Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2015 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 1601978 du 26 juillet 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2016, M. B...A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 26 juillet 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
S'agissant du refus de séjour :
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en édictant cette décision ; il établit résider en France depuis plus de treize ans, sachant que ses années d'études sur le territoire national doivent être prises en compte pour calculer l'ancienneté de son séjour ; son épouse et leurs deux enfants vivent en France ; la promesse d'embauche du 2 février 2015, ses activités au sein d'associations culturelle ou sportive manifestent sa volonté d'intégration ;
- la même décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et comporte une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; le centre de ses intérêts privés et familiaux se trouve désormais en France ; il est actuellement démuni de toute attache au Sénégal ;
- compte tenu de l'ancienneté de son séjour en France, de ses attaches familiales sur le sol national, de l'avis favorable émis par la commission du titre de séjour, de l'existence d'une promesse d'embauche en qualité d'employé polyvalent de restauration, métier inscrit sur la liste figurant en annexe IV de l'accord franco-sénégalais, il devait bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour, telle que prévue à l'article 4 § 42 de cet accord et à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de séjour porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants, protégé par l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, qui est de continuer à vivre en France, leur pays natal, avec leurs deux parents et d'y poursuivre leur scolarité ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour sur lequel elle se fonde ;
- elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
S'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français :
- il n'est pas établi que le préfet aurait examiné sa situation au regard des quatre critères prévus par le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier de celui concernant la menace à l'ordre public.
Par un mémoire enregistré le 3 février 2017, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 6 février 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 23 février 2017 à 12h00.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du tribunal de grande instance de Bordeaux du 22 septembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires, signé à Dakar le 23 septembre 2006, et l'avenant à cet accord, signé à Dakar le 25 février 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Aymard de Malafosse,
- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant sénégalais, né le 26 juin 1985, est entré régulièrement en France le 7 septembre 2003 sous le couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant ", valant titre de séjour d'une durée d'un an. Il a par la suite bénéficié, en sa qualité d'étudiant, de cartes de séjour temporaire d'un an régulièrement renouvelées jusqu'au 25 décembre 2007. Par un arrêté du 3 mars 2010, le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande d'admission au séjour au titre de la vie privée et familiale et a assorti ce refus d'une mesure d'éloignement. Les 21 mars et 21 juin 2013, le même préfet a pris à son encontre deux arrêtés portant obligation de quitter le territoire. Le 25 mars 2015, l'intéressé a sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 9 décembre 2015, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi et l'a interdit de retour pendant deux ans. M. A... relève appel du jugement du 26 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de séjour :
2. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
3. M. A...soutient que le centre de ses intérêts privés et familiaux se trouve désormais en France où il réside depuis quatorze ans, a suivi des études supérieures et vit avec son épouse et leurs deux enfants, nés respectivement en 2010 et 2012, actuellement scolarisés, et où il est en mesure de trouver du travail. Toutefois, il n'établit pas sa présence habituelle sur le territoire national de 2008 à 2012 et ne démontre pas avoir développé en France des liens d'une intensité particulière en dehors de sa cellule familiale. Son épouse, également de nationalité sénégalaise, fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en date du 3 avril 2015, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 26 novembre 2015. Il dispose d'attaches familiales et personnelles fortes dans son pays d'origine, où il a séjourné jusqu'à l'âge de dix-huit ans et où vivent ses parents ainsi que l'une de ses soeurs. Compte tenu du jeune âge de ses enfants, aucune circonstance particulière ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue au Sénégal. Le requérant a par ailleurs fait l'objet de précédentes mesures d'éloignement, respectivement en 2010 et 2013, auxquelles il s'est soustrait, et s'est maintenu irrégulièrement en France pendant plusieurs années. Dans ces conditions, le refus de séjour contesté ne peut être regardé comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels a été pris ce refus. En lui opposant ce refus, le préfet de la Gironde n'a donc méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le refus de séjour n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
4. Aux termes du paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue du point 31 de l'article 3 de l'avenant signé le 25 février 2008 : " Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : - soit la mention "salarié" s'il exerce l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'Accord et dispose d'une proposition de contrat de travail ; / - soit la mention "vie privée et familiale" s'il justifie de motifs humanitaires ou exceptionnels ". Ces stipulations, qui renvoient à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière, rendent applicables à ces ressortissants les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet, saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour par un ressortissant sénégalais en situation irrégulière, est conduit, par l'effet de l'accord du 23 septembre 2006 modifié, à faire application des dispositions de l'article L. 313-14 de ce code.
5. L'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".
6. Eu égard à la situation de M. A...telle qu'elle a été exposée au point 3, et même si ce dernier démontre par la production d'une promesse d'embauche, sa capacité à obtenir un travail salarié, le préfet ne peut être regardé comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que le requérant ne faisait pas état de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels justifiant la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. L'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 stipule : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
8. Ainsi qu'il a été dit précédemment, aucune circonstance, compte tenu notamment de la nationalité de l'épouse de l'intéressé et de l'âge des enfants, n'empêche la cellule familiale de se reconstruire hors de France. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision de refus de titre de séjour, du 1 de l'article 3 de la convention sur les droits de l'enfant doit être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
9. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision portant refus de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale doit être écarté.
10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3 du présent arrêt, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant dont serait entachée la décision contestée.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
11. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que, pour prendre à l'encontre de M. A... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, le préfet a examiné la situation de l'intéressé au regard du septième alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a relevé qu'il ne constituait pas une menace pour l'ordre public, qu'il avait fait l'objet de deux mesures d'éloignement non exécutées, se maintenait en situation irrégulière depuis plus de deux ans, n'était pas dépourvu d'attaches familiales au Sénégal où il a vécu durant 18 ans et ne justifiait pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France. Par suite, le moyen tiré du défaut complet de la situation personnelle de M. A...au regard des critères applicables doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par le requérant, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.
Sur les conclusions présentées au titre du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
14. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2017 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Dupuy, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 20 avril 2017.
Le président-assesseur,
Laurent POUGET
Le président-rapporteur,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX03900