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26/05/2016 | FRANCE | N°15BX04094

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre (formation à trois), 26 mai 2016, 15BX04094


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les décisions du préfet de la Vienne du 1er juillet 2015 portant refus de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1501824 du 4 novembre 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 décembre 2015, M.A..., rep

résenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les décisions du préfet de la Vienne du 1er juillet 2015 portant refus de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1501824 du 4 novembre 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 décembre 2015, M.A..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers n° 1501824 du 4 novembre 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Vienne en date du 1er juillet 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat de la somme de 3 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Paul-André Braud,

- et les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant sénégalais né en 1990, est entré régulièrement en France le 5 décembre 2009, sous couvert d'un visa de long séjour en qualité de salarié valable un an délivré par les autorités consulaires françaises à Dakar, dont il n'a pas demandé le renouvellement. Il a fait l'objet le 8 novembre 2012 d'un arrêté du préfet des Pyrénées-Atlantiques lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français. A la suite d'un accident de circulation dont il a été victime le 6 août 2014, il a sollicité le 10 octobre 2014 une " admission exceptionnelle au séjour pour soins médicaux et travail ". Le préfet de la Vienne, par un arrêté du 1er juillet 2015, a refusé de délivrer à M. A...un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A...relève appel du jugement du 4 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Par une décision n° 2015/20522 du 29 décembre 2015, confirmée par une ordonnance du président de la cour n° 16BX00076 du 14 janvier 2016, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux a rejeté la demande d'aide juridictionnelle de M. A.... Dans ces conditions, les conclusions de M. A...tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.

Sur la légalité de l'arrêté du 1er juillet 2015 du préfet de la Vienne :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...).". Selon l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code précité : " (...) le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : /- si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; /- si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; /- s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; /- la durée prévisible du traitement ; Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays.(...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en a fait la demande sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays de renvoi. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine.

4. Si le médecin de l'agence régionale de santé a, dans son avis en date du 30 janvier 2015, estimé que l'état de santé de M. A...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il n'existait pas de traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine et que ce traitement devait être poursuivi pendant 12 mois, le préfet de la Vienne a néanmoins rejeté la demande de titre de séjour de M. A...en qualité d'étranger malade aux motifs que " le Sénégal dispose des soins et équipements nécessaires au traitement de toutes les pathologies ", que " l'intéressé a la possibilité de bénéficier de soins appropriés dans son pays d'origine et qu'il n'établit pas, ni même n'allègue une impossibilité d'accéder effectivement à des soins dans ce pays, ni que la poursuite de son traitement ne puisse se dérouler qu'en France " et que M. A..." a bénéficié en France des soins nécessaires à sa pathologie ". M. A...soutient que le préfet de la Vienne ne rapporte pas la preuve qui lui incomberait, au regard de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, que le traitement requis par son état de santé serait disponible dans son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que M. A...a été victime d'un accident de la circulation le 6 août 2014 occasionnant une fracture diaphysaire ouverte des deux os de la jambe droite, pour laquelle M. A...a été opéré en août et octobre 2014. Il ressort du certificat médical du 15 janvier 2015 qu'à l'issue de ces interventions l'état de santé de M. A...nécessitait un suivi régulier en orthopédie, de la rééducation ainsi qu'une nouvelle opération pour l'ablation du matériel posé lors des précédentes interventions. Il ressort également des pièces du dossier, et notamment du compte-rendu de consultation du 2 juin 2015, qu'à la date de l'arrêté en litige, l'ablation du matériel d'ostéosynthèse était prévue pour le 3 juillet 2015, soit postérieurement à l'arrêté en litige. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la reproduction d'un extrait du site internet du centre hospitalier de l'ordre de Malte à Dakar, que celui-ci dispose du personnel, des équipements et des infrastructures requises pour la chirurgie orthopédique, si bien que cette intervention aurait pu être réalisée dans le pays d'origine de M.A.... Enfin, si ce dernier invoque également le traitement requis par son état de santé à l'issue de cette intervention, soit 14 jours de kinésithérapie, des soins locaux et la prise d'antalgiques selon le compte-rendu opératoire du 3 juillet 2015, il ressort, d'une part, de ce même extrait du site internet que le centre hospitalier de l'ordre de Malte de Dakar dispose également d'une salle de kinésithérapie et du personnel requis et, d'autre part, de la liste nationale des médicaments et produits essentiels du Sénégal, que des antalgiques sont disponibles dans ce pays. Par ailleurs si M. A...soutient qu'il doit faire l'objet d'autres interventions, lesquelles ne sont au demeurant même pas précisées, et que son traitement ne peut être interrompu, il ne produit aucune pièce à l'appui de ces allégations. Ainsi, il ressort des pièces du dossier que, nonobstant l'avis contraire émis par le médecin de l'agence régionale de santé, le traitement requis à la date de l'arrêté en litige par l'état de santé de M. A...est disponible dans son pays d'origine Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur d'appréciation de l'état de santé de l'intéressé doivent être écartés.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi (...) ". Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...)10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) ".

7. Ainsi que cela a été énoncé au point 4, il ressort des pièces du dossier qu'il existe un traitement approprié à l'état de santé de M. A...dans son pays d'origine. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de l'expiration du délai accordé par la mesure d'éloignement, M. A...ait été hors d'état de supporter un voyage sans danger pour sa santé ni qu'il ait été l'objet d'un traitement médical dont l'interruption lui aurait fait courir des risques graves. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

8. En troisième lieu, M. A...soutient que la mesure d'éloignement méconnaît son droit à un procès équitable reconnu par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au motif que l'exécution de cette décision l'empêcherait d'assister à l'audience du procès intenté à l'auteur de son accident. Cependant les stipulations de cet article ne sont applicables qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions lorsqu'elles statuent sur des droits ou des obligations de caractère civil ou des accusations en matière pénale. Les stipulations de cet article ne peuvent donc être utilement invoquées à l'encontre d'une mesure d'éloignement.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

10. Si M. A...fait valoir qu'il vit en concubinage depuis début 2014 avec une ressortissante française, il indiquait dans sa demande de titre de séjour, qui date du 10 octobre 2014, qu'il était célibataire. En outre les pièces produites à l'appui de cette allégation, à savoir un contrat de location devant prendre effet le 1er septembre 2015, au demeurant non signé par les locataires, et une quittance de loyer également postérieure à l'arrêté en litige, ne permettent d'établir ni l'ancienneté ni même l'existence de ce concubinage. Par ailleurs, il n'est pas contesté que M. A...n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident ses parents, cinq soeurs et un frère. Dans ces conditions, le préfet de la Vienne a pu faire obligation à M. A...de quitter le territoire français sans porter une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. En cinquième lieu, il résulte de ce qui est énoncé aux points 4, 7 et 10 que le préfet de la Vienne n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'obligation de quitter le territoire français sur la situation de M.A....

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

12. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de la décision fixant le pays de renvoi par voie d'exception de l'illégalité du refus de titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Vienne du 1er juillet 2015. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A...tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.

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No 15BX04094


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre (formation à trois)
Numéro d'arrêt : 15BX04094
Date de la décision : 26/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SALL MARBEUF

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-05-26;15bx04094 ?
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