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18/01/2018 | FRANCE | N°16BX03229

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 18 janvier 2018, 16BX03229


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 248,64 euros, assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation, en réparation du préjudice subi du fait de la décision du 19 avril 2013 par laquelle le directeur du centre de détention de Mauzac a prononcé son déclassement du poste d'opérateur qu'il occupait.

Par un jugement n°1503501 du 28 juin 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure deva

nt la cour :

Par une requête enregistrée le 23 septembre 2016, M.B..., représenté par Me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 248,64 euros, assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation, en réparation du préjudice subi du fait de la décision du 19 avril 2013 par laquelle le directeur du centre de détention de Mauzac a prononcé son déclassement du poste d'opérateur qu'il occupait.

Par un jugement n°1503501 du 28 juin 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 septembre 2016, M.B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 juin 2016 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 248,64 euros, assortie des intérêts au taux légal, eux-mêmes capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de la combinaison des 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en prononçant illégalement, par décision informelle du 19 avril 2013, son déclassement du poste qui l'occupait en tant que " monteur câbleur " au centre de détention de Mauzac ;

- l'administration a procédé au retrait de cette décision le 17 novembre 2014 en estimant qu'elle était entachée d'un vice de procédure ; ce vice de procédure l'a empêché de faire valoir sa défense et de contester les allégations d'incompétence à son sujet ;

- cette décision est entachée de détournement de pouvoir et d'une erreur de droit dans l'application des dispositions de l'article D. 432-4 du code de procédure pénale ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il a subi un préjudice financier qui correspond au salaire qu'il aurait dû percevoir en l'absence du déclassement illégal ; ce préjudice doit être chiffré à 15 248, 64 euros.

Par une ordonnance du 6 juin 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 12 juillet 2017 à 12h.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 juillet 2017, soit après la clôture de l'instruction, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 juillet 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvie Cherrier,

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., incarcéré au centre de détention de Mauzac du 4 mars 2013 au 24 juin 2013, a été classé, à compter du 26 mars 2013 et pour une période d'essai de quinze jours, à l'emploi de monteur-câbleur. Il a été recruté à ce poste, sans renouvellement de la période d'essai, pour une durée indéterminée à compter du 10 avril 2013. Par une décision en date du 19 avril 2013, le directeur du centre de détention de Mauzac a déclassé M. B... de ce poste. Cette décision a été retirée le 17 novembre 2014 au motif du vice de procédure dont elle était entachée. M. B...relève appel du jugement n°1503501 du 28 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 15 248,64 euros, assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation, en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision de déclassement du 19 avril 2013.

2. Aux termes de l'article D. 432-3 du code de procédure pénale : " Le travail est procuré aux détenus compte tenu du régime pénitentiaire auquel ceux-ci sont soumis, des nécessités de bon fonctionnement des établissements ainsi que des possibilités locales d'emploi. Dans la mesure du possible, le travail de chaque détenu est choisi en fonction non seulement de ses capacités physiques et intellectuelles, mais encore de l'influence que ce travail peut exercer sur les perspectives de sa réinsertion. Il est aussi tenu compte de sa situation familiale et de l'existence de parties civiles à indemniser (...) ". Aux termes de l'article D. 432-4 du même code : " Lorsque la personne détenue s'avère incompétente pour l'exécution d'une tâche, cette défaillance peut entraîner le déclassement de cet emploi. Lorsque la personne détenue ne s'adapte pas à un emploi, elle peut faire l'objet d'une suspension, dont la durée ne peut excéder cinq jours, afin qu'il soit procédé à une évaluation de sa situation. A l'issue de cette évaluation, elle fait l'objet soit d'une réintégration dans cet emploi, soit d'un déclassement de cet emploi en vertu de l'alinéa précédent ".

3. Par ailleurs, aux termes de l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000, alors en vigueur : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 (...) n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...). ".

4. En premier lieu, une mesure de déclassement d'emploi constitue une décision qui impose des sujétions et doit être motivée en vertu de l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979, alors en vigueur. Aussi, la décision du 19 avril 2013, qui n'a pas été prise à la demande de M. B..., et dont il n'est pas allégué qu'elle relèverait de l'une des exceptions prévues par les dispositions précitées de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, ne pouvait être prise sans que l'intéressé ait été mis à même de présenter des observations. Il est constant que cette formalité substantielle n'a pas été accomplie. Par suite, ladite décision a été prise aux termes d'une procédure irrégulière, comme l'a d'ailleurs relevé l'administration pénitentiaire, qui a procédé à son retrait pour ce motif, par une décision du 17 novembre 2014.

5. En deuxième lieu, M. B...soutient que la décision du 19 avril 2013 est entachée de détournement de pouvoir et méconnaît les dispositions précitées de l'article D. 432-4 du code de procédure pénale, dès lors que son déclassement a été prononcé non pas en raison de son incompétence mais au motif qu'il faisait l'objet d'un arrêt de travail. M. B... fait valoir à cet égard qu'alors qu'il était classé dans son emploi depuis le 18 mars 2013, il a été affecté d'une tendinite au coude dès le 23 mars, puis arrêté à compter du 19 avril.

6. Il résulte toutefois de l'instruction que, par un courrier du 18 avril 2013, soit préalablement au placement de l'intéressé en arrêt de travail, la société W.A Conception, au sein de laquelle M. B...avait été recruté au poste de monteur-câbleur, a adressé au directeur du centre de détention de Mauzac une " demande de déclassement " concernant l'intéressé, en raison d'une " mauvaise compréhension des instructions ", d'une " mauvaise exécution des consignes " et d'une " exécution trop lente des tâches ". Il ressort par ailleurs d'un document de l'administration pénitentiaire en date du 4 novembre 2014, retraçant les souhaits formulés par l'intéressé en matière d'activités professionnelles entre 2011 et 2013, ainsi que les suites qui leur ont été données, que le déclassement litigieux est intervenu à la demande de la société WA Conception, pour les motifs sus évoqués. Enfin, dans la décision du 17 novembre 2014 qui a retiré la décision initiale de déclassement du 19 avril 2013, il est indiqué que " par décision du 19 avril 2013, il a été procédé au déclassement de M. B...A...du fait de son incompétence à exercer les tâches qui lui étaient confiées ". Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient M. B..., le directeur pénitentiaire a fondé sa décision de déclassement, non sur la circonstance que l'intéressé se trouvait en arrêt de travail, mais sur son inaptitude à exécuter les tâches afférentes à l'emploi de monteur-câbleur. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision en litige aurait été entachée d'un détournement de pouvoir et aurait méconnu les dispositions précitées de l'article D. 432-4 du code de procédure pénale ne peuvent être accueillis.

7. En troisième lieu, la circonstance, à la supposer établie, que la compétence de M. B... aurait été pleinement reconnue à l'occasion de ses précédents emplois, n'est pas de nature à établir que la décision en litige serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

8. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le seul motif d'illégalité de la décision de déclassement du 19 avril 2013 est le vice de procédure tenant au non respect de la procédure contradictoire prescrite par les dispositions alors en vigueur de la loi du 12 avril 2000, mentionné au point 4. Ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, la décision du 19 avril 2013, intervenue à la suite de la " demande de déclassement " formulée par l'entreprise W.A Conception, était en revanche justifiée, au fond, par l'incompétence de M. B... à exécuter les tâches qui lui avaient été confiées. Par suite, la même décision aurait pu être légalement prise dans le cadre d'une procédure régulière. Dans ces conditions, les conséquences dommageables pour M. B... de son déclassement d'emploi ne sont pas la conséquence directe de la méconnaissance fautive, par l'administration, des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000. Par suite, la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée à son endroit.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 15 248,64 euros, assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation, en réparation du préjudice subi du fait de la décision du 19 avril 2013 par laquelle le directeur du centre de détention de Mauzac a prononcé son déclassement du poste de monteur-câbleur. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2017 à laquelle siégaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,

Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 18 janvier 2018.

Le rapporteur,

Sylvie CHERRIERLe président,

Laurent POUGET Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 16BX03229


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03229
Date de la décision : 18/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Juridictions administratives et judiciaires - Exécution des jugements - Exécution des peines - Service public pénitentiaire.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services pénitentiaires.


Composition du Tribunal
Président : M. POUGET L.
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : THEMIS MONTRICHARD CIAUDO AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-01-18;16bx03229 ?
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