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05/07/2016 | FRANCE | N°14BX01510

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 05 juillet 2016, 14BX01510


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société Projicom a demandé au tribunal administratif de Pau de la décharger des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre des années 2006, 2007 et 2008, et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1200881 du 4 mars 2014, le tribunal administratif de Pau a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés respectivement les 15 mai 2014 et 17 juin 2015, la Société Pro

jicom, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société Projicom a demandé au tribunal administratif de Pau de la décharger des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre des années 2006, 2007 et 2008, et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1200881 du 4 mars 2014, le tribunal administratif de Pau a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés respectivement les 15 mai 2014 et 17 juin 2015, la Société Projicom, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 4 mars 2014 ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge des impositions contestées et, à titre subsidiaire, de prononcer une telle décharge à tout le moins en ce qui concerne l'année 2006 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bertrand Riou ;

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la société Projicom.

Considérant ce qui suit :

1. Créée le 18 décembre 2003, la société Projicom, qui avait initialement pour seule activité l'ingénierie et les études techniques, a développé, à partir de l'année 2005, une activité d'achat et revente de véhicules sanitaires. A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2005 à 2007, elle a reçu une première proposition de rectification datée du 10 juillet 2008. Une seconde proposition de rectification, datée du 15 décembre 2009, lui a par la suite été adressée, portant sur les années 2006 à 2008. La société Projicom fait régulièrement appel du jugement du 4 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande de décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée, et des pénalités y afférentes, qui lui ont été assignées au titre des exercices 2006, 2007 et 2008.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la société Projicom, le tribunal administratif s'est prononcé sur les différents moyens afférents à la régularité de la procédure d'imposition, s'agissant notamment des moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles 51, 57 et 57 A du Livre des procédures fiscales. Dans ce cadre, il n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments développés par la requérante à leur soutien. Par voie de conséquence, la circonstance qu'il n'a pas spécifiquement répondu à l'argument selon lequel l'administration a mentionné, dans la proposition de rectification en date du 15 décembre 2009, des attestations fournies par la société Projicom à la société Les Dauphins qui ont nécessairement été obtenues dans le cadre de la procédure de vérification de comptabilité diligentée du 2 avril 2008 au 28 juin 2008, n'est pas de nature à caractériser un défaut de motivation du jugement. Il en va de même de l'absence de réponse spécifique à l'argument selon lequel la société " Ambulances Olivier " n'aurait jamais été en relation commerciale avec la société Sanitex Logistics SL, un tel argument ne présentant en outre nullement, contrairement à ce que soutient la société Projicom, une importance particulière dès lors que le service vérificateur a fait état de trois ventes effectuées par la société Sanitex Logistics SL à l'entreprise " Ambulances Ollivier ", laquelle a son siège social en Ariège, à Lavelanet, et ne présente dès lors aucun rapport avec la société " Ambulances Olivier " mentionnée par la requérante, dont le siège est à Montech, dans le Tarn-et-Garonne.

3. En deuxième lieu, et dans la mesure où le tribunal administratif a rejeté la requête de la société Projicom, il n'avait pas à mentionner, dans le dispositif de son jugement, quelques précisions que ce soient quant à l'année ou au montant des impositions contestées.

4. En troisième lieu, la société Projicom a demandé au tribunal administratif de la décharger de la pénalité mise à sa charge au titre des articles 1727 et 1729 du code général des impôts, en faisant valoir que ladite pénalité n'avait pas été motivée, était infondée et présentait un caractère disproportionné. Les premiers juges ont omis de répondre à ces conclusions. Aussi, le jugement du tribunal administratif de Pau en date du 4 mars 2014 doit-il être annulé dans cette mesure. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la société Projicom tendant à la décharge desdites pénalités.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. / Elle contrôle, également les documents déposés en vue d'obtenir des déductions, restitutions ou remboursements. / A cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés. (...) ". L'article L. 13 du même livre disposait alors que : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 51 dudit livre : " Lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période. (...) ".

6. Ces dispositions, qui ont pour seul objet d'interdire à l'administration de procéder, dans le délai qui lui est imparti, à une nouvelle vérification à raison des impôts et années d'imposition qu'elle a déjà vérifiés, ne lui enlèvent en revanche pas la possibilité de réparer, avant l'expiration du délai de prescription, les omissions ou erreurs dont la découverte résulte de la vérification elle-même, de l'étude des rapports établis à la suite de celle-ci ou de renseignements provenant de toute autre source.

7. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'issue de la vérification de comptabilité dont la société Projicom a fait l'objet du 2 avril 2008 au 26 juin 2008, des redressements portant sur les années 2005, 2006 et 2007 lui ont été notifiés le 10 juillet 2008 en matière de la taxe sur la valeur ajoutée. Le 15 décembre 2009, de nouveaux redressements portant sur les années 2006, 2007 et 2008 lui ont été notifiés au titre des mêmes impôts. Ces redressements procédaient de l'examen de renseignements obtenus auprès de la société Sanitex Logistics SL, à laquelle la société requérante avait, au cours des années contrôlées, vendu des véhicules aménagés en ambulances dans le cadre de livraisons intracommunautaires exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée, un tel examen ayant conduit l'administration à considérer que lesdits véhicules avaient été livrés en France et ne pouvaient par suite donner lieu à l'exonération prévue par l'article 262 ter du code général des impôts. Dès lors, lesdits redressements n'étaient pas consécutifs à une nouvelle vérification sur place de la comptabilité de la société Projicom. Si cette société fait valoir que l'administration s'est également fondée sur des attestations obtenues lors de la vérification de comptabilité effectuée d'avril à juin 2008, cette circonstance n'est pas de nature à caractériser l'existence d'une deuxième vérification de comptabilité, rien n'empêchant l'administration, comme il a été dit, de rectifier, avant l'expiration du délai de prescription, la proposition de redressement préalablement notifiée au contribuable concerné lorsque de telles rectifications procèdent, par exemple, du recoupement d'éléments obtenus auprès de tiers avec les déclarations et documents figurant dans le dossier dudit contribuable. Il suit de là que la société Projicom n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait procédé à une deuxième vérification de comptabilité portant sur une même période et les mêmes impôts, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales.

8. Dans la mesure par ailleurs où, comme il vient d'être dit, les redressements figurant dans la proposition de rectification du 15 décembre 2009 ne procèdent pas d'une vérification de comptabilité, le moyen tiré de ce que la société Projicom n'aurait pas bénéficié des garanties attachées à cette procédure ne peut qu'être écarté.

9. En second lieu, il résulte des dispositions des articles L. 57 et R. 57-1 précités du livre des procédures fiscales que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

10. La proposition de rectification du 15 décembre 2009 indique qu'elle concerne la taxe sur la valeur ajoutée pour la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008. Elle mentionne par ailleurs les articles du code général des impôts qui constituent la base légale des impositions ainsi que les éléments de fait sur lesquels elle se fonde, s'agissant notamment de l'absence de justification des livraisons intracommunautaires déclarées par la société Projicom concernant les ventes de véhicules à la société Sanitex Logistics SL et des éléments de fait ainsi que des pièces ayant conduit l'administration à estimer que lesdits véhicules avaient en réalité été livrés en France, sans transiter par l'Espagne. Elle précise enfin clairement la portée du redressement. La société Projicom a ainsi disposé de l'ensemble des éléments lui permettant d'en contester utilement le bien-fondé, dans son principe et son montant, ce qu'elle a d'ailleurs fait par courrier du 13 janvier 2010. Elle n'est par suite pas fondée à soutenir que cette notification de redressement n'aurait pas satisfait aux exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 57 A du livre des procédures fiscales : " En cas de vérification de comptabilité d'une entreprise (...), l'administration répond dans un délai de soixante jours à compter de la réception des observations du contribuable faisant suite à la proposition de rectification mentionnée au premier alinéa de l'article L. 57. Le défaut de notification d'une réponse dans ce délai équivaut à une acceptation des observations du contribuable. (...) ". Comme il a été dit plus haut, les redressements figurant dans la proposition de rectification du 15 décembre 2009 ne procèdent pas d'une vérification de comptabilité. Aussi, et dès lors que l'article L. 57 A ne trouvait pas à s'appliquer en l'espèce, l'absence de réponse de l'administration aux observations que la société Projicom a formulées par courrier du 13 janvier 2010, dans le délai de deux mois qu'il prévoit, ne saurait être regardée comme équivalant à une acception desdites observations.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". L'obligation ainsi faite à l'administration fiscale d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle a utilisés pour procéder à des rectifications a pour objet de permettre à celui-ci, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements, soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, afin qu'il puisse en discuter la teneur ou la portée.

13. La proposition de rectification en date du 15 décembre 2009 mentionne que des opérations de visite et de perquisition conduites dans les locaux de la société Sanitex Logistics SL sur le fondement des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ont permis d'établir que cette société exerçait toute son activité en France et que les véhicules acquis auprès de la société Projicom étaient livrés directement à des sociétés d'ambulance françaises, sans avoir au préalable franchi la frontière avec l'Espagne. Elle expose également que la société Sanitex Logistics SL n'a produit aucun justificatif de transport permettant d'établir que ces véhicules auraient été livrés en Espagne avant de revenir en France et que la société Projicom, dont le siège est situé à la même adresse que celui de la société Sanitex Logistics SL, Immeuble IMC La Négresse, 19 allée Moura à Biarritz, ne pouvait ignorer ces faits, ce d'autant que certaines factures afférentes à la cession de véhicules par la société Projicom à la société Sanitex Logistics SL faisaient apparaître des dates antérieures à celles figurant sur les factures d'achat desdits véhicules à la SARL Les Dauphins. Elle comporte également un tableau détaillant, pour chacun des véhicules vendus à la société Sanitex Logistics SL au cours des années 2004, 2005, 2006, 2007 et 2008, la date de cession à cette société, l'identité du client final ainsi que la date et le montant de la cession à celui-ci, le modèle, le numéro de châssis et l'immatriculation finale du véhicule. Dans ces conditions, la société Projicom a bien été informée, dès la proposition de rectification du 15 décembre 2009, de la teneur et de l'origine des renseignements, obtenus auprès de la société Sanitex Logistics SL, sur lesquels s'était fondée l'administration pour établir les redressements en litige. Les informations portées à sa connaissance dans ce cadre étaient suffisamment précises pour lui permettre d'en discuter utilement le contenu et la portée, ce qu'elle s'est toutefois abstenue de faire. Aussi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ne peut-il être accueilli.

Sur le bien-fondé de la taxe sur la valeur ajoutée mise à la charge de la société Projicom :

14. Aux termes du I de l'article 262 ter du code général des impôts : " Sont exonérés de taxe sur la valeur ajoutée : 1° Les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne à destination d'un autre assujetti ou d'une personne morale non assujettie (...) ". L'article 93 de la loi du 30 décembre 2006 susvisée a ajouté, à la suite de ces dispositions, un deuxième alinéa, applicable à compter du 1er janvier 2007, aux termes duquel : " L'exonération ne s'applique pas lorsqu'il est démontré que le fournisseur savait ou ne pouvait ignorer que le destinataire présumé de l'expédition ou du transport n'avait pas d'activité réelle. ".

15. Si, pour ce qui concerne les années 2007 et 2008, la société Projicom fait valoir qu'il incombe à l'administration de prouver qu'elle avait connaissance de l'absence d'activité réelle de la société Sanitex Logistics SL en Espagne, les rectifications en litige ne sont pas fondées sur l'adjonction issue de l'article 93 de la loi du 30 décembre 2006, laquelle n'a d'ailleurs fait que reprendre sur ce point la jurisprudence du Conseil d'Etat antérieure au 1er janvier 2007, comme cela ressort de ses travaux préparatoires. S'agissant par ailleurs de l'année 2006, dans la mesure où la rectification prononcée par l'administration n'est, comme il vient d'être dit, pas fondée sur l'adjonction issue de l'article 93 de la loi du 30 décembre 2006, la société Projicom ne peut utilement soutenir que l'administration aurait fait application de dispositions qui n'étaient pas encore entrées en vigueur.

16. Il résulte des dispositions de l'article 262 ter du code général des impôts applicables jusqu'au 1er janvier 2007, comme de celles actuellement en vigueur, que l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée des livraisons intracommunautaires de biens est notamment subordonnée à la condition, d'une part, que l'acquéreur de ces biens soit assujetti à cette taxe ou ait la qualité de personne morale non assujettie et ne bénéficiant pas dans l'Etat membre dans lequel elle est établie d'un régime dérogatoire l'autorisant à ne pas soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée ses acquisitions intracommunautaires et, d'autre part, que le bien ait été expédié ou transporté hors de France par le vendeur, par l'acquéreur ou par un tiers pour leur compte, à destination d'un autre Etat membre. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération. S'agissant de la réalité de la livraison d'une marchandise sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne, pour l'application des dispositions précitées de l'article 262 ter du code général des impôts, seul le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est en mesure de produire les documents relatifs au transport de la marchandise, lorsqu'il l'a lui-même assuré, ou tout document de nature à justifier la livraison effective de la marchandise, lorsque le transport a été assuré par l'acquéreur.

17. Il résulte des termes mêmes de la proposition de rectification du 15 décembre 2009 que, pour refuser à la société Projicom le bénéfice de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée pour les livraisons à la société Sanitex Logistics SL qu'elle a déclarées pour les années 2006, 2007 et 2008, l'administration a considéré que les véhicules vendus à la société Sanitex Logistics SL n'avaient pas été expédiés hors de France dès lors que cette société exerçait son activité en France, dans des locaux qui, situés à la même adresse que ceux de la société requérante, ont fait l'objet d'une procédure de visite et de perquisition dans le cadre des dispositions de l'article 16 B du livre des procédures fiscales, que l'ensemble des véhicules acquis par la société Sanitex Logistics SL auprès de la société requérante avaient été vendus à des sociétés d'ambulance françaises et que la société Sanitex Logistics SL n'avait produit aucun justificatif permettant d'établir le transport des véhicules concernés en Espagne puis leur retour vers la France.

18. La société Projicom, à laquelle il incombe, en sa qualité de redevable de la taxe sur la valeur ajoutée, de prouver par tout document le caractère effectif des livraisons intracommunautaires dont elle se prévaut, fait tout d'abord état d'une attestation en date du 21 avril 2008 établie à l'entête de la SARL Les Dauphins. Cette attestation, dont l'auteur n'est pas identifiable, est rédigée en des termes très généraux et, notamment, ne comporte aucune précision sur les véhicules concernés et la période en cause. La société Projicom produit par ailleurs des factures qui, si elles sont adressées à la société Sanitex Logistics SL dont elles mentionnent une adresse en Espagne et un numéro de TVA intracommunautaire espagnol, ne comportent aucune référence à l'article 262 ter I du code général des impôts, en méconnaissance des dispositions combinées de l'article 289 du code général des impôts et du 12° de l'article 242 nonies A de l'annexe II au même code. Elle produit enfin des photocopies de chèques bancaires et de bordereaux de remise de chèques émis pas deux banques espagnoles en 2006, 2007 et 2008, et portant sur une somme de totale de 551 559 euros alors que, sur cette même période, elle a vendu trente véhicules à la société Sanitex Logistics SL pour un montant total de 1 118 406 euros. Au regard des éléments invoqués par l'administration, rappelés au point 17 ci-dessus, et à défaut pour la société Projicom de produire le moindre document relatif au transport des véhicules en cause vers l'Espagne, les documents dont elle se prévaut, qu'ils soient considérés isolément ou examinés conjointement, ne permettent ni d'établir avec certitude le transport en Espagne desdits véhicules, ni même de faire présumer un tel transport, et ce d'autant qu'il ressort du tableau joint à la proposition de rectification du 15 décembre 2009 que ces véhicules ont tous été vendus à des clients finaux domiciliés en France, dont notamment la société SAR Aquitaine, domiciliée.... A cet égard, si la société Projicom soutient que ce tableau comporte des erreurs, s'agissant notamment des ventes de véhicules à la société " Ambulances Ollivier ", il ressort de ce qui a été dit au point 2 ci-dessus que l'erreur ainsi alléguée n'est pas établie.

19. La société Projicom soutient toutefois que l'administration n'établit pas qu'elle savait, ou ne pouvait ignorer, que la société de droit espagnol Sanitex Logistics SL n'avait pas d'activité réelle.

20. Des investigations menées en Espagne ont permis d'établir que l'adresse de la société Sanitex Logistics SL figurant sur les factures émises par la société Projicom correspondait en réalité à un immeuble d'habitation n'abritant aucune société commerciale, le nom de la société, ou celui de ses administrateurs, ne figurant par ailleurs sur aucune des boîtes aux lettres. La mise en oeuvre d'un droit de communication auprès de la SARL Ambulance 24 /24, qui avait acheté sept véhicules à la société Sanitex Logistics SL au cours des années 2006 et 2007, a fait apparaître que les factures émises par cette dernière comportaient un numéro de téléphone dont le titulaire de la ligne était la SARL Service Ambulance Régional Aquitaine (SAR Aquitaine). Or, deux des trois administrateurs solidaires qui dirigeaient alors la société Sanitex Logistics SL, étaient également administrateurs de la SARL SAR Aquitaine. Les opérations de visite et de saisie réalisées dans les locaux de cette dernière société, situés au 19, allée du Moura, Immeuble IMC La Négresse, à Biarritz, le 23 octobre 2008, dans le cadre de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, ont permis d'établir que la société Sanitex Logistics SL y exerçait également ses activités. Parmi les documents saisis au cours de ces opérations, l'administration se prévaut notamment d'un document numéroté 10207, aux termes duquel les paiements effectués par les sociétés Ambulances BAB et SAR Aquitaine, en rémunération de l'achat de six véhicules à la société Sanitex Logistics SL, auraient été acquittés directement auprès de la société Projicom. Cette dernière conteste l'authenticité de ce document manuscrit, ainsi que la réalité de ces versements. Néanmoins, et outre que les six véhicules concernés sont également identifiés, aux mêmes prix et avec les mêmes acheteurs finaux, dans le tableau joint par l'administration à la proposition de rectification du 15 décembre 2009, la société Projicom ne produit aucun document, tel que des relevés bancaires, permettant d'établir que les fonds correspondants lui auraient été versés par la société Sanitex Logistics SL, aucun des chèques mentionnés au point 18 ci-dessus ne correspondant par ailleurs à ces transactions. L'administration fait également état de deux factures proforma, également saisies au cours des opérations menées le 3 octobre 2008, et numérotées 10092 et 10094, qui, établies à l'entête de la société Les Dauphins, à l'intention de la société Projicom, sont adressées à M. B..., administrateur des sociétés Sanitex Logistics SL et SAR Aquitaine. Enfin, elle se prévaut d'un procès verbal de mise à la disposition de la société SAR Aquitaine, par la société Les Dauphins, d'un véhicule Ford Galaxy ayant pour numéro de série WFOMXXGBWM6B82179. Si ce document, numéroté 10112, n'est ni signé ni daté, il ressort du tableau joint par l'administration à la proposition de rectification du 15 décembre 2009, qu'un véhicule de même marque et portant le même numéro de série a été vendu au mois de décembre 2006 à la société Sanitex Logistics SL par la société Projicom, pour un montant de 44 232 euros, le client final identifié dans ce tableau étant la société SAR Aquitaine. Dans ces conditions, et dès lors que, comme il a été dit, les locaux de la société Projicom sont situés à la même adresse que ceux de la société SAR Aquitaine, abritant également les activités de la société Sanitex Logistics SL, il est établi, que la société requérante savait ou aurait pu savoir, en effectuant les diligences nécessaires, que l'opération de livraisons intracommunautaires qu'elle effectuait la conduisait à participer à une fraude fiscale.

21. Les instructions fiscales 3 CA - 92 du 31 juillet 1992 et 3 A-3-97 du 28 mars 1997 se bornent, s'agissant des " moyens de preuve ", à énumérer les documents susceptibles d'être produits par le contribuable pour justifier le transport ou l'expédition des marchandises, en précisant que la liste n'en est pas exhaustive et que la valeur des justifications apportées doit être appréciée au cas par cas. Par suite, ces instructions ne peuvent être regardées comme comportant une interprétation de la loi fiscale dont les contribuables seraient susceptibles de se prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

22. Il résulte de ce qui précède que la société Projicom n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que l'administration fiscale avait pu légalement imposer à la taxe sur la valeur ajoutée les ventes de véhicules réalisées entre les sociétés Projicom et Sanitex Logistics SL au cours des années 2006, 2007 et 2008.

Sur les pénalités :

23. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ". La pénalité fiscale prévue par ces dispositions est au nombre des sanctions qui doivent être motivées, en application des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 et de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales. Enfin, en vertu de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, en cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable, la preuve de la mauvaise foi ou des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration.

24. En premier lieu, la proposition de rectification du 15 décembre 2009 mentionne le a de l'article 1729 du code général des impôts, dont elle rappelle la teneur, et indique par ailleurs, d'une part que la société Projicom a acquis en toute connaissance de cause des véhicules sous le régime des achats en franchise alors qu'elle ne pouvait ignorer que ces véhicules ne feraient pas l'objet d'une livraison intracommunautaire dès lors qu'elle les avaient immédiatement revendus à une société qui exerçait son activité dans le même immeuble que le sien, et, d'autre part, qu'elle n'a pas délivré à son fournisseur les attestations visées par le centre des impôts de Biarritz. Ce document mentionne ainsi les considérations de droit et de fait ayant conduit à l'application des pénalités en litige et se trouve, dès lors, suffisamment motivé au sens des dispositions de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales.

25. En deuxième lieu, pour motiver l'application de la pénalité de 40 % prévue par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts, le vérificateur s'est fondé notamment sur la circonstance que la société Projicom ne pouvait ignorer que les véhicules vendus à la société Sanitex Logistics SL ne faisaient pas l'objet d'une livraison intracommunautaire.

26. Il résulte de ce qui a été dit au point 20 ci-dessus que l'administration, qui a démontré les liens étroits et équivoques reliant les sociétés Les Dauphins, Projicom, Sanitex Logistics SL et SAR Aquitaine ainsi que la connaissance que la société Projicom avait nécessairement de la destination finale des véhicules qu'elle vendait à la société Sanitex Logistics SL, doit être regardée comme ayant établi la volonté d'éluder une partie des impositions dont la société requérante était redevable .

27. Il résulte de ce qui précède que la société Projicom n'est pas fondée à demander la décharge des pénalités litigieuses.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

28. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société Projicom demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau n° 1200881 du 4 mars 2014 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions de la société Projicom tendant à la décharge des pénalités prononcées à son encontre sur le fondement des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Projicom est rejeté.

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N° 14BX01510


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX01510
Date de la décision : 05/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Rectification (ou redressement) - Généralités.

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Rectification (ou redressement) - Commission départementale.


Composition du Tribunal
Président : M. RIOU
Rapporteur ?: M. Bertrand RIOU
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : CABINET SIRIEZ - ADVEO AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-07-05;14bx01510 ?
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