zone de Fleury située en continuité de la zone projetée, les inconvénients portés à la propriété et le coût financier de la ZAC de Terre-Blanche doivent être regardés comme excessifs et sont de nature à lui retirer son caractère d'utilité publique ;

- le commissaire enquêteur met en exergue un risque d'inondation ; l'atteinte à la sécurité des personnes et à l'environnement est manifeste.

Par des observations enregistrées le 7 décembre 2016 et le 12 janvier 2018, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, qui déclare s'associer aux écritures de la commune de Castelsarrasin, conclut à l'irrecevabilité des conclusions de première instance de M. et Mme D... en tant qu'elles concernent d'autres personnes expropriées, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 27 février 2015 et au rejet de la requête de M. et Mme D...concernant leurs parcelles.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 18 janvier 2018, le président de la cour a désigné M. Frédéric Faïck pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Madelaigue,

- les conclusions de M. Fréderic Faïck, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la commune de Castelsarrasin.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 3 novembre 2011, le préfet de Tarn-et-Garonne a déclaré d'utilité publique au bénéfice de la commune de Castelsarrasin les travaux d'aménagement de la zone d'aménagement concerté (ZAC) Terre-Blanche, cessibles les parcelles nécessaires à l'opération envisagée et a prononcé la mise en compatibilité du plan d'occupation des sols. Par un jugement du 27 février 2015, le tribunal administratif de Toulouse a, à la demande de M. et MmeD..., annulé cet arrêté du préfet de Tarn-et-Garonne en tant qu'il a déclaré cessibles les parcelles nécessaires aux travaux d'aménagement de la zone d'aménagement concerté Terre-Blanche et rejeté le surplus des conclusions de la requête. La commune de Castelsarrasin relève appel de ce jugement.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. La qualité de propriétaire de parcelles expropriées dans le cadre d'une opération de déclaration d'utilité publique de travaux ne rend les requérants recevables à attaquer un arrêté de cessibilité, sauf circonstances particulières, qu'en tant qu'il concerne leurs parcelles. Ainsi, en l'absence de circonstances particulières en l'espèce, et comme le soutient le ministre de l'intérieur, les conclusions de M. et Mme D...sont irrecevables en tant qu'elles concernent des parcelles autres que celles, cadastrées section CX n° 61 et 66, dont ils sont propriétaires.

3. A l'article 1er de son jugement, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 3 novembre 2011 du préfet de Tarn-et-Garonne en tant qu'il a déclaré cessibles l'ensemble des parcelles nécessaires aux travaux d'aménagement de la zone d'aménagement concerté Terre-Blanche.

4. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué est irrégulier en tant qu'il fait droit aux conclusions à fin d'annulation dirigées contre l'arrêté de cessibilité pour ce qui concerne d'autres parcelles que les leurs et doit être annulé dans cette mesure.

5. Il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de M. et Mme D...en tant qu'elles concernent la cessibilité des parcelles dont ils ne sont pas propriétaires, de les rejeter comme irrecevables et de se prononcer par la voie de l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions auxquelles le tribunal a fait droit.

6. Au soutien de leurs conclusions dirigées contre l'arrêté du 3 novembre 2011 déclarant cessibles leurs parcelles nécessaires aux travaux d'aménagement de la zone d'aménagement concerté Terre-Blanche, M. et Mme C...ont excipé de l'illégalité de l'arrêté du même jour déclarant l'utilité publique de l'opération d'aménagement de cette ZAC au regard notamment du besoin d'intérêt général et soutenu que les inconvénients de l'opération sont supérieurs à ses avantages. Le tribunal a retenu ce motif d'annulation.

7. Il appartient au juge, lorsqu'il se prononce sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs au regard de l'intérêt qu'elle présente.

8. La création de la zone d'aménagement concerté Terre-Blanche à usage d'activités économiques, artisanales, industrielles et de services au Nord-Ouest de la commune de Castelsarrasin le long de la route départementale 813, à proximité de l'échangeur autoroutier de l'A62, est motivée par la création d'emplois et le renforcement des capacités d'accueil d'entreprises en raison de l'absence de terrain disponible à la vente dans les zones communales à vocation commerciale, industrielle et artisanale. Cette finalité constitue une finalité d'intérêt général et il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'opération pourrait être réalisée sans recourir à l'expropriation.

9. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la communauté de communes Castelsarrasin-Moissac a crée en 2000, deux zones intercommunales sur le territoire de la commune de Castelsarrasin : la zone de Barrès à vocation industrielle et artisanale et la zone Fleury à vocation commerciale et d'équipements de services publics. Si la commune de Castelsarrasin fait valoir que la vocation commerciale initiale de la zone Fleury est " gelée " par la volonté des élus de Moissac qui ont par ailleurs créé une zone communale du Luc à vocation commerciale, elle n'établit pas qu'il serait devenu impossible d'accueillir une entreprise commerciale sur cette zone intercommunale de Fleury en raison de l'opposition de ces élus. La commune de Castelsarrasin, si elle soutient que la zone de Fleury souffre d'une mauvaise conception initiale notamment du point de vue de son emplacement, n'apporte aucune précision permettant de corroborer cette allégation. Or la zone Fleury, qui est contigüe à la zone projetée, est vide à 75 %. Par ailleurs, il ne peut être exclu une certaine complémentarité avec la zone industrielle de Barrès qui est également vide à plus de 50%. L'évaluation théorique du nombre d'emploi crée par une ZAC indiquée par le commissaire enquêteur autour de 250 emplois n'exclut pas le risque, ainsi qu'il le précise, que cette ZAC génère un effet de concurrence négative pour les zones d'activités voisines, notamment celle de Fleury. Et si la commune fait également état de pré-réservations d'exploitants commerciaux qui souhaiteraient s'agrandir, celles-ci sont hypothétiques et peu nombreuses. Ainsi, compte tenu de la présence d'infrastructures existantes et disponibles ayant une vocation commerciale au sein de la zone Fleury située en continuité au Nord de la zone projetée et à équidistance de Castelsarrasin et de Moissac, les inconvénients inhérents aux atteintes portées à la propriété, essentiellement constituée dans ce secteur de parcelles agricoles, et le coût financier de la création de la ZAC Terre-Blanche, évalué à 7 828 030 euros, somme à laquelle il convient d'ailleurs d'ajouter l'estimation des coûts des mesures de protection et de mise en valeur évalués à 1 631 000 euros, doivent être regardés comme excessifs et sont, dès lors, de nature à lui retirer son caractère d'utilité publique. Par suite, l'arrêté déclaratif d'utilité publique étant illégal n'a pu servir de base légale à l'arrêté de cessibilité attaqué et, par voie de conséquence, c'est à bon droit que le tribunal a annulé l'arrêté de cessibilité en tant qu'il concerne les parcelles de M. et MmeD....

10. Il résulte de ce qui précède que la commune de Castelsarrasin est fondée à demander l'annulation du jugement du 27 février 2015 en tant qu'il prononce l'annulation de l'arrêté de cessibilité du 3 novembre 2011 en ce qui concerne les parcelles autres que celles appartenant à M. et Mme D...mais qu'elle n'est pas fondée à demander l'annulation de ce jugement en tant qu'il prononce l'annulation de cet arrêté concernant les parcelles cadastrées CX n° 61 et 66, propriété de M. et MmeD....

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de faire droit aux conclusions tendant à l'application de ces dispositions d'aucune des parties.

DECIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1200126 du tribunal administratif de Toulouse est annulé en tant qu'il annule l'arrêté en date du 3 novembre 2011 du préfet de Tarn-et-Garonne déclarant cessibles les parcelles nécessaires aux travaux d'aménagement de la zone d'aménagement concerté Terre-Blanche n'appartenant pas à M. et MmeD....

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Les conclusions des parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Castelsarrasin, au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et à M. et Mme E...D.... Copie en sera transmise au préfet de Tarn-et-Garonne.

Délibéré après l'audience du 9 février 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 20 mars 2018.

Le rapporteur,

Florence Madelaigue

Le président,

Elisabeth Jayat

Le greffier,

Evelyne Gay-Boissières

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 15BX01496


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX01496
Date de la décision : 20/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

34-01-01-02-01 Expropriation pour cause d'utilité publique. Notions générales. Notion d'utilité publique. Existence. Opérations d'aménagement urbain.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: M. FAÏCK
Avocat(s) : GACH-FORI

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-03-20;15bx01496 ?
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