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30/06/2016 | FRANCE | N°14BX01404

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 30 juin 2016, 14BX01404


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...B...ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 27 juin 2011 de la commission départementale d'aménagement foncier de la Charente.

Par un jugement n° 1102237 du 6 mars 2014, le tribunal administratif a annulé la décision de la CDAF du 27 juin 2011 en tant qu'elle a fixé à la somme de 1 216,50 euros l'indemnité due par le département de la Charente et en a porté le montant à la somme de 3 000 euros. Le tribunal a encore jugé que les conclusions des r

equérants dirigées contre la " supposée décision " de la commission du 4 avril 201...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...B...ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 27 juin 2011 de la commission départementale d'aménagement foncier de la Charente.

Par un jugement n° 1102237 du 6 mars 2014, le tribunal administratif a annulé la décision de la CDAF du 27 juin 2011 en tant qu'elle a fixé à la somme de 1 216,50 euros l'indemnité due par le département de la Charente et en a porté le montant à la somme de 3 000 euros. Le tribunal a encore jugé que les conclusions des requérants dirigées contre la " supposée décision " de la commission du 4 avril 2012 étaient irrecevables.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 mai 2014, M. et MmeB..., représentés par Me D..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement rendu par le tribunal administratif de Poitiers le 6 mars 2014 en ce qu'il ne leur réattribue pas les parcelles cadastrées E n° 365 et E n° 545 ;

2°) d'annuler la décision du 27 juin 2011 de la commission départementale d'aménagement foncier de la Charente ;

3°) d'enjoindre à la commission départementale d'aménagement foncier de la Charente, sur le fondement des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, de leur réattribuer les parcelles E n° 365 et E n° 545 dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêté litigieux, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Mauny ;

- et les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre des opérations de remembrement réalisées sur le territoire de la commune de Vitrac-Saint-Vincent, ordonnées par le préfet de la Charente le 23 juillet 1999, la commission départementale d'aménagement foncier a rejeté une réclamation de M. et Mme B... le 11 juin 2002. Par une décision n° 278713 du 29 octobre 2007, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cette décision en tant qu'elle rejetait la réclamation des intéressés concernant le compte n° 64 des consortsB.... Une nouvelle décision en date du 28 octobre 2008 de la commission, ressaisie de la réclamation de M. et Mme B...a encore été annulée par le tribunal administratif de Poitiers le 10 novembre 2010. Ressaisie une troisième fois de la même réclamation, la commission, par décision du 27 juin 2011, a exclu toute nouvelle modification du parcellaire mais alloué une indemnité de 1 216,50 euros aux intéressés.

2. M. et Mme B...font appel du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 6 mars 2014 qui s'est borné à réformer la décision de la commission départementale d'aménagement foncier de la Charente du 27 juin 2011 et a porté l'indemnité fixée par la commission à la somme de 3 000 euros, à la charge du département de la Charente, sans faire droit à leur demande de réattribution des parcelles anciennement cadastrées E n° 365 et E n° 545 et en rejetant les conclusions de M. et Mme B...dirigées contre la " supposée décision " de la commission du 4 avril 2012 comme étant irrecevables.

Sur la régularité du jugement :

3. M. et Mme B...ont soutenu devant le tribunal administratif, dans des mémoires enregistrés le 10 mai 2013 et le 1er juillet 2013, que la commission départementale d'aménagement foncier n'avait pas justifié du caractère disproportionné des travaux nécessaires à la réattribution des parcelles E n° 365 et E n° 545 et de l'impossibilité de reconstituer avec certitude le parcellaire d'origine, et que, en l'absence d'une telle justification, la commission avait méconnu des dispositions de l'article L. 121-11 du code rural et de la pêche maritime. Or, le tribunal administratif a jugé dans un neuvième considérant : " en appliquant les dispositions précitées de l'article L. 121-11 du code rural et de la pêche maritime, qui constituent une dérogation législative à l'application stricte des conséquences de l'annulation d'un acte par le juge administratif, la commission départementale d'aménagement foncier a pu statuer en l'espèce sans méconnaître l'autorité de la chose jugée ni violer la règle de l'équivalence par nature de culture ; que les deux moyens ainsi invoqués doivent, par suite, être écartés ; qu'ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que la commission départementale d'aménagement foncier a décidé de leur allouer une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article L. 121-11 du code rural et de la pêche maritime (...) ". Ce faisant, les premiers juges n'ont pas répondu au moyen spécifique relatif à la méconnaissance par erreur de fait de l'article L. 121-11 et ont entaché le jugement d'une irrégularité. Ce jugement doit donc être annulé, et il y a lieu, pour la cour administrative d'appel, de se prononcer par voie d'évocation sur les conclusions de M. et Mme B...présentées devant le tribunal administratif et devant la cour.

Sur l'objet du litige :

4. A la suite de la saisine du tribunal administratif, la commission départementale a estimé devoir convoquer à nouveau M. et MmeB.... A l'issue de sa séance du 4 avril 2012, la commission a modifié le cadre juridique de sa précédente décision en créant notamment une nature de culture intitulée " taillis " comportant une classe unique et dont les parcelles de référence correspondaient aux deux parcelles d'apport du compte n° 64 des consortsB.... Mais elle a confirmé le plan de remembrement et la soulte devant être versée à ces derniers. Dans ces conditions, il y a lieu de regarder cette nouvelle décision comme une simple décision modificative de la décision du 27 juin 2011 intervenue après l'introduction de l'instance devant le tribunal et que les requérants sont recevables à contester.

5. En premier lieu, si M. B...soutient qu'il n'a pas été convoqué à la séance de la commission départementale d'aménagement foncier de la Charente du 27 juin 2011, il ressort des mentions mêmes de la décision que ce dernier a pu prendre la parole devant la commission. De plus, M. B...a été régulièrement convoqué devant la commission à la séance du 4 avril 2012 au cours de laquelle sa réclamation a été réexaminée après qu'il a été de nouveau entendu. Le moyen, qui manque en fait, doit être écarté.

6. En second lieu, aux termes de l'article L. 121-11 du code rural : " Lorsque la commission départementale, saisie à nouveau à la suite d'une annulation par le juge administratif, constate que la modification du parcellaire nécessaire pour assurer par des attributions en nature le rétablissement dans leurs droits des propriétaires intéressés aurait des conséquences excessives sur la situation d'autres exploitations, elle peut, par décision motivée, prévoir que ce rétablissement sera assuré par une indemnité à la charge du département, dont elle détermine le montant ". Lorsqu'une juridiction administrative connaît d'un recours contre une décision par laquelle une commission départementale d'aménagement foncier a fait application de ces dispositions, que la contestation porte sur le principe de l'octroi d'une indemnité ou sur le montant de celle-ci, elle dispose du pouvoir de modifier le montant de l'indemnité mise à la charge du département. En première instance, les requérants ont également contesté le montant de la soulte attribuée par la commission départementale.

7. Il résulte de l'instruction, d'une part, que M. et Mme B...ne pouvaient en tout état de cause invoquer aucun droit à réattribution de leurs parcelles anciennement cadastrées E n° 365 et E n° 545. D'autre part, celles-ci, après les opérations de remembrement, se trouvaient enclavées parmi d'autres propriétés : leur désenclavement aurait nécessité la création d'un chemin de desserte par prélèvement sur les parcelles attribuées à d'autres propriétaires, d'une valeur supérieure aux deux parcelles, entraînant à son tour une obligation de compensation encore plus importante ou de servitudes préjudiciables aux conditions d'exploitation d'autres propriétés. Il n'est pas contesté par ailleurs que les propriétaires des parcelles s'y sont opposés, tout comme la commune de Vitrac-Saint-Vincent au regard du coût de réalisation d'un tel chemin. Ainsi, en dépit du nouveau motif invoqué par le préfet dans son mémoire du 29 mai 2013, c'est à juste titre que la commission départementale d'aménagement foncier a estimé, le 27 juin 2011 puis le 4 avril 2012, que le rétablissement dans leurs droits de M. et MmeB..., compte tenu notamment de la valeur des terrains en litige, aurait des conséquences excessives sur la situation d'autres exploitations, et qu'il convenait d'assurer ce rétablissement par le versement d'une indemnité à la charge du département, en application de l'article L. 121-11 précité. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance par la commission de la règle d'équivalence posée par l'article L. 123-4 du code rural et de la pêche maritime doit être écarté. En outre, et pour les mêmes motifs, la décision modifiée de la commission qui a été prise après un examen complet du compte de M. et Mme B...et après modification des natures de culture à prendre en compte, n'a pas méconnu l'autorité de la chose jugée.

8. Enfin, la circonstance que M.A..., alors maire de Vitrac-Saint-Vincent, et qui a présidé la commission communale d'aménagement foncier, a été entendu par la commission départementale en tant que propriétaire concerné par la réclamation des requérants, ne suffit pas à faire regarder la décision de la commission départementale comme étant entachée d'un détournement de pouvoir. Et le moyen tiré de la composition irrégulière de la commission départementale manque en fait.

9. Ainsi, M. et Mme B...ne sont pas fondés à contester dans son principe le versement d'une indemnité décidé par la commission départementale en compensation de la non-réattribution de parcelles aux consortsB....

10. En ce qui concerne le montant de l'indemnité, il résulte encore de l'instruction que ledit montant de 1 216,50 euros a été déterminé, selon les termes de la décision du 27 janvier 2011, sur la base de 2 500 euros par hectare appliqués à la surface en litige de 48 ares et 66 centiares par référence à une estimation de France Domaine. Dans un mémoire enregistré au greffe du tribunal le 30 mai 2013, le préfet a toutefois précisé que le montant de l'indemnité correspondait à une perte de valeur vénale de 493,90 euros, calculée sur la base de 1 015 euros par hectare, auquel s'ajoutait une perte de production de bois jusqu'en 2012, pour un montant de 722,60 euros. M. et MmeB..., qui ne contestent pas les modalités du calcul de l'indemnité qui leur a été allouée sur ces bases retenues à cette fin, sont toutefois fondés à objecter à son montant dès lors que la part correspondant à la perte de production de bois a été calculée sur une durée de onze ans seulement. Il sera donc fait une juste appréciation de leurs droits, compte tenu de la perte définitive de leurs parcelles et du bois qu'ils auraient pu en obtenir, en fixant cette indemnité à 3 000 euros, y compris tous intérêts échus au jour du présent arrêt et de réformer ainsi la décision de la commission.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...sont seulement fondés à demander que l'indemnité mise à la charge du département de la Charente afin de les rétablir complètement dans leurs droits soit portée à 3 000 euros.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et MmeB..., non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 6 mars 2014 est annulé.

Article 2 : L'indemnité fixée par la commission départementale d'aménagement foncier de la Charente dans sa décision du 27 juin 2011 modifiée le 4 avril 2012 est portée à 3 000 euros. La décision de la commission est réformée conformément au présent article.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme B...la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. et Mme B...est rejeté.

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N° 14BX01404


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX01404
Date de la décision : 30/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Olivier MAUNY
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : SCP DROUINEAU COSSET BACLE LE LAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-06-30;14bx01404 ?
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