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27/09/2016 | FRANCE | N°15BX01945

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 27 septembre 2016, 15BX01945


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Socomex a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 2 639 573 euros en réparation des préjudices subis du fait des barrages établis en Martinique du 7 février 2009 au 11 mars 2009 par des manifestants.

Par un jugement n° 1400532 du 9 avril 2015, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 juin 2015 et 27 novembr

e 2015, la société Socomex, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Socomex a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 2 639 573 euros en réparation des préjudices subis du fait des barrages établis en Martinique du 7 février 2009 au 11 mars 2009 par des manifestants.

Par un jugement n° 1400532 du 9 avril 2015, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 juin 2015 et 27 novembre 2015, la société Socomex, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 2 639 573 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2013 et capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution ;

- le décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 instituant de nouvelles règles relatives aux procédures civiles d'exécution pour l'application de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

- et les conclusions de M. B...de la Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Socomex, qui exploite en Martinique un magasin sous l'enseigne Hyper U dans le centre commercial La Galleria au Lamentin, fait appel du jugement du 9 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du blocage de l'accès à son magasin par les barrages installés par des manifestants du 7 février 2009 au 11 mars 2009.

Sur la responsabilité pour faute de l'Etat:

2. En premier lieu, l'obligation incombant au préfet de faire lever les obstacles qui s'opposent à l'utilisation normale du domaine public trouve sa limite dans les nécessités de l'ordre public. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard à l'ampleur des troubles à l'ordre public que ce type d'intervention pouvait entraîner dans un contexte exceptionnel de graves conflits sociaux généralisés dans les deux départements des Antilles françaises, le préfet de la Martinique n'a, en s'abstenant d'utiliser la force publique pour rompre les barrages établis en février et mars 2009 par les manifestants dans le cadre d'un mouvement de grève générale contre la vie chère, pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 16 de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 153-1 du code des procédures civiles d'exécution : " L'Etat est tenu de prêter son concours à l'exécution des jugements et des autres titres exécutoires. Le refus de l'Etat de prêter son concours ouvre droit à réparation. ". L'article 17 de la même loi, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 153-2 du code des procédures civiles d'exécution, dispose : " L'huissier de justice chargé de l'exécution peut requérir le concours de la force publique. ". Aux termes de l'article 50 du décret du 31 juillet 1992 instituant de nouvelles règles relatives aux procédures civiles d'exécution, dont les dispositions ont été reprises à l'article R. 153-1 du code des procédures civiles d'exécution : " Si l'huissier de justice est dans l'obligation de requérir le concours de la force publique, il s'adresse au préfet. La réquisition contient une copie du dispositif du titre exécutoire. Elle est accompagnée d'un exposé des diligences auxquelles l'huissier de justice a procédé et des difficultés d'exécution. Toute décision de refus de l'autorité compétente doit être motivée. Le défaut de réponse dans un délai de deux mois équivaut à un refus. Ce refus est porté à la connaissance du procureur de la République et du créancier par l'huissier de justice. ".

4. La société appelante fait valoir que la responsabilité de l'Etat est engagée du fait du refus du concours de la force publique pour l'exécution de l'ordonnance du président du tribunal de grande instance de Fort-de-France du 5 mars 2009 ordonnant la levée des barrages litigieux, si nécessaire avec le concours de la force publique. Contrairement à ce qu'a relevé le tribunal administratif, un huissier, mandaté notamment par la société appelante, a demandé le 9 mars 2009 au préfet de la Martinique le concours de la force publique pour l'exécution de cette ordonnance. Il résulte toutefois de l'instruction, d'une part que cette réquisition de la force publique n'a pas donné lieu à une décision expresse de refus, d'autre part, que les barrages en cause ont été levés dès le 11 mars 2009, rendant sans objet cette demande de concours de la force publique formulée avant la naissance, à l'issue du délai de deux mois prévu par les dispositions susmentionnées, d'une décision implicite de refus. La responsabilité de l'Etat ne saurait dès lors être engagée à raison d'un prétendu refus du concours de la force publique pour l'exécution de ladite ordonnance.

Sur la responsabilité sans faute de l'Etat sur le fondement de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales :

5. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales alors applicable, désormais repris à l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure : " L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens ".

6. Il résulte de l'instruction, notamment du récépissé du dépôt de plainte du 7 février 2009 du directeur du magasin exploité par la société requérante et du courrier du 11 février 2009 adressé au préfet de la Martinique par les sociétés exploitant des surfaces commerciales dans ledit centre commercial, que l'intrusion de 200 à 300 manifestants a entraîné la fermeture, le 7 février 2009, du centre commercial en cause. Il est en outre établi, notamment par les nombreux constats d'huissiers dressés à compter du 7 février 2009, que des barrages ont bloqué l'accès au centre commercial La Galleria du 7 février 2009 au 11 mars suivant. Ces faits sont constitutifs des délits d'entrave à la circulation et à la liberté du travail commis à force ouverte par un rassemblement précisément identifié composé de manifestants qui avaient lancé un mouvement de grève générale contre la vie chère. Toutefois, à supposer que l'intrusion de manifestants survenue le 7 février 2009 ait revêtu un caractère spontané, le préjudice commercial dont la réparation est sollicitée a pour fait générateur la mise en place et le maintien de barrages empêchant d'accéder au centre commercial du 7 février 2009 au 11 mars 2009. Ces agissements ne peuvent, dans les circonstances de l'espèce, être regardés, eu égard à leur caractère prémédité et organisé révélé par la concertation et les mesures de surveillance qu'impliquait le maintien des barrages pendant une telle durée, comme ayant été le fait d'un attroupement ou d'un rassemblement au sens de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales.

Sur la responsabilité sans faute de l'Etat sur le fondement de la rupture de l'égalité devant les charges publiques :

7. Les dommages résultant de l'abstention de l'autorité administrative compétente de prendre les mesures nécessaires pour rétablir l'ordre ne peuvent, lorsque cette abstention n'est pas fautive, engager la responsabilité de cette autorité que si cette abstention a été directement à l'origine d'un dommage anormal et spécial. Si la société requérante fait valoir qu'elle a subi, du fait de l'interruption de son activité du 7 février au 11 mars 2009, un préjudice commercial évalué à 2 639 573 euros, notamment lié à la perte de denrées périssables, elle n'établit pas, eu égard au caractère général du blocage qui, contrairement à ce qu'elle soutient, a nécessairement affecté la quasi-totalité des entreprises implantées en Martinique, avoir subi un préjudice spécial susceptible d'être indemnisé sur le fondement de la rupture de l'égalité devant les charges publiques.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Socomex n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Sur les dépens et les frais de procès non compris dans les dépens :

9. La société Socomex ne justifie pas avoir exposé des dépens au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative. Ses conclusions présentées sur le fondement de ces dispositions ne peuvent ainsi, en tout état de cause, qu'être rejetées.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné au versement de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : La requête de la société Socomex est rejetée.

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N° 15BX01945


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