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16/06/2016 | FRANCE | N°15BX03246

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 16 juin 2016, 15BX03246


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de La Réunion à titre principal, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 73 701 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter de sa première demande et la capitalisation de ces intérêts à compter du 8 janvier 2009, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison de la modification des dispositions relatives à l'attribution de la bonification de pension pour enfant opérée par la loi du 21 août 2003 et de la faute commise par l'

Etat du fait de la méconnaissance par les décisions de justice rendues à son éga...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de La Réunion à titre principal, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 73 701 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter de sa première demande et la capitalisation de ces intérêts à compter du 8 janvier 2009, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison de la modification des dispositions relatives à l'attribution de la bonification de pension pour enfant opérée par la loi du 21 août 2003 et de la faute commise par l'Etat du fait de la méconnaissance par les décisions de justice rendues à son égard des règles et principes communautaires et, à titre subsidiaire, à ce que la Cour de justice de l'Union européenne soit saisie d'une question préjudicielle portant sur la conformité de la législation française avec l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Par une ordonnance n° 0901291 du 4 décembre 2012, le président du tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13BX00364 du 3 octobre 2013, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. C...contre cette ordonnance.

Par un arrêt n° 373695 du 5 octobre 2015, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt n° 13BX00364 de la cour administrative d'appel de Bordeaux et a renvoyé l'affaire à la cour.

Par un mémoire enregistré le 21 décembre 2015, M. C...représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 73 701 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter de sa première demande et la capitalisation de ces intérêts ;

2°) à titre subsidiaire de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une double question préjudicielle portant, l'une, sur le point de savoir si le droit à un recours effectif devant un tribunal impartial protégé par l'article 47 de la Charte européenne des droits fondamentaux de l'Union européenne, et les principes de défense des droits et réparation des articles 17 et 18 de la directive n°2006/54 s'opposent à ce que le Conseil d'Etat interprète, par un arrêt de principe, les jurisprudences Griesmar C-366/99 et Leone C-173/13 de la Cour de Justice dans une formation dont 7 à 11 membres sur 15 avaient participé aux avis consultatifs émis dans la " même " affaire, l'autre, sur le point de savoir si le Conseil d'Etat a, dans son arrêt du 27 mars 2015, dénaturé le sens et la portée de l'arrêt C-176/13 rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 17 juillet 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la cour devra tirer les conséquences de la décision du Conseil d'Etat sur le plan indemnitaire ;

- sa pension de retraite aurait dû être liquidée avec les bonifications pour enfants prévues par l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de l'Etat et selon le droit applicable au jour de sa demande ;

- l'application immédiate de la loi entraîne son application rétroactive en contradiction avec la jurisprudence européenne et en méconnaissance des principes de confiance légitime et de sécurité juridique ;

- les nouvelles dispositions législatives et réglementaires issues de la loi de finances rectificative du 29 décembre 2004 et de la loi du 21 août 2003 et de leurs décrets d'application visent à contourner le droit européen ; la condition d'interruption d'activité de plus de deux mois pour la naissance des enfants aboutit à une discrimination indirecte au regard de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne et de ses directives d'application ainsi que de l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales combiné avec l'article 1er de son premier protocole additionnel, sans qu'il soit possible d'invoquer une compensation en fin de carrière en faveur des femmes, la nouvelle rédaction en matière de retraite anticipée n'ouvrant qu'un droit apparent pour les pères de trois enfants ;

- la responsabilité de l'Etat est engagée du fait des lois et règlements de 2003 ;

- elle est également engagée du fait de la violation caractérisée par la juridiction administrative des traités européens et des principes des article 6 et 13 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- dans son arrêt Quintanel du 27 mars 2015 le Conseil d'Etat, siégeant dans une formation qui méconnaît le droit à un procès équitable, a dénaturé la portée de l'arrêt Leone et procédé à un nouveau contournement du droit communautaire qui vide de sa substance le principe d'égalité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 14 octobre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 18 janvier 2016 à 12h00.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le traité instituant la Communauté européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne notamment son article 157, anciennement 141, les protocoles qui y sont annexés, notamment le protocole n° 14 sur la politique sociale ;

- la directive n° 79/7 (CEE) du 19 décembre 1978 ;

- la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites ;

- le décret n° 2003-1305 du 26 décembre 2003 ;

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marianne Pouget,

- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., fonctionnaire du ministère de l'équipement, a demandé le 15 juillet 2003, le bénéfice d'une pension de retraite à jouissance immédiate en tant que père de trois enfants. La pension de retraite de l'intéressé a été liquidée le 15 décembre 2003 sans bonification pour enfant au titre de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite. M. C...a ultérieurement engagé une procédure tendant à la réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait qu'il a été privé de la bonification pour enfants, en se prévalant de l'incompatibilité ave le droit européen des dispositions législatives et réglementaires relatives au bénéfice de cet avantage. Par une ordonnance du 4 décembre 2012, le président du tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 73 101 euros en réparation des préjudices subis. Par un arrêt du 3 octobre 2003, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. C...contre ce jugement. Par une décision du 5 octobre 2015, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux et lui a renvoyé l'affaire. M. C...demande à la cour, à titre principal, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 73 101 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

En ce qui concerne l'application rétroactive de la réglementation nationale :

2. Aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires, dans sa rédaction issue de l'article 48 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 : " Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, les bonifications ci-après : / (...) b) Pour chacun de leurs enfants légitimes et de leurs enfants naturels nés antérieurement au 1er janvier 2004, pour chacun de leurs enfants dont l'adoption est antérieure au 1er janvier 2004 et, sous réserve qu'ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt et unième anniversaire, pour chacun des autres enfants énumérés au II de l'article L. 18 dont la prise en charge a débuté antérieurement au 1er janvier 2004, les fonctionnaires et militaires bénéficient d'une bonification fixée à un an, qui s'ajoute aux services effectifs, à condition qu'ils aient interrompu leur activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes du II du même article 48 : "Les dispositions du b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite issues de la rédaction du 2° du I s'appliquent aux pensions liquidées à compter du 28 mai 2003". En vertu des dispositions de l'article R. 13 du code des pensions civiles et militaires, dans sa rédaction issue du décret n° 2003-1305 du 26 décembre 2003 pris pour l'application des dispositions législatives précitées, le bénéfice de ces dispositions est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans.

3. Si le décret du 26 décembre 2003 pris pour l'application des dispositions législatives précitées est entré en vigueur, conformément à son article 48, le 1er janvier 2004, le II de l'article 48 de la même loi a toutefois entendu faire produire à ce décret d'application des effets antérieurs à son intervention sur les droits à pensions liquidées dès le 28 mai 2003.

4. Les modalités de liquidation d'une pension sont celles en vigueur à la date de l'admission à la retraite. Il ressort des pièces du dossier que la pension de retraite de M. C...a été liquidée par un arrêté du 19 décembre 2003, soit après l'entrée en vigueur de la loi du 21 août 2003. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il lui aurait été fait une application rétroactive des dispositions de la loi quand bien même celles-ci ont été mises en oeuvre par le décret n° 2003-1305 du 26 décembre 2003 lui-même entré en vigueur postérieurement à la date d'admission à la retraite de l'intéressé.

5. Les moyens tirés de ce que l'administration ne pouvait, sans méconnaître les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les principes de confiance légitime ou de sécurité juridique, refuser d'accorder à l'intéressé le bénéfice de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction antérieure à la loi du 21 août 2003 doivent par suite et en tout état de cause être écartés.

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat du fait de la méconnaissance par la loi des engagements européens de la France :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne :

" 1. Chaque État membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail (...). 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un État membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle ". Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le principe d'égalité des rémunérations s'oppose non seulement à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l'application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins sur la base de critères non fondés sur le sexe dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe et qu'il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre. La Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur renvoi préjudiciel de la cour administrative d'appel de Lyon, a dit pour droit dans un arrêt du 17 juillet 2014 (affaire C-173/13, Maurice Leone et Blandine Leone, notamment points 56, 89 et 98) que l'article 141 devait être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de bonification de pension tel que celui résultant des dispositions des articles L. 12 et R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé de maternité dans les conditions ouvrant droit à l'octroi de la bonification en cause, introduirait une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article. Elle a cependant rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications " " de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revenait exclusivement au juge national, seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs.

7. Si, pendant son congé de maternité, la femme fonctionnaire ou militaire conserve légalement ses droits à avancement et à promotion et qu'ainsi la maternité est normalement neutre sur sa carrière, il ressort néanmoins de l'ensemble des pièces produites et des données disponibles qu'une femme ayant eu un ou plusieurs enfants connaît, de fait, une moindre progression de carrière que ses collègues masculins et perçoit en conséquence une pension plus faible en fin de carrière. Les arrêts de travail liés à la maternité contribuent à empêcher une femme de bénéficier des mêmes possibilités de carrière que les hommes. De plus, les mères de famille ont dans les faits plus systématiquement interrompu leur carrière que les hommes, ponctuellement ou non, en raison des contraintes résultant de la présence d'un ou plusieurs enfants au foyer. Ainsi, selon les données d'une étude statistique du service des retraites de l'Etat produite par le ministre des finances et des comptes publics, si une femme fonctionnaire sans enfant perçoit à la fin de sa carrière une pension moyenne supérieure à celle des hommes également sans enfant, les femmes avec enfants perçoivent en moyenne des pensions inférieures à celles des hommes ayant le même nombre d'enfants. Selon ces données chiffrées disponibles, les écarts entre les pensions perçues par les femmes et les hommes s'accroissent avec le nombre d'enfants et la suppression de la bonification par enfant aurait pour conséquence l'aggravation de ces écarts. Le niveau de la pension ainsi constaté des femmes ayant eu des enfants résulte d'une situation passée, consécutive à leur déroulement de carrière, qui ne peut être modifiée au moment de la liquidation. Cette bonification n'a pas pour objet et ne pouvait avoir pour effet de prévenir les inégalités sociales dont ont été l'objet les femmes mais de leur apporter, dans une mesure jugée possible, par un avantage de retraite assimilé à une rémunération différée au sens de l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, une compensation partielle et forfaitaire des retards et préjudices de carrière manifestes qui les ont pénalisées.

8. Par la loi du 21 août 2003, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles ont été prises les dispositions litigieuses, en ne maintenant le bénéfice automatique de la bonification que pour les femmes fonctionnaires et militaires mères d'enfants nés avant le 1er janvier 2004. Ce faisant, le législateur a entendu maintenir à titre provisoire, en raison de l'intérêt général qui s'attache à la prise en compte de cette situation et à la prévention des conséquences qu'aurait la suppression des dispositions du b de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite sur le niveau des pensions servies aux assurées dans les années à venir, ces dispositions destinées à compenser des inégalités normalement appelées à disparaître.

9. Dans ces conditions, la différence de traitement dont bénéficient indirectement les femmes mères d'enfants nés avant le 1er janvier 2004 par le bénéfice systématique de la bonification pour enfant tel qu'il découle de la prise en compte du congé maternité, en application des dispositions combinées du b de l'article L. 12 et de l'article R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale, qu'elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet. Par suite, et contrairement à ce que soutient M.C..., les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité tel que défini à l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " . Aux termes de l'article 14 de la même convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ;

11. Les pensions constituent des créances qui doivent être regardées comme des biens au sens de l'article 1er précité du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la bonification en cause a pour objet de compenser les inconvénients en termes de carrière subis par les fonctionnaires du fait de l'interruption de leur service en raison de la naissance ou de l'éducation des enfants. Ce régime tel qu'il est mis en oeuvre par le décret du 26 décembre 2003 dont l'article 15 fixe la durée d'interruption du service à deux mois au moins et se réfère aux positions statutaires permettant une telle interruption, est objectivement justifié par un objectif légitime de politique sociale, ainsi qu'il vient d'être dit. Par conséquent, il répond aux exigences d'intérêt général réservées par les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale. Il ne méconnaît donc pas les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de son premier protocole additionnel.

12. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à rechercher la responsabilité pour faute de l'Etat du fait de la violation par les lois ou règlements des règles issues des traités de l'Union européenne et des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la méconnaissance du droit européen par les juridictions administratives susceptibles d'engager la responsabilité de l'Etat :

13. Il résulte de ce qui précède que M.C..., pour contester le régime des pensions résultant des dispositions de la loi du 21 août 2003 et du décret du 26 décembre 2003, ne peut se prévaloir d'aucune méconnaissance, ni a fortiori d'une violation manifeste par le législateur ou même le pouvoir réglementaire des stipulations européennes qu'il a invoquées et notamment de celles interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne dans l'arrêt " Leone " du 17 juillet 2014. Par conséquent, M. C...n'est pas non plus fondé à soutenir que la responsabilité de l'Etat devrait être engagée du fait de l'application de ces dispositions par les juridictions administratives.

14. Il résulte encore des motifs exposés aux points 6 à 9 ci-dessus, et notamment au point 6 du présent arrêt qui se réfère aux points 56 et 89 de l'arrêt " Leone " de la Cour de justice, que l'office du juge national, seul compétent pour apprécier les faits et interpréter la législation nationale, ne nécessite pas, en l'espèce, le renvoi à la Cour de justice d'une nouvelle question préjudicielle, compte tenu de l'interprétation du droit européen fournie par cette dernière.

15. Enfin, le présent arrêt ne saurait être regardé comme étant pris pour l'application de la décision n° 372426 rendue par le Conseil d'Etat le 27 mars 2015. Le moyen selon lequel le Conseil d'Etat aurait alors statué au contentieux dans une formation de jugement irrégulièrement composée est en tout état de cause inopérant.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président du tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande d'indemnisation.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ". Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre des finances et des comptes publics.

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Marianne Pouget, président-assesseur,

M. Olivier Mauny, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 16 juin 2016.

Le rapporteur,

Marianne Pouget

Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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