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14/12/2017 | FRANCE | N°17BX02983

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 14 décembre 2017, 17BX02983


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2016 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1700622 du 13 avril 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 août 2017, M.C..., représent

é par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeau...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2016 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1700622 du 13 avril 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 août 2017, M.C..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 avril 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, et d'assortir cette injonction d'une astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le jugement attaqué, qui a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence en ne faisant pas usage de son pouvoir d'appréciation, est entaché d'irrégularité ;

- le refus de séjour a été pris en méconnaissance de son droit à la protection de sa vie privée et familiale et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation : la communauté de vie avec son épouse est parfaitement établie ; son épouse, qui vient d'accoucher, a la qualité de réfugiée et ne peut donc retourner dans son pays d'origine pour suivre son conjoint ; compte tenu de ses revenus, elle ne pourrait obtenir le regroupement familial et, le mariage étant postérieur à la demande d'asile, elle ne peut obtenir non plus le rapprochement familial ; toute la belle famille du requérant est établie en France ;

- sa situation personnelle et familiale répond à des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels, de sorte que le refus de séjour méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la mesure d'éloignement sera annulée par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;

- cette mesure a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- son retour au Congo l'exposerait à des risques graves.

Le préfet de la Gironde a produit un mémoire qui a été enregistré le 25 octobre 2017, par lequel il se borne à renvoyer à ses écritures de première instance.

Par ordonnance du 11 septembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 19 octobre 2017 à 12 heures.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 juin 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Aymard de Malafosse, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., ressortissant de la République du Congo (Congo-Brazzaville), né le 10 janvier 1984, est entré en France le 6 février 2015 muni d'un visa de court séjour. Sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'OFPRA du 29 octobre 2015 confirmée par la CNDA le 6 avril 2016. Il a sollicité, le 31 mai 2016, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Le préfet de la Gironde a, par un arrêté du 27 octobre 2016, rejeté cette demande et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours avec fixation du pays de destination. M. C...relève appel du jugement du 13 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. M. C...a fait valoir devant le tribunal administratif, à l'appui de sa contestation du refus de séjour, que le préfet avait méconnu l'étendue de sa compétence en omettant de faire usage de son pouvoir d'appréciation. En ne répondant pas à ce moyen, qui n'était pas inopérant, le tribunal administratif a entaché son jugement d'une omission à statuer. Il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement attaqué et de statuer par voie d'évocation sur les conclusions présentées par M. C...devant le tribunal administratif.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

En ce qui concerne le refus de séjour :

3. Le préfet a notamment relevé dans son arrêté que M. C...n'entrait dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, " hormis la catégorie visée dans le livre IV relatif au regroupement familial qui suppose que la personne se trouve hors de France ". Contrairement à ce que soutient M.C..., il ne résulte pas de cette seule mention que le préfet aurait ainsi omis de faire usage de son pouvoir d'appréciation. Le moyen tiré de ce que le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée doit, par suite, être écarté.

4. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne stipule que " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale... ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

5. La légalité du refus de titre de séjour contesté doit s'apprécier en fonction de la situation qui était celle de M. C...à la date à laquelle ce refus a été pris. S'il est exact qu'à cette date, M. C...était marié avec une compatriote bénéficiant du statut de réfugiée, ce mariage, célébré le 30 janvier 2016, était alors récent et aucun élément du dossier ne permet de retenir une communauté de vie entre les époux antérieure au mariage. M. C...était depuis moins de deux ans en France, où il est entré alors qu'il était âgé de 31 ans, et ses parents et l'ensemble de sa fratrie résident dans son pays d'origine. Dans ces conditions, en estimant que le refus de titre de séjour ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale, le préfet de la Gironde n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni, en tout état de cause, celles de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ni enfin les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Le refus de séjour contesté n'a pas fait obstacle au mariage de M.C..., qui lui est antérieur. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, en tout état de cause, de l'article 9 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être écarté.

7. L'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".

8. Eu égard à la situation de M. C...telle qu'elle se présentait à la date de l'arrêté attaqué, précédemment exposée, le préfet ne peut être regardé comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que le requérant ne faisait pas état de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels justifiant la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

9. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision portant refus de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale doit être écarté.

10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5 du présent arrêt, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

11. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Ce dernier texte énonce que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

12. M.C..., dont la demande d'admission au statut de réfugié a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, n'établit pas, par la seule référence au récit des conditions dans lesquelles il a quitté le Congo, être personnellement exposé à des risques graves en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, la décision fixant le pays de destination contenue dans l'arrêté du 27 octobre 2016 ne méconnaît ni l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

13. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde du 27 octobre 2016. Par voie de conséquence, les conclusions de la requête présentées à fin d'injonction et celles tendant à l'application du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent être accueillies.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1700622 du 13 avril 2017 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée, de même que le surplus de ses conclusions devant la cour.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M.C..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président-rapporteur,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 14, décembre 2017.

Le président-assesseur,

Laurent POUGET

Le président-rapporteur,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 17BX02983


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX02983
Date de la décision : 14/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Aymard DE MALAFOSSE
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : COSTE MAGALI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-12-14;17bx02983 ?
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