Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société AM Diffusion a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période allant du 1er janvier 2009 et au 31 décembre 2010, ainsi que des pénalités y afférentes.
Par un jugement n° 1400606 du 25 septembre 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 novembre 2015, la société AM Diffusion, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 25 septembre 2015 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités susmentionnées.
Elle soutient que :
- en vertu de la septième directive du 14 février 1994, le régime de la marge est le régime de droit commun en matière de vente de biens d'occasion ; lors d'une première vérification de comptabilité, en 2003, l'application du régime de la marge à des lots de pneus hétérogènes a d'ailleurs été acceptée ;
- les fournisseurs allemands auprès desquels la société s'est approvisionnée durant les exercices 2009 et 2010 sont des assujettis-revendeurs appliquant le régime de la marge ; les pneus ayant été livrés à des personnes qui ne sont pas redevables de la TVA, c'est à bon droit que la société s'est soumise au régime de la marge ;
- même si les factures d'origine ne contenaient pas des précisions suffisantes quant au régime de TVA appliqué par les vendeurs, la société a fourni des attestations de ces fournisseurs qui doivent être prises en compte ;
- enfin la société s'est toujours placée sous le régime de la marge et, par le passé, aucun redressement n'a été opéré, de sorte qu'elle n'a pas modifié ses déclarations mensuelles et qu'aucune intention malveillante de sa part ne peut être retenue pour fonder les pénalités pour manquement délibéré ou les majorations qui lui ont été infligées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il précise que :
- selon la jurisprudence constante le régime d'imposition appliqué à la revente de biens d'occasion peut être remis en cause lorsqu'il est démontré d'une part, que le régime de taxation sur la marge n'était pas applicable et d'autre part, que l'opérateur savait ou ne pouvait ignorer que son fournisseur n'était lui-même pas autorisé à appliquer ce régime d'imposition ; en l'espèce, les factures émises par les fournisseurs allemands ne contenaient pas la mention de l'application du régime de la marge, et lors d'un précédent contrôle effectué en 2009, l'administration a souligné que les factures ne comportaient pas les mentions obligatoires nécessaires à l'application du régime de la marge ; les attestations produites à la présente instance sont rédigées en des termes généraux et n'indique ni la période ni les opérations de ventes concernées ;
- l'application, aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée, d'une majoration pour manquement délibéré est justifiée, dès lors que la vérificatrice a démontré l'intention de réduire substantiellement la taxe sur la valeur ajoutée réellement due par l'existence d'un processus infondé de taxe sur la marge, ainsi que l'importance globale et répétée des irrégularités commises par la société.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, modifiée par la directive 94/CE du Conseil du 14 février 1994 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sylvande Perdu,
- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauzies, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la société AM Diffusion,
Considérant ce qui suit :
Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
1. La société AM Diffusion, qui exploite une activité d'achat et de revente de pneumatiques d'occasion, a fait l'objet du 31 janvier au 29 juin 2012 d'une vérification de comptabilité, qui a porté sur la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010 et à l'issue de laquelle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis à sa charge. La société AM diffusion interjette appel du jugement du 25 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande de décharge en droits et intérêts de retard, de ces impositions, ainsi que des pénalités dont elles ont été assorties de ces impositions, pour un montant total de 367 720 euros.
2. Aux termes de l'article 256 bis du code général des impôts : " I. 1° Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises. / (...) 2° bis Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006. / (...) III. Un assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d'autrui, qui s'entremet dans une acquisition intracommunautaire, est réputé avoir personnellement acquis et livré le bien. ". Aux termes de l'article 297 A du même code : " I. 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion (...) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat. / (...) ". En outre, aux termes de l'article 297 E du même code : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures. " et aux termes de l'article 2421 nonies A de l'annexe II au même code : " Les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures en application du II de l'article 289 du code général des impôts sont les suivantes : / (...) 12° (...) lorsque l'assujetti applique le régime de la marge bénéficiaire, la référence à la disposition pertinente du code général des impôts ou à la disposition correspondante de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ou à toute autre mention indiquant que l'opération bénéficie d'une mesure d'exonération, d'un régime d'autoliquidation ou du régime de la marge bénéficiaire (...). ".
3. Il résulte de ces dispositions, qui ont pour objet de transposer l'article 26 bis de la sixième directive du 17 mai 1977, issu de l'article 1er de la septième directive du 14 février 1994, qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts, lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur, situé dans un autre Etat membre, qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions précitées de l'article 297 E du code général des impôts, et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée. L'administration peut toutefois remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise française ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur marge.
4. Il est constant que les factures émises par les fournisseurs allemands de la société AM Diffusion au titre de la vente à cette dernière, en 2009 et 2010, de pneumatiques d'occasion, ne faisaient mention d'aucune taxe sur la valeur ajoutée, et ne comportaient pas davantage d'indication relative au régime de taxation sur la marge. Si la société se prévaut de trois attestations de ces fournisseurs, ces documents, établis en termes identiques pour les besoins de la cause, au stade de la réclamation présentée par la société, ne comportent aucune mention précise relative aux facturations défaillantes permettant d'établir qu'à la date des ventes leurs auteurs auraient entendu soumettre leurs livraisons au régime de taxation sur la marge. Par suite, ainsi que l'a jugé le tribunal, c'est à bon droit que l'administration a substitué le régime de taxation sur l'intégralité du prix de vente à celui du régime de taxation sur marge prévu à l'article 297 A du code général des impôts dont la société AM Diffusion s'était prévalu au titre de la période vérifiée.
5. Enfin, le fait qu'au cours d'une précédente vérification portant sur la période allant du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003, l'administration n'a pas remis en cause le régime de taxation sur la marge spécifique à raison de l'acquisition de pneus d'occasion ne constitue pas une prise de position formelle de l'administration sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal dont la société pourrait se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales. Au demeurant, la société a également fait l'objet d'une vérification portant sur la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 à l'issue de laquelle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée fondés sur un redressement de même nature ont été mis à sa charge en 2009.
Sur les pénalités :
6. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...). " ;
7. En sa qualité de professionnel de la revente de pneumatiques d'occasion, la société AM Diffusion, qui avait d'ailleurs déjà fait l'objet, en 2009, ainsi qu'il a été rappelé au point 5, de rappels de taxe sur la valeur ajoutée fondés sur un redressement de même nature, ne pouvait ignorer que le régime de taxation sur marge prévu à l'article 297 A du code général des impôts ne pouvait être appliqué aux ventes qu'elle consentait à ses clients. Dans ces conditions, et eu égard tant à la répétition des irrégularités commises par le contribuable sur l'ensemble de la période vérifiée qu'à l'importance des droits rappelés, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'intention délibérée du contribuable d'éluder l'impôt dû. Par suite, la société AM Duffusion n'est pas fondée à contester l'application des pénalités prévues en cas de manquement délibéré.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société AM Diffusion n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société AM Diffusion est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société AM Diffusion et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction du contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2017 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
Mme Marianne Pouget, président-assesseur,
Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 27 octobre 2017.
Le rapporteur,
Sylvande Perdu
Le président,
Philippe Pouzoulet Le greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 15BX03720