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19/01/2017 | FRANCE | N°16BX03386

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 19 janvier 2017, 16BX03386


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...E...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler, d'une part, l'arrêté du 20 septembre 2016 par lequel le préfet de la Gironde lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, et, d'autre part, la décision du même jour par laquelle il l'a placé en rétention administrative.

Par un jugement n° 1604135 du 23 sept

embre 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Borde...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...E...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler, d'une part, l'arrêté du 20 septembre 2016 par lequel le préfet de la Gironde lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, et, d'autre part, la décision du même jour par laquelle il l'a placé en rétention administrative.

Par un jugement n° 1604135 du 23 septembre 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 octobre 2016, M. C...E..., représenté par Me D...demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 23 septembre 2016 ;

3°) d'annuler les arrêtés attaqués du préfet de la Gironde ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros à verser à son conseil en application des dispositions des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Florence Madelaigue, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.E..., né en 1993 et de nationalité égyptienne, relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 septembre 2016 par lequel le préfet de la Gironde, après que M. E...a été interpellé lors d'un contrôle routier, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, et la décision du même jour par laquelle il l'a placé en rétention administrative.

Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire :

2. Par une décision du 12 janvier 2017, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux a constaté la caducité de la demande de M.E.... Par suite, ses conclusions au titre de l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont devenues sans objet.

Sur la régularité du jugement :

3. Aux termes des dispositions du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. En cas de décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision dans les quarante-huit heures suivant sa notification. / (...). Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue au plus tard soixante-douze heures à compter de sa saisine. / (...). L'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin le concours d'un interprète et la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise. L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l'intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un. Il peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin qu'il lui en soit désigné un d'office. ".

4. Il ressort du jugement attaqué que M. E... avait demandé au tribunal de communiquer l'entier dossier sur la base duquel l'administration a pris la mesure de rétention en invoquant le III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier de première instance que le préfet a produit devant le tribunal les pièces sur la base desquelles la rétention a été prononcée, qui ont été communiquées au requérant. De plus, ces dispositions n'imposaient pas au tribunal de communiquer à l'étranger les pièces de " procédure pénale " ainsi que le demandait encore le requérant au premier juge. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire par le tribunal doit ainsi être écarté.

Sur l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français :

En ce qui concerne la légalité externe :

5. Au soutien des moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté litigieux et du défaut de motivation de cet arrêté, M. E...ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par le premier juge.

En ce qui concerne la légalité interne :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) ".

7. M. E...soutient qu'il vit maritalement avec Mlle B...A...avec laquelle il envisage de se marier, qu'il est parfaitement intégré à la société française, et qu'une promesse d'embauche lui a été faite par une société de notoriété reconnue. Toutefois, l'intéressé ne justifie pas de la durée de son séjour en France. Il est sans charge de famille sur le territoire national, n'établit ni même n'allègue être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. Par suite, eu égard aux conditions de son entrée et à la durée de son séjour en France, la décision attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet de la Gironde n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

8. En second lieu, M. E...ne peut utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui ne fixe pas par elle-même le pays de renvoi.

Sur la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

9. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2.) ".

10. M. E...soutient que le préfet a commis une erreur de droit en s'estimant lié par les critères posés à l'article L. 511-1-II, 3° f) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, l'arrêté attaqué fait état d'éléments spécifiques à sa situation en France et notamment de ce qu'il ne peut justifier être en possession d'un document d'identité ou de voyage en cours de validité. Il ressort en outre de la motivation même de l'arrêté que le préfet s'est livré à un examen particulier de la situation de M.E..., même s'il n'a pas spécifié que ce dernier avait été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance et par l'association France terre d'Asile. Le moyen selon lequel le préfet se serait cru tenu de prendre la décision en litige doit être écarté.

11. M. E...a été interpellé le 19 septembre 2016 lors d'un contrôle routier au cours duquel, pour justifier son identité, il a présenté des photocopies d'un faux passeport et permis de conduire belge. Le requérant n'invoque aucune circonstance particulière de nature à établir qu'il aurait eu l'intention d'exécuter volontairement la mesure d'éloignement ou qu'un délai de départ eu égard à sa situation alors qu'il est célibataire et sans enfant eut été nécessaire. Dans ces conditions, le préfet a pu sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 511-1, estimer que l'intéressé ne présentait pas de garanties de représentation effective de nature à écarter le risque de fuite alors même qu'il n'avait jamais fait l'objet de mesure d'éloignement et prononcer une mesure d'éloignement sans délai quand bien même M. E...n'aurait pas représenté une menace pour l'ordre public.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

12. Il résulte de la motivation de l'interdiction de retour prononcée par le préfet que ce dernier a pris en compte l'entrée et le séjour irrégulier ainsi que l'intention du requérant de se maintenir irrégulièrement en France, l'absence de ressources, l'absence d'attaches justifiées et anciennes en France, le recours à un faux passeport ayant permis à l'intéressé de travailler illégalement. Dans ces conditions, et quand bien même M. E...n'aurait pas fait antérieurement l'objet d'une mesure d'éloignement et n'aurait pas représenté une menace pour l'ordre public, le préfet n'a pas méconnu les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Sur la décision de placement en rétention :

13. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ". Aux termes de l'article L. 551-2 du même code : " La décision de placement est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger et, le cas échéant, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée. (...). ".

14. Eu égard à ce qui a été dit au point 12, et au fait qu'il était dépourvu de document de voyage en cours de validité, M. E...ne présentait pas, à la date d'édiction de l'arrêté attaqué, de garanties de représentation suffisantes justifiant une mesure d'assignation à résidence. Dans ces conditions, en l'absence de toute justification relative à la vie personnelle du requérant qui s'est borné à faire état d'une fiancée, et dès lors que l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre demeurait une perspective raisonnable, le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées en ordonnant son placement en rétention administrative pour une durée de cinq jours.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 20 septembre 2016. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. E...tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Article 2 : La requête de M. E...est rejetée.

2

N° 16BX03386


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03386
Date de la décision : 19/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : DE LEGEM CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 31/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-01-19;16bx03386 ?
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