Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) Voromahery a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 16 juin 2011 par lequel le maire de Saint-Denis a accordé à la SCI Maison du monde le permis d'effectuer des travaux de réhabilitation et d'extension de la maison à usage d'habitation située sur les parcelles cadastrées section AL 50 et 446.
Par un jugement n° 1200251 du 2 octobre 2014, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 novembre 2014 et 2 janvier 2015, la SCI Voromahery, représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion en date du 2 octobre 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 juin 2011 du maire de Saint-Denis ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Denis et de la SCI Maison du monde la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le délai de recours contre le permis de construire en cause n'a pas commencé à courir en l'absence d'affichage de ce dernier. Si le pétitionnaire a produit trois procès-verbaux constatant l'affichage de ce permis, ils sont dépourvus de valeur probante. Dès lors la demande n'est, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, nullement entachée de forclusion.
- le tribunal n'a pas " considéré " tous les moyens invoqués pour apprécier la valeur probante de ces procès-verbaux ;
- ces procès-verbaux font mention de travaux en cours alors que les travaux étaient déjà achevés. Contrairement à ce qui est indiqué, le portail n'était pas en bois mais en aluminium. Le procès-verbal dressé le 28 octobre 2010 mentionne l'absence d'affichage de tout permis. Ses employés attestent également de l'absence de tout affichage du permis de construire en cause. Ainsi, rien ne permet d'établir que le permis aurait été affiché sur le site du projet, alors que les photographies en gros plan de l'huissier ne permettent pas de situer l'emplacement du panneau. A tout le moins, il n'est pas établi que ce permis aurait été affiché avant le début des travaux. En tant que voisine directe du terrain d'assiette du projet, l'affichage du permis de construire n'aurait pu lui échapper. Ainsi, les procès-verbaux produits par le pétitionnaire sont en contradiction avec la réalité ;
- en tout état de cause, il est impossible de savoir si le permis a été affiché sur le terrain d'assiette et si les informations étaient visibles de la voie publique ;
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, le jugement du tribunal de grande instance de Saint-Denis du 11 décembre 2013 n'a pas statué sur la régularité des travaux mais sur la création de vues nouvelles sur son fond. A cette occasion, le juge civil n'a pas accordé de valeur probante aux procès-verbaux eu égard aux incohérences dont ils sont entachés ;
- il résulte de l'application combinée des articles R. 424-15 et R. 600-1 du code de l'urbanisme que les formalités prescrites par l'article R. 600-1 n'ont pas à être réalisées lorsque le permis contesté n'a pas été affiché sur le terrain d'assiette ;
- selon la jurisprudence, un permis de régularisation ne peut être délivré que si la construction est conforme aux règles d'urbanisme en vigueur au moment de sa signature ;
- or la construction est située dans une zone de 500 mètres de monuments protégés classée en zone urbaine patrimoniale où, selon le plan local d'urbanisme, est recherchée la conservation et la restauration de la zone ;
- les travaux réalisés ne sont pas conformes à la demande d'autorisation, notamment pour ce qui concerne des extensions et des démolitions ;
- le dossier de demande de permis de construire est manifestement incomplet en l'absence du document écrit mentionné à l'article L. 431-2. En outre la notice prévue à l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme ne comporte ni les informations requises par cet article ni celles requises en vertu de l'article R. 431-14 du code de l'urbanisme, notamment les matériaux utilisés et les modalités d'exécution des travaux. De plus, le document graphique mentionné à l'article R. 431-10 ne permet pas d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement, lequel est " flouté " ;
- il résulte des articles L. 421-3 et R. 421-28 du code de l'urbanisme que le projet en cause nécessite un permis de démolir car la villa a fait l'objet de démolitions partielles ;
- au regard de ces méconnaissances des règles d'urbanisme, en accordant le permis, le maire a porté atteinte au principe d'égalité devant la loi ;
- le dossier de demande de permis de construire ne permet pas de s'assurer du respect de l'obligation de conservation et de restauration dans le parti originel de composition imposée par le plan local d'urbanisme. Le procès-verbal du 11 mars 2011 révèle à ce titre la mise en place de " claustras en bois " dépassant la hauteur autorisée par le plan local d'urbanisme pour les murs de séparation et non conformes au parti originel de composition.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 janvier 2015, la SCI Maison du monde, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SCI Voromahery la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la demande tendant à l'annulation du permis de construire délivré le 16 juin 2011 est tardive en application de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme. Ce permis a été affiché comme le démontrent les procès-verbaux de constat dressés les 21 juin, 23 juillet et 22 août 2011. L'affichage du permis faisait mention des voies et délais de recours conformément à l'article L. 424-17 du code de l'urbanisme. Or la demande n'a été enregistrée par le tribunal administratif que le 9 mars 2012 alors que le délai de recours expirait le 21 août 2011 ;
- la société requérante ne justifie pas d'une qualité lui conférant un intérêt pour agir, faute de démontrer sa qualité de propriétaire de la parcelle voisine du terrain d'assiette du projet. En effet, il semblerait que c'est la société Euromur, devenue Fortis Lease, qui est propriétaire de cette parcelle. A supposer même que la société requérante soit devenue propriétaire de ce bien à la suite de la vente réalisée le 6 juin 2012, elle ne l'était pas à la date d'enregistrement de la requête. Si elle se prévaut de sa qualité de crédit-preneur, elle ne produit aucune délibération l'autorisant à agir en justice ;
- les travaux réalisés sont conformes aux autorisations administratives accordées, comme le rappelle expressément la déclaration de l'architecte ;
- contrairement à ce qui est soutenu par la société requérante, les travaux ont été achevés en décembre 2011 ;
- la jurisprudence admet qu'un permis de construire puisse régulariser des travaux déjà entrepris ou même terminés ;
- le projet consiste à édifier une terrasse sans modification de la surface hors oeuvre nette et à réaménager l'intérieur de la villa. Ils n'ont donc pas entraîné un volume de construction supplémentaire et ont par ailleurs permis de respecter la règlementation thermique et d'améliorer l'aspect esthétique de la villa. Aucune construction n'a été édifiée à moins de 1,90 mètre du mur séparatif. Ainsi, l'ensemble des textes cités par la société requérante sont inapplicables.
- contrairement à ce qui est soutenu, une notice descriptive était jointe au dossier de demande de permis de construire et les pièces de ce dossier permettent d'apprécier les façades de la construction, son implantation, la clôture, la végétation, les aménagements et accès aux constructions. De sorte que si la notice était insuffisante sur certains aspects, les services instructeurs ont été mesure d'apprécier la régularité du projet grâce à l'ensemble du dossier.
- la construction en cause se situant hors du champ de visibilité des monuments historiques, la notice n'avait pas à faire état des matériaux utilisés ;
- le document graphique est suffisant dans la mesure où il s'agit de la réhabilitation d'une construction existante ;
- le projet n'a pas nécessité de démolition d'une partie du gros-oeuvre, de sorte qu'aucun permis de démolir n'était requis ;
- le recours de la SCI Voromahery est abusif, comme le démontrent les nombreuses procédures judiciaires initiées en vain dans le seul but de lui nuire. Cette attitude caractérise une faute de nature à engager la responsabilité de cette société à réparer les préjudices résultant des désagréments occasionnés par ces multiples procédures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Paul-André Braud,
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 16 juin 2011, le maire de Saint-Denis a délivré à la société civile immobilière (SCI) Maison du monde un permis de construire afin de régulariser des travaux de construction d' une véranda et de réhabilitation d'une villa située sur les parcelles cadastrées section AL nos 50 et 446. La SCI Voromahery, qui occupe une parcelle voisine du terrain d'assiette du projet, relève appel du jugement du tribunal administratif de La Réunion en date du 2 octobre 2014 rejetant pour tardiveté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 juin 2011.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le jugement attaqué a estimé que la preuve de l'affichage régulier du permis de construire en litige permettant d'opposer le délai de recours contentieux était rapportée par la production de trois constats d'huissier. La SCI Voromahery soutient que le tribunal n'a pas répondu à l'ensemble de ses arguments afférents au caractère non probant de ces constats. Cependant, le tribunal n'est pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments présentés au soutien des moyens. Dès lors, le tribunal administratif de La Réunion, qui a relevé que la requérante ne produisait pas la plainte pour faux qu'elle aurait déposée à l'encontre de ces procès-verbaux et que les témoignages de ses propres employées ne suffisaient pas à contredire les constats, n'a pas entaché son jugement d'insuffisance de motivation en accueillant la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête sans répondre à l'ensemble des arguments présentés en défense sur ce point par la SCI Voromahery.
Sur la recevabilité de la demande :
3. Aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15. ". Aux termes de l'article R. 424-15 de ce code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Mention du permis explicite ou tacite ou de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté (...) et pendant toute la durée du chantier (...) Cet affichage mentionne également l'obligation, prévue à peine d'irrecevabilité par l'article R. 600-1, de notifier tout recours administratif ou tout recours contentieux à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis (...) En outre, dans les huit jours de la délivrance expresse ou tacite du permis (...)un extrait du permis (...)est publié par voie d'affichage à la mairie pendant deux mois (...) ". S'il incombe au bénéficiaire d'un permis de construire de justifier qu'il a bien rempli les formalités d'affichage prescrites par les dispositions précitées, le juge doit apprécier la continuité de l'affichage en examinant l'ensemble des pièces qui figurent au dossier qui lui est soumis.
4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des constats d'huissier établis les 22 juin, 23 juillet et 22 août 2011, que mention du permis de construire délivré le 16 juin 2011 par le maire de Saint-Denis à la SCI Maison du monde a été affichée sur le terrain, et lisible depuis la voie publique, de façon continue pendant deux mois, au moins à compter du 22 juin 2011. Ces constats d'huissier ne sont utilement contredits ni par les attestations en sens contraire établies le 5 novembre 2012 par deux des employés de la SCI Voromahery, ni par les propres allégations de cette société sur l'absence d'affichage sur le terrain et sur l'absence de lisibilité depuis la voie publique, ces allégations n'étant corroborées par aucune pièce versée au dossier. Contrairement à ce que soutient la société requérante, ces constats ne sont pas davantage utilement contredits par le constat d'huissier établi le 28 octobre 2010 à la demande de la SCI Voromahery certifiant l'absence d'affichage, dès lors que ce constat est antérieur au permis en litige. Par ailleurs, si la SCI Voromahery soutient que les travaux étaient achevés aux dates des constats, contrairement à ce qu'indiqueraient les déclarations du demandeur reproduites par l'huissier, cette circonstance est sans incidence sur l'existence de l'affichage. En outre, si la SCI Voromahery soutient avoir déposé le 12 novembre 2013 une plainte pour faux et usage de faux au sujet de ces trois constats, elle n'a pas produit, nonobstant une mesure d'instruction en ce sens, le résultat de cette plainte. Ainsi, la société requérante ne rapporte pas la preuve du caractère non probant des trois constats d'huissier établis en 2011.
5. Dans ces conditions, le délai de recours de deux mois mentionné à l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme a commencé à courir au plus tard le 22 juin 2011. Il était donc expiré le 9 mars 2012, date à laquelle la demande de la SCI Voromahery a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de La Réunion. Dès lors, cette demande était tardive et, par suite, irrecevable. La SCI Voromahery n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande pour ce motif.
Sur les conclusions reconventionnelles :
6. Aux termes de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme : " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en oeuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel (...) ".
7. A supposer qu'en indiquant que le recours de la SCI Voromahery était abusif et que sa responsabilité devait être engagée à ce titre, la SCI Maison du monde puisse être regardée comme ayant entendu présenter des conclusions sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme, cette demande n'a pas été présentée par mémoire distinct et n'est pas chiffrée. Par suite, elle ne peut qu'être rejetée.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Denis et de la SCI Maison du monde, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que demande la SCI Voromahery au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SCI Maison du monde et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SCI Voromahery est rejetée.
Article 2 : La SCI Voromahery versera à la SCI Maison du monde une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la SCI Maison du monde est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Voromahery, à la SCI Maison du monde et à la commune de Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2016 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
M. Paul-André Braud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 décembre 2016.
Le rapporteur,
Paul-André BRAUDLe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Delphine CÉRON
La République mande et ordonne au ministre du logement et de l'habitat durable en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 14BX03157