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31/03/2016 | FRANCE | N°15BX01215

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre (formation à trois), 31 mars 2016, 15BX01215


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er avril 2015 et le 25 novembre 2015, la société par actions simplifiée (SAS) Sotourdi, représentée par Me Bouyssou, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 28 janvier 2015 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a autorisé la société par actions simplifiée (SAS) Distaff à créer un supermarché " SUPER U " de 1495 m² de surface de vente à Saint-Affrique ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la SAS Distaff la somme de 5 000 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er avril 2015 et le 25 novembre 2015, la société par actions simplifiée (SAS) Sotourdi, représentée par Me Bouyssou, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 28 janvier 2015 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a autorisé la société par actions simplifiée (SAS) Distaff à créer un supermarché " SUPER U " de 1495 m² de surface de vente à Saint-Affrique ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la SAS Distaff la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

A... ----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Paul-André Braud,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

- et les observations de Me Bouyssou, avocat de la SAS Sotourdi et celles de Me Gauci, avocat de la SAS Distaff ;

Considérant ce qui suit :

1. La commission départementale d'aménagement commercial de l'Aveyron a, par une décision du 8 octobre 2014, autorisé la société par actions simplifiée (SAS) Distaff à procéder à la création d'un commerce généraliste, sous l'enseigne " Super U ", à dominante alimentaire, pour l'exploitation d'une surface totale de vente de 1 495 m², situé boulevard Ernest Cavalier sur le territoire de la commune de Saint-Affrique. Les sociétés Josama et Sotourdi, qui exploitent respectivement une enseigne Carrefour Market à Saint-Affrique et Intermarché à Vabres-l'Abbaye, ont formé deux recours contre cette décision devant la Commission nationale d'aménagement commercial. Ces recours ont été rejetés par une décision en date du 28 janvier 2015 confirmant l'autorisation accordée à la SAS Distaff. La SAS Sotourdi demande l'annulation de cette dernière décision.

Sur la légalité externe de la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial :

2. En premier lieu, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire ni d'aucun principe que les décisions de la Commission nationale d'aménagement commercial doivent comporter des mentions attestant du caractère régulier de sa composition. Dès lors, en se bornant à soutenir que la commission était irrégulièrement composée lors de sa séance du 28 janvier 2015, la SAS Sotourdi n'assortit pas ce moyen des précisions susceptibles de permettre d'en apprécier le bien- fondé.

3. En deuxième lieu, si la société requérante soutient que les dispositions de l'article R. 752-49 du code de commerce relatives aux documents devant être communiqués aux membres de la Commission nationale d'aménagement commercial auraient été méconnues, ce moyen n'est pas davantage assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

4. En troisième lieu, l'article R. 752-51 du code de commerce, alors applicable, dispose que : " (...) Le commissaire du Gouvernement recueille les avis des ministres intéressés, qu'il présente à la commission. Il donne son avis sur les demandes examinées par la Commission nationale d'aménagement commercial au regard des auditions effectuées. ". Il résulte de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005, relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement, que les directeurs d'administration centrale peuvent signer, au nom du ministre et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité. En vertu de l'article 3 du même décret, les directeurs d'administration centrale peuvent donner délégation aux fonctionnaires de catégorie A et aux agents contractuels chargés de fonctions d'un niveau équivalent pour signer tous actes relatifs aux affaires pour lesquelles ils ont eux-mêmes reçu délégation.

5. Il résulte de l'application combinée des dispositions susénoncées du décret du 27 juillet 2005 et de l'article 12 de l'arrêté ministériel du 10 juillet 2014, régulièrement publié au Journal officiel du 17 juillet 2014, habilitant M. D...C...à signer, au nom de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et de la ministre du logement et de l'égalité des territoires tous actes relevant des attributions de la sous-direction de la qualité du cadre de vie, que M. D...C...a été régulièrement habilité pour signer l'avis émis par les ministres chargés de l'urbanisme et de l'environnement.

Sur la légalité interne de la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial :

En ce qui concerne le dossier de demande d'autorisation :

6. Aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce dans sa rédaction alors applicable : " La demande d'autorisation prévue à l'article L. 752-1 et à l'article 30-2 du code de l'industrie cinématographique est présentée soit par le propriétaire de l'immeuble, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain ou à exploiter commercialement l'immeuble. ".

7. Si la société requérante soutient que la SAS Distaff n'aurait pas justifié, devant la Commission nationale d'aménagement commercial, de la maîtrise foncière du terrain d'assiette de son projet, il ressort des pièces du dossier que ce terrain est mis à la disposition du pétitionnaire par un bail commercial signé le 13 mai 2014 avec la société en nom collectif (SNC) Carteyc, laquelle a la qualité de crédit-preneur à la suite d'une convention de crédit-bail conclue le 29 mars 2006 avec le propriétaire, la société Slibail Immobilier. Par ailleurs, la SNC Carteyc a expressément autorisé, par un courrier en date du 21 juillet 2014 joint au dossier de demande, la SAS Distaff à déposer une demande d'autorisation d'exploitation commerciale. Ainsi, à la date de la décision attaquée, la SAS Distaff justifiait de la maîtrise foncière exigée au titre des dispositions de l'article R. 752-6 du code de commerce.

En ce qui concerne l'appréciation de la Commission nationale d'aménagement commercial :

8. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche (...) ". Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles se prononcent sur un projet d'exploitation commerciale soumis à autorisation en application de l'article L. 752-1 du code de commerce, d'apprécier la conformité de ce projet aux objectifs prévus à l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et à l'article L. 750-1 du code de commerce, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du même code. L'autorisation ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet compromet la réalisation de ces objectifs.

9. En premier lieu, pour apprécier la conformité du projet litigieux avec les dispositions susmentionnées, la Commission nationale d'aménagement commercial a relevé, pour ce qui concerne l'aménagement du territoire, que le projet prendra place sur une friche commerciale située en agglomération près d'un axe routier important, à environ 500 mètres du centre-ville et aura ainsi un rôle de proximité pour les quartiers environnants, que le boulevard de La Capelle et la RD 999, qui permettent la desserte du site, sont suffisamment dimensionnés pour supporter l'augmentation de trafic attendue et que les accès sont sécurisés par un terre-plein, que le projet sera facilement accessible à pied ou en cycles compte tenu de la proximité des zones d'habitation, que cette opération permettra une diversification de l'offre et constituera un nouveau lieu d'animation pour une clientèle à la fois urbaine et rurale et que cette création contribuera à l'amélioration du confort d'achat des consommateurs locaux, et à limiter les déplacements des consommateurs du sud de la ville vers l'ouest où l'offre est plus importante.

10. S'agissant de l'effet sur l'animation de la vie urbaine, la société requérante soutient que le projet ne répond à aucun besoin particulier, qu'il va perturber les équilibres commerciaux au détriment des commerces de proximité et que son utilité n'est pas démontrée au regard de l'expérience du précédent supermarché exploité sur ce terrain à partir de 2005 et qui a dû fermer en novembre 2009. Il ressort cependant des pièces du dossier que le projet permet de réhabiliter une friche commerciale dans un contexte favorable eu égard à la croissance démographique modérée mais constante sur la zone de chalandise. En outre, l'incidence alléguée sur des commerces de proximité, au demeurant non identifiés à l'exception d'un magasin Netto, n'est nullement démontrée alors que l'ensemble des avis des ministres intéressés soulignent que le projet permettra d'animer et redynamiser ce secteur où l'offre commerciale est moins importante et moins diversifiée qu'à l'Ouest. Dans ces conditions le projet ne peut être regardé que comme renforçant l'animation du secteur Est de Saint-Affrique.

11. S'agissant de l'effet du projet sur les flux de transport, la société requérante se borne à soutenir, sans toutefois le démontrer, que l'évaluation des flux de circulation a été sous-estimée alors qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des avis des ministres intéressés, que l'augmentation des flux de véhicules qu'est susceptible d'engendrer le projet sera limitée et qu'un commerce similaire a été exploité sur le terrain d'assiette du projet sans que ne soit mise en évidence une inadaptation des voies desservant le terrain. Contrairement à ce que soutient la société requérante, il ne ressort pas des pièces du dossier que le dossier de demande d'autorisation aurait été dépourvu de données chiffrées alors que le rapport de présentation faisait état sur la route départementale 999 (venant de l'Est), axe principal est/ouest, qui dessert en partie le site à l'entrée de Saint-Affrique, de 4 805 véhicules par jour (trafic routier 2013 du conseil général de l'Aveyron), sur la RD 7 en provenance du sud, qui rejoint la RD 999 à l'entrée de la commune, de 1 368 véhicules par jour et enfin sur l'entrée ouest de la commune, sur la RD 999 (provenance Albi) de 5 458 véhicules par jour. En outre, la société requérante ne démontre pas que le flux estimé pour le projet, de 750 à 1000 véhicules par jour comprenant des véhicules qui se rendent déjà sur d'autres zones commerciales à l'ouest de la commune, ne pourrait être absorbé par les voies existantes. Par ailleurs, la SAS Sotourdi n'apporte aucune précision de nature à démontrer que l'accès situé rue du Chanoine A...ne serait pas sécurisé. Enfin, la circonstance que l'accès destiné aux véhicules de livraison soit desservi par une voie destinée à la circulation générale ne saurait révéler par lui-même le caractère inadapté de cette desserte, alors au demeurant que les livraisons sont estimées à " 3 à 4 gros porteurs " et " 1 à 2 utilitaires " par semaine. En outre, s'agissant des modes de transport collectif, le projet est desservi par deux lignes de bus dont la faible fréquence ne saurait à elle seule compromettre l'objectif fixé par le législateur. Par ailleurs, s'agissant des modes de déplacement les plus économes en dioxyde de carbone, l'absence de piste cyclable et de voie piétonne spécifique, à la date de la décision attaquée, ne saurait, eu égard à la nature du commerce exploité, pas davantage justifier de refuser l'autorisation sollicitée.

12. En second lieu, pour apprécier la conformité du projet litigieux avec les dispositions susmentionnées, la Commission nationale d'aménagement commercial a relevé, pour ce qui concerne le développement durable, que " cette opération prend place dans un bâtiment construit en 2005 dont la réhabilitation s'inscrira dans une démarche environnementale conformément à la réglementation en vigueur ", que " le parc de stationnement sera remis en peinture ", que " le projet prévoit la revalorisation et l'entretien des 33 arbres et des espaces verts existants " et qu'il " prévoit en outre la plantation d'un arbre à haute tige pour deux places de stationnement ".

13. S'agissant de la qualité environnementale, l'article R. 131-26 du code de la construction et de l'habitation dispose que : " Lorsque le coût total prévisionnel de travaux de rénovation portant soit sur l'enveloppe d'un bâtiment d'une surface hors oeuvre nette supérieure à 1000 m2 et ses installations de chauffage, de production d'eau chaude, de refroidissement, de ventilation et d'éclairage, (...) est supérieur à 25 % de sa valeur, le maître d'ouvrage doit améliorer sa performance énergétique (...) ". Il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport d'instruction, que le bâtiment dont la réhabilitation est projetée a été édifié en 2004-2005 et que le montant global des travaux de rénovation est inférieur à 25% de la valeur du bâtiment. Par suite, la société requérante ne peut utilement reprocher au projet de ne pas respecter la règlementation thermique 2012. Par ailleurs, il n'est pas contesté que le bâtiment respecte la règlementation thermique 2005 et que les travaux envisagés permettront d'améliorer l'isolation thermique.

14. S'agissant de l'insertion paysagère et architecturale du projet, la société requérante soutient que le dossier ne permet pas d'apprécier l'impact visuel du projet. Il ressort cependant du rapport d'instruction que le projet s'insère dans le tissu urbain, en partie composé d'habitats collectifs, et prévoit de réhabiliter le bâtiment à l'aide d'une peinture gris moyen et gris clair, avec utilisation de bois pour être en accord avec les bâtiments proches et pose de lattes en bois naturel sur la zone de livraison. En outre, en se bornant à soutenir que le projet ne tient pas compte de préconisations particulières liées à son emplacement au coeur du parc naturel régional des Grands Causses, la société Sotourdi n'assortit pas ce moyen, à le supposer opérant, de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Enfin, si la société requérante soutient que les plantations envisagées, rappelées au point 12, ne pourront être réalisées en l'absence d'autorisation du propriétaire du terrain, il ressort des pièces du dossier, et notamment du b) du C du bail commercial, que la société Distaff est autorisée à réaliser à sa charge et sous sa responsabilité les travaux nécessaires à l'implantation de son activité et que sont notamment à sa charge " tous travaux d'embellissement et d'aménagement ". Ainsi, et alors qu'il n'appartient pas à la commission de contrôler la régularité des plantations, l'insertion paysagère du projet est suffisamment assurée par les caractéristiques architecturales du bâtiment ainsi que la place accordée aux espaces verts.

15. S'agissant des nuisances, la société requérante reproche au projet de ne pas prévoir de mesures visant à limiter les nuisances visuelles nocturnes. Il ressort néanmoins du rapport d'instruction que le projet limitera les niveaux d'éclairage des parkings et des façades et prévoit d'éteindre certaines parties du magasin en dehors des horaires d'ouverture. Ces nuisances sont ainsi suffisamment limitées.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Sotourdi n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial en date du 28 janvier 2015.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SAS Distaff, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande la SAS Sotourdi au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la SAS Sotourdi une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SAS Distaff et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Sotourdi est rejetée.

Article 2 : La SAS Sotourdi versera à la SAS Distaff une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Sotourdi, à la SAS Distaff et à la Commission nationale d'aménagement commercial. Copie en sera adressée au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.

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No 15BX01215


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre (formation à trois)
Numéro d'arrêt : 15BX01215
Date de la décision : 31/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SCP BOUYSSOU et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-03-31;15bx01215 ?
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