Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les décisions du préfet de Tarn-et-Garonne du 27 avril 2015 portant refus de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1502540 du 13 octobre 2015, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 novembre 2015, MmeA..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 octobre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Tarn-et-Garonne du 27 avril 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Tarn-et-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dès la notification de l'arrêt à intervenir, au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté, qui comporte des formules stéréotypées, n'est motivé ni en droit ni en fait. Le préfet a repris les motifs du refus de sa demande d'asile relatifs à la situation économique en Arménie sans prendre en compte la pathologie lourde dont elle est atteinte ou l'absence de traitement de sa maladie en Azerbaïdjan, alors qu'elle justifie détenir la nationalité de ce pays ;
- les pathologies dont elle souffre, et que le préfet a reconnues, nécessitent des soins réguliers et notamment un traitement par chimiothérapie dont elle ne pourra pas effectivement bénéficier dans son pays d'origine. Le préfet a ainsi méconnu le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ne tenant pas compte de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, qui a admis sa nationalité azérie et a estimé que le traitement nécessaire à son état de santé n'est pas disponible en Azerbaïdjan. Elle dispose de faibles revenus, ce qui l'expose incontestablement à l'impossibilité financière de prendre en charge l'ensemble des frais médicaux que son état de santé, qui s'est récemment dégradé, induit ;
- ses origines azéries ont dû être dissimulées compte tenu de la situation de cette minorité en Arménie. Les autorités de ce pays ont refusé de lui délivrer un passeport arménien et elle établit que son père est issu de cette communauté. Du fait des profonds traumatismes subis dans les différents pays de la région du Caucase où elle a vécu, elle souhaite fuir ce passé et pouvoir se reconstruire dans un pays où vivent ses enfants, sans le poids des conflits ethniques ;
- présente en France depuis l'année 2009, elle a bénéficié d'autorisations provisoires de séjour en qualité d'étranger malade. Elle vit chez son fils installé à Montauban, qui a eu une fille avec sa compagne, et son autre fils est également présent sur le territoire français. Elle est reconnue comme travailleur handicapé et est bien intégrée à la société française. Le refus d'autoriser son séjour porterait une atteinte manifestement disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale auprès de ses deux enfants. Elle ne dispose d'aucune attache dans son pays d'origine ;
- née d'une mère arménienne et d'un père azéri, elle a fait l'objet de discriminations et de violences tant en Arménie, où son époux a été assassiné, qu'en Géorgie ou en Russie. Le préfet, en affirmant que sa situation personnelle ne l'expose pas à un traitement contraire à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, refuse de reconnaître les risques de persécutions et de menaces encourus en cas de retour dans son pays d'origine en raison de l'hostilité existant entre arméniens et azéris. Elle a été contrainte de fuir l'Arménie, où sa vie était en péril, compte tenu du contexte politique. Un retour en Arménie ou en Azerbaïdjan lui serait inévitablement préjudiciable.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 janvier 2016, le préfet de Tarn-et-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est suffisamment motivé ;
- Mme A...a sollicité un titre de séjour en qualité d'étranger malade en se prévalant de la nationalité azérie et le médecin de l'agence régionale de santé s'est prononcé dans son avis du 17 février 2015 sur la disponibilité du traitement en Azerbaïdjan. Toutefois, l'intéressée n'a présenté aucun passeport ni aucun document établissant sa nationalité azérie. En l'absence de détermination de sa nationalité, le droit au séjour en qualité d'étranger malade ne peut être reconnu à l'intéressée dans la mesure où il est impossible de déterminer avec certitude le niveau réel de soins auquel elle pourrait accéder dans son pays d'origine ;
- Mme A...ne justifie d'aucune circonstance humanitaire exceptionnelle. Elle s'est maintenue sur le territoire national en dépit des mesures d'éloignement dont elle a fait l'objet. La décision attaquée ne porte pas atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Elle a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 47 ans et si l'un de ses fils vit en France avec son épouse et ses deux enfants, son autre fils fait l'objet d'une mesure d'éloignement et sa fille réside à l'étranger. Elle ne présente pas de garantie d'insertion professionnelle ;
- MmeA..., qui se borne à faire état du climat général d'insécurité, n'établit pas les risques de menaces et persécutions encourus en cas de retour dans son pays d'origine ;
Par ordonnance du 4 décembre 2015, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 4 février 2016.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 19 novembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Patricia Rouault-Chalier,
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...néeC..., née en 1962 à Alaverdi (Arménie), est entrée en France le 1er juin 2009 selon ses déclarations. La demande d'asile qu'elle a déposée en se déclarant de nationalité arménienne a fait l'objet d'un refus du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 décembre 2010, confirmé par la Cour nationale du droit d'asile le 1er septembre 2011. Elle a bénéficié d'autorisations provisoires de séjour en qualité d'étranger malade, dont la dernière expirait le 9 novembre 2012 et a, par la suite, fait l'objet de deux arrêtés respectivement datés du 17 janvier 2013 et du 19 janvier 2015 lui refusant un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de l'Arménie. Le 12 février 2015, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé en se prévalant d'une nationalité azerbaïdjanaise. Par un arrêté du 27 avril 2015, le préfet de Tarn-et-Garonne a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A...relève appel du jugement du 13 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
2. L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...)". Selon l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé ". En vertu de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011, relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé, le médecin de l'agence régionale de santé chargé d'émettre un avis doit préciser : " - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge médicale risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine.
4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du certificat médical établi le 5 février 2015 par le DrD..., confirmé par le certificat rédigé le 24 mai suivant par un spécialiste en oncologie radiothérapie, que MmeA..., qui avait bénéficié en 2011 et 2012 d'autorisations provisoires de séjour au titre d'une pathologie cardiaque, souffrait, à la date de l'arrêté attaqué, d'un adénocarcinome ovarien ayant nécessité une intervention chirurgicale et la mise en oeuvre d'un traitement par chimiothérapie. L'avis du médecin de l'agence régionale de santé Midi-Pyrénées du 17 février 2015 énonce que l'état de santé de MmeA..., de nationalité azérie, nécessite des soins dont le défaut emporterait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans son pays d'origine. Pour justifier le refus de titre de séjour opposé à l'intéressée, le préfet de Tarn-et-Garonne s'est fondé sur la circonstance que Mme A...n'apportant pas la preuve de la nationalité azerbaïdjanaise dont elle se prévalait désormais, alors qu'elle s'était déclarée de nationalité arménienne lors de sa demande d'asile en 2009 et à l'occasion d'une première demande de titre de séjour formée en qualité d'étranger malade en 2013, il lui était impossible, dans ces conditions, d'apprécier si l'intéressée pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Toutefois, s'il est constant qu'en l'absence de tout document justificatif probant produit par MmeA..., sa nationalité ne peut être regardée comme suffisamment établie, il ressort néanmoins des pièces du dossier que l'intéressée n'est pas dépourvue de tout lien avec l'Arménie, où elle est née et où elle a résidé durant plusieurs années, ainsi qu'avec l'Azerbaïdjan, dont son père aurait eu la nationalité. Dans ces conditions, dans la mesure où le médecin de l'agence régionale s'était effectivement prononcé sur l'indisponibilité en Azerbaïdjan du traitement dont a besoin MmeA..., il appartenait au préfet d'apporter des éléments contemporains de sa décision faisant ressortir qu'à la date de celle-ci, l'intéressée pouvait recevoir dans ce pays un traitement approprié à sa pathologie, ce qu'il n'a pas plus fait en appel qu'en première instance. A défaut, et dès lors que le préfet estimait que le médecin de l'agence régionale de santé avait considéré à tort que Mme A...était de nationalité azérie, alors qu'elle est ressortissante arménienne, il lui incombait, avant de statuer sur la nouvelle demande de titre de séjour de l'intéressée, d'examiner si le traitement dont elle avait besoin à cette date, qui ne portait pas sur la même pathologie que précédemment, était disponible en Arménie. Par suite, c'est en méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet a refusé de délivrer à Mme A...le titre de séjour " étranger malade " qu'elle sollicitait. Par voie de conséquence, les mesures portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi doivent également être annulées.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 27 avril 2015. Par suite, le jugement du tribunal et l'arrêté du préfet doivent être annulés.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
7. L'annulation de l'arrêté en litige implique nécessairement, eu égard au motif qui la fonde et en l'absence de changement allégué dans la situation de MmeA..., que lui soit délivré un titre de séjour au titre du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. En l'espèce, Mme A...n'établissant pas avoir exposé d'autres frais que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été accordée par décision du 19 novembre 2015, sa demande tendant à ce que l'Etat lui verse la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1502540 du 13 octobre 2015 et l'arrêté du préfet de Tarn-et-Garonne du 27 avril 2015 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de Tarn-et-Garonne de délivrer à Mme A...un titre de séjour " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., au ministre de l'intérieur et au préfet de Tarn-et-Garonne.
Délibéré après l'audience du 3 mars 2016 à laquelle siégeaient :
- Mme Catherine Girault, président,
- M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
- Mme Patricia Rouault-Chalier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 mars 2016.
Le rapporteur,
Patricia ROUAULT-CHALIERLe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Delphine CÉRON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°15BX03716 6