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04/10/2016 | FRANCE | N°14BX01919

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 04 octobre 2016, 14BX01919


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme M...J..., M. K...H..., M. D...G..., la SCEA Chateau Jean Faux, M. B...F...et Mme C...A...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 19 janvier 2012 par laquelle le sous-préfet de Libourne a donné récépissé à M. L...I...de sa déclaration actualisant la situation administrative son exploitation d'élevage de canards prêts à gaver située aux lieux-dits " Camenal sud " et " Camenal nord " à Flaujagues.

Par un jugement n° 1300092 du 6 mai 2014, le tribunal adminis

tratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une req...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme M...J..., M. K...H..., M. D...G..., la SCEA Chateau Jean Faux, M. B...F...et Mme C...A...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 19 janvier 2012 par laquelle le sous-préfet de Libourne a donné récépissé à M. L...I...de sa déclaration actualisant la situation administrative son exploitation d'élevage de canards prêts à gaver située aux lieux-dits " Camenal sud " et " Camenal nord " à Flaujagues.

Par un jugement n° 1300092 du 6 mai 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 juin 2014 et le 20 février 2015, Mme J..., M.H..., M.G..., la SCEA Château Jean Faux, et MmeA..., représentés par MeE..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 6 mai 2014 ;

2°) d'annuler le récépissé de déclaration du 19 janvier 2012, ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet d'édicter des prescriptions spéciales ;

3°) de mettre à la charge des défendeurs la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

.....................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- l'ordonnance du 14 janvier 2015, par laquelle le président de la 5ème chambre de la cour n'a pas transmis au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les requérants par mémoire distinct du 12 décembre 2014.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- la directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement ;

- la directive 91/676/CEE du Conseil du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles ;

- la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ;

- la directive 96/61/CEE du Conseil du 24 septembre 1996 relative à la prévention et à la réduction de la pollution ;

- la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau ;

- la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement ;

- l'arrêt C-193/12 de la cour de justice de l'Union européenne du 13 juin 2013 Commission européenne contre République française ;

- la loi n° 2004-338 du 21 avril 2004 portant transposition de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau ;

- le décret 2006-678 du 8 juin 2006 modifiant la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement et fixant les catégories d'installations classées soumises à des contrôles périodiques en application de l'article L. 512-11 du code de l'environnement ;

- le décret 2015-1200 du 29 septembre 2015 modifiant la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- l'arrêté du 7 février 2005 du ministre de l'écologie et du développement durable fixant les règles techniques auxquelles doivent satisfaire les élevages de bovins, de volailles et/ou de gibier à plumes et de porcs soumis à déclaration au titre du livre V du code de l'environnement ;

- l'arrêté du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie du 27 décembre 2013 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement soumises à déclaration sous les rubriques n° 2101-1, 2101-2, 2101-3 et 2111 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christine Mège,

- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., représentant Mme M...J..., M. K... H..., M. D...G..., la SCEA Chateau Jean Faux et Mme C...A....

Considérant ce qui suit :

1. M. L...I...exploite, depuis déclaration dont récépissé lui a été délivré le 12 juin 2007, un élevage de canards prêts à gaver aux lieux-dits Camenal Sud et Camenal Nord, dans la commune de Flaujagues. Le 19 janvier 2012 le sous-préfet de Libourne lui a donné récépissé de sa déclaration du 23 décembre 2011 actualisant la situation administrative de son exploitation. Le 21 février 2012, le maire de Flaujagues, au nom de l'Etat, a en outre délivré à M. I... un permis de construire pour la construction de deux tunnels et silos. MmeJ..., M.H..., M.G..., la SCEA Château Jean Faux, et Mme A...relèvent appel du jugement n° 1300092 du 6 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande d'annulation du récépissé de déclaration d'exploitation délivré le 19 janvier 2012.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Ni la circonstance que les demandeurs auraient présenté leur recours gracieux dirigé contre le permis de construire du 21 février 2012 à une autorité incompétente pour en connaître, ni celle qu'ils n'auraient pas intérêt à agir contre ledit permis, à les supposer établies, ne font obstacle à la recevabilité de leur demande d'annulation du récépissé de déclaration d'exploitation d'un élevage de canards prêts à gaver. Par suite, la demande de première instance n'était pas irrecevable.

Sur les moyens relatifs au dossier de déclaration :

3. En premier lieu, aux termes du III de l'article R. 512-54 du code de l'environnement : "Toute modification apportée par le déclarant à l'installation, à son mode d'exploitation ou à son voisinage, entraînant un changement notable des éléments du dossier de déclaration initiale doit être portée, avant sa réalisation, à la connaissance du préfet. / S'il estime que la modification est substantielle, le préfet invite l'exploitant à déposer une nouvelle déclaration. / Une modification est considérée comme substantielle, outre les cas où sont atteints des seuils quantitatifs et des critères fixés par arrêté du ministre chargé des installations classées, dès lors qu'elle est de nature à entraîner des dangers ou inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1. ". En vertu de ces dispositions, il appartient au titulaire d'un récépissé de déclaration d'informer le préfet en cas de modification de nature à entraîner un changement notable des éléments du dossier de déclaration, que cette modification concerne l'installation elle-même, son mode d'utilisation ou ses effets sur le voisinage. Le préfet doit inviter le titulaire à déposer une nouvelle déclaration lorsque la modification dont il est informé entraîne des dangers ou inconvénients nouveaux ou accroît de manière sensible les dangers ou inconvénients de l'installation. En revanche, lorsqu'il n'y a pas de dangers ou inconvénients nouveaux ou lorsque l'accroissement des dangers ou inconvénients initiaux demeure limité, il appartient seulement au préfet de prendre acte de l'information dont il a été destinataire. Enfin, il y a lieu, pour l'application de ces dispositions, de tenir compte des changements successifs qui ont pu être apportés à une installation ou au site sur lequel elle est exploitée afin de déterminer si ceux-ci sont, par leur addition, de nature ou non à mettre en cause l'appréciation qui avait été faite, au moment de la déclaration initiale, des dangers et inconvénients et des moyens de les limiter.

4. M. I...a adressé le 19 décembre 2011 au préfet de la Gironde un courrier déclarant " l'exploitation d'un élevage de 6000 canards prêts à gaver en complément des 6 000 canards prêts à gaver existants sur l'exploitation, soit 24 000 animaux équivalents " auquel était joint un dossier de déclaration. Ce faisant, M. I...ne s'est pas borné à porter à la connaissance du préfet la modification apportée à son installation mais doit être regardé comme ayant, alors même que le préfet ne l'y avait pas préalablement invité, déposé une nouvelle déclaration. Le récépissé qui lui a en été délivré le 19 janvier 2012 mentionne d'ailleurs qu'il " annule et remplace le récépissé n° LI306 établi le 12 juin 2007 " relatif à l'exploitation initiale. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en raison de la modification substantielle apportée à son exploitation, M. I...devait présenter une nouvelle " déclaration d'ensemble " manque en fait.

5. En second lieu, il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce. Les obligations relatives à la composition du dossier de demande d'autorisation d'une installation classée relèvent des règles de procédure. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant ce dossier ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d'entacher d'irrégularité l'autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. En outre, eu égard à son office, le juge du plein contentieux des installations classées peut prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées, sous réserve qu'elles n'aient pas eu pour effet de nuire à l'information complète de la population.

6. Aux termes de l'article R. 512-47 du code de l'environnement: " 1.-La déclaration relative à une installation doit être adressée, avant la mise en service de l'installation, au préfet du département dans lequel celle-ci doit être implantée. 1 (...)/ III.-(...) 1 Le mode et les conditions d'utilisation, d'épuration et d'évacuation des eaux résiduaires et des émanations de toute nature ainsi que de gestion des déchets de l'exploitation sont précisés. ( .. .) ". L'article 1.3 de l'annexe I à l'arrêté du 7 février 2005, fixant les règles techniques auxquelles doivent satisfaire les élevages de bovins, de volailles et/ou de gibier à plumes et de porcs soumis à déclaration au titre du livre V du code de l'environnement, dans sa version en vigueur à la date de délivrance du récépissé le 19 janvier 2012, dispose : " Contenu de la déclaration : / La déclaration doit préciser les effectifs d'animaux et d'animaux-équivalents présents et les mesures prises relatives aux conditions de stockage et de traitement des effluents. La déclaration précise, en particulier, le plan d'épandage prévu au 5.8 ". En vertu de l'article 5.8.2 du même arrêté : "Tout épandage est subordonné à la production d'un plan d'épandage. Ce plan permet d'identifier les surfaces épandables compte tenu des surfaces exclues pour des raisons réglementaires et d'évaluer l'adéquation entre les quantités d'azote à épandre et les surfaces disponibles. / Le plan d'épandage est constitué : / - d'une carte à une échelle minimum de 1/12 500 réalisée à partir d'un plan cadastral ou de tout autre support cartographique et permettant de localiser les surfaces où l'épandage des effluents d'élevage est possible compte tenu des exclusions réglementaires mentionnées aux 5.8.4 à 5.8.6 1 Sur la carte doivent apparaître les contours et le numéro des unités de surface permettant de les repérer, ainsi que les zones exclues réglementairement à l'épandage. / - d'un document mentionnant l'identité et l'adresse des prêteurs de terres qui ont souscrit un contrat écrit avec l'exploitant ; / - d'un tableau référençant les surfaces repérées sur le support cartographique et indiquant, pour chaque unité, la superficie totale et la superficie épandable. En zone vulnérable, les surfaces de prairie pâturée exclues réglementairement de l'épandage sont à identifier ; / - d'un tableau comportant la quantité d'azote issu des animaux de l'élevage épandue sur ces surfaces. Le cas échéant, figure également la quantité d'azote des effluents provenant d'autres élevages. / L'ensemble de ces éléments est présenté dans un document de synthèse tenu à disposition de l'inspecteur des installations classées. / Toute modification notable du plan d'épandage doit être portée avant sa réalisation à la connaissance du préfet. (...) ".

7. D'une part, les dispositions précitées n'ont pas pour effet de rendre obligatoire la mention dans le dossier de déclaration de l'accord des propriétaires prêteurs de terres pour l'épandage. Par suite le dossier de demande présenté par M. I...ne peut être regardé comme incomplet au sens de ces dispositions au motif qu'il ne fait pas état de l'accord des propriétaires des parcelles incluses dans le plan d'épandage. La circonstance qu'à l'occasion de la visite de l'exploitation par l'inspecteur des installations classées le 7 février 2012, postérieure à la délivrance du récépissé contesté, ni le plan d'épandage ni le cahier d'épandage n'aient été " mis en place " est sans incidence sur l'appréciation du caractère complet du dossier de déclaration pour l'application des dispositions précitées. Il ne résulte pas de la comparaison entre, d'une part, le plan produit par les requérants, extrait de géoportail, et, d'autre part, la liste des parcelles sur lesquelles sera effectué cet épandage ainsi que les plans cadastraux sur lesquels elles sont reportées, figurant au dossier de déclaration, que comme le soutiennent les requérants, certaines de ces parcelles ne seraient pas des vignes. Le dossier de déclaration présenté par M. I...indique que l'exploitation produira un volume annuel de 1 440 m3 de fumier à épandre sur 9 ha 22 a 33 ca, représentant une quantité d'azote apportée de 1 296 kg et une charge d'azote à l'hectare de 140,51 kgN. Pour l'application des dispositions précitées de l'article 5.8.2, ces mentions sont suffisantes pour renseigner l'administration sur la quantité d'azote issue de l'augmentation du nombre des animaux d'élevage épandue sur les surfaces incluses dans le plan d'épandage correspondant aux déjections des 6 000 canards prêts à gaver supplémentaires. Ce dossier indique la localisation de ces parcelles d'épandage au regard des différentes contraintes conduisant à l'exclusion réglementaire de certaines surfaces et il ne résulte pas de l'instruction que d'autres motifs d'exclusion aient été omis.

8. D'autre part, ainsi qu'énoncé au point 4, M. I...doit être regardé comme ayant présenté un nouveau dossier de déclaration. Par suite, pour l'application des dispositions précitées de l'article 5.8.2 de l'arrêté du 7 février 2005, ce dossier devait comporter un plan d'épandage portant sur la production de fumier non seulement par les 6 000 canards prêts à gaver nouvellement exploités mais également par les 6 000 canards prêts à gaver antérieurement exploités, soit 12 000 canards prêts à gaver. Il est vrai que les indications relatives à l'épandage du fumier issu de cette exploitation mentionnées dans le dossier de déclaration ne concernent que les 6 000 canards prêts à gaver nouvellement exploités. Toutefois il n'est ni établi, ni même allégué, que cette insuffisance du plan d'épandage ait eu pour effet de nuire à l'information complète de la population dans une procédure ne comportant pas la mise en oeuvre de modalités d'information du public, ou ait été de nature à exercer en l'espèce une influence sur la décision de délivrer récépissé de cette déclaration dès lors que le préfet, qui avait délivré récépissé de la déclaration initiale au vu d'un dossier devant comporter les indications relatives à l'épandage du fumier issu de l'exploitation initiale, était nécessairement en mesure de connaître les effets cumulés des deux plans d'épandage.

9. Aux termes du II de l'article R. 512-47 du code de l'environnement listant les éléments qui doivent être présentés à l'appui d'une déclaration : " La déclaration mentionne : " (...) / 4° Si l'installation figure sur les listes mentionnées au III de l'article L. 414-4, une évaluation des incidences Natura 2000. " Aux termes de l'article L. 414-4 du même code : " (...) II - Sous réserve du IV bis, les documents de planification, programmes ou projets ainsi que les manifestations ou interventions soumis à un régime administratif d'autorisation, d'approbation ou de déclaration au titre d'une législation ou d'une réglementation distincte de Natura 2000 ne font l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000 que s'ils figurent : / 1° Soit sur une liste nationale établie par décret en Conseil d'Etat ; / 2° Soit sur une liste locale, complémentaire de la liste nationale, arrêtée par l'autorité administrative compétente. (...) IV bis - Tout document de planification, programme ou projet ainsi que manifestation ou intervention susceptible d'affecter de manière significative un site Natura 2000 et qui ne figure pas sur les listes mentionnées aux III et IV fait l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000 sur décision motivée de l'autorité administrative ". L'exploitation d'un élevage de canards prêts à gaver soumis seulement à déclaration n'est ni au nombre des projets figurant sur la liste nationale établie par l'article R. 414-9 du code de l'environnement, ni au nombre de ceux figurant sur la liste dressée en application du 2° du II de l'article L. 414-4 du code de l'environnement par le préfet de la Gironde par arrêté du 24 mai 2011. Il ne résulte pas de l'instruction, ni n'est même allégué que la création d'un tel élevage ait fait l'objet d'une décision de l'autorité compétente la soumettant à étude des incidences Natura 2000 en application des dispositions du IV bis de l'article L. 414-4 précitées. Par suite, le récépissé de déclaration contesté n'a pas été délivré en méconnaissance des dispositions précitées.

10. Enfin, il n'appartient pas à l'exploitant de préciser le classement des terrains concernés au plan de prévention du risque inondation de la commune mais seulement d'indiquer les emplacements sur lesquels les installations doivent être réalisés. Le dossier de déclaration de M. I...indique la localisation des emplacements de ces installations. Dès lors l'absence de précision de leur localisation en zone rouge du plan de prévention du risque inondation, à la supposer établie, n'entache d'aucune irrégularité la composition du dossier qui permettait au préfet d'identifier la localisation au regard du zonage retenu par le plan de prévention du risque inondation. Comme indiqué au point 9, le projet n'est pas soumis à étude des incidences Natura 2000. Par suite, l'absence de mention de la localisation des emplacements au regard de ce zonage n'a pu non plus avoir d'incidence sur l'appréciation des " interactions probables sur la zone écologique protégée ".

Sur les autres moyens :

S'agissant de la violation invoquée du plan de prévention du risque inondation ;

11. Aux termes de l'article 1.1 du règlement du plan de prévention du risque inondation de la commune de Flaujagues applicable en zone rouge : " Sont interdits : tous travaux, constructions, clôtures pleines, installations, dépôts et activités de quelque nature que ce soient, à l'exclusion de ceux visés à l'article 1.2 ". L'article 1.2 dispose : " Sont toutefois admis : (...) pour les besoins de l'activité agricole : La construction de bâtiments agricoles ou leur extension, à l'exclusion de tout chai de vinification, sachant que celle-ci ne pourra excéder 800 m² par siège d'exploitation situé dans la zone inondable (...). D'une part, il n'est pas établi que certaines des parcelles sur lesquelles sera édifié l'un des abris soient situées en zone rouge du plan de prévention du risque inondation de la commune de Flaujagues. D'autre part, les dispositions précitées du plan de prévention des risques inondation ne s'opposent pas à la construction de tout bâtiment agricole pour les besoins de l'exploitation. Par suite, le récépissé contesté, qui n'a ni pour objet ni pour effet d'autoriser la construction des bâtiments, n'a pas été délivré en méconnaissance de ces dispositions. Par ailleurs, à supposer même qu'une autorisation d'exploitation ait été refusée pour une carrière située à proximité au motif de sa localisation en zone rouge du plan de prévention du risque inondation, cette circonstance, relative à un projet présentant des caractéristiques de localisation et d'activité distinctes, est sans incidence sur la légalité du récépissé contesté.

S'agissant de la violation invoquée du droit de l'Union européenne ;

12. D'une part, les requérants, qui n'invoquent pas l'absence de transposition de la directive 91/676/CEE du Conseil du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles, ni n'indiquent les dispositions du code de l'environnement qui n'auraient pas assuré la transposition complète de l'article 1er de cette directive, ne peuvent utilement se prévaloir de l'arrêt C-193/12 de la cour de justice de l'union européenne du 13 juin 2013 qui ne condamne la France pour manquement qu'en ce qui concerne la transposition des paragraphes 1 et 4 de l'article 3 de cette directive. Par suite le moyen tiré de la violation par l'Etat des objectifs définis à l'article 1er de la directive 91/676/CEE est dépourvu des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé. D'autre part, les requérants n'identifient pas les dispositions de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau dont la transposition complète en droit interne n'aurait pas été assurée par la loi n° 2004-338 du 21 avril 2004.

13. Aux termes de l'article L. 514-6 du code de l'environnement, les décisions, prises sur le fondement de l'article L. 511-2 donnant récépissé d'une déclaration d'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement, sont soumises à un contentieux de pleine juridiction. Il appartient au juge de plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement de se prononcer sur l'étendue des droits et obligations accordés aux exploitants ou mis à leur charge par l'autorité compétente au regard des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle il statue. Il s'en suit que les requérants ne peuvent utilement se prévaloir d'une violation des dispositions de l'article 2 § 1 et de l'article 4 §2 de la directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement qui a été abrogée par la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, en vigueur.

14. Le moyen tiré de la méconnaissance de la directive 96/61/CEE du Conseil du 24 septembre 1996 relative à la prévention et à la réduction de la pollution, transposées par le décret n°2006-678 du 8 juin 2006 modifiant la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement et fixant les catégories d'installations classées soumises à des contrôles périodiques en application de l'article L. 512-11 du code de l'environnement, en tant qu'il fixe à 30 000 animaux-équivalents le seuil au-delà duquel un élevage de volailles est soumis à autorisation est inopérant à l'encontre de la décision administrative donnant seulement récépissé de déclaration. En outre, ce décret a été abrogé par le décret n°2015-1200 du 29 septembre 2015 modifiant la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement en ce qui concerne les seuils à partir desquels les élevages sont soumis respectivement à autorisation, enregistrement ou déclaration.

15. Aux termes de l'article 6 §3 de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages : " Tout plan ou projet non lié ou nécessaire à la gestion du site mais susceptible d'affecter ce site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d'autres plans et projets, fait l'objet d'une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation du site. Compte tenu des conclusions de l'évaluation des incidences sur le site (...) les autorités nationales compétentes ne marquent leur accord sur ce plan ou projet qu'après s'être assurées qu'il ne portera pas atteinte à l'intégrité du site concerné (...) ". Ces dispositions, qui ont été transposées en droit interne par les dispositions du IV bis de l'article L. 414-4 du code de l'environnement qui prévoient la possibilité pour l'autorité administrative de soumettre à évaluation des incidences Natura 2000 tout projet susceptible d'affecter de manière significative un tel site, ne font pas obstacle à ce que de tels projets ne soient pas soumis à autorisation mais puissent relever du régime déclaratif en fonction des seuils fixés par la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement. Par suite, le moyen tiré de l'inconventionnalité, invoquée par voie d'exception, des articles L. 512-8 et R. 511-9 du code de l'environnement en ce qu'ils ne prévoient pas d'exception au régime déclaratif en raison de la seule atteinte significative à un site Natura 2000, ne peut qu'être écarté.

S'agissant de la conformité de l'élevage :

16. Il ne résulte pas de l'instruction, notamment pas du constat d'huissier du 27 janvier 2015 que l'élevage serait exploité dans des conditions non conformes à l'obligation de maintien en état des parcours herbeux ou à l'obligation de prendre les mesures appropriées pour atténuer les émissions d'odeurs résultant des dispositions de l'article 2.4.2 et de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2013 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement soumises à déclaration sous les rubriques n° 2101-1, 2101-2, 2101-3 et 2111.

17. Aux termes de l'article 2.1.2 de l'annexe I de cet arrêté : " Cas de certains bâtiments d'élevage de volailles. / ( ...) Pour les enclos et les parcours où la densité est inférieure ou égale à 0,75 animal-équivalent par mètre carré, les clôtures sont implantées :

- à au moins 50 mètres pour les palmipèdes et les pintades (...) des habitations ou des locaux habituellement occupés par des tiers (à l'exception des logements occupés par des personnels de l'installation, des hébergements et locations dont l'exploitant a la jouissance et des logements occupés par les anciens exploitants), (...) ; / - à au moins 10 mètres des puits et forages, des sources, des aqueducs en écoulement libre, de toute installation souterraine ou semi-enterrée utilisée pour le stockage des eaux, que les eaux soient destinées à l'alimentation en eau potable ou à l'arrosage des cultures maraîchères, des rivages, des berges des cours d'eau. Cette distance est d'au moins 20 mètres pour les palmipèdes. ". Il résulte des constatations effectuées le 27 janvier 2015 par huissier que la clôture électrique délimitant le parcours n° 3 est implantée à des distances variant de 44,18 mètres à 48,91 mètres de la maison d'habitation appartenant à M. H... et MmeJ..., et que la clôture délimitant le parcours n° 7 est implantée à des distances variant de 14,60 mètres à 20,89 mètres des rives d'un étang. Il est ainsi établi que ces enclos ne respectent pas en tout point les distances minimales respectivement de 50 mètres et de 20 mètres.

18. Il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande d'annulation du récépissé délivré le 19 janvier 2012 à M. I...par le sous-préfet de Libourne.

Sur les conséquences de l'illégalité du récépissé :

19. Lorsqu'il prononce l'annulation du récépissé d'une déclaration d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement, le juge de pleine juridiction des installations classées a toujours la faculté, au titre de son office, d'autoriser lui-même, à titre provisoire, et le cas échéant sous réserve de prescriptions et pour un délai qu'il détermine, la poursuite de l'exploitation de l'installation en cause, dans l'attente de la régularisation de sa situation par l'exploitant. Il lui appartient de prendre en compte, pour déterminer l'opportunité d'une telle mesure, l'ensemble des éléments de l'espèce, notamment la nature de l'illégalité ayant conduit à l'annulation de la décision contestée, les considérations d'ordre économique et social ou tout autre motif d'intérêt général pouvant justifier la poursuite de l'exploitation et l'atteinte éventuellement causée par l'exploitation aux intérêts visés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement ou à d'autres intérêts publics et privés. Parmi les éléments que le juge peut prendre en compte, figure la possibilité, reconnue à l'administration par l'article L. 171-7 du code de l'environnement, d'autoriser elle-même, dans un tel cas de figure, la poursuite de l'exploitation jusqu'à ce qu'il soit statué à nouveau sur la déclaration.

20. La seule illégalité retenue résulte du non-respect de la distance minimale de 50 mètres entre la clôture électrique bordant le parcours n° 3 et la maison d'habitation appartenant à M. H...et Mme J...implantée à une distance variant de 44,18 mètres à 48,91 mètres et du non-respect de la distance minimale de 20 mètres entre la clôture électrique bordant le parcours n° 7 et les rives de l'étang implantée à une distance variant de 14,60 mètres à 20,89 mètres. Le simple déplacement de ces clôtures électriques est de nature à régulariser la situation de cet élevage. Il ne résulte pas de l'instruction que son fonctionnement, en dépit des lacunes qui ont été constatées par huissier le 27 janvier 2015, porte une atteinte particulière aux intérêts visés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement ni à d'autres intérêts, publics ou privés. Compte tenu de ces éléments, il y a lieu d'impartir à M. I...un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt pour présenter une nouvelle déclaration d'exploitation et, dans cette attente, de l'autoriser à poursuivre l'exploitation de l'élevage. Il y a lieu d'assortir cette autorisation provisoire des prescriptions identiques à celles édictées par le récépissé annulé et des prescriptions édictées par l'arrêté du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie du 27 décembre 2013 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement soumises à déclaration sous les rubriques n° 2101-1, 2101-2, 2101-3 et 211, notamment du respect de la distance minimale de 50 mètres entre le parcours 3 et la maison d'habitation de M. H...et Mme J...ainsi que de la distance minimale de 20 mètres entre le parcours 7 et les rives de l'étang.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des requérants, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M.I..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu de mettre à la charge ni de l'Etat ni de M.I..., la somme demandée par les requérants au même titre.

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 1300092 du 6 mai 2014 du tribunal administratif de Bordeaux et le récépissé de déclaration délivré le 19 janvier 2012 par le sous-préfet de Libourne à M. I...sont annulés.

Article 2 : M. I...présentera au préfet de la Gironde une nouvelle déclaration d'exploitation au plus tard un mois après notification du présent arrêt.

Article 3 : Jusqu'à ce qu'il soit statué par le préfet de la Gironde sur la déclaration d'exploitation prévue à l'article 2 du présent arrêt, M. I...est provisoirement autorisé à poursuivre l'exploitation de l'élevage de canards prêts à gaver qu'il exploite aux lieux-dits Camenal Sud et Camenal Nord dans la commune de Flaujagues pour une capacité de 12 000 canards. Cette autorisation provisoire est soumise aux prescriptions détaillées au point 20.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de M. I...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 14BX01919


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14BX01919
Date de la décision : 04/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

44-02-04-01 Nature et environnement. Installations classées pour la protection de l'environnement. Règles de procédure contentieuse spéciales. Pouvoirs du juge.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: Mme Christine MEGE
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : RUFFIE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-10-04;14bx01919 ?
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