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07/04/2016 | FRANCE | N°14BX01050

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 07 avril 2016, 14BX01050


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A...a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner solidairement La Poste et l'Etat à lui payer une indemnité de 90.000 euros en réparation des préjudices occasionnés par la gestion de sa carrière.

Par un jugement n° 1200641 du 6 février 2014, le tribunal administratif de Limoges a condamné l'Etat et La Poste au paiement d'une indemnité de 8.000 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 4 avril 2014, 3 juin 2014, 23 f

évrier 2015, 19 mars 2015 et 27 mai 2015, MmeA..., représentée par MeC..., demande à la cour : ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A...a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner solidairement La Poste et l'Etat à lui payer une indemnité de 90.000 euros en réparation des préjudices occasionnés par la gestion de sa carrière.

Par un jugement n° 1200641 du 6 février 2014, le tribunal administratif de Limoges a condamné l'Etat et La Poste au paiement d'une indemnité de 8.000 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 4 avril 2014, 3 juin 2014, 23 février 2015, 19 mars 2015 et 27 mai 2015, MmeA..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 6 février 2014 en portant l'indemnité allouée au montant, fixé dans ses dernières écritures, à 90.000 euros, soit 20.000 euros pour son préjudice moral et 70.000 euros pour son préjudice de carrière ;

2°) de mettre à la charge de L'Etat et La Poste les dépens de l'instance et la somme de 2.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- le décret n° 58-777 du 25 août 1958

- le décret n° 90-1235 du 31 décembre 1990 ;

- le décret n° 91-103 du 25 janvier 1991 ;

- le décret n° 92-930 du 7 septembre 1992 ;

- le décret n° 2009-1555 du 14 décembre 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Marie-Thérèse Lacau,

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public,

- et les observations de MmeA....

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., fonctionnaire de La Poste ayant refusé l'intégration dans l'un des corps dits de " reclassification ", a saisi le tribunal administratif de Limoges d'une demande de condamnation solidaire de l'Etat et La Poste à réparer le préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de son absence de promotion. Par un jugement du 6 février 2014, le tribunal administratif, estimant que l'Etat et La Poste avaient commis des fautes de nature à engager leur responsabilité, les a condamnés solidairement à payer à Mme A...une indemnité de 8.000 euros en réparation de son préjudice de carrière et de son préjudice moral résultant de la perte de chance sérieuse de promotion. Mme A...relève appel de ce jugement et demande que l'indemnité allouée soit portée au montant, fixé dans ses dernières écritures, de 90.000 euros. Le ministre de l'économie et des finances et La Poste concluent au rejet de la requête et demandent, par la voie de l'appel incident, le rejet de la demande présentée en première instance par MmeA....

Sur la régularité du jugement :

2. L'article R. 711-3 du code de justice administrative prévoit que les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens des conclusions du rapporteur public sur l'affaire qui les concerne. La communication aux parties du sens des conclusions, telle que prévue par ces dispositions, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré.

3. Mme A...soutient qu'elle n'a pas été mise à même de connaître, avant l'audience, le montant de son indemnisation et les motifs fondant le rejet du surplus de ses prétentions. Il ressort toutefois des mentions du site Sagace, qu'elle pouvait consulter, que le rapporteur public a fait état de la condamnation solidaire de La Poste et de l'Etat au paiement d'une indemnité de 7.000 euros assortie des intérêts légaux à compter du 16 février 2012, du paiement de la somme de 1.535 euros au titre des frais de procès et du rejet du surplus des conclusions de la requête. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement rendu aurait méconnu les exigences de l'article R. 711-3 du code de justice administrative et celles de l'article L.5 du même code aux termes duquel: " L'instruction des affaires est contradictoire " doit être écarté.

Sur la responsabilité de l'Etat et de la Poste :

4. Aux termes de l'article 29 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 : " Les personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (...) ". L'article 31 de la même loi a permis à La Poste d'employer, sous le régime des conventions collectives, des agents contractuels. Aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 : " En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...), non seulement par voie de concours (...) mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : / 1° Examen professionnel ; / 2° Liste d'aptitude établie après avis de la commission paritaire du corps d'accueil (...) ". En vertu de l'article 58 de la loi du 11 janvier 1984 et des dispositions réglementaires prises pour son application, il appartient à l'autorité administrative, sauf à ce qu'aucun emploi vacant ne soit susceptible d'être occupé par des fonctionnaires à promouvoir, d'établir annuellement des tableaux d'avancement en vue de permettre l'avancement de grade.

5. D'une part, la possibilité offerte aux fonctionnaires qui sont demeurés dans les corps dits de " reclassement " de La Poste de bénéficier, au même titre que les fonctionnaires ayant choisi d'intégrer les nouveaux corps dits de " reclassification " créés en 1993, de mesures de promotion organisées en vue de pourvoir des emplois vacants proposés dans ces corps de " reclassification ", ne dispensait pas le président de La Poste de faire application des dispositions de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne dans le cadre des corps de " reclassement ". Il appartenait, en outre, au ministre chargé des postes et télécommunications de veiller de manière générale au respect par La Poste de ce droit à la promotion interne, garanti aux fonctionnaires " reclassés " comme aux fonctionnaires " reclassifiés " de l'exploitant public par les dispositions combinées de la loi du 2 juillet 1990 et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984.

6. D'autre part, le législateur, par la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales, en permettant à La Poste de ne recruter, le cas échéant, que des agents contractuels de droit privé, n'a pas entendu priver d'effet les dispositions de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne à l'égard des fonctionnaires " reclassés ". Par suite, les décrets régissant les statuts particuliers des corps de " reclassement ", en ce qu'ils n'organisaient pas de voies de promotion interne autres que celles liées aux titularisations consécutives aux recrutements externes et privaient en conséquence les fonctionnaires " reclassés " de toute possibilité de promotion interne, étaient entachés d'illégalité. En faisant application de ces décrets illégaux et en refusant de prendre toute mesure de promotion interne au bénéfice des fonctionnaires " reclassés " au motif que ces décrets en interdisaient la possibilité, le président de La Poste a, de même, entaché ses décisions d'illégalité fautive. Des promotions internes pour les fonctionnaires " reclassés " non liées aux recrutements externes ne sont redevenues possibles, au sein de La Poste, que par l'effet du décret du 14 décembre 2009.

7. Il en résulte que les illégalités fautives dont sont entachées les décisions prises par la Poste, en tant qu'employeur, et par l'Etat, en tant qu'autorité de tutelle qui s'est abstenue de prendre, avant le 14 décembre 2009, le décret organisant les possibilités de promotion interne pour les fonctionnaires des corps de " reclassement " de cet établissement, sont de nature à engager la responsabilité solidaire de ces derniers et à ouvrir droit à réparation au profit de MmeA.... Il ne peut donc être utilement soutenu que le préjudice allégué résulterait du choix de l'agent qui, en n'optant pas pour un corps de " reclassification ", se serait lui-même privé de toute chance de promotion.

Sur les préjudices :

8. En vertu des dispositions combinées des décrets des 25 août 1958 et 25 janvier 1991, un agent de catégorie B peut être promu, par voie de promotion interne, dans le corps des inspecteurs, en étant inscrit sur une liste d'aptitude par avancement au choix, à la condition d'être âgé de plus de 40 ans et de justifier de 10 ans de services effectifs dans un corps de catégorie B. Il est constant que MmeA..., titularisée dans le corps des agents d'exploitation le 16 novembre 1983 puis le 11 octobre 1988, dans le grade de contrôleur et âgée de 40 ans en septembre 2001, remplissait les conditions statutaires pour être promue inspecteur dès l'année 2002. Elle fait valoir que sa manière de servir lui a valu la note " E ", correspondant à des résultats excellents au titre des années 1992 à 1999, de 2006 à 2008 et en 2010 et que sa hiérarchie a relevé son aptitude à occuper un poste de niveau supérieur, notamment en 2007 et en 2008. Toutefois, elle ne conteste pas sérieusement le fait que près d'un tiers des agents bénéficient de la note E, alors que seuls 8 à 11 % des agents bénéficient d'une promotion. A compter de l'année 2002, date à laquelle elle remplissait les conditions statutaires pour être promue et jusqu'en 2005, elle s'est vu attribuer la note " B ". La note " E " ne lui a été attribuée qu'au titre des années 2006 à 2008. Dans ces conditions, ni le document relatif au déroulement de carrière d'un collègue ayant accepté sa reclassification, d'ailleurs dépourvu de toutes précisions sur sa manière de servir, ni les fiches de notation de la requérante, ni aucun autre élément n'établissent, eu égard notamment au nombre de postes proposés à l'avancement par liste d'aptitude, la perte de chance sérieuse de promotion au grade d'inspecteur principal alors même que du fait de la mutation dont elle a fait l'objet, la notation antérieure ne pouvait être maintenu . Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont condamné l'Etat et La Poste à lui payer une indemnité de ce chef.

9. En revanche, contrairement à ce qui est soutenu à l'appui des appels incidents, sans qu'y fasse obstacle le défaut de caractère certain du préjudice de carrière allégué, Mme A...a subi, du fait de l'atteinte à ses droits statutaires, des troubles dans ses conditions d'existence et un préjudice moral dont les premiers juges ont fait une appréciation insuffisante en le fixant à 2.000 euros. Dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de porter à 8.000 euros ce chef de préjudice.

10. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que Mme A...n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a condamné l'Etat et La Poste à lui verser une indemnité de seulement 8.000 euros, d'autre part, que les appels incidents de l'Etat et de La Poste doivent être rejetés.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge des défendeurs, qui ne sont pas les parties perdantes à l'instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'affaire, de faire droit aux conclusions présentées par La Poste sur le même fondement.

DECIDE

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Etat et de La Poste sont rejetées.

t arrêt.

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14BX01050


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX01050
Date de la décision : 07/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Agissements administratifs susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance publique - Retards.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: Mme Marie-Thérèse LACAU
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : SCP D AVOCATS SAIDJI et MOREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-04-07;14bx01050 ?
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