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26/01/2018 | FRANCE | N°17BX03382

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 26 janvier 2018, 17BX03382


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du préfet de la Dordogne en date du 16 septembre 2017 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans avec signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 1704032 du 22 septembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal

administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du préfet de la Dordogne en date du 16 septembre 2017 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans avec signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 1704032 du 22 septembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 octobre 2017, M.A..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux du 22 septembre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Dordogne du 16 septembre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Dordogne de procéder sans délai à l'effacement de son inscription dans le fichier du système d'information Schengen sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le premier juge n'a pas suffisamment motivé le rejet du moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué ; en outre, en estimant que l'arrêté en litige ne faisait aucune mention de ce qu'il constituerait une menace pour l'ordre public, le magistrat désigné a commis une erreur de lecture de l'arrêté attaqué et n'a pas répondu au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation ; par ailleurs, il a statué de manière contraire à la loi et à la jurisprudence administrative en estimant que nonobstant l'absence de menace à l'ordre public, le préfet avait légalement pu prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans ; enfin, il a omis de statuer sur le moyen tiré de la violation de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire :

- elle est insuffisamment motivée en fait ;

- en estimant qu'il constituait une menace pour l'ordre public, sans au demeurant en rapporter la preuve, le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle a été prise en méconnaissance des articles 3 et 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il n'a plus aucune famille en Inde et sera donc, en cas de retour dans son pays d'origine, dans une situation extrêmement précaire, ce qui constitue en soi un traitement inhumain ; il a tissé des liens privés en France ;

- elle a été prise en méconnaissance du droit d'être entendu préalablement à l'édiction d'une décision administrative défavorable, garanti par l'article 41 de la Charte sur les droits fondamentaux de l'Union européenne ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire pendant trois ans :

- elle est insuffisamment motivée en fait ;

- elle est excessive dans son principe et dans sa durée ; il ne constitue pas une menace pour l'ordre public et ne s'est soustrait à aucune précédente obligation de quitter le territoire français, celle du 16 septembre 2017 étant la première ; le préfet a ainsi commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu préalablement à l'édiction d'une décision administrative défavorable, garanti par l'article 41 de la Charte sur les droits fondamentaux de l'Union européenne.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2017, le préfet de la Dordogne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Par ordonnance du 7 novembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 4 décembre 2017 à 12h00.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 9 novembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code pénal ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Caroline Gaillard a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant indien, déclare être né le 2 mai 1993 et être entré en France à l'âge de 15 ans. Il a été interpellé par les services de police le 16 septembre 2017. Etant dépourvu de titre de séjour, il a fait l'objet, par un arrêté du préfet de la Dordogne du 22 septembre 2017, d'une obligation de quitter le territoire français sans délai. Par décisions du même jour, le préfet a fixé le pays de renvoi et prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

2. M. A...relève appel du jugement du 22 septembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Il ressort du jugement attaqué que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a omis de statuer sur le moyen, qui n'était pas inopérant, soulevé devant lui par M. A...et tiré de ce que les décisions contenues dans l'arrêté attaqué avaient été prises en méconnaissance de son droit à être entendu tel qu'il est exprimé au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne . Par suite, le jugement du 22 septembre 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux est irrégulier et doit, pour ce motif, être annulé.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de M. A...présentées devant le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français sans délai et de la décision portant interdiction de retour sur le territoire pendant une durée de trois ans.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

5. L'arrêté attaqué a été signé par M. D...C..., sous-préfet de Sarlat, en vertu d'un arrêté de délégation de signature du 13 avril 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Dordogne du 14 avril 2017. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur la décision attaqué manque en fait et doit être écarté.

6. La décision du 16 septembre 2017, qui vise les textes applicables à la situation de M. A... et notamment le 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fait état d'éléments spécifiques de sa situation en France et notamment de ce qu'il ne peut justifier être entré régulièrement en France, de ce qu'il est démuni de tout document d'identité ou de voyage et de titre de séjour, de ce qu'il est célibataire, sans enfant et sans activité professionnelle et de ce qu'il n'établit pas ne plus avoir de famille dans son pays d'origine. Cette décision expose ainsi les éléments de fait sur lesquels le préfet s'est fondé pour prendre sa décision. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

7. Eu égard aux éléments figurant dans l'arrêté, tels que rappelés au point précédent, le moyen tiré d'un défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressé ne peut qu'être écarté.

8. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité (...). Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; 2° Si l'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était ou manifestement infondée ou frauduleuse ; 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation (...) ".

9. Il ressort de l'arrêté attaqué que pour refuser à M. A...un délai de départ volontaire, le préfet s'est notamment fondé sur la menace pour l'ordre public que constituait son comportement, ce que conteste l'intéressé. Toutefois, le préfet de la Dordogne s'est également fondé sur le risque de soustraction à l'obligation de quitter le territoire français résultant de ce que M.A..., qui ne pouvait justifier être entré régulièrement en France, n'avait pas sollicité de titre de séjour et de ce qu'il ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes, motifs que le requérant ne conteste pas. Par suite, en décidant que M. A...était obligé de quitter sans délai le territoire français, le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) ".

11. Il ressort des pièces du dossier que M.A..., qui ne justifie pas de la durée de son séjour en France, est célibataire, sans charge de famille et n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. Par suite, eu égard aux conditions de son entrée et à la durée de son séjour en France, la décision attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. M. A...soutient que le préfet ne l'a pas mis à même de présenter ses observations préalablement à l'édiction de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, en méconnaissance du principe général du droit d'être entendu tel qu'il est énoncé par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, Il ressort toutefois des pièces du dossier que M.A... a été auditionné par les services de police le 16 septembre 2017, avant l'édiction de la mesure en litige, dans le cadre d'une procédure de vérification du droit au séjour. Au cours de cette audition, il a été interrogé sur ses conditions d'entrée et de séjour en France, sa situation personnelle et familiale, ses attaches dans son pays d'origine, ses conditions d'hébergement et ses moyens de subsistance. Il lui a également été demandé s'il avait des observations particulières à formuler et il a répondu négativement. Dans ces conditions, l'intéressé ne peut sérieusement soutenir que la décision de l'obliger à quitter le territoire français aurait été prise en violation de son droit d'être entendu avant que ne soit prise une décision défavorable à son encontre, garanti notamment par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne..

13. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être utilement invoqué à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire laquelle n'a ni pour objet ni pour effet de contraindre l'intéressé à retourner dans son pays d'origine.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et inscription du requérant dans le ssytème d'information Schengen :

14. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués respectivement au point 5 et au point 10 du présent arrêt, M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée aurait été prise par une autorité incompétente d'une part et aurait été prise en violation de son droit d'être entendue avant que ne soit prise une décision défavorable à son encontre, garanti notamment par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne d'autre part.

15. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour.(...) ".

16. La décision attaquée, qui vise notamment le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précise que l'intéressé est entré et s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français et qu'il ne justifie ni de la nature, ni de l'ancienneté ni de l'intensité de ses liens avec la France. Par suite, elle est suffisamment motivée tant sur son principe que sur sa durée.

17. Il résulte des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables depuis le 1er novembre 2016, que lorsque le préfet prend à l'encontre d'un étranger une mesure d'éloignement sans lui octroyer de délai de départ volontaire, il doit assortir cette mesure d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf en cas de circonstances humanitaires particulières.

18. Si le requérant invoque les liens personnels qu'il a tissés en France et l'absence de toute menace pour l'ordre public, en prononçant une interdiction de retour pendant trois ans, le préfet n'a pas fait une appréciation erronée de sa situation, d'autant qu'une telle mesure peut être abrogée à tout moment par l'administration, notamment sur la demande de l'étranger résidant hors de France.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté attaqué. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 22 septembre 2017 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux et le surplus de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie sera adressée au préfet de la Dordogne.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 26 janvier 2018.

Le rapporteur,

Caroline GaillardLe président,

Marianne PougetLe greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 17BX03382


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX03382
Date de la décision : 26/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : CHAMBERLAND POULIN

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-01-26;17bx03382 ?
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