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21/02/2017 | FRANCE | N°16BX03479

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 21 février 2017, 16BX03479


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Mme D...C...épouse B...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 7 avril 2016 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de l'admettre au séjour et l'a obligée à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1600780 du 6 octobre 2016, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée le 25 octobre 2016, MmeC..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler

ce jugement du 6 octobre 2016 du tribunal administratif de Limoges ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoi...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Mme D...C...épouse B...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 7 avril 2016 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de l'admettre au séjour et l'a obligée à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1600780 du 6 octobre 2016, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée le 25 octobre 2016, MmeC..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 octobre 2016 du tribunal administratif de Limoges ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour portant autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cameroun relative à la circulation et au séjour des personnes signée à Yaoundé le 24 janvier 1994 et l'accord franco-camerounais relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire, signé à Yaoundé le 21 mai 2009 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Saisi d'une demande de titre de séjour par MmeC..., ressortissante camerounaise, qui invoquait notamment la durée de son séjour en France et sa relation avec un Français, le préfet de la Haute-Vienne a saisi la commission du titre de séjour, qui a émis un avis défavorable le 18 septembre 2015, puis, par un arrêté du 7 avril 2016, a rejeté cette demande et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français. Mme C...relève appel du jugement du 6 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 avril 2016.

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Le préfet s'est fondé sur l'absence de communauté de vie révélée selon lui par les résidences séparées, en région parisienne pour Mme C...et à Saint-Sulpice-les-Feuilles en Haute-Vienne pour son conjoint. Toutefois, dès lors qu'elle peut s'expliquer par des circonstances matérielles indépendantes de la volonté des époux, cette absence de cohabitation ne suffit pas à établir l'absence de communauté de vie, qui ne saurait être révélée que par l'absence de liens affectifs et matériels.

4. MmeC..., entrée en France en 2005, y résidait depuis onze ans, ce qui est établi par les justificatifs produits et n'est au demeurant pas contesté. Elle a conclu le 16 janvier 2014 un pacte civil de solidarité avec un Français qu'elle allègue avoir rencontré en 2012, ce qui n'est pas non plus sérieusement contredit et est également corroboré tant par les déclarations des intéressés devant le maire le 24 septembre 2013 que par les témoignages non dépourvus de valeur probante de leurs enfants issus de précédentes unions, notamment les trois enfants du conjoint de MmeC..., qui font état de la réalité et de la stabilité des liens affectifs entre celle-ci et leur père. La résidence commune à Saint-Sulpice-les-Feuilles est établie à tout le moins à compter du mois de mars 2014 par le courrier du fournisseur d'électricité, les factures aux deux noms à compter de cette date et, outre les témoignages susmentionnés des proches, les nombreuses attestations du voisinage. Mme C...précise que jusqu'en décembre 2015, elle devait se rendre à Paris où elle était employée dans des salons de coiffure africaine et explique ces trajets par les difficultés à trouver un emploi similaire en Haute-Vienne, département au surplus mal desservi par les transports en commun alors qu'elle n'a pas de véhicule. Il peut être tenu pour établi, notamment par les nombreux billets de train produits, que Mme C...revenait à Saint-Sulpice-les-Feuilles, sinon tous les dix jours, à tout le moins à intervalles réguliers. Elle indique enfin, que pour se " conformer " à l'avis de la commission du titre de séjour, qui avait émis des doutes sur son projet de vie commune, projet qu'elle l'avait " invitée à confirmer ", elle a renoncé à son activité professionnelle pour résider sous le même toit que son conjoint. Elle établit d'ailleurs avoir recherché activement un emploi en Haute-Vienne et avoir conclu le 1er mars 2016, antérieurement à l'édiction de l'arrêté contesté, un contrat pour le remplacement d'un employé municipal. Dans les circonstances particulières de l'affaire, alors même que MmeC..., dont les deux enfants vivent en Belgique, n'est pas dépourvue de toute attache au Cameroun où résident sa mère et sa fratrie et en dépit du caractère irrégulier de sa présence en France pendant une dizaine d'années, le refus de l'admettre au séjour a porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'illégalité de ce refus de séjour prive de base légale la mesure d'éloignement. Il en résulte et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens qu'elle invoque, que Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 6 octobre 2016, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

5. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance à Mme C...d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne d'y procéder dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu en l'espèce d'assortir cette injonction d'une astreinte. En application de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet délivrera à MmeC..., comme elle le demande, une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de la délivrance du titre de séjour mentionné ci-dessus.

6. Mme C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à MeA..., le recouvrement de cette somme valant renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 6 octobre 2016 du tribunal administratif de Limoges et l'arrêté du 7 avril 2016 du préfet de la Haute-Vienne sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Vienne de délivrer un titre de séjour à Mme C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Me A...la somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative, le recouvrement de cette somme valant renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C...est rejeté.

2

N° 16BX03479


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03479
Date de la décision : 21/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Droits civils et individuels - Convention européenne des droits de l'homme - Droits garantis par la convention - Droit au respect de la vie privée et familiale (art - 8) - Violation - Séjour des étrangers.

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Marie-Thérèse LACAU
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : CABINET HUG ET ABOUKHATER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-02-21;16bx03479 ?
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