Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mlle B...A...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2016 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1601353 du 15 décembre 2016, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 12 janvier 2017 et le 24 mars 2017, Mlle A..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°1601353 du tribunal administratif de Limoges en date du 15 décembre 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne en date du 12 septembre 2016 ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le préfet ne pouvait pas se fonder sur le caractère contrefait de son acte de naissance alors même qu'elle a produit plusieurs documents officiels permettant d'attester de son identité, de sa filiation ainsi que de sa date de naissance et qu'elle ne peut être tenue pour responsable d'une telle irrégularité de forme ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien dès lors qu'elle est dépourvue de tout lien dans son pays d'origine, qu'elle vit en France depuis 2011 où résident ses parents, tous deux détenteurs de certificats de résidence algérien de 10 ans, ainsi que sa soeur et plusieurs de ses oncles et tantes. Sa mère présente une polypathologie handicapante qui nécessite qu'elle l'assiste et l'aide au quotidien. Elle n'a vécu en Espagne qu'un mois. Il ressort des livrets de famille produits que l'ensemble de ses attaches familiales vivent en France, à l'exception de son frère qui réside en Suisse. Les attestations produites démontrent l'intensité de ses liens avec les membres de sa famille qui résident en France ;
- c'est à tort que le préfet a considéré qu'elle ne présentait pas de projet professionnel précis et que le contrat de travail dont elle bénéficiait ne lui permettait pas d'obtenir un titre de séjour en qualité de salariée dès lors qu'elle a immédiatement cherché du travail à l'issue de ses études, qu'elle a par la suite travaillé en intérim et qu'elle a bénéficié d'un contrat de travail sous la forme d'un contrat avenir. Elle ignorait qu'un tel contrat de longue durée ne permettait pas l'obtention d'un titre de séjour salarié ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi sont dépourvues de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour.
Par un mémoire enregistré le 16 mars 2017, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Paul-André Braud,
- et les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. MlleA..., ressortissante algérienne, née le 14 novembre 1993, est entrée en France le 7 juin 2011 selon ses déclarations. Elle a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " qui lui a été refusé le 12 avril 2012. Mlle A...s'est vue délivrer un certificat de résidence portant la mention " étudiant " valable du 30 avril 2013 au 29 avril 2014, renouvelé jusqu'au 24 novembre 2015. Le 10 août 2015, Mlle A...a sollicité une nouvelle fois la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 12 septembre 2016, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mlle A...relève appel du jugement n°1601353 du 15 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 septembre 2016.
Sur la légalité de l'arrêté du 12 septembre 2016 :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Selon l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5°) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus". Il résulte de ces stipulations qu'il appartient à l'autorité administrative qui envisage de procéder à l'éloignement d'un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise.
3. Quels qu'aient pu être les doutes du préfet sur l'authenticité du certificat de naissance initialement produit par l'intéressée, il ressort de l'ensemble des documents produits depuis, et notamment du passeport et du livret de famille de ses parents, que l'identité et la filiation de Mlle A... sont établis. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des demandes de certificat de résidence de sa mère du 14 décembre 2011, des certificats de scolarité des années scolaires 2012-2013,2013-2014 et 2014-2015 et de l'attestation du proviseur du lycée professionnel Antoine de Saint-Exupéry à Limoges, que Mlle A...est entrée en France en compagnie de sa mère pour y rejoindre son père en 2011. A compter de cette date, elle a vécu en France chez ses parents, lesquels sont titulaires de certificats de résidence valables dix ans, et y a poursuivi ses études en étant scolarisée, de la seconde à la terminale, au lycée Antoine de Saint-Exupéry de 2011 à 2015. Il ressort également des pièces du dossier, et notamment du certificat médical du 27 décembre 2016 que sa mère souffre de polypathologies handicapantes nécessitant une aide régulière et que Mlle A...l'assiste dans la vie quotidienne. Si Mlle A...est célibataire et sans enfant, elle vit chez ses parents et se prévaut de la présence régulière en France de sa soeur et de la famille française de celle-ci, de sa grand- mère, d'oncles et de tantes. Si elle n'a pu obtenir son baccalauréat professionnel, elle a bénéficié d'une embauche pour un contrat d'avenir d'un an, et donne satisfaction à son employeur. Dans ces conditions, l'essentiel des attaches familiales et le centre des intérêts privés de l'intéressée se situent en France, nonobstant la circonstance que son frère résiderait en Suisse. Dès lors, l'arrêté litigieux porte au droit de Mlle A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien doivent être accueillis.
4. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, que Mlle A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 15 décembre 2016, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 12 septembre 2016.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
6. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, en l'absence de nouveaux éléments, la délivrance à l'intéressée d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a donc lieu, sur le fondement des dispositions précitées, d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de délivrer à Mlle A...ce certificat de résidence, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mlle A...d'une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°1601353 du 15 décembre 2016 du tribunal administratif de Limoges et l'arrêté du 12 septembre 2016 du préfet de la Haute-Vienne sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Vienne de délivrer à Mlle A...un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera une somme de 1 000 euros à Mlle A...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle B...A..., au préfet de la Haute-Vienne et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
M. Paul-André Braud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 mai 2017.
Le rapporteur,
Paul-André BRAUDLe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Delphine CÉRON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 17BX00111