Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2008.
Par un jugement n° 1301542-1400754 du 17 février 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté les requêtes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 avril 2015, M. D...A..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 17 février 2015 ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2008 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le tribunal ne s'est pas prononcé sur les contradictions du régime fiscal appliqué à l'indemnité de rupture abusive versée à un agent commercial, laquelle est regardée comme la contrepartie d'un élément d'actif incorporel en matière de taxe sur la valeur ajoutée mais comme une contrepartie de recettes en matière de bénéfice imposable ; or, la doctrine en matière de TVA reprend l'analyse d'un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy selon lequel l'indemnité a pour objet de compenser la reprise de la clientèle de l'agent commercial et non de rémunérer une prestation de services ; pour tenter d'harmoniser le régime fiscal d'une telle indemnité, la doctrine, par un rescrit du 28 mars 2006, considère que, lorsque le contrat d'agent commercial s'est poursuivi pendant au moins deux ans, il revêt une pérennité suffisante pour que l'indemnité soit éligible au régime des plus-values professionnelles ; il convient, dans la logique de ce raisonnement, de faire application des dispositions de l'article 151 septies à une telle indemnité ; l'administration se livre à une lecture restrictive du rescrit du 28 mars 2006 ;
- en l'espèce, son contrat verbal avec la société Intercycles a duré 10 ans ; il détenait, préalablement à la conclusion de ce contrat, un concept commercial nouveau, un savoir-faire dans la fabrication des vélos et une clientèle spécifique que son mandataire s'est appropriée ; sans son intervention, la société Intercycles, auparavant spécialisée dans les vélos destinés à la grande distribution, n'aurait ni su ni pu fabriquer et vendre des vélos à la clientèle des non-revendeurs ; dès lors, l'indemnité litigieuse a compensé une perte de clientèle ; le montant même de l'indemnité, supérieur au montant fixé par le tribunal de grande instance à deux fois la moyenne des commissions des deux ou trois dernières années, révèle l'objet de cette indemnisation ; il n'a d'ailleurs pas pu récupérer sa clientèle après la cessation de son mandat.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 septembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics (direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest) conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la doctrine relative aux règles en matière de taxe sur la valeur ajoutée applicables à l'indemnité versée à un agent commercial lors de la rupture de son contrat repose sur l'absence de lien direct entre la somme versée et la fourniture d'une prestation ;
- le rescrit dont le prévaut M. A...rappelle qu'une telle indemnité compense une perte de recettes, sans la qualifier de plus-value professionnelle, de sorte que cette indemnité reste imposable dans la catégorie des revenus nom commerciaux ; l'allègement prévu par une taxation au taux réduit n'emporte donc aucune conséquence sur la qualification du revenu perçu ;
- le requérant, qui exerce également une activité commerciale de vente de pièces détachables sur le marché des non-revendeurs, ne justifie pas avoir créé une clientèle spéciale Intercycles qui lui appartiendrait ; l'agent commercial, agissant pour le compte et au nom du mandataire, ne peut être titulaire d'une clientèle qui lui est propre ; par conséquent, l'indemnité litigieuse ne correspondant pas à une cession d'élément d'actif mais à la compensation d'une perte de recettes, M. A...ne peut demander le bénéfice des dispositions de l'article 151 septies du code général des impôts.
Par ordonnance du 15 décembre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 25 janvier 2016 à 12 heures.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,
- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...relève appel du jugement n° 1301542-1400754 du 17 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses requêtes tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2008 .
Sur l'application de la loi fiscale :
2. D'une part, aux termes de l'article de l'article 93 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession. Sous réserve des dispositions de l'article 151 sexies, il tient compte des gains ou des pertes provenant soit de la réalisation des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession, soit des cessions de charges ou d'offices, ainsi que de toutes indemnités reçues en contrepartie de la cessation de l'exercice de la profession ou du transfert d'une clientèle. ". Aux termes de l'article 93 quater du même code : " I. Les plus-values réalisées sur des immobilisations sont soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies. ". L'article 39 quindecies de ce code dispose : " I. 1. Sous réserve des dispositions des articles 41, 151 octies et 210 A à 210 C, le montant net des plus-values à long terme fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 16 %. " . Selon l'article 151 septies dudit code : " (...) II. - Les plus-values de cession soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies (...) sont, à condition que l'activité ait été exercée pendant au moins cinq ans, exonérées pour : / 1° La totalité de leur montant lorsque les recettes annuelles sont inférieures ou égales à : (...) b) 90 000 euros s'il s'agit d'autres entreprises ou de titulaires de bénéfices non commerciaux (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 134-1 du code de commerce : " L'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux (...). ". L'article L. 134-11 de ce code dispose : " Un contrat à durée déterminée qui continue à être exécuté par les deux parties après son terme est réputé transformé en un contrat à durée indéterminée. Lorsque le contrat d'agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis. Les dispositions du présent article sont applicables au contrat à durée déterminée transformé en contrat à durée indéterminée. Dans ce cas, le calcul de la durée du préavis tient compte de la période à durée déterminée qui précède. La durée du préavis est d'un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes. (...) Ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le contrat prend fin en raison d'une faute grave de l'une des parties ou de la survenance d'un cas de force majeure.". Selon l'article L. 134-12 du même code : " En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. (...) ". L'article L. 134-13 de ce code précise que la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due, notamment, lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial. Enfin, en vertu de l'article L. 134-16 dudit code, toute convention ou clause contraire aux stipulations précitées relatives au délai de préavis et à l'indemnité de réparation du préjudice subi du fait de la cessation des relations avec le mandant, est réputée non écrite.
4. Il résulte de l'instruction que, selon un contrat verbal d'agent commercial conclu en novembre 1995, la société Intercycles, spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de cycles, a confié à M. A...la commercialisation de ses produits auprès d'une clientèle de loueurs, élargie aux revendeurs traditionnels selon un courrier de la société du 28 juillet 1997. M. A... est par ailleurs gérant et unique associé de la société Nice Bike, qui exploite depuis 2002 sous l'enseigne " C2A " une activité de vente de pièces détachées et réparation de cycles. Par un courrier du 30 mars 2004, la société Intercycles a rompu le contrat d'agent commercial de M. A...sans versement d'indemnité en se fondant sur les dispositions de l'article L. 134-13 du code de commerce relatives à la rupture de contrat en cas de faute grave de l'agent commercial. Par un jugement du 20 mars 2008, le tribunal de grande instance de Bordeaux, considérant que M. A...n'avait pas commis de faute grave, a condamné la société Intercycles à verser à l'intéressé, d'une part, une indemnité de trois mois de préavis, d'autre part, sur le fondement de l'article L. 134-12 du code de commerce, une indemnité en réparation de son préjudice causé par la rupture de son contrat correspondant à deux ans de commissions brutes calculées sur les trois dernières années, et enfin des dommages et intérêts destinés à tenir compte du caractère imposable de cette indemnisation. A la suite de ce jugement, la société Intercycles et M. A...ont conclu le 29 mai 2008 un protocole d'accord, lequel rappelle les termes du jugement du tribunal de grande instance et prévoit que la société Intercycles verse à M. A...une indemnité forfaitaire de 265 000 euros en contrepartie de son renoncement à toute demande concernant l'arriéré de commissions et à l'indemnité de préavis. Cette indemnité, versée à M. A...selon trois versements effectués au cours de l'année 2008, n'a pas été déclarée par l'intéressé dans sa déclaration de revenus souscrite au titre de ladite année. A l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration a réintégré cette somme dans ses revenus imposables au titre de l'année 2008 dans la catégorie des bénéfices non commerciaux en application des dispositions du 1 de l'article 93 du code général des impôts, et, en application de la décision de rescrit n° 2006/26 du 28 mars 2006, a taxé cette somme au taux réduit de 16% applicable aux plus-values professionnelles. M. A... demande la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités y afférentes qui en ont résulté, en faisant valoir que ladite indemnité, destinée à compenser la perte de l'élément incorporel d'actif que constituait sa clientèle, doit être qualifiée de plus-value professionnelle au sens des dispositions précitées de l'article 39 quindecies du code général des impôts et bénéficier de l'exonération prévue par le b) du 1° de l'article 151 septies du même code.
5. En premier lieu, ne doivent suivre le régime fiscal des éléments incorporels de l'actif immobilisé d'une entreprise que les droits constituant une source régulière de profit, dotés d'une pérennité suffisante et susceptibles de faire l'objet d'une cession. Les dispositions précitées de l'article L. 134-11 du code de commerce, applicables au contrat verbal liant M. A...à la société Intercycles, permettaient à la société Intercycles de résilier le contrat d'agent commercial de M. A... sous réserve du respect d'un préavis de trois mois, ainsi que l'a d'ailleurs jugé le tribunal de grande instance de Bordeaux. Or, en l'absence de stipulations contractuelles ou de circonstances de fait permettant d'escompter la poursuite de l'exécution du contrat sur une assez longue période, un préavis de trois mois ne permet pas de considérer un tel contrat comme disposant d'une pérennité suffisante pour emporter la qualification d'élément incorporel de l'actif immobilisé. Ainsi que l'ont estimé les premiers juges, le contrat d'agent commercial de M. A...n'était donc pas un élément incorporel de l'actif immobilisé.
6. En deuxième lieu, si M. A...fait valoir qu'il a créé au profit de la société Intercycles une clientèle spécifique de non-revendeurs, les prestations d'un agent commercial sont, en vertu de l'article L. 134-1 précité du code de commerce, accomplies au nom et pour le compte du mandant, de sorte que l'agent commercial n'est pas propriétaire de la clientèle de ce dernier. Au demeurant, il ne résulte nullement des termes du protocole d'accord susmentionné, conclu à la suite du jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux condamnant la société Intercycles à indemniser M. A...du préjudice résultant de la rupture de son contrat d'agent commercial, que les parties audit protocole auraient en réalité entendu conclure une convention de cession de clientèle.
7. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé que la somme de 265 000 euros perçue par le requérant en contrepartie de la cessation de l'exercice de son mandat d'agent commercial devait être regardée comme un bénéfice non commercial imposable dans les conditions de droit commun prévues au 1 de l'article 93 du code général des impôts, et non comme la contrepartie de la perte d'un élément incorporel de l'actif immobilisé relevant du régime des plus-values professionnelles.
Sur l'application de la doctrine administrative :
8. La décision de rescrit n° 2006/26 du 28 mars 2006, qui a été publiée au BOFIP, prévoit que : " Dès lors qu'il agit comme mandataire au nom et pour le compte de son mandant, l'agent commercial n'est pas titulaire d'une clientèle qui lui est propre. / Il en résulte que l'indemnité perçue de son mandant à l'occasion de la rupture unilatérale de son contrat (en application des dispositions prévues à l'article L. 134-12 du code de commerce) ne constitue pas, en principe, la contrepartie de la perte d'un élément de l'actif incorporel, mais a seulement pour objet de réparer le préjudice consécutif à la perte de son activité. / Par conséquent, ce versement, qui représente pour l'agent commercial l'indemnisation de la perte de ses recettes professionnelles à la suite de la rupture de son contrat, doit être, en principe, imposé comme un produit courant. / Toutefois, eu égard aux critères posés par la jurisprudence, il a paru possible d'admettre que l'indemnité de résiliation perçue de son mandant à titre individuel par un agent commercial pourra bénéficier d'une taxation au taux réduit en tant que plus-value professionnelle à condition que le contrat ait été conclu depuis au moins deux ans. / Cette solution est applicable aux contentieux en cours ou à naître. Il convient de préciser que les sommes perçues à l'occasion de la cession à un tiers par un agent commercial, après accord de son mandant du droit de présentation attaché au contrat d'agence (en application des dispositions prévues à l'article L. 134-13 du code de commerce), bénéficient d'ores et déjà du régime d'imposition des plus-values professionnelles. ".
9. Si M. A...invoque, sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscale, le bénéfice de cette doctrine, il résulte de l'instruction que l'administration en a fait application en taxant l'indemnité compensatrice en litige au taux réduit des plus-values professionnelles. Cette doctrine, qui doit être interprétée de manière stricte, ne saurait être interprétée comme rendant également applicable, par dérogation à la loi fiscale, à l'indemnité compensatrice de la rupture d'un contrat d'agent commercial, le régime d'exonération des plus-values professionnelles tel qu'il est défini par les dispositions précitées de l'article 151 septies du code général des impôts.
10. Enfin, l'instruction administrative 3 B-1-08 du 9 décembre 2008, qui se borne à indiquer que l'indemnité compensatrice de rupture d'un contrat d'agent commercial n'est pas la contrepartie d'une prestation de service individualisée, sans qualifier cette rupture de perte d'un élément incorporel d'actif, est en tout état de cause relative à la taxe sur la valeur ajoutée. Elle ne saurait, dès lors, justifier une décharge des impositions contestées sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes. Ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent, dès lors, être accueillies.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A...et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2017 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 mai 2017.
Le rapporteur,
Marie-Pierre BEUVE DUPUYLe président,
Aymard de MALAFOSSELe greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 15BX01361