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08/03/2018 | FRANCE | N°16BX00508

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 08 mars 2018, 16BX00508


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D...B...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2004 et 2005, ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1401734 du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 février 2016, M. et MmeB..., représentés par

Me A..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 décembre 2015 du tribunal administ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D...B...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2004 et 2005, ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1401734 du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 février 2016, M. et MmeB..., représentés par Me A..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 décembre 2015 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de faire droit à leurs conclusions à fin de décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'administration ne peut imposer des revenus dans la catégorie des bénéfices non commerciaux que si elle établit qu'il s'agit de revenus renouvelables entrant par nature dans cette catégorie ;

- l'administration s'est basée uniquement sur les faits constatés durant la procédure pénale sans dresser de bilan de trésorerie ; le juge pénal n'a donné qu'un ordre de grandeur des sommes détournées ;

- l'administration n'a pas vérifié si les sommes retirées des comptes bancaires de Mme C... ou les rachats de placements ont été effectivement appréhendés par Mme B...et figurent sur ses comptes bancaires au titre des années considérées ; Mme B...bénéficiait d'une procuration sur les comptes de MmeC... ;

- le tribunal administratif a renversé la charge de la preuve ; cette charge de la preuve doit être supportée en l'espèce par l'administration, au regard de la jurisprudence applicable.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 juillet 2016, le ministre de l'action et des comptes publics (direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest) conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- l'autorité de la chose jugée s'attache aux constatations de fait effectuées par la juridiction pénale ;

- la réalité des faits reprochés à Mme B...a été, en l'occurrence, reconnue par jugement rendu le 30 juin 2010 par le tribunal correctionnel de Périgueux et confirmée par arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 22 mars 2011 ; le tribunal correctionnel a en effet précisément évalué les revenus appropriés par Mme B...à l'intégralité des fonds détournés au cours des années 2004 et 2005, soit la somme de 513 303 euros, dont il a soustrait le montant des sommes versées à M.E..., évaluées à 55 000 euros, selon les déclarations de ce dernier et le rapport d'expertise remis au juge des tutelles ;

- l'administration, quant à elle, n'a pas fondé les rectifications notifiées aux époux B...sur l'évaluation faite par le juge pénal en vue d'établir l'existence de l'infraction d'abus de faiblesse, mais s'est attachée à chiffrer précisément les sommes perçues par Mme B...au titre de chaque année à partir des pièces du dossier pénal dont elle a obtenu la copie, ainsi qu'il ressort très clairement de la proposition de rectification du 4 mai 2011 ;

- des détournements de fonds, qui constituent pour leur auteur une source de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de revenus, sont imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux visée à 1'article 92 du code général des impôts ;

- il appartient aux appelants d'établir que les sommes en cause ne seraient pas imposables, dans cette catégorie ;

- les requérants s'étant abstenus de répondre à la proposition de rectification qui leur a été adressée dans le délai légal, ils sont considérés comme ayant tacitement accepté les rectifications en litige ; or, les époux B...ne démontrent pas en l'espèce qu'ils n'ont pas eu la libre disposition des fonds détournés au titre des années 2004 et 2005 ; ils n'apportent aucun élément de nature à contester l'évaluation des sommes dont Mme B...a été la bénéficiaire, et leur répartition entre chacune des années d'imposition en cause.

Par une ordonnance en date du 23 mars 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 mai 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laurent Pouget,

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'un signalement par l'autorité judiciaire, l'administration fiscale a engagé un contrôle sur pièces du dossier fiscal de M. et Mme B...au titre des années 2004 et 2005. A l'issue de ce contrôle, éclairé par le droit de communication exercé auprès de l'autorité judiciaire et du ministère public sur le fondement des articles L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales, le service a procédé au rehaussement des revenus imposables des époux B...au titre des années 2004 et 2005 dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. M. et Mme B...relèvent appel du jugement du 11 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis, ainsi que des pénalités y afférentes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 82 C du livre des procédures fiscales : " A l'occasion de toute instance devant les juridictions civiles ou criminelles, le ministère public peut communiquer les dossiers à l'administration des finances ". Et aux termes de l'article L. 101 du même livre : " L'autorité judiciaire doit communiquer à l'administration des finances toute indication qu'elle peut recueillir, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manoeuvre quelconque ayant eu pour objet ou ayant pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt, qu'il s'agisse d'une instance civile ou commerciale ou d'une information criminelle ou correctionnelle même terminée par un non-lieu ".

3. Il résulte de l'instruction qu'en application de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, l'autorité judiciaire a informé l'administration fiscale qu'elle détenait des documents susceptibles de faire présumer, de la part de MmeB..., une tentative de frauder ou de compromettre l'impôt. Les suppléments d'imposition mis à la charge des époux B...au titre des années 2004 et 2005 procèdent ainsi des renseignements recueillis par l'administration dans le cadre de la mise en oeuvre de son droit de communication exercé auprès de l'autorité judiciaire en vertu des dispositions précitées, qui ont révélé que MmeB..., employée comme aide ménagère par une personne âgée vulnérable, avait opéré au cours de ces années d'importants prélèvements de sommes sur les comptes bancaires de cette dernière, lesquels n'ont pas été déclarés comme revenus au titre des années considérées. Les détournements de fonds ayant été révélés par une instance pénale, l'administration a pu régulièrement recourir au délai spécial de reprise prévu par les dispositions de l'article L. 170 du livre des procédures fiscales. Les redressements ont été établis à l'issue de la procédure de rectification contradictoire visée à l'article L. 55 du même livre, au cours de laquelle les contribuables ont été dûment informés, notamment, de l'origine des renseignements recueillis par l'administration. Il résulte de l'instruction, et en particulier des mentions de la proposition de rectification du 4 mai 2011, que le service n'a pas fondé les rehaussements, contrairement à ce que soutiennent M. et MmeB..., sur une simple estimation globale par le juge pénal des sommes détournées, mais s'est attachée, à partir du dossier pénal, à identifier précisément les sommes perçues et leur année de rattachement. Par suite, et alors qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'imposait au service d'examiner les comptes bancaires des contribuables dans le cadre d'un examen de leur situation fiscale personnelle, le moyen tiré de ce que l'administration fiscale se serait abstenue d'exercer pleinement son contrôle manque en fait et doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

3. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré ". M. et Mme B...ne contestent pas davantage en appel qu'en première instance n'avoir formulé aucune observation à la suite de la proposition de rectification qui leur a été notifiée au titre des années 2004 et 2005. Par suite, et ainsi que l'ont indiqué les premiers juges, ils doivent être regardés comme ayant implicitement accepté les redressements notifiés au titre de ces années, et supportent en conséquence la charge de la preuve de leur exagération.

En ce qui concerne le principe de l'imposition :

4. Aux termes de l'article 92 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices (...) de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus (...) ".

5. Comme devant le tribunal, les requérants font valoir que les sommes en litige ne correspondent à aucune activité professionnelle et n'ont pas pour origine une activité renouvelable. Ce faisant, ils ne critiquent pas utilement la légalité et le bien-fondé de l'application par l'administration des dispositions précitées de l'article 92 du code général des impôts, qui visent à rendre imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux les bénéfices qui, sans préjudice de leur origine non professionnelle, ne sont rattachables à aucune autre catégorie de revenus et sont par nature susceptibles de renouvellement même lorsqu'ils sont occasionnels, comme c'est le cas de détournements de fonds.

6. Pour déterminer le montant du bénéfice non commercial réalisé par Mme B...au titre des années 2004 et 2005, l'administration a considéré qu'elle était le principal bénéficiaire de l'escroquerie constatée et avait ainsi appréhendé l'intégralité des fonds détournés, soit la somme de 513 303 euros, dont elle a soustrait le montant des sommes perçues en réalité par un tiers complice, M.E..., évaluées à 55 000 euros selon les déclarations de ce dernier recueillies lors des auditions judiciaires. Les requérants, qui font valoir que Mme B...bénéficiait d'une procuration sur le compte de son employeur, soutiennent que le service n'a pas établi l'appréhension effective des fonds correspondant aux sommes détournées, aucun élément ne permettant d'attester selon eux que ces sommes auraient été encaissées sur leurs comptes bancaires ni, à tout le moins, dans quelle mesure elles se rattacheraient à l'une ou l'autre des années d'imposition concernées.

7. Il résulte cependant de l'instruction que la réalité des faits reprochés à Mme B...a été établie par un arrêt définitif de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Bordeaux en date du 22 mars 2011, qui a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Périgueux du 30 juin 2010 prononçant sa condamnation pénale, pour des faits d'abus de faiblesse d'une personne vulnérable, à une peine d'emprisonnement de dix-huit mois dont douze mois avec sursis et à verser une somme de 513 303 euros à l'ayant-droit de sa victime, décédée le 2 décembre 2005, solidairement avec M. E...à concurrence de 55 000 euros. Par ailleurs, le vérificateur a établi le montant des sommes détournées en prenant en considération les retraits opérés sur le livret A de l'employeur de Mme B...au titre de chacune des années considérées, ainsi que les rachats de placements opérés et les chèques émis respectivement par l'employeur au cours de ces mêmes années au bénéfice de la requérante ou au bénéfice de M.E..., avant d'en soustraire les sommes que ce dernier a admis avoir conservées en 2004, d'une part, et en 2005, d'autre part. Il a ainsi évalué les montants des sommes encaissées par Mme B...respectivement à 258 637 euros en 2004 et à 254 666 euros en 2005. Les époux B...n'apportent pour leur part aucun élément de nature à établir qu'ils n'auraient pas effectivement appréhendé ces sommes au cours de chacune des années concernées, ne produisant notamment aucun relevé bancaire contredisant les éléments sur lesquels le service s'est fondé. Dans ces conditions, l'administration a pu, à bon droit, regarder les sommes considérées comme des bénéfices non commerciaux imposables entre les mains de M. et Mme B...au titre de chacune des années en cause, en application des dispositions précitées de l'article 92 du code général des impôts.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. et Mme B...la somme que ceux-ci demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience publique du 7 février 2018 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 8 mars 2018.

Le rapporteur,

Laurent POUGETLe président,

Aymard DE MALAFOSSE Le greffier,

Christophe PELLETIER La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 16BX00508


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