Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C...A...ainsi que M. D...A...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la délibération du 20 décembre 2012 par laquelle le conseil municipal de Casseneuil a refusé le déclassement et l'aliénation à leur profit du chemin rural de la Maurasse sur les communes de Casseneuil et de Pinel-Hauterive.
Par un jugement n° 130642 du 2 avril 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cette délibération.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 juin 2015 et deux mémoires complémentaires enregistrés les 23 février et 31 mars 2017, la commune de Casseneuil, prise en la personne de son maire et représentée par MeG..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement en date du 2 avril 2015 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) de rejeter la demande des consorts A...présentée devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge solidaire des consorts A...la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune soutient que :
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, le conseil municipal avait bien émis depuis l'origine des conditions à la réalisation du projet en litige. La commune avait ainsi informé les consorts A...que son avis favorable au déclassement ne pourrait intervenir que dans la mesure où le chemin de substitution qu'il leur appartenait de présenter préalablement revêtirait des caractéristiques analogues à la portion du chemin de la Maurasse qu'ils revendiquaient, afin que ce chemin de substitution puisse, comme celui qu'il devait remplacer, être emprunté par les engins agricoles, dont le passage était indispensable à 1'exploitation des fonds riverains de la portion concernée du chemin de la Maurasse. M.A..., dans un courrier du 26 octobre 2003, proposait à cet égard de céder une emprise de 4 mètres au lieu des 2,50 mètres initialement envisagés sur une longueur de 550 mètres, " afin d'envisager la circulation des engins agricoles ", et soulignait que le chemin existant était autorisé à la circulation de ces seuls engins agricoles et à la randonnée équestre, pédestre et cycliste à la suite de son inscription au plan départemental des itinéraires de promenades et de randonnées. Au demeurant, cette condition se déduit de la référence dans la délibération en litige à la délibération du 12 septembre 1995, de laquelle il ressort que le conseil municipal a décidé d'" accepter la création de circuits de randonnée " sur des chemins reportés sur la carte parmi lesquels figure celui de la Maurasse, et d'y interdire la circulation des véhicules motorisés autres que ceux utilisés pour le besoin des exploitations forestières ou agricoles ;
- la possibilité pour les engins agricoles d'emprunter le chemin de substitution, et donc que celui-ci soit praticable pour de tels engins, a toujours été une condition sine qua non pour entériner le déclassement et 1'aliénation de la portion concernée du chemin rural de la Maurasse, que ce soit avant la délibération du 24 février 2004 ou postérieurement, ainsi que le maire l'a rappelé à plusieurs reprises à M.A.... Les travaux engagés par M. A...pour aplanir et élargir le chemin à 4 mètres comme il l'avait proposé se sont toutefois révélés insuffisants dès lors que le chemin n'était pas praticable sur toute sa longueur par les engins agricoles, ce qui a entraîné l'avis défavorable du conseil municipal. Les premiers juges ont ainsi entaché leur jugement d'une erreur de fait en considérant que l'avis favorable émis le 24 février 2004 n'était assorti d'aucune condition, d'autant que la praticabilité du chemin n'était pas la seule condition posée par le conseil municipal. Les photographies qu'ils versent au dossier n'apparaissent pas utiles aux débats, puisqu'elles portent sur la portion du chemin rural de la Maurasse qu'ils ne revendiquent pas ;
- le motif retenu par le tribunal tiré de ce que " le chemin rural à aliéner ne dessert aucun terrain, ni aucune exploitation agricole qui se retrouverait enclavé après son aliénation " n'apparaît pas de nature à remettre en question l'intérêt que le chemin de la Maurasse présente pour l'exploitation des parcelles riveraines, dont il constitue l'accès le plus direct et le plus utilisé. Sur ce point, si les intimés n'hésitent pas à soutenir que ce sont les services du département, lesquels non seulement n'ont aucune compétence à cet égard, mais aussi et surtout aucun intérêt à condamner, même partiellement, l'accès d'un chemin inscrit au plan départemental des itinéraires de randonnée et de promenade, qui ont cherché à obstruer partiellement l'entrée de la portion qu'ils revendiquent du chemin rural de la Maurasse, ils n'ont jamais contesté avoir déposé de la terre sur le chemin dans le seul but d'empêcher un de leurs voisins avec lequel ils sont en conflit ouvert d'accéder, par ce chemin, aux fonds qu'il exploite avec ses engins agricoles ;
- le tribunal, à tort, s'est borné à reprendre l'avis du commissaire-enquêteur en indiquant que le chemin de substitution assure la continuité des itinéraires de promenade et de randonnée, que son caractère accidenté renforce son attrait et qu'il a été répertorié par le conseil général en 2006, ce qui est inexact ; le commissaire-enquêteur a dévoyé l'objet de l'enquête en se concentrant sur la seule utilisation du chemin de substitution à des fins de randonnée alors que cela ne constituait qu'une des destinations du chemin de substitution, dont les caractéristiques devaient aussi répondre aux autres usages, dans des conditions analogues, du chemin remplacé. Ainsi, dans son exposé du projet de délibération en litige, le maire avait souligné qu'un déplacement sur site permet de constater que le chemin de substitution présente une partie praticable de 150 mètres environ et que le reste est impraticable car trop accidenté, empêchant le passage d'un tracteur avec ou sans remorque, indépendamment des conditions météorologiques ;
- la circonstance que la commune de Pinel-Hauterive ait décidé, par une délibération du 17 décembre 2012, de procéder à la désaffectation de la portion du chemin de la Maurasse située sur son territoire est sans incidence sur la faculté dont disposait le conseil municipal de Casseneuil, dans le respect du principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales et en fonction de ses intérêts propres, de refuser de procéder à sa désaffectation et à son aliénation ;
- contrairement à ce que laisse entendre le tribunal, la commune n'est pas responsable de la durée de la procédure, une période de huit ans ayant été en effet nécessaire aux consorts A...pour faire procéder aux travaux réalisés, de manière au demeurant insuffisante, en vue du recalibrage du chemin de substitution. Enfin, la mention par le tribunal que la raison invoquée serait dépourvue de justification sérieuse d'intérêt général ne peut que surprendre, dans la mesure où la commune ne visait par cet avis qu'à s'assurer que l'intérêt général lié à l'utilisation de la portion revendiquée du chemin de la Maurasse, et caractérisé par toutes les destinations dont il est le siège, ne se trouverait pas compromis par ou pour la satisfaction de seuls intérêts privés ;
- la commune entend, dans l'hypothèse où le motif retenu par le tribunal ne serait pas censuré, solliciter de la cour de procéder à une substitution de motif tiré de ce qu'en vertu des dispositions du code rural et de la pêche maritime, et selon la jurisprudence, l'aliénation d'un chemin rural ne peut être décidée par le conseil municipal compétent que dans la mesure où le chemin en cause a cessé d'être affecté à l'usage du public, ce qui n'était pas le cas à la date de la délibération en litige. En effet, la portion en question du chemin rural de la Maurasse était toujours inscrite au plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée, était toujours empruntée, comme le rappellent d'ailleurs eux-mêmes les consorts A...et ce que confirme également l'enquête publique, par les randonneurs, cyclistes, cavaliers et autres usagers tout comme par les propriétaires des fonds auxquels elle leur permet d'accéder à l'aide d'engins agricoles ou de tout autre véhicule nécessaires à leur exploitation et alors que la demande d'aliénation des consorts A...était justement motivée par les " nuisances et inconvénients, liés notamment aux engins motorisés ", ce qui démontre que le chemin en question, contrairement à ce qu'ils ont soutenu devant le tribunal pour les besoins de la cause, continuait d'être fréquenté par des engins motorisés ;
- les autres moyens soulevés par les consorts A...devant le tribunal ne pourront pas plus prospérer. Contrairement à ce qu'ils soutiennent, la question de 1'aliénation du chemin rural litigieux ainsi que son déclassement était explicitement inscrite à l'ordre du jour de la réunion du conseil municipal du 20 décembre 2012 ;
- l'aliénation d'un chemin rural inscrit au plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée n'est pas soumise à la seule condition qu'un chemin de substitution ait été créé, mais est avant tout subordonnée à sa désaffectation, laquelle résulte d'un état de fait. Or, comme il l'a été dit ci-dessus, le chemin était toujours affecté à la circulation du public, des randonneurs mais aussi des propriétaires des fonds et les exploitants agricoles riverains, et la circonstance que la commune de Pinel-Hauterive ait cru pouvoir constater le contraire est sans incidence. Il appartenait justement au conseil municipal de s'assurer que le chemin de substitution serait à même de remplacer le précédent en ce qui concerne sa destination de chemin pédestre et de randonnée mais aussi, dans le cas où ce chemin supporterait au moins une autre destination que la commune entendait maintenir, que le chemin de substitution pourrait le remplacer dans les mêmes conditions d'utilisation ;
- la circonstance qu'un conseiller municipal propriétaire d'un bois voisin qui serait desservi par la portion litigieuse du chemin rural de la Maurasse ait participé au vote de la délibération en litige et ait publiquement fait part de son opposition à l'aliénation n'est pas de nature à caractériser à elle seule un " intéressement " à l'affaire au sens de l'article L.2131-11 du code général des collectivités territoriales, l'obligeant à ne participer ni aux débats ni au vote. Au demeurant, compte tenu de la large majorité recueillie par un vote à bulletins secrets contre le projet, il n'est pas démontré que le vote, à le supposer négatif, de ce membre de l'assemblée délibérante, lequel n'a par ailleurs pris part ni à l'élaboration de la décision en litige ni aux débats de façon active, ait eu une influence sur l'issue du scrutin ;
- si les consorts A...soutiennent que la délibération litigieuse aurait méconnu les dispositions de l'article L. 2121-21 du code général des collectivités territoriales, dès lors que rien n'indique dans le procès-verbal de la séance qu'une demande de vote à bulletin secret aurait été présentée par un tiers du conseil municipal, ils n'apportent pas le moindre commencement de preuve du contraire, la jurisprudence admettant au demeurant que 1'absence, dans le registre des délibérations, de certaines mentions relatives aux conditions du recours au vote secret est, par elle-même, sans influence sur la légalité d'une délibération.
Par des mémoires en défense enregistrés les 26 janvier et 1er mars 2017, M. et Mme C...A...et M. D...A..., représentés par la société civile professionnelle d'avocats Pielberg-E... concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Casseneuil d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Les consorts A...font valoir que :
- par délibération du 24 février 2004, le conseil municipal de la commune de Casseneuil a émis un avis favorable au projet de déclassement et d'aliénation en mettant en avant des conditions tenant à la prise en charge par leur famille de l'ensemble des frais que cette opération allait engendrer, dès lors que le chemin de substitution serait réalisé avant le déclassement et l'aliénation. Les terrains ont alors été acquis et les travaux de réalisation du chemin de substitution ont été réalisés à leurs entiers frais. Or, cette délibération n'est venue à aucun moment fixer une condition tenant au fait que le chemin de substitution devrait pouvoir être utilisé par des engins agricoles. Ce n'est qu'à la faveur d'une véritable dénaturation des documents que la commune de Casseneuil essaie de raccrocher cette condition qui n'existait pas à des documents précédant la délibération de 2004. La seule contrainte imposée était que le chemin rural de substitution présente une emprise de 4 m de largeur, ce qui constitue une largeur suffisante pour le passage d'engins agricoles. L'état du chemin rural de la Maurasse depuis la " route de Védrine " jusqu'à sa partie rejoignant le " Pech Darbe Feuille " n'a jamais permis depuis des décennies le passage d'un quelconque engin agricole. Il présente en effet une emprise d'un mètre au maximum et est encaissé par rapport au terrain naturel, ce qui le rend totalement impraticable à des véhicules d'un tel gabarit. C'est du reste ce qu'a constaté le commissaire enquêteur qui a indiqué dans son rapport que ce chemin rural, à l'abandon depuis des décennies en raison d'un entretien défaillant, a fait l'objet d'une réouverture en 1995 à l'occasion de la création d'un chemin de randonnées, étant précisé qu'à cette date il n'était pas conçu pour permettre la circulation des engins agricoles modernes. La commune ne peut se prévaloir de cette condition apparue huit années après la réalisation du chemin de substitution et manifestement pour justifier un refus de déclassement et d'aliénation et alors qu'il n'est même pas démontré que les engins agricoles ne pourraient pas utiliser normalement le chemin de substitution présentant 4 m d'emprise ;
- si la délibération du 12 septembre 1995 a permis la création sur la commune de Casseneuil d'un chemin de grande randonnée, on ne peut déduire des termes de cette décision que le chemin rural en question, notamment dans sa partie litigieuse, ait pu être considéré comme ayant été fréquenté par des véhicules tous terrains de manière régulière. Par ailleurs, la commune prétend, sans aucune preuve, qu'ils auraient obstrué l'accès au chemin rural en question pour des motifs allégués de problèmes de voisinage. Hormis une déclaration péremptoire du maire reprise dans la motivation de la délibération en date du 20 décembre 2012 énonçant qu'ils auraient, de leur propre initiative et sans autorisation, obstrué partiellement l'accès au chemin rural en question, aucun document ne vient corroborer cette assertion. La commune ne saurait se prévaloir de leur silence sur cette question dans les échanges de courriers, alors qu'ils se sont expliqués verbalement et que le maire n'a pas jugé utile d'utiliser les pouvoirs de police qu'il tient des articles L. 161-5 et L. 161-11 du code rural pour les contraindre à rouvrir à la circulation publique le chemin en question ;
- le chemin de substitution est intégralement implanté sur le territoire de la commune de Pinel-Hauterive. Or, cette commune a expressément accepté de déclasser et d'aliéner la partie de chemin litigieuse lui appartenant à leur profit en considérant que le chemin de remplacement présentait les mêmes caractéristiques que celui qui était aliéné afin de répondre à la même destination. On ne peut dès lors que s'étonner de l'appréciation différente portée par la commune de Casseneuil alors que le chemin de substitution n'est pas situé sur son territoire communal. Ce chemin présente une emprise non contestée de 4 mètres de large, gabarit amplement suffisant pour permettre la circulation des engins agricoles, les engins les plus importants pouvant accéder directement aux parcelles antérieurement desservies par le chemin rural initial par d'autres voies ;
- si désormais la commune de Casseneuil prétend que la portion de chemin rural en question ne serait pas désaffectée, la commune de Pinel-Hauterive a pourtant décidé du contraire dans sa délibération du 17 décembre 2012, et la commune de Casseneuil ne produit aux débats aucun document venant l'établir. Il apparait donc pour le moins incompréhensible que pour un même chemin rural appartenant pour moitié à la commune de Casseneuil et pour l'autre à la commune de Pinel-Hauterive, on puisse considérer qu'une moitié, celle appartenant à la commune de Pinel-Hauterive, serait effectivement désaffectée, tandis que celle appartenant à la commune de Casseneuil ne le serait pas. Par ailleurs, depuis la réalisation du chemin de substitution au cours de l'année 2004, plus personne n'utilise la portion de chemin rural litigieuse. Tous les randonneurs et autres usagers du chemin rural utilisent depuis cette date le chemin rural de substitution, et le département du Lot-et-Garonne l'a incorporé en 2006 dans le plan d'itinéraires de promenades et de randonnées du secteur. La désaffectation n'est donc pas contestable, d'autant qu'elle a été constatée de fait par le commissaire enquêteur dans son rapport ;
- M.B..., élu au conseil municipal de la commune de Casseneuil, est propriétaire d'un bois situé au lieu-dit " Pech Darbe feuille " desservi par le chemin rural de " la Moras à Roudie ". Lorsqu'ils ont fait part de leur intention d'acquérir la portion de ce chemin rural passant au pied de leur maison d'habitation et traversant leur propriété, ils se sont heurtés alors à l'opposition de M.B..., lequel arguait qu'en cas d'aliénation, il ne pourrait plus utiliser le chemin pour rejoindre ses bois, alors qu'il pouvait par ailleurs parfaitement y accéder en empruntant un autre chemin à partir de la route départementale voisine. Par ailleurs, cet élu avait pris pour habitude d'utiliser son véhicule tout-terrain pour emprunter le chemin rural litigieux, tout en sachant pertinemment que la circulation de ce type de véhicule sur ce chemin rural dédié à la promenade et à la randonnée était totalement interdite. Au regard de cette opposition farouche à leur projet, laquelle ne s'explique que par son intérêt personnel de pouvoir continuer à utiliser le chemin rural litigieux comme il l'entend afin d'accéder à sa propriété, M.B..., seul propriétaire riverain à agir ainsi, justifie donc d'un intérêt particulier à ce que la situation actuelle perdure. Le simple fait que M. B...ait été présent à la séance du conseil municipal et ait pu participer aux débats, dont la commune ne rapporte d'ailleurs pas la teneur, démontre bien que celui-ci a exercé une influence sur le sens du vote qui a permis à la décision litigieuse d'être adoptée par une majorité relativement faible ;
- conformément aux dispositions de l'article L. 2121-21 du code général des collectivités territoriales, un vote à bulletins secrets ne peut être décidé que si un tiers des membres du conseil municipal le demande expressément et la jurisprudence estime qu'à défaut, la délibération est entachée d'irrégularité. Cette formalité n'a visiblement pas été respectée dès lors qu'aucune mention en ce sens ne figure sur le procès-verbal de la séance.
Par ordonnance du 2 mars 2017, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 3 avril 2017 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Paul-André Braud,
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
- les observations de MeF..., représentant la commune de Casseneuil et celles de MeE..., représentant M. et MmeA....
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de la décision du conseil général de Lot-et-Garonne de mettre en place des itinéraires de promenade et de randonnée, des travaux de réhabilitation d'un chemin rural ont été entrepris sur la commune de Casseneuil en 1995. M. D...A..., propriétaire avec ses parents d'une maison située à proximité immédiate de ce chemin rural dit " de la Maurasse ", s'est plaint auprès de la commune de la gêne occasionnée par le passage de randonneurs et de véhicules motorisés, et de plusieurs cambriolages. Par délibérations respectives des 15 décembre 2003 et 24 février 2004, les conseils municipaux des communes de Pinel-Hauterive et Casseneuil ont décidé, à la demande de M.A..., de mettre en oeuvre la procédure de " déclassement " et d'aliénation au profit des riverains de ce chemin rural marquant la limite entre les deux communes et inscrit au plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée depuis 1988. Les travaux de réalisation d'un chemin de substitution ont été réalisés par les consorts A...en 2004. Une enquête publique sur ce projet, comprenant le tracé du chemin de randonnée de substitution à la charge de M.A..., a eu lieu du 8 au 22 octobre 2012. A l'issue de cette enquête et de l'avis favorable émis par le commissaire-enquêteur, et alors que le conseil municipal de la commune de Pinel-Hauterive a décidé du " déclassement " et de l'aliénation et a approuvé le projet pour la partie du chemin rural située sur son territoire par une délibération du 17 décembre 2012, la commune de Casseneuil a refusé de déclasser et d'aliéner la partie de ce chemin rural située sur son territoire par une délibération du 20 décembre 2012. La commune de Casseneuil relève appel du jugement du 2 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux, à la demande des consortsA..., a annulé cette délibération.
Sur la légalité de la délibération du 20 décembre 2012 :
2. Aux termes de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune. ". Aux termes de l'article L. 161-2 du même code : " L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale. La destination du chemin peut être définie notamment par l'inscription sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée. " Selon l'article L. 161-10 du même code : " Lorsqu'un chemin rural cesse d'être affecté à l'usage du public, la vente peut être décidée après enquête par le conseil municipal (...) ". L'article L. 161-10-1 du même code prévoit que " Lorsqu'un chemin rural appartient à plusieurs communes, il est statué sur la vente après enquête unique par délibérations concordantes des conseils municipaux. (...) " Selon l'article R. 161-27 dudit code : " Au vu du dossier d'enquête, les conseils municipaux peuvent décider l'aliénation de ce chemin ou de ces chemins ruraux par délibérations concordantes. En cas d'avis défavorable du commissaire enquêteur, ces délibérations doivent être motivées. En outre, pour les chemins inscrits sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée, les conseils municipaux doivent, préalablement à toute délibération décidant de leur suppression ou de leur aliénation, avoir proposé au conseil général un itinéraire de substitution approprié à la pratique de la promenade et de la randonnée ".
3. Pour annuler la délibération en litige, le tribunal administratif de Bordeaux a estimé que le seul motif du refus opposé par le conseil municipal, tiré de l'impraticabilité du chemin de substitution pour les engins agricoles au-delà d'une distance de 150 mètres, était dépourvu de justification sérieuse d'intérêt général et par suite entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Il a relevé que la fréquentation du chemin rural à aliéner, lequel ne dessert aucun terrain, ni aucune exploitation agricole qui se trouveraient enclavés après son aliénation, a engendré des nuisances à la propriété des consortsA..., que l'avis favorable de la commune au lancement de la procédure émis dans la délibération du 24 février 2004 n'était assorti d'aucune condition tenant notamment au caractère carrossable du chemin de substitution, lequel se situe entièrement sur la commune de Pinel-Hauterive et satisfait au demeurant à un tel critère au moins par temps sec et que ce chemin long de 515 mètres, qui permet d'assurer la continuité des itinéraires de promenade et de randonnée, a du reste été répertorié comme tel par le conseil général de Lot-et-Garonne dès 2006, et dessert des terrains accessibles par d'autres voies.
4. Il ressort des pièces du dossier que l'avis favorable de la commune de Casseneuil, émis dans une délibération du 24 février 2004, au projet de " déclassement " et d'aliénation du chemin n'était assorti d'aucune condition autre que la cession à l'euro symbolique de la portion du chemin de la Maurasse et la mise en place de l'itinéraire de substitution, et que les consorts A...ont négocié avec leurs voisins les mutations foncières nécessaires à la création du nouveau chemin, et réalisé à leurs frais les travaux de terrassement nécessaires. Aucune exploitation agricole, accessible par ailleurs, ne se retrouverait enclavée après l'aliénation du chemin en cause, lequel ne dessert par ailleurs aucune autre habitation que celle des consortsA.... Alors que la commune de Pinel-Hauterive a donné un avis favorable au projet, le chemin de substitution, long de 515 mètres, assure de façon effective la continuité de la circulation générale, et notamment des itinéraires de promenade et de randonnée. En l'absence de condition en ce sens dans la délibération susmentionnée du 24 février 2004 et dans celle du 15 décembre 2003 par laquelle le conseil municipal de Pinel-Hauterive avait également émis un avis favorable au projet, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'ancien chemin ait été praticable par des engins agricoles, le chemin de substitution n'a pas à être accessible aux engins agricoles. Par suite, le tribunal a pu estimer à juste titre que le motif retenu par le conseil municipal de Casseneuil pour refuser le " déclassement " et l'aliénation du chemin, tiré de ce que la condition du caractère carrossable pour les engins agricoles du chemin de la Maurasse, non spécifiée à l'origine n'aurait pas été respectée, était manifestement erroné.
5. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
6. La commune de Casseneuil sollicite dans sa requête d'appel une substitution de motifs en soutenant que le refus en litige pouvait également se fonder sur la circonstance qu'à la date de la délibération litigieuse, le chemin rural dit " de la Maurasse " était toujours utilisé, notamment par les randonneurs, et que, dans ces conditions, ce chemin n'était pas désaffecté. Il ressort cependant des pièces du dossier que le commissaire enquêteur a indiqué dans son rapport que le passage fréquent de randonneurs sur le chemin de la " Maurasse ", après sa réouverture en 1995, a généré une gêne et des nuisances pour les consortsA..., ce qui les a d'ailleurs conduits à demander l'aliénation à leur profit de ce chemin, et que le chemin de substitution créé en 2006 est " actuellement pratiqué par une majorité de randonneurs ". Ainsi, alors même que la modification de l'itinéraire de randonnée n'aurait pas été actée par le département, et que quelques personnes auraient pu emprunter le chemin ancien qui n'était pas fermé à la circulation, il n'est pas établi que l'ancien chemin aurait fait l'objet, huit ans après la création de l'itinéraire de substitution, d'une utilisation régulière de nature à permettre de le regarder comme affecté de fait à l'usage du public. Par suite, la substitution de motifs sollicitée par la commune Casseneuil, qui n'allègue pas avoir entretenu ledit chemin et n'a pas mis en demeure les consorts A...de retirer les obstacles qu'elle dit qu'ils auraient érigés à la circulation automobile, ne peut être accueillie.
7. Il résulte de ce qui précède que la commune de Casseneuil n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la délibération du 20 décembre 2012.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Casseneuil la somme que les consorts A...demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par la commune de Casseneuil soient mises à la charge des consortsA..., qui ne sont pas la partie perdante.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Casseneuil est rejetée.
Article 2 : Les conclusions des consorts A...présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Casseneuil, à M. et Mme C...A...et à M. D...A.... Copie en sera adressée pour information au conseil départemental de Lot-et-Garonne.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
M. Paul-André Braud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 décembre 2017.
Le rapporteur,
Paul-André BRAUDLe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au préfet de Lot-et-Garonne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 15BX01876