Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Les époux C...ont demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le centre hospitalier de Pau à réparer les conséquences dommageables de l'infection contractée par M.C.... Appelée en la cause, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Pau-Pyrénées a demandé le remboursement des débours exposés pour le compte de son assuré et le paiement de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Par un jugement n° 1201670 du 6 février 2014, le tribunal administratif de Pau a condamné le centre hospitalier général de Pau à payer à M. C...et à Mme C...des indemnités respectives de 79.050 euros et 6.000 euros avec intérêts légaux à compter du 17 septembre 2012, d'autre part, à la CPAM de Pau-Pyrénées les sommes de 350.248,16 euros en remboursement de ses débours et de 1.028 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 4 avril, 12 mai et 4 juillet 2014, le centre hospitalier de Pau, représenté par MeB..., demande à la cour d'annuler ce jugement du 6 février 2014 du tribunal administratif de Pau et de rejeter les demandes des époux C...et de la CPAM de Pau-Pyrénées ainsi que les conclusions de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique.
- le code de la sécurité sociale.
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau,
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant l'ONIAM.
Considérant ce qui suit :
1. Souffrant d'une pancréatite aiguë extrêmement sévère, M. C...a été hospitalisé le 15 juin 2008 au service des urgences du centre hospitalier de Pau. Les époux C...ont demandé au tribunal administratif de Pau de condamner l'établissement à réparer les conséquences dommageables de l'infection contractée par M. C...lors de son séjour. Appelée en la cause, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Pau-Pyrénées a demandé le remboursement des débours exposés pour le compte de son assuré et le paiement de l'indemnité forfaitaire de gestion. Par un jugement du 6 février 2014, le tribunal administratif de Pau a condamné le centre hospitalier de Pau à payer, d'une part, à M. C...et à son épouse des indemnités respectives de 79.050 euros et 6.000 euros avec intérêt légaux à compter du 17 septembre 2012, d'autre part, à la CPAM de Pau-Pyrénées la somme de 350.248,16 euros en remboursement de ses débours et la somme de 1.028 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Le centre hospitalier de Pau relève appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, les époux C...demandent que les indemnités allouées soient portées respectivement à 79.050 euros pour M. C...et à 6.000 euros pour son épouse.
Sur la régularité du jugement :
2. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier la portée.
Sur la responsabilité :
3. Il résulte du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique que tout établissement dans lequel sont réalisés des actes de prévention, de diagnostic ou de soins est responsable des dommages résultant d'infections nosocomiales, qu'elles soient exogènes ou endogènes, sauf s'il rapporte la preuve d'une cause étrangère. Seule une infection survenant au cours ou au décours d'une prise en charge et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de la prise en charge peut être qualifiée de nosocomiale.
4. Hospitalisé au sein du service de réanimation pour ses douleurs épigastriques, M. C..., alors âgé de 64 ans, a subi sous endoscopie une sphinctérotomie du canal cholédoque le 18 juin 2008. Les examens bactériologiques de la bile pratiqués le même jour et le lendemain n'ont pas révélé la présence de staphylocoques dorés. Jusqu'au 20 août 2008, les lésions pancréatites et péri-pancréatites se sont aggravées et le patient a présenté diverses complications, insuffisance rénale, surinfections respiratoires, poly-neuropathie de réanimation, déglobulisation, escarres, tachycardie, en particulier de nombreux épisodes infectieux pulmonaires suivis d'antibiothérapies. Les 12 et 25 juillet, le staphylocoque doré est retrouvé successivement dans les sécrétions respiratoires et dans le sang. Le patient a été transféré au service de soins continus, le 20 août, puis en gastro-entérologie, du 27 août au 11 septembre. La découverte d'une tuméfaction du genou gauche a entraîné son transfert en rhumatologie du 11 septembre au 5 novembre. Le 16 septembre, une arthrite septique occasionnée par le staphylocoque a été diagnostiquée. A compter de cette date et jusqu'au 5 janvier 2009, M. C... a été traité au sein du service de médecine interne et des maladies infectieuses pour cette infection du genou et l'infection de la valve aortique diagnostiquée en décembre 2008. La consolidation de son état de santé a été fixée à la date non contestée du 22 juin 2010 par les experts commis par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux d'Aquitaine.
5. Selon le rapport établi le 10 mars 2011 par ces experts, l'infection de M. C...par le staphylococcus aureus, à l'origine d'une incapacité permanente partielle de 15 %, résulte, non du développement d'une infection préexistante, mais des multiples effractions cutanées subies à compter du 18 juin 2008 au sein du service de réanimation. En l'absence au début de la prise en charge de tout foyer infectieux développé ou en incubation, la circonstance que le patient était porteur de plusieurs germes lors de son admission est sans incidence. Le rapport produit en appel par le centre hospitalier de Pau, établi sur sa demande le 30 avril 2014 par un expert judiciaire en infectiologie nosocomiale conclut que l'arthrite septique et l'endocardite infectieuse survenues respectivement en août et décembre 2008 " sont la conséquence d'un état antérieur qui a engendré ces surinfections respiratoires ou pulmonaires en particulier staphylococciques, par la longueur de séjour en réanimation ". Toutefois, si la fragilité de l'état de santé initial du patient a favorisé l'infection en cause, cette infection, provoquée par des actes médicaux invasifs ne peut être regardée comme résultant d'une circonstance extérieure à l'activité de l'établissement. Le centre hospitalier de Pau ne rapporte donc pas la preuve d'une cause étrangère de nature à l'exonérer de sa responsabilité.
Sur la réparation :
6. Comme le mentionne l'expertise du 10 mars 2011, l'insuffisance du ventricule gauche entraînant dyspnée d'effort et fatigabilité est uniquement imputable aux antécédents médicaux très lourds de M.C..., qui a subi un infarctus suivi d'un triple pontage coronarien et présente une hypertension artérielle, une fibrillation auriculaire et un dysfonctionnement thyroïdien. Les seuls préjudices indemnisables sont ceux directement imputables, d'une part, à l'infection du genou gauche, qui sur un terrain arthrosique antérieur diagnostiqué en 2005, a entraîné des lésions dégénératives du compartiment interne, d'autre part, à l'insuffisance aortique.
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux de M. C...:
7. La CPAM de Pau-Pyrénées justifie avoir exposé des débours d'un montant de 350.248,16 euros à compter de l'admission de son assuré au service de réanimation, le 18 juin 2008, jusqu'au 20 février 2009, date de sa sortie définitive du service de convalescence. Toutefois, les conséquences de la pancréatite ne peuvent être prises en compte. Il résulte de l'instruction que le séjour en rhumatologie, du 11 septembre au 5 novembre 2008, dont le coût peut être évalué à 19.575,92 euros sur la base des prix de journée ressortant du relevé produit par la caisse, puis à compter de cette date jusqu'au 5 janvier 2009, les frais de séjour au service de médecine interne et des maladies infectieuses, d'un montant de 59.447,42 euros, sont directement imputables aux infections en cause. Les frais de 6.730,13 euros pour la période du 5 au 20 janvier 2009 peuvent également être retenus. En revanche, la période postérieure au 20 janvier 2009, date à laquelle M. C...a subi une opération liée à sa cholécystite aiguë ne peut être retenue. Dans ces conditions, à défaut de tout autre élément apporté par la caisse, qui permettrait une ventilation plus précise des dépenses imputables à la septicémie, il y a lieu de ramener à 85.753,47 euros le montant de 350.248,16 euros alloué par le tribunal.
8. En allouant une indemnité de 4.166 euros correspondant au coût de l'aménagement du véhicule de M. C...et un capital de 10.326 euros pour le renouvellement des équipements, les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante de ce poste de préjudice. Le montant de 12.475 euros et le montant de 41.723 euros au demeurant supérieur à celui de 33.948,07 euros demandé par la voie de l'appel incident au titre de l'indemnité pour l'acquisition et l'entretien d'un monte-escalier ne sont pas contestés par le centre hospitalier.
9. La nécessité de faire appel à une tierce personne pour l'entretien du jardin des époux C...n'est pas établie. La demande de 7.025,88 euros présentée à ce titre, qui ne se rattache d'ailleurs à aucun des préjudices patrimoniaux permanents directement imputables à l'infection en cause, ne peut donc être accueillie.
En ce qui concerne les préjudices personnels de M.C... :
10. Pour déterminer la réparation due au titre de l'incapacité temporaire totale imputable à l'infection, il n'y a pas lieu de tenir compte de l'incapacité de 3 mois nécessairement entraînée par l'état antérieur du patient. M. C...s'est trouvé en incapacité temporaire totale du 15 juin 2008 au 20 février 2009. Il y a lieu de prendre en compte, sur la base d'un montant mensuel de 500 euros, la période du 15 septembre 2008 au 20 février 2009 soit 5 mois d'incapacité temporaire totale, 3 mois d'incapacité à hauteur de 50 % du 21 février au 26 mai 2009, puis environ 7 mois à hauteur de 30 % jusqu'au 31 décembre 2009 et 6 mois à hauteur de 20 % jusqu'au 22 juin 2010. La réparation des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence incluant la séparation d'avec sa famille et l'emploi d'un fauteuil roulant et d'un déambulateur doit être évaluée à 7.000 euros. Les experts ont, sans ambiguïté estimé à 15 % le déficit fonctionnel permanent imputable à la septicémie à staphylocoque, ce qui justifie l'allocation de 19.500 euros. Par suite, en allouant un montant total de 19 000 euros, les premiers juges ont fait une appréciation insuffisante de ces postes. M. C...est fondé à demander que l'indemnité correspondante soit portée à 26.500 euros.
11. Les premiers juges n'ont pas fait une appréciation insuffisante des souffrances physiques de M.C..., évaluées à 3 et à 2 sur une échelle de 7 en allouant de ce chef une indemnité de 3.000 euros. Compte tenu de son état antérieur, M. C...ne justifie pas d'un préjudice occasionné par l'interruption d'activités sportives ou même de randonnée. En allouant le montant de 3.000 euros, le tribunal a fait une juste évaluation du préjudice d'agrément occasionné par l'abandon du jardinage.
En ce qui concerne les préjudices de MmeC... :
12. En se bornant à produire une estimation basée sur un barème kilométrique et une attestation sur l'honneur, Mme C...ne justifie pas avoir assumé personnellement des frais de déplacement pour se rendre deux fois par jour pendant 240 jours au chevet de son époux. Au surplus, les frais allégués ne sont pas tous imputables aux infections en cause. Le montant de 3.000 euros alloué de ce chef, non contesté par le centre hospitalier de Pau, n'est pas insuffisant. En accordant une indemnité de 3.000 euros, les premiers juges n'ont pas fait une appréciation insuffisante du préjudice moral de MmeC....
13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de procéder à une expertise complémentaire, que le centre hospitalier de Pau est seulement fondé à demander que le montant accordé à la CPAM de Pau-Pyrénées en remboursement de ses débours soit ramené à 85.753,47 euros. M. C...est fondé à demander que l'indemnité qui lui a été allouée soit portée à 86.550 euros. Il y a lieu de réformer en ce sens le jugement attaqué.
Sur les frais de procès non compris dans les dépens :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier de Pau soit condamné à payer à l'ONIAM (qui n'a d'ailleurs pas la qualité de partie) la somme qu'il demande à ce titre. Il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire de mettre à sa charge, sur le même fondement, la somme de 1.500 euros à payer aux épouxC....
DECIDE
Article 1er : L'indemnité que le centre hospitalier de Pau a été condamné à payer à M. C...par l'article 1er du jugement du 6 février 2014 du tribunal administratif de Pau est portée à 86.550 euros.
Article 2 : Le montant que le centre hospitalier de Pau a été condamné à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de Pau-Pyrénées par l'article 2 du jugement susmentionné est ramené à 85.753,47 euros.
Article 3 : Le jugement du 6 février 2014 du tribunal administratif de Pau est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le centre hospitalier de Pau versera aux époux C...la somme de 1.500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Pau-Pyrénées, les conclusions de l'ONIAM, le surplus des conclusions d'appel des époux C...et le surplus des conclusions du centre hospitalier de Pau sont rejetés.
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N° 14BX01072