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07/07/2016 | FRANCE | N°14BX00473

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 07 juillet 2016, 14BX00473


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association départementale sécheresse (ADS) 86 a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté interministériel du 13 décembre 2010 portant constatation de l'état de catastrophe naturelle en tant que cet arrêté ne reconnaît pas l'état de catastrophe naturelle sur le territoire des communes qu'elle représente, ensemble la décision du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration en date du 13 mai 2011 rejetant son recours gracieux.r>
Par un jugement n° 1101557 du 10 décembre 2013, le tribunal administratif de P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association départementale sécheresse (ADS) 86 a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté interministériel du 13 décembre 2010 portant constatation de l'état de catastrophe naturelle en tant que cet arrêté ne reconnaît pas l'état de catastrophe naturelle sur le territoire des communes qu'elle représente, ensemble la décision du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration en date du 13 mai 2011 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1101557 du 10 décembre 2013, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 février 2014 et des mémoires enregistrés le 3 août 2015 et le 8 juin 2016, l'association départementale sécheresse 86, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 10 décembre 2013 ;

2°) d'annuler l'arrêté interministériel du 13 décembre 2010 en tant qu'il ne reconnaît pas l'état de catastrophe naturelle sur le territoire des communes qu'elle représente ainsi que la décision du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration du 13 mai 2011 rejetant son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Madelaigue,

- et les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Les communes de : Ayron, Bignoux, Brigueil-Le-Chantre, La Bussière, La Chapelle-Montreuil, Chatellerault, Colombiers, Coulombiers, Fontaine-Le-Comte, B..., Gizay, Iteuil, Jaunay-Clan, Lavausseau, Lhommaizé, Ligugé, Mignaloux-Beauvoir, Montamisé, Monthoiron, Montreuil-Bonnin, Ouzilly, Poitiers, Pouant, Pouillé, Roches-Prémaries-Andillé, Sèvres-Anxaumont, Saint-Cyr, Saint-Georges-Les-Baillargeaux, Saint-Julien-L'Ars, Saint-Sauveur, Savigny-Levescault, Sillars, Smarves, Thuré, Vaux-Sur-Vienne, Vernon, La-Villedieu-Du-Clain, Vouillé et Vouneuil-Sous-Biard, s'estimant en état de catastrophe naturelle, ont présenté au préfet de la Vienne une demande de reconnaissance de cet état au titre d'un phénomène de " sécheresse/réhydratation des sols " de l'été 2009 qui n'avait pas été prise en compte par l'arrêté interministériel du 13 décembre 2010 portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Ces demandes ont été rejetées le 13 décembre 2011. L'association départementale sécheresse (ADS) 86, agissant au nom de ces communes, relève appel du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 10 décembre 2013 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté interministériel du 13 décembre 2010 en tant qu'il ne retient pas les communes qu'elle représente parmi les communes pour lesquelles il constate l'état de catastrophe naturelle au titre de la sécheresse et de la réhydratation des sols, et d'autre part, de la décision du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration en date du 13 mars 2011 rejetant son recours gracieux.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 125-1 du code des assurances : " (...) / Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens du présent chapitre, les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises. / L'état de catastrophe naturelle est constaté par arrêté interministériel qui détermine les zones et les périodes où s'est située la catastrophe ainsi que la nature des dommages résultant de celle-ci couverts par la garantie visée au premier alinéa du présent article. Cet arrêté précise, pour chaque commune ayant demandé la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, la décision des ministres. Cette décision est ensuite notifiée à chaque commune concernée par le représentant de l'Etat dans le département, assortie d'une motivation. L'arrêté doit être publié au Journal officiel dans un délai de trois mois à compter du dépôt des demandes à la préfecture. De manière exceptionnelle, si la durée des enquêtes diligentées par le représentant de l'Etat dans le département est supérieure à deux mois, l'arrêté est publié au plus tard deux mois après la réception du dossier par le ministre chargé de la sécurité civile. (...) ".

3. En premier lieu, il résulte de ces dispositions que si la notification des décisions de rejet et d'acceptation des demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle formées par les communes doit être accompagnée de la motivation de ces décisions, l'arrêté interministériel qui constate cet état de catastrophe naturelle n'est pas lui-même soumis à cette obligation de motivation. Par suite, le moyen tiré de ce que la notification des décisions refusant de reconnaître les communes représentées par l'association départementale sécheresse 86 en état de catastrophe naturelle aurait été entachée d'un défaut de motivation est, en tout état de cause, inopérant pour contester l'arrêté interministériel en litige.

4. En deuxième lieu, si les ministres auteurs de l'arrêté du 13 décembre 2010 ont repris à leur compte les éléments d'appréciation retenus par la commission interministérielle instituée par la circulaire n° 84-90 du 27 mars 1984 relative à l'indemnisation des victimes de catastrophe naturelle les 21 septembre et 21 octobre 2010 et ont suivi sa position sur le cas des communes représentées par l'association départementale sécheresse 86, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils se seraient toutefois estimés liés par ces avis et qu'ils auraient de ce fait méconnu l'étendue des compétences exercées conjointement en application des dispositions précitées. La circonstance que la notification par le préfet de la Haute-Vienne de l'avis des ministres compétents faisait référence aux avis de la commission interministérielle est à cet égard sans incidence.

5. En troisième lieu, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 125-1 du code des assurances que l'état de catastrophe naturelle n'est constaté par arrêté interministériel que dans le cas où les dommages qui résultent de cette catastrophe ont eu pour cause déterminante l'intensité anormale de l'agent naturel en cause. Ces dispositions ne font nullement obstacle à ce que l'autorité ministérielle compétente détermine une méthodologie et des critères lui permettant d'apprécier de façon objective la situation de chaque commune, dès lors que ces critères, qui peuvent évoluer compte tenu de l'état des connaissances scientifiques, sont en adéquation avec les objectifs fixés par la législation. L'ensemble des dossiers de demande mentionnés par l'arrêté interministériel du 13 décembre 2010 attaqué portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle a fait l'objet d'une analyse à partir d'outils identiques de Météo France. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport météorologique de la sécheresse géotechnique en 2009 réalisé par Météo France en mai 2010 , que le système de zonage Aurore mis en oeuvre auparavant a été remplacé, pour la mesure des épisodes de sécheresse à compter de 2009, par un nouvel outil Safran/Isba/Modcou (SIM) mis au point par Météo France qui, utilisant l'ensemble des données pluviométriques présentes dans la base de données climatologique des 4 500 postes Météo France, modélise le bilan hydrique de l'ensemble de la France métropolitaine à l'aide d'une grille composée de 8 977 mailles carrées de 8 km de côté auxquelles sont associées des valeurs de critères permettant de déterminer, pour chaque maille, le niveau d'intensité de l'aléa naturel. Les critères de mesure eux-mêmes ont fait l'objet d'une adaptation à compter de 2009 afin d'étudier le bilan hydrique des sols argileux avec une plus grande précision. Ainsi le phénomène de sécheresse " hivernale " est considéré comme revêtant une intensité anormale lorsque sur une période de quatre trimestres consécutifs, la réserve en eau du sol superficiel est inférieure à la normale dont sur une décade du trimestre de fin de recharge (de janvier à mars) inférieure à 80 % de la normale et le phénomène de sécheresse " estivale " (de juillet à septembre) est considéré comme revêtant une intensité anormale en prenant en compte deux critères alternatifs. Le premier de ces critères de sécheresse estivale est rempli lorsque la teneur en eau des sols est inférieure à 70 % de son niveau habituel durant le 3ème trimestre de l'année considérée et que le nombre de décades au cours desquelles le niveau d'humidité du sol superficiel mesuré par l'index SWI (Soil Wetness Index) est inférieur à 0,27 se situe au 1er, 2ème ou 3ème rang sur la période 1989-2009. Le second de ces critères est rempli lorsque l'index SWI des 9 décades composant la période de juillet à septembre de l'année considérée est si faible que le temps de retour à la normale de la moyenne des SWI représente au moins 25 années. L'administration a eu recours aux instruments et critères de mesure ainsi développés par Météo France, fondés sur des connaissances scientifiques et des données précises, pour procéder à l'évaluation de l'intensité et du caractère anormal de l'agent naturel.

6. Pour soutenir que le critère de l'indice d'humidité du sol utilisé n'était pas approprié pour évaluer le caractère intense ou anormal du phénomène de sécheresse dès lors que, selon elle, il ne concerne que le sol superficiel à hauteur de 20 centimètres alors que les fondations des habitations qui auraient été endommagées se situent entre 40 et 90 centimètres en-dessous de la surface du sol, l'association requérante s'appuie sur différents rapports ou études géotechniques établis notamment en 2009. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les critères de mesure ont fait l'objet d'une adaptation à compter de 2009 qui ont permis d'étudier le bilan hydrique des sols argileux avec une plus grande précision. En effet, l'état de déficit hydrique du sol a été évalué par un maillage plus dense afin de calculer un indice d'humidité du sol (SWI), qui est calculé en prenant notamment en compte l'humidité de la zone racinaire et de la zone profonde, sur la base d'un maillage régulier et relativement fin du territoire national apte à appréhender les caractéristiques propres à chaque territoire. La requérante n'établit pas le caractère insuffisant et inadapté de ces données malgré leur caractère nécessairement perfectible, en faisant valoir qu'il aurait été plus pertinent de prendre en compte d'autres critères comme la pluviométrie, la température moyenne ou la texture des sols.

7. Ainsi qu'il a été dit, l'administration a apprécié la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle sur le territoire des communes au titre des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse au regard de critères météorologiques fixés, à partir des données de Météo-France, pour apprécier l'intensité et l'anormalité des effets sur le sol de la sécheresse constatée au cours de l'année 2009. Il ressort des pièces du dossier que l'analyse des données météorologiques recueillies pour chacune des mailles précisément identifiées couvrant le territoire de chacune des communes concernées, qui n'est pas contestée, n'a pas permis de mettre en évidence une situation de sécheresse hivernale ou estivale correspondant aux critères objectifs indiqués au point 5 et permettant de démontrer le caractère exceptionnel ou anormal de la sécheresse cette année là sur ces territoires. L'association requérante n'est par suite pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué serait entaché d'une erreur d'appréciation et que l'intensité et le caractère anormal du phénomène n'aurait pas été apprécié de manière objective et appropriée.

8. Enfin, et en tout état de cause, et à le supposé même établi, la circonstance que certains bâtiments des communes concernées auraient subis des dommages suite à la sécheresse de l'année 2009 ne suffit pas davantage à établir le caractère exceptionnel ou anormal de l'intensité du phénomène de sécheresse en cause.

9. Il résulte de tout ce qui précède que l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation d'une part, de l'arrêté interministériel du 13 décembre 2010 en tant qu'il ne retient pas les communes qu'elle représente parmi les communes pour lesquelles il constate l'état de catastrophe naturelle au titre de la sécheresse et de la réhydratation des sols et d'autre part, de la décision du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration en date du 13 mars 2011 rejetant son recours gracieux.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à l'association départementale sécheresse 86 la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association départementale sécheresse 86 la somme que l'Etat demande au titre des mêmes dispositions.

DECIDE

Article 1er : La requête de l'association départementale sécheresse 86 est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 14BX00473


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX00473
Date de la décision : 07/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

12-03 Assurance et prévoyance. Contentieux.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : SCP ARTEMIS - VEYRIER - BROSSIER - GENDREAU - CARRE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-07-07;14bx00473 ?
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