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18/10/2016 | FRANCE | N°14BX02455

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 18 octobre 2016, 14BX02455


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler son licenciement pour suppression de poste prononcé le 28 septembre 2010 par le président de la chambre d'agriculture du Tarn.

Par un jugement n° 1004837 du 19 juin 2014, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour:

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 12 août 2014, 15 septembre 2015 et 27 janvier 2016, MmeC..., représentée par Me D..., demande à

la cour d'annuler ce jugement du 19 juin 2014 du tribunal administratif de Toulouse, d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler son licenciement pour suppression de poste prononcé le 28 septembre 2010 par le président de la chambre d'agriculture du Tarn.

Par un jugement n° 1004837 du 19 juin 2014, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour:

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 12 août 2014, 15 septembre 2015 et 27 janvier 2016, MmeC..., représentée par Me D..., demande à la cour d'annuler ce jugement du 19 juin 2014 du tribunal administratif de Toulouse, d'annuler pour excès de pouvoir son licenciement et de mettre à la charge de la chambre d'agriculture du Tarn la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;

- le statut du personnel administratif des chambres d'agriculture modifié ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau,

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant Mme C...et MeA..., représentant la chambre d'agriculture du Tarn.

Considérant ce qui suit :

1. Par deux délibérations du 2 juillet 2010, l'assemblée générale de la chambre d'agriculture du Tarn, ayant son siège à Toulouse, a décidé la réorganisation générale des services en raison de l'absorption de l'Association Tarnaise d'Aménagement des Structures d'Exploitation Agricole, fixé le nouvel organigramme et approuvé d'une part, la suppression du poste de chef du service du secrétariat, occupé par MmeC..., d'autre part, la création de deux demi-postes d'assistant de direction, l'un à Albi, l'autre à Castres. Une proposition de reclassement consistant en une affectation sur ces deux demi-postes a été adressée le 5 juillet 2010, à MmeC..., qui n'y a pas répondu à l'expiration du délai imparti, le 4 août suivant. Par un courrier du 6 août 2010, Mme C... a été convoquée à un entretien préalable au licenciement pour suppression de poste envisagé par l'autorité de nomination. La commission régionale paritaire a été consultée le 20 septembre 2010, puis le licenciement a été prononcé le 28 septembre suivant. Mme C...relève appel du jugement du 19 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce licenciement.

Sur la régularité du jugement :

2. Si, dans son mémoire enregistré le 15 septembre 2015, postérieurement à l'expiration du délai de recours de deux mois qui a couru à compter de la saisine de la cour, le 12 août 2014, Mme C... soutient que les premiers juges ont omis de se prononcer sur le moyen tiré de la méconnaissance du principe général du droit au bénéfice d'un reclassement d'un niveau équivalent à celui du poste précédemment occupé, ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, procède d'une cause juridique distincte de celle à laquelle se rattachaient les moyens développés dans le délai d'appel. Il ne peut donc, en tout état de cause, être accueilli.

Sur la légalité du licenciement :

En ce qui concerne l'obligation de reclassement :

3. Le 6° de l'article 25 du statut du personnel administratif des chambres d'agriculture prévoit la possibilité de licencier un agent public par suppression d'emploi après avis de la commission administrative paritaire compétente, l'article 27 du statut prévoyant dans un tel cas, l'examen des possibilités de reclassement dans un des services. La proposition de nouvelle affectation doit être précise et compatible, dans toute la mesure du possible, avec la situation personnelle de l'intéressé, notamment du point de vue géographique. Il ne résulte toutefois ni de ces dispositions règlementaires, ni d'aucun autre texte que l'administration soit tenue de proposer les mêmes niveaux de responsabilité et de rémunération. Si la requérante invoque le principe général du droit qui impose de donner dans un délai raisonnable aux agents en activité dont l'emploi est supprimé une nouvelle affectation correspondant à leur grade, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que son employeur, qui n'était pas tenu de créer un poste, aurait eu un poste équivalent à lui proposer.

4. Mme C...persiste en appel à invoquer l'insuffisance du délai de réflexion sur l'offre de reclassement. Elle a reçu, par un courrier du 5 juillet 2010 lui rappelant que le président pouvait lui apporter toute précision utile, une offre d'affectation sur deux demi-postes, l'un en qualité d'assistante à l'équipe d'encadrement, l'autre en qualité de secrétaire, assortie de la possibilité de bénéficier d'une voiture de service mais avec une rémunération totale de quarante pour cent inférieure à celle perçue jusqu'alors, pour des tâches de secrétariat et d'accueil, sans fonctions d'encadrement. Trois semaines plus tard, elle a sollicité des précisions par un courrier du 22 juillet 2010 reçu le 26 juillet suivant par l'administration, qui lui a, deux jours plus tard, adressé des fiches de postes en lui accordant un délai de réflexion jusqu'au 4 août 2010. Mme C...ne conteste pas sérieusement avoir disposé, dans les circonstances de l'affaire, d'un délai suffisant pour examiner l'offre de reclassement, à tout le moins du 28 juillet au 4 août 2010. Si elle invoque la possibilité d'affectation en qualité de chef du service " moyens de l'administration générale ", il ressort des pièces du dossier que cet emploi, pour lequel un niveau bac + 5 était requis, a été pourvu, le 17 mai 2010, suite à une offre publiée le 29 janvier 2010 par l'agence pour l'emploi des cadres. En appel, la requérante, qui a refusé une proposition de reclassement écrite, précise et personnalisée, non dépourvue de sérieux en dépit d'une diminution significative de sa rémunération, se borne à soutenir qu'il appartient à l'employeur d'établir " les conditions dans lesquelles serait opposable à un agent titulaire la circonstance que l'emploi convoité est occupé par un agent contractuel non statutaire ". Ce faisant, elle ne conteste pas sérieusement l'impossibilité de la reclasser dans un poste équivalent.

En ce qui concerne l'assistance par un avocat lors de l'entretien du 10 août 2010 :

5. Par un courrier du 6 août 2010, Mme C...a été convoquée à l'entretien préalable prévu le 10 août 2010 et informée qu'elle pouvait se faire assister par un représentant du personnel et un délégué syndical. Elle a demandé à être assistée par son avocat, ce qui lui a été refusé. Toutefois, elle ne conteste pas qu'aucun texte applicable en l'espèce n'imposait à son employeur de faire précéder le licenciement qui n'avait aucun caractère disciplinaire, d'un entretien. La circonstance qu'il ait décidé de suivre cette procédure facultative ne suffit pas à révéler le caractère disciplinaire du licenciement. Mme C...soutient que l'autorité administrative était tenue d'assortir la procédure facultative qu'elle avait décidé de suivre des mêmes garanties que celles qui s'attachent aux procédures obligatoires. S'il est vrai que l'administration est tenue de se conformer aux règles de procédure à caractère réglementaire qu'elle a elle-même édictées, en l'espèce, le président de la chambre d'agriculture n'a instauré aucune procédure qu'il aurait été contraint, sous peine d'irrégularité, de suivre. Aucun principe général du droit n'impose la présence d'un avocat lors d'un entretien préalable à un licenciement pour suppression de poste.

En ce qui concerne la consultation de la commission administrative paritaire :

6. La légalité d'un acte administratif s'apprécie au regard des dispositions en vigueur à la date de sa signature. L'article 1er du code civil prévoit que les lois et, lorsqu'ils sont publiés au Journal officiel de la République française, les actes administratifs entrent en vigueur à la date qu'ils fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication. Conformément à l'article 1er de la loi du 10 décembre 1952, la situation du personnel administratif des chambres d'agriculture est déterminée par un statut établi par une commission paritaire nommée par le ministre de tutelle. L'article L. 514-3 du code rural et de la pêche maritime prévoit une commission paritaire nationale de concertation et de proposition habilitée à faire toute proposition à la commission nationale paritaire qui établit le statut et examine toutes questions relatives aux conditions d'emploi, de travail et de garanties sociales des personnels des chambres d'agriculture.

7. Aucun texte en vigueur à la date du licenciement de Mme C...n'imposait la consultation de la commission paritaire départementale. Cette formalité résultait de la modification du statut du personnel administratif des chambres d'agriculture décidée le 17 juin 2010 par la commission nationale paritaire. Les dispositions de l'article 8 issu de la seizième version du statut instaurant cette consultation ont été publiées au Journal officiel de la République Française le 16 novembre 2010, postérieurement à l'engagement de la procédure de licenciement. La circonstance que la commission paritaire nationale de concertation et de proposition, dépourvue du pouvoir de modifier les statuts, aurait préconisé le 17 juin 2010 l'entrée en vigueur immédiate " dès leur validation et leur intégration dans le statut du personnel administratif par la commission nationale paritaire " des modifications du statut décidées le même jour est donc inopérante.

En ce qui concerne le harcèlement moral et le détournement de pouvoir :

8. L'organisation d'un entretien préalable pourtant non obligatoire ne suffit pas à révéler que la décision de licenciement a été prise en considération de la personne. La requérante fait valoir que sa situation s'est dégradée à l'arrivée de la nouvelle directrice qui lui aurait, le 9 octobre 2009, infligé une sanction disciplinaire déguisée en réduisant ses attributions. Il est constant que Mme C..., qui s'est vu reprocher son comportement " inacceptable " pour avoir délibérément ouvert un courrier adressé au président de la chambre portant le cachet " personnel et confidentiel ", contenant le rapport établi pour l'agrément de la directrice, a fait l'objet, le 13 octobre 2010, d'un retrait partiel de ses fonctions d'assistante de direction. Suite au recours gracieux formé le 2 mars 2010, le président de la chambre d'agriculture a retiré cette décision le 26 avril suivant, environ deux mois avant la suppression du poste de l'intéressée et l'engagement de la procédure de licenciement. Si la requérante a entendu exciper de l'illégalité des délibérations du 2 juillet 2010 de l'assemblée générale de la chambre d'agriculture du Tarn, ni la chronologie des faits, ni aucun autre élément, même si certains révèlent de fortes tensions avec la nouvelle directrice, ne permettent de faire présumer que la suppression de son poste aurait été décidée dans un but étranger à l'intérêt du service. Le détournement de pouvoir allégué n'est donc pas établi.

9. Indépendamment de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, inapplicable aux agents des chambres d'agriculture, un comportement vexatoire de l'administration à l'encontre d'un agent sur une longue durée constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration. Il appartient à l'agent public qui allègue avoir été victime de discriminations ou de harcèlement moral de soumettre des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Pour renverser cette présomption, l'administration doit établir que ces faits sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements sont ou non établis compte tenu des comportements respectifs, se détermine au vu de ces échanges contradictoires qu'il peut compléter par toute mesure d'instruction.

10. Pour être qualifiés de harcèlement moral, les faits doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service n'est pas constitutive de harcèlement. S'ils révèlent de graves tensions, notamment avec la directrice, les faits mentionnés au point 8 ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence des agissements de harcèlement moral allégués.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à la condamnation de la chambre d'agriculture du Tarn, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme C...la somme demandée sur le même fondement par la chambre d'agriculture du Tarn.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la chambre d'agriculture du Tarn au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 14BX02455


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14BX02455
Date de la décision : 18/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Agriculture et forêts - Institutions agricoles - Chambres d'agriculture - Personnel.

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Statuts spéciaux.

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Licenciement.

Procédure - Voies de recours - Appel - Moyens recevables en appel - Ne présentent pas ce caractère - Cause juridique distincte.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Marie-Thérèse LACAU
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : T et L AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-10-18;14bx02455 ?
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