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30/11/2017 | FRANCE | N°17BX01515

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 30 novembre 2017, 17BX01515


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Poitiers, notamment, d'annuler les décisions des 31 mars et 24 juillet 2014 par lesquelles le président de la chambre des métiers et de l'artisanat de la Charente-Maritime l'a successivement suspendu puis révoqué de ses fonctions de directeur du centre de formation des apprentis de La Rochelle, d'enjoindre au président de cet organisme de le rétablir dans ses fonctions et de reconstituer sa carrière ainsi que ses droits à la retraite, et de condamner la chambre des mé

tiers et de l'artisanat à lui verser une indemnité représentative des tra...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Poitiers, notamment, d'annuler les décisions des 31 mars et 24 juillet 2014 par lesquelles le président de la chambre des métiers et de l'artisanat de la Charente-Maritime l'a successivement suspendu puis révoqué de ses fonctions de directeur du centre de formation des apprentis de La Rochelle, d'enjoindre au président de cet organisme de le rétablir dans ses fonctions et de reconstituer sa carrière ainsi que ses droits à la retraite, et de condamner la chambre des métiers et de l'artisanat à lui verser une indemnité représentative des traitement non perçus durant la période de son éviction.

Par un jugement n° 1402123,1402296 du 16 septembre 2015, le tribunal administratif de Poitiers a annulé les deux décisions contestées, a renvoyé M. B...devant la chambre des métiers et de l'artisanat de la Charente-Maritime pour le calcul de ses droits à avancement et à retraite, ainsi que pour la liquidation d'une indemnité équivalente à sa perte de salaires, a également condamné la chambre des métiers et de l'artisanat à lui verser 10 000 euros en réparation de ses préjudices autres que financier et a mis à la charge de la chambre la somme de 1 600 euros à verser à M. B...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Le 9 juin 2016, M.B..., représenté par MeA..., a saisi le tribunal administratif de Poitiers, sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, d'une demande tendant à l'exécution du jugement du 16 septembre 2015, au constant que la chambre des métiers et de l'artisanat de la Charente-Maritime n'a pas procédé à sa réintégration, ni procédé à la régularisation de sa situation au regard de ses droits à la retraite. La chambre des métiers et de l'artisanat ayant interjeté appel de ce jugement, la demande de M. B...a été transmise le 17 juin 2016 à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Par une ordonnance du 15 mai 2017, la présidente de la cour a, en application de l'article R. 921-6 du même code, décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en vue de prescrire les mesures d'exécution de ces décisions de justice.

Par un mémoire enregistré le 2 juin 2017, M. B...sollicite que soient prescrites les mesures nécessaires à l'exécution intégrale du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 16 septembre 2015 et demande que soit mise à la charge de la chambre des métiers et de l'artisanat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'a pas été rétabli dans ses fonctions, ni dans ses droits à avancement et à la retraite ;

- la chambre des métiers et de l'artisanat doit lui restituer la somme mensuelle de 837,63 euros qu'elle prélève sur sa rémunération au titre de congés payés non pris ; cette demande n'est pas sans rapport avec l'exécution du jugement du 16 septembre 2015 ; la chambre ne peut à la fois lui refuser une réintégration physique et lui imposer des congés ; elle ne peut non plus lui réclamer le remboursement de congés payés qu'il n'a pas été en mesure de prendre en raison des décisions litigieuses annulées ;

- contrairement à ce que soutient la chambre des métiers, la jurisprudence n'admet plus les réintégrations fictives ; au contraire, il est admis de façon constante que l'agent dont le licenciement a été annulé a droit à une réintégration effective dans ses fonctions, sauf impossibilité matérielle ; en l'occurrence le poste qu'il occupait reste vacant ; des difficultés relationnelles ne peuvent donc légitimer un refus de réintégration ; au demeurant, aucun reproche n'avait été formulé à son encontre avant la décision de suspension de 2014, et si le climat est détérioré au sein du centre de formation, cette situation préexistait à sa prise de fonction ; sa demande de bénéfice du droit individuel à la formation a pour objectif de le préparer au mieux à la reprise de ses fonctions.

Par un mémoire enregistré le 21 juin 2017, la chambre des métiers et de l'artisanat de conclut au rejet de la demande d'exécution du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 16 septembre 2015 présentée par M.B....

Elle fait valoir que :

- M. B...a été rétabli dans ses droits à avancement ;

- il a également été rétabli dans ses droits à la retraite, tant en ce qui concerne les durées de cotisation que les montants cotisés ;

- la demande de M. B...tendant à la restitution des sommes prélevées au titre de trop perçus relève d'un litige distinct ; ces sommes correspondent à un trop-perçu au moment du rétablissement de l'intéressé dans ses droits ainsi qu'à un trop-perçu au titre des congés payés de la période de juillet à septembre 2014 ;

- l'annulation par le juge de la décision de révocation n'implique pas nécessairement que l'agent soit réintégré dans son ancienne affectation si l'intérêt de l'employeur s'y oppose ; l'apaisement du climat social est au demeurant une impossibilité matérielle au sens de la jurisprudence ; sa réintégration est contraire à l'intérêt du service, ainsi qu'en attestent les compte-rendus de l'association régionale de l'amélioration des conditions de travail ; aucun poste correspondant au niveau de responsabilité et de rémunération de l'intéressé ne s'est libéré à ce jour ; M. B...en est d'ailleurs conscient puisqu'il a participé à une formation pour un poste de secrétaire général ;

- elle s'est acquittée de son obligation au titre des sommes à régler à M. B...en exécution du jugement du tribunal.

Par une ordonnance du 7 septembre 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 octobre 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;

- l'arrêté du 19 juillet 1971 et le statut du personnel administratif des chambres de métiers annexé audit arrêté ;

- l'arrêté du 13 septembre 1972 et la grille nationale des emplois du personnel des chambres de métiers annexée audit arrêté ;

- le statut du personnel des chambres de métiers et de l'artisanat adopté par la commission paritaire nationale 52 le 13 novembre 2008 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laurent Pouget,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,

- les observations de MeC..., représentant la chambre de métiers et de l'artisanat de la Charente-Maritime,

- et les observations de M.B....

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. (...) Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte (...) ".

2. M. B...a été recruté le 13 septembre 2010 par la chambre des métiers et de l'artisanat de la Charente-Maritime en qualité de directeur du centre de formation des apprentis. Il a été suspendu de ses fonctions à titre conservatoire le 31 mars 2014 par le président de la chambre des métiers et de l'artisanat au motif de divers manquements à ses obligations, et a été informé de l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre. A l'issue de celle-ci, le président de l'organisme consulaire a décidé, le 24 juillet 2014, de révoquer M.B.... Saisi par ce dernier, le tribunal administratif de Poitiers, par un jugement du 16 septembre 2015, a annulé les décisions du président de la chambre des métiers des 31 mars et 24 juillet 2014, a condamné l'établissement à verser à M. B...une indemnité représentative des traitements qu'il aurait dû percevoir durant son éviction ainsi qu'une indemnité réparant ses autres préjudices, et lui a prescrit de reconstituer la carrière et les droits sociaux de l'intéressé.

3. En exécution d'un jugement annulant une décision illégale d'éviction d'un agent public, l'autorité administrative est tenue de procéder d'office, sans qu'il soit nécessaire que l'intéressé en fasse la demande, à sa réintégration juridique et à la reconstitution de sa carrière. Quels que soient les motifs d'annulation de la décision d'éviction, cette reconstitution de carrière, qui revêt un caractère rétroactif à compter de la date d'effet de l'éviction illégale, comprend la reconstitution des droits sociaux, notamment des droits à pension de retraite, que l'agent aurait acquis en l'absence de cette éviction illégale et, par suite, le versement par l'administration des cotisations nécessaires à cette reconstitution. Par ailleurs, il incombe également à l'autorité administrative, de sa propre initiative, de régler la situation de l'agent pour l'avenir, notamment en procédant, en principe, à sa réintégration effective ou, le cas échéant, en prenant une nouvelle décision d'éviction.

4. Il résulte tout d'abord des pièces produites par la chambre des métiers et de l'artisanat de La Charente-Maritime, en particulier des bulletins de salaire et des fiches de paye de régularisation établies au nom de M. B...pour 2015, qu'elle a d'ores et déjà procédé à la reconstitution administrative et juridique de la carrière de ce dernier, lequel a notamment bénéficié d'un avancement d'échelon à compter du 1er novembre 2015, ainsi qu'à la reconstitution de ses droits à pension de retraite. Le requérant n'est par conséquent pas fondé à soutenir que le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 16 septembre 2015 n'aurait pas reçu exécution à cet égard.

5. M. B...se plaint ensuite de ce que la chambre des métiers et de l'artisanat de La Rochelle procède depuis le mois de mars 2016 à une retenue de 837,63 euros sur les traitements mensuels qu'elle lui verse. L'établissement fait cependant valoir, sans que M. B...conteste sérieusement le bien-fondé de ces explications, que cette retenue correspond à la reprise de trop-versés en matière d'indemnités compensatrices de congés payés, en exécution, précisément, du jugement du tribunal, puisque ces indemnités ne peuvent se cumuler avec le versement des sommes représentatives des salaires. La retenue de régularisation pratiquée sur les salaires du requérant par la chambre des métiers ne peut ainsi être regardée comme une méconnaissance par cette dernière des obligations lui incombant en vertu du jugement du tribunal administratif de Poitiers.

6. En revanche, il est constant que la chambre des métiers et de l'artisanat de la Charente-Maritime n'a pas procédé, au jour du présent arrêt, à la réintégration effective de M. B... dans ses fonctions de directeur du centre de formation des apprentis de La Rochelle. Or, elle admet qu'aucun emploi équivalent à celui qu'occupait M.B..., agent titulaire de la catégorie cadre supérieur de niveau 2, n'est actuellement disponible. Dans ces conditions, l'exécution du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 16 septembre 2015 implique nécessairement que la chambre des métiers et de l'artisanat procède à la réintégration sur place de M. B...et le mette à même d'exercer à nouveau de manière effective les fonctions qu'il occupait à la date de son licenciement et auxquelles il n'a pas renoncé, quand bien même il a suivi depuis une formation aux fonctions de secrétaire général. La circonstance, alléguée par l'établissement, qu'une telle réintégration serait contraire à l'intérêt du service en raison des tensions internes que le retour de M. B...à son poste de directeur du centre de formation ne manquerait pas de susciter n'est pas, en l'espèce, de nature à justifier son refus d'y procéder.

7. Il suit de ce qui précède qu'à la date du présent arrêt, la chambre de métiers et de l'artisanat de la Rochelle n'a pas, faute d'avoir procédé à la réintégration effective de M.B..., pleinement exécuté le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 16 septembre 2015. Dès lors, il y a lieu, compte tenu des circonstances de l'espèce, de prononcer à son encontre, à défaut pour elle de justifier sur ce point de l'exécution complète de ce jugement dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, une astreinte de 100 euros par jour, jusqu'à la date à laquelle cette exécution sera effective.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M.B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la chambre des métiers et de l'artisanat de la Charente-Maritime la somme que celle-ci sollicite au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la chambre des métiers et de l'artisanat, en application des mêmes dispositions, le versement à M. B...de la somme de 1 500 euros.

DECIDE :

Article 1er : Une astreinte de 100 euros par jour est prononcée à l'encontre de la chambre des métiers et de l'artisanat de la Charente-Maritime si cet établissement ne justifie pas, dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt, avoir procédé à la réintégration effective de M. B... dans les fonctions de directeur du centre de formation des apprentis de La Rochelle en exécution du jugement du tribunal administratif de Poitiers n° 1402123,1402296 du 16 septembre 2015, et ce jusqu'à la date de cette exécution.

Article 2 : La chambre des métiers et de l'artisanat de la Charente-Maritime communiquera à la cour copie de toutes pièces justifiant des mesures prises pour exécuter cet arrêt.

Article 3 : La chambre des métiers et de l'artisanat de la Rochelle versera à M. B...la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B...et à la chambre des métiers et de l'artisanat de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 26 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 30 novembre 2017.

Le rapporteur,

Laurent POUGET

Le président,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'économie en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 17BX01515


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01515
Date de la décision : 30/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exécution décision justice adm

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Effets des annulations - Reconstitution de carrière.

Procédure - Jugements - Exécution des jugements - Effets d'une annulation.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET L.
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SELARL MITARD BAUDRY

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-11-30;17bx01515 ?
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