La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/12/2017 | FRANCE | N°15BX02825

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 22 décembre 2017, 15BX02825


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé par requête enregistrée le 23 janvier 2014, au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision résultant du silence gardé par l'association syndicale autorisée d'irrigation de l'Uzan (ASA) sur sa demande de retrait de la canalisation traversant sa propriété et de condamner l'ASA à l'indemniser du préjudice qu'il estimait avoir subi du fait de la présence illégale de cette canalisation sur son terrain depuis 1997 et à retirer la canalisation.

Par un jugement n° 1400130

du 18 juin 2015, le tribunal administratif de Pau a annulé la décision implicite a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé par requête enregistrée le 23 janvier 2014, au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision résultant du silence gardé par l'association syndicale autorisée d'irrigation de l'Uzan (ASA) sur sa demande de retrait de la canalisation traversant sa propriété et de condamner l'ASA à l'indemniser du préjudice qu'il estimait avoir subi du fait de la présence illégale de cette canalisation sur son terrain depuis 1997 et à retirer la canalisation.

Par un jugement n° 1400130 du 18 juin 2015, le tribunal administratif de Pau a annulé la décision implicite attaquée, a enjoint à l'ASA de se conformer aux dispositions du code rural et de la pêche maritime ou à défaut, de retirer la canalisation, et a rejeté la demande d'indemnisation comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 14 août 2015 et le 15 janvier 2016, M. C..., représenté par Me D...demande à la cour :

1°) de rejeter les conclusions d'appel incident de l'ASA et d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 18 juin 2015 en tant qu'il rejette sa demande d'indemnisation ;

2°) de condamner l'ASA à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi en raison de la présence illégale sur son terrain d'une canalisation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la compétence de la juridiction administrative est incontestable dès lors que sa demande tend à obtenir réparation du préjudice moral résultant de la faute commise par l'administration dans l'installation sans son autorisation d'une canalisation sur son terrain et non l'indemnisation d'une servitude irrégulièrement obtenue liée à des travaux de canalisation qui relève en application de l'article L. 152-4 du code rural et de la pêche maritime de la compétence du juge judiciaire ;

- à défaut d'autorisation de sa part pour réaliser cette servitude la faute de l'administration est avérée ; à cet égard le consentement écrit donné par sa mère, alors âgée de 80 ans, qui n'est pas propriétaire de la parcelle, ne peut pallier ce manquement et ne peut, en l'absence de mandat se substituer à son autorisation ; cette emprise irrégulière caractérise une faute qui engage la responsabilité de l'association ; il n'existe aucun mandat exprès ou tacite et encore moins d'un quasi-mandat au profit de sa mère dès lors qu'elle n'a nullement " géré " la propriété en l'absence de son fils à l'étranger ;

- son préjudice moral résulte de l'installation sans son consentement et sans en avoir été informé de cette canalisation et de la manoeuvre utilisée par l'association pour obtenir la signature de sa mère ;

- la prescription de l'action n'est pas acquise dès lors qu'il n'avait pas connaissance de l'existence de cette canalisation depuis son implantation en 1997.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2015, l'association syndicale autorisée d'irrigation de l'Uzan (ASA), représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête présentée par M.C..., par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement en tant qu'il a prononcé une annulation et une injonction et à la condamnation de M. C...au versement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'installation de la canalisation en litige a été effectuée avec l'accord écrit de la mère de M. C...pour son compte ; elle avait donc un mandat tacite de son fils ou à tout le moins un quasi-mandat au sens de l'article 1372 du code civil ; sa mère s'est ainsi comportée en maître de l'affaire au sens de l'article 1375 du même code ; dès lors le refus opposé à M. C...est fondé, l'association n'a commis aucune faute et elle n'a pas procédé à une emprise irrégulière ;

- l'injonction des premiers juges de démolir l'ouvrage porte une atteinte excessive à l'intérêt général ;

- le juge administratif est incompétent pour juger des demandes indemnitaires résultant d'une emprise irrégulière conformément à l'article L. 152-4 du code rural et de la pêche maritime y compris du préjudice moral demandé résultant de la tromperie dont sa mère aurait été victime ;

- l'action est prescrite dès lors que M. C...avait connaissance des travaux réalisés sur son terrain.

Par ordonnance du 10 février 2017, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 10 mars 2017 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caroline Gaillard ;

- les conclusions de Mme Munoz-Pauzies, rapporteur public ;

- les observations de MeD..., représentant M.C... ;

- et les observations de MeB..., représentant l'ASA d'irrigation de l'Uzan.

Une note en délibéré présentée par M. C...a été enregistrée le 8 décembre 2017.

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., est propriétaire d'une parcelle cadastrée ZH n° 0031 sur le territoire de la commune d'Uzan (Pyrénées-Atlantiques). Par une lettre du 23 septembre 2013 reçue le 26, il a demandé à l'association syndicale autorisée d'irrigation de l'Uzan (ASA) de retirer la canalisation d'irrigation située sur sa parcelle et de l'indemniser des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de cette emprise selon lui irrégulière. L'association ayant gardé le silence sur ses demandes, M. C...a saisi le tribunal administratif de Pau qui, par un jugement n° 1400130 du 18 juin 2015, a annulé le refus de l'ASA de retirer la canalisation, enjoint à l'ASA de se conformer aux dispositions du code rural et de la pêche maritime ou à défaut, de retirer la canalisation mais rejeté la demande d'indemnisation qu'elle a regardée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

2. Devant la cour, M. C...demande l'indemnisation du préjudice moral qu'il affirme avoir subi en raison de la faute commise par l'ASA. L'association syndicale autorisée, par la voie de l'appel incident, demande l'annulation du jugement en tant qu'il a fait droit aux conclusions à fin d'annulation et d'injonction de M.C....

Sur la légalité du refus de l'association syndicale autorisée :

3. L'association syndicale autorisée d'irrigation de l'Uzan a fait poser en 1996, dans le cadre de travaux d'installation d'un réseau d'irrigation, une canalisation dans le sous-sol de la parcelle cadastrée ZH n° 0031 située à Uzan et appartenant à M. C...depuis 1992.

4. L'enfouissement de canalisations publiques dans le sous-sol d'une propriété privée, qui dépossède le propriétaire de la parcelle d'éléments de son droit de propriété, ne peut être régulièrement réalisé qu'après, soit l'accomplissement d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, soit l'institution de servitudes dans les conditions prévues aux articles L. 152-1, L. 152-2 et R. 152-1 à R. 152-15 du code rural et de la pêche maritime, soit l'intervention d'un accord amiable avec les propriétaires.

5. L'association syndicale autorisée soutient en premier lieu que l'implantation de la canalisation n'est pas irrégulière dès lors que la mère de M. C...a autorisé par écrit la pose de la canalisation litigieuse en apposant sa signature au bas de l'autorisation établie au nom de son fils. Toutefois, elle ne justifie ni d'un mandat exprès que M.C..., nu-propriétaire, aurait donné à sa mère, ni a fortiori d'aucune régularisation de l'autorisation par M. C...lui-même et elle ne saurait se prévaloir d'un mandat tacite ou même d'un quasi-mandat ayant habilité la mère de M. C...à marquer l'accord du propriétaire pour l'implantation de l'ouvrage.

6. A défaut pour l'association syndicale autorisée d'avoir régulièrement procédé à l'implantation de la canalisation dans le terrain de M. C...selon une autre procédure, c'est donc à bon droit que les premiers juges ont prononcé l'annulation du refus implicite opposé par l'ASA.

Sur le préjudice invoqué par M. C...:

7. En appel, M. C...ne demande plus l'indemnisation des conséquences préjudiciables de la servitude qui relèvent de la compétence du juge judiciaire mais invoque un préjudice moral qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité fautive commise par l'ASA en faisant valoir que l'accord de sa mère, alors âgée de 80 ans, avait été obtenu par des voies déloyales en son absence alors que l'association avait connaissance que cette dernière n'était qu'usufruitière du terrain. Mais la réalité de telles manoeuvres, dont M. C...n'allègue pas même qu'elles auraient donné lieu à une protestation de sa part adressée à l'ASA, n'est établie par aucune pièce du dossier et le requérant ne démontre pas l'existence d'un préjudice distinct de celui qui résulte de la présence irrégulière de l'ouvrage sur son terrain.

Sur l'injonction prononcée par les premiers juges :

8. L'ASA fait enfin valoir que si les premiers juges étaient fondés à lui enjoindre de régulariser la servitude, ils ne pouvaient en revanche lui imposer de retirer l'ouvrage en l'absence de régularisation dès lors que les travaux auraient entraîné une atteinte excessive à l'intérêt général. Toutefois, il ne ressort nullement des pièces du dossier que les exigences techniques d'implantation de la canalisation imposeraient de faire passer l'ouvrage dans le terrain de M. C...sans possibilité de contournement. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont enjoint à l'ASA de se conformer aux dispositions des articles L. 152-4 et R. 152-16 du code rural ou à défaut de détruire l'ouvrage.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Dans les circonstances de l'espère, il n'y a pas lieu de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M.C..., les conclusions d'appel incident de l'association syndicale autorisée d'irrigation de l'Uzan ainsi que les conclusions de l'ASA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...et à l'association syndicale autorisée d'irrigation de l'Uzan.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Marianne Pouget, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 décembre 2017.

Le rapporteur,

Caroline GaillardLe président,

Philippe PouzouletLe greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 15BX02825


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX02825
Date de la décision : 22/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

11-02-03 Associations syndicales. Questions propres aux différentes catégories d'associations syndicales. Associations syndicales d'irrigation.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : LE CORNO CABINET JURIPUBLICA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-12-22;15bx02825 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award