Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Garonne a demandé au tribunal administratif de Toulouse, par une requête n° 1105255, d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le maire de la commune de Villefranche-de-Lauragais sur sa demande de réaliser la promesse de vente figurant à l'article 6 du contrat de bail conclu le 5 mai 1988, portant sur un bâtiment de bureaux situé 69 avenue de la Fontasse et, par une requête n° 1204995, d'annuler le titre exécutoire émis le 21 septembre 2012 à son encontre par le maire de cette commune afin de recouvrer un montant de 216 444 euros au titre de la redevance d'occupation des locaux de cet immeuble.
Par un jugement n° 1105255-1204995, du 12 mai 2015, le tribunal administratif de Toulouse a déchargé la CPAM de l'obligation de payer la somme susmentionnée et, après avoir interprété la portée de l'article 6 du contrat de bail du 5 mai 1988, rejeté le surplus des demandes de la caisse.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 16 juillet 2015 et le 14 juin 2016, la CPAM de la Haute-Garonne, représentée par la SELARL Thévenot, Mays et Bosson, demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a interprété la promesse de vente mentionnée à l'article 6 du contrat de bail qu'elle a conclu le 5 mai 1988 avec la commune de Villefranche-de-Lauragais comme n'incluant pas le terrain attenant au bâtiment loué supportant les aires de stationnement, les réseaux divers et les espaces verts ;
2°) de dire que cette promesse de vente prévue dans le contrat de bail conclu le 5 mai 1988 doit être interprétée comme portant non seulement sur le bâtiment à usage de bureau et la partie de parcelle sur laquelle il est édifié, mais également sur les aires de stationnement (42 places d'une surface de 525 m²) les réseaux et les espaces verts, d'une surface de 450 m² qui l'entourent, à l'exception de la zone affectée au boulodrome ;
3°) de prescrire à la commune de réaliser la vente et de signer l'acte de vente visant l'intégralité des biens objet du bail, dans le délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard passé l'expiration de ce délai ;
4°) de mettre à la charge de la commune une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les fins de non-recevoir opposées en défense ne sont pas fondées : le jugement attaqué a été produit et les conclusions présentées en appel ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles contestent l'interprétation du contrat retenue par les juges de première instance ;
- sur le fond : la promesse de vente ne comporte aucune restriction et porte sur les biens loués, à savoir le bâtiment et sa parcelle d'assiette mais également les 42 aires de stationnement et les espaces verts attenants qui en constituent un accessoire naturel et indispensable ; le sort de l'accessoire doit suivre celui du principal, à savoir le bâtiment, objet principal de la location ;
- en outre, le coût de la construction du bâtiment et de ses abords, comprenant les places de stationnement et les espaces verts, a été intégralement remboursé par la CPAM au moyen des loyers qu'elle a versés et qui ne distinguaient pas le bâtiment de ses abords ;
- la mention dans la désignation du bien loué, dans le contrat de " la partie de la parcelle sur laquelle (la construction) est édifiée " ne sert qu'à exclure la partie de cette parcelle non attenante au bâtiment affectée par la suite à un usage de boulodrome ;
- la CPAM a toujours eu la possession d'état paisible, sans trouble ni équivoque, de l'ensemble des biens, tout au long de la durée du bail.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés le 18 mai 2016 et le 7 juillet 2016, la commune de Villefranche-de-Lauragais, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la CPAM de la Haute-Garonne une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- à titre principal, la requête est irrecevable à défaut d'être accompagnée d'une copie du jugement attaqué ;
- les conclusions en interprétation présentées devant le juge d'appel sont des conclusions dont les premiers juges n'ont pas été saisis et sont, par suite, nouvelles et, par conséquent, irrecevables ;
- à titre subsidiaire, le tribunal ne pouvait requalifier les conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision implicite de rejet en un recours direct en interprétation, lequel recours constitue une voie de recours distincte, spécifique, dans laquelle aucune conclusion à fin d'annulation ne peut être présentée ; le recours pour excès de pouvoir intenté contre un acte d'exécution d'un contrat administratif était en l'espèce irrecevable et devait, pour ce motif, être rejeté ; en outre, la méconnaissance des stipulations d'un contrat ne peut être invoquée comme moyen de légalité interne à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir formé contre une décision administrative ;
- la désignation du bien loué, comme la promesse de vente, sont claires : le bail n'a porté que sur le bâtiment ; en outre, la théorie de l'accessoire ou celle de l'usage paisible ne peuvent être utilement invoquées ; enfin, la commune n'a contracté des prêts que pour réaliser la construction et non pour acquérir le foncier ; les conditions favorables de cette acquisition à un franc symbolique pouvaient être justifiées pour le seul bâtiment et son emprise ; d'ailleurs, le contrat prévoit à son article 3.4 que tout agrandissement deviendra la propriété de la commune ;
- les places de stationnement situées autour du bâtiment ont toujours été des places de stationnement publiques, ouvertes à tous.
Par ordonnance du 16 juin 2016, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 18 juillet 2016 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sylvande Perdu,
- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la commune de Villefranche-de-Lauragais.
Considérant ce qui suit :
1. Afin de promouvoir la création d'emplois sur son territoire, la commune de Villefranche-de-Lauragais a fait construire, sur une parcelle située 69 avenue de la Fontasse, appartenant à son domaine privé, un immeuble à usage de bureaux qu'elle a prévu de donner en location. Par un contrat du 5 mai 1988, l'immeuble a été loué, pour une durée de vingt-et-un ans, à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Garonne qui bénéficiait en vertu de l'article 6 de ce contrat, d'une promesse de vente pour un franc symbolique à l'expiration de ce bail. Par lettre du 15 mai 2008, la CPAM a informé la commune de son intention d'acquérir l'immeuble. Un litige est survenu sur la consistance des biens objet de la cession et celle-ci n'a pas été réalisée. La CPAM, par courrier du 24 mai 2011, a mis la commune de Villefranche-de-Lauragais en demeure de consentir à la vente de l'intégralité des biens objet du bail comprenant, selon elle, les places de stationnement ainsi qu'une zone affectée aux espaces verts. Par une requête n° 1105255, la CPAM a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commune sur cette demande et, par une requête n°1204995, d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre par la commune afin de recouvrer le montant de l'indemnité d'occupation de l'immeuble pour la période du 4 mai 2009 au 4 juin 2012 ayant suivi l'expiration du bail. Par un jugement n° 1105255 et 1204995 du 12 mai 2015, le tribunal administratif de Toulouse a, en premier lieu, requalifié les conclusions de la CPAM comme tendant à l'interprétation du contrat conclu le 5 mai 1988 et a considéré que la promesse de vente n'incluait pas les aires de stationnement. Il a, en second lieu, annulé le titre exécutoire émis par la commune à l'encontre de la caisse. La CPAM de la Haute-Garonne interjette appel de ce jugement en tant que les premiers juges ont interprété la promesse de vente figurant dans le contrat conclu le 5 mai 1988 comme ne comprenant pas les aires de stationnement et les espaces verts. La commune de Villefranche-de-Lauragais conteste également le jugement en tant qu'il a requalifié les conclusions en excès de pouvoir de la CPAM en demande d'interprétation des stipulations du bail.
Sur la régularité du jugement :
2. La demande introductive d'instance de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, dans la requête n° 1105255 présentée au tribunal administratif de Toulouse, tendait à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le maire de la commune de Villefranche-de-Lauragais, sur une demande de cession d'une parcelle située sur le domaine privé de la commune. Par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué du 12 mai 2015, le tribunal administratif de Toulouse a regardé la demande de la CPAM de la Haute-Garonne comme un recours en interprétation du contrat de bail conclu le 5 mai 1988 par la caisse avec la commune de Villefranche-de-Lauragais. Le tribunal s'est ainsi mépris sur la nature de la demande dont il était saisi.
3. Il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement et de statuer, par voie d'évocation, sur le recours pour excès de pouvoir de la CPAM de Haute-Garonne contre le refus de la commune de réaliser la cession du bien en litige.
Au fond :
4. Il ressort des pièces du dossier que le refus implicitement opposé à la demande de cession d'une parcelle appartenant au domaine privé de la commune de Villefranche-de-Lauragais trouve son origine dans un litige relatif à la portée de la promesse de vente figurant dans le contrat de bail conclu en 1988 entre la CPAM de la Haute-Garonne et la commune.
5. Selon les termes de ce contrat signé le 5 mai 1988, la désignation du bien objet du contrat est la suivante : " un bâtiment à usage de bureau édifié sur une parcelle cadastrée section D n° 1214, précision étant ici faite que la cession comportera la construction et la partie de la parcelle sur laquelle elle est édifiée (...) " et selon les stipulations de l'article 6 du même contrat : " Promesse de vente. Le bailleur promet en outre, irrévocablement, de vendre au preneur, qui accepte, en tant que promesse, les biens objet des présentes, à l'expiration du bail, aux conditions habituelles et de droit et notamment pour l'acheteur, de prendre les locaux loués dans l'état dans lequel ils se trouveront le jour de la vente. (...) ".
6. Contrairement à ce que soutient la CPAM de la Haute-Garonne, il résulte des stipulations claires précitées que la promesse de vente accordée au bénéfice de la CPAM ne porte que sur le bâtiment à usage de bureau et la partie de la parcelle le supportant à l'exclusion des aires de stationnement et des espaces verts se trouvant aux abords du bâtiment.
7. Néanmoins, la méconnaissance des stipulations d'un contrat ne peut être utilement invoquée à l'appui de conclusions en excès de pouvoir tendant à obtenir l'annulation d'une décision. Par suite, le moyen de la CPAM, infondé et de plus inopérant, ne peut qu'être écarté.
8. Au soutien de ses conclusions à fin d'annulation, la CPAM ne peut davantage utilement se prévaloir d'une éventuelle prescription acquisitive des parties de la parcelle sur lesquelles se trouvent les places de stationnements et les espaces verts, ni du montant des redevances annuelles qu'elle a versées à la commune qui comprenaient la réalisation de ces aires de stationnement.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la commune, que le recours pour excès de pouvoir de la CPAM de la Haute-Garonne doit être rejeté.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
10. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par la CPAM de la Haute-Garonne doivent être rejetées.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Villefranche-de-Lauragais, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la CPAM et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la CPAM de la Haute-Garonne une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse, en tant qu'il a omis de statuer dans l'instance n° 1105255 sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne tendant à l'annulation du refus de la commune de Villefranche-de-Lauragais de consentir à la vente de l'immeuble objet du bail conclu le 5 mai 1988 y inclus les places de stationnement ainsi qu'une zone affectée aux espaces verts, est annulé.
Article 2 : La demande d'annulation présentée par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne au tribunal administratif de Toulouse dans l'instance n° 1105255 et le surplus des conclusions de la requête d'appel de la caisse sont rejetés.
Article 3 : La caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne versera à la commune de Villefranche-de-Lauragais une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne et à la commune de Villefranche-de-Lauragais.
Délibéré après l'audience du 9 février 2018, à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
Mme Marianne Pouget, président-assesseur,
Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 16 mars 2018.
Le rapporteur,
Sylvande Perdu
Le président,
Philippe Pouzoulet Le greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 15BX02539