Vu la procédure suivante :
Procédure antérieure :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2013 par lequel le ministre de l'intérieur l'a muté, à titre disciplinaire, à la circonscription de sécurité publique d'Angoulême et d'enjoindre au ministre, sous astreinte, de retirer à cette décision son caractère disciplinaire ou, à tout le moins, de réexaminer sa situation.
Par un jugement n° 1300808 du 16 septembre 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 novembre 2015, un mémoire en réplique et des pièces enregistrés respectivement les 16 et 30 septembre 2016, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) d'annuler l'arrêté du ministre de l'intérieur du 24 janvier 2013 ;
3°) d'enjoindre au ministre, sous astreinte, de retirer à cette décision son caractère disciplinaire dans le délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur un moyen tiré du détournement de procédure entachant la décision contestée en lien avec son témoignage en faveur du capitaine Garin dans le cadre d'une procédure devant la juridiction administrative, moyen distinct de son moyen tiré du détournement de pouvoir ;
- le tribunal n'a pas correctement utilisé ses pouvoirs d'instruction ; il devait exiger de l'administration la production d'éléments de preuve complémentaires ;
- il a été traduit en commission de discipline alors qu'il était en position de congé-maladie ; il n'a pas été informé de la possibilité de demander le report de la séance ;
- il ne peut être accordé de crédit au témoignage du brigadier chef Boscher alors que ses supérieurs hiérarchiques lui accordaient par ailleurs leur confiance ;
- il n'a pas perdu indûment du temps avant de prévenir l'officier de police judiciaire lors d'une interpellation en mars 2012 mais a été contraint de faire des allers-retours entre le commissariat et le lieu du vol et a tenu compte du souhait de la personne mise en cause d'attendre son curateur ; d'ailleurs, l'officier de police judiciaire n'était pas disponible, ayant quitté son poste vers 12h15 ;
- l'intervention du 27 février 2012 à laquelle il lui est reproché de ne pas avoir participé n'a pas eu lieu ;
- il n'a jamais été destinataire d'un second code d'activation de sa carte professionnelle électronique ; s'il connaît ce code, c'est donc qu'il n'a pas détruit le document contenant ce code d'activation, contrairement à ce qui lui est reproché ;
- c'est à juste titre que le tribunal a estimé qu'il n'était pas établi qu'il aurait insulté une femme de ménage ;
- le ministre doit être regardé comme ayant acquiescé aux faits, dès lors qu'il n'a pas répliqué à ses arguments et n'a pas apporté les preuves nécessaires au soutien de sa thèse ;
- la décision litigieuse est entachée d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 août 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le jugement n'est entaché d'aucune omission à statuer ;
- ainsi que cela résulte de l'analyse des échanges des parties, les premiers juges disposaient de l'ensemble des éléments nécessaires pour apprécier la matérialité des faits invoqués et former leur conviction ;
- les propos du brigadier-chef Boscher sont corroborés par d'autres témoignages et il n'existe aucune raison de les remettre en cause ;
- M. B...n'a pas respecté les consignes concernant la mise à disposition de l'officier de police judiciaire des personnes interpellées;
- le rapport de Mme D...est également édifiant ;
- la destruction de la nouvelle carte électronique professionnelle n'a pas été contestée par M. B...devant la commission de discipline ;
- il a également eu une attitude déplacée à l'égard d'un agent d'entretien ;
- tous les faits reprochés sont matériellement établis ;
- les membres du conseil de discipline se sont prononcés à l'unanimité en faveur de la sanction de déplacement d'office ;
- l'intéressé a fait l'objet d'autres procédures disciplinaires antérieures pour des faits de même nature ;
- aucune disposition législative ou réglementaire n'interdit à l'administration d'exercer une action disciplinaire à l'encontre d'un agent en congé de maladie ; la procédure n'est pas entachée d'irrégularité lorsque l'agent a pu présenter par l'intermédiaire d'un tiers toutes les observations utiles à sa défense ;
- en l'occurrence, M. B...n'a pas demandé le report de la séance et s'est présenté personnellement devant le conseil de discipline ;
- la sanction du 2ème groupe prise à l'encontre de M. B...n'est pas disproportionnée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 modifié ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laurent Pouget,
- les conclusions de M. E...de la Taille Lolainville,
- et les observations de MeC..., représentant de M.B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B...a été titularisé dans le grade de gardien de la paix le 1er mars 1997. Il a été affecté à compter du 1er septembre 2010 à la circonscription de sécurité publique de Niort. Une procédure disciplinaire a été engagée à son encontre le 22 juin 2012 par le directeur départemental de la sécurité publique au motif d'un comportement provocateur, irrespectueux et d'opposition récurrente aux instructions de sa hiérarchie. Après avis de la commission administrative paritaire compétente, réunie en conseil de discipline le 17 septembre 2012, le ministre de l'intérieur, par un arrêté du 24 janvier 2013, a décidé le déplacement d'office à titre disciplinaire de M. B...et son affectation à la circonscription de sécurité publique d'Angoulême. M. B...relève appel du jugement du 16 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2013.
Sur la régularité du jugement :
2. Le requérant soutient que le jugement du 16 janvier 2015 est entaché d'une omission à statuer en ce que le tribunal n'a pas répondu à son moyen tiré d'un détournement de procédure, la procédure disciplinaire diligentée à son encontre ayant eu selon lui pour finalité réelle de faire obstacle à sa prochaine promotion, en représailles à son témoignage favorable à un collègue en conflit avec sa hiérarchie, dans le cadre d'une instance juridictionnelle. Le jugement souligne cependant, en son point 8, " qu'il ne ressort (pas) des pièces du dossier (...) que la sanction litigieuse (...) vise à faire obstacle à ce que (M.B...) bénéficie de tout avancement ou de toute promotion pendant une longue durée ". Le moyen manque par conséquent en fait et doit être écarté.
3. Il n'incombait pas aux premiers juges, s'ils s'estimaient suffisamment éclairés par les éléments figurant au dossier, de demander à l'administration de produire des pièces supplémentaires. La procédure devant les premiers juges n'est à cet égard, contrairement à ce que soutient M.B..., entachée d'aucune irrégularité.
Sur la légalité de l'arrêté du 24 janvier 2013 :
4. La circonstance que M. B...se trouvait placé en congé de maladie ne faisait pas obstacle au déroulement d'une procédure disciplinaire à son encontre. Aucune disposition ni aucun principe n'imposait à l'administration de l'informer de ce qu'il pouvait demander le report de la séance du conseil de discipline à laquelle il a été convoqué. Il ressort enfin des pièces du dossier qu'il n'a pas demandé un tel report et qu'il a personnellement assisté à cette réunion. Il n'a ainsi été privé d'aucune garantie.
5. Aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / Premier groupe : / - l'avertissement ; / - le blâme. / Deuxième groupe : / - la radiation du tableau d'avancement ; / - l'abaissement d'échelon ; / - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; / - le déplacement d'office. / Troisième groupe : / - la rétrogradation ; / - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. / Quatrième groupe : / - la mise à la retraite d'office ; / - la révocation. (...) ".
6. Pour prononcer à l'encontre de M. B...la sanction du 2ème groupe de déplacement d'office, le ministre de l'intérieur s'est fondé sur les motifs tirés de ce que l'intéressé manifestait fréquemment une mauvaise volonté à exercer ses missions, contestant irrespectueusement certaines instructions et contribuant à créer une ambiance délétère au sein de sa brigade d'affectation, de ce qu'il a déchiré le 21 mars 2012 le code d'activation de sa carte professionnelle électronique, et de ce qu'il a refusé de rédiger un rapport explicatif et un procès-verbal relatifs à un incident le mettant en cause, le 9 mai 2012.
7. Il ressort des pièces du dossier que, par un rapport du 27 février 2012, Mme D..., capitaine-chef du groupe d'appui judiciaire, informait sa hiérarchie du comportement récurrent de contestation par M. B...des instructions reçues des officiers de police judiciaire, allant parfois jusqu'au refus d'exécuter certaines missions. Une enquête de commandement a été diligentée à la suite de ce rapport et il ressort des procès-verbaux d'audition de plusieurs agents du groupe d'appui judiciaire et des brigades de roulement que M. B... présentait vis-à-vis de ses collègues et de sa hiérarchie un comportement fréquemment négatif et rétif. Le 28 mars 2012, une nouvelle enquête de commandement a été diligentée par le chef de l'unité de sécurité de proximité sur l'attitude du requérant et a abouti aux mêmes constatations. Un rapport de l'agent d'enregistrement local chargé du déploiement des nouvelles cartes professionnelles électroniques relate également que lorsqu'il a remis sa carte à M.B..., le 21 mars 2012, celui-ci a déchiré le courrier contenant son code d'activation personnel sans en avoir pris connaissance et l'a jeté dans la corbeille du chef de poste. Puis, le 10 mai 2012, le requérant a été surpris en train de dormir dans un bureau de la brigade par une technicienne d'entretien, à l'égard de laquelle il a eu un comportement irrespectueux. Alors même qu'il a reconnu les faits, il a refusé de rédiger le rapport explicatif sur cet incident demandé par le commissaire de police et de signer le procès-verbal de son audition par ce même commissaire, s'exposant sciemment à des poursuites disciplinaires.
8. En se bornant à contester les circonstances dans lesquelles s'est produit l'un des incidents évoqués par le rédacteur du rapport du 27 février 2012 à titre d'illustration de son attitude, à faire valoir que les remarques défavorables sur sa manière de servir exprimées par sa supérieure directe dans un procès-verbal d'audition du 28 mars 2012 sont contredites par sa notation au titre de l'année 2011, à indiquer qu'il a récupéré le code d'activation de carte professionnelle et a pu activer celle-ci sans avoir à solliciter un nouveau code, et à faire valoir qu'il n'a pas tenu de propos injurieux à l'encontre de l'agent d'entretien qui l'a surpris le 10 mai 2012, M. B...ne remet pas sérieusement en cause la matérialité du grief d'insubordination récurrente et de mauvais esprit qui lui est fait, lequel est corroboré par les éléments précis et concordants figurant au dossier.
9. Les faits susmentionnés, qui fondent la sanction en litige, révèlent un comportement fautif et sont de nature à justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire. La sanction de déplacement d'office, qui doit s'apprécier compte tenu de la qualité de fonctionnaire de police de M. B...et des obligations particulières qui s'imposent à cette fonction, n'est pas entachée d'erreur d'appréciation, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, d'autant qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant a déjà fait l'objet antérieurement d'une procédure disciplinaire pour des faits de même nature. Par suite, le moyen tiré de la disproportion entre la faute et la sanction, qui ne repose pas sur des griefs et des appréciations subjectives extérieurs aux faits, doit être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :
11. Dès lors que le présent arrêt rejette les conclusions de M. B...tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2013 du ministre de l'intérieur, ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, ne peuvent qu'être également rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. B...une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2017, à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 14 décembre 2017.
Le rapporteur,
Laurent POUGETLe président,
Aymard de MALAFOSSELe greffier,
Christophe PELLETIER La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 15BX03661