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10/03/2016 | FRANCE | N°15BX03157

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 10 mars 2016, 15BX03157


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2015 par lequel le préfet de la Gironde a décidé sa reconduite sans délai à la frontière et lui a refusé l'accès au territoire français pendant une durée de trois ans, ensemble l'arrêté du 15 septembre 2015 par lequel cette même autorité a décidé son placement en rétention administrative pour une durée de cinq jours.

Par un jugement n° 1504137 du 17 septembre 2015, le magistrat délégué du t

ribunal administratif de Bordeaux a, d'une part, renvoyé devant une formation collégiale du t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2015 par lequel le préfet de la Gironde a décidé sa reconduite sans délai à la frontière et lui a refusé l'accès au territoire français pendant une durée de trois ans, ensemble l'arrêté du 15 septembre 2015 par lequel cette même autorité a décidé son placement en rétention administrative pour une durée de cinq jours.

Par un jugement n° 1504137 du 17 septembre 2015, le magistrat délégué du tribunal administratif de Bordeaux a, d'une part, renvoyé devant une formation collégiale du tribunal les conclusions de M. A...dirigées contre le refus d'accès au territoire et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 septembre 2015, M.A..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 17 septembre 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2015 par lequel le préfet de la Gironde a décidé sa reconduite à la frontière et lui a refusé l'accès au territoire français pendant une durée de trois ans ;

3°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

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Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Florence Madelaigue a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., dont la nationalité est indéterminée, est entré en France, selon ses déclarations, en 2013. A la suite d'une condamnation au pénal, il a fait l'objet d'un arrêté en date du 14 septembre 2015 par lequel le préfet de la Gironde a décidé sa reconduite à la frontière et lui a refusé l'accès au territoire français pendant une durée de trois ans et d'un arrêté en date du 15 septembre 2015 par lequel cette même autorité a décidé son placement en rétention administrative pour une durée de cinq jours. M. A...relève appel du jugement du 17 septembre 2015 uniquement en tant que le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a renvoyé devant une formation collégiale du tribunal ses conclusions dirigées contre le refus d'accès au territoire et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

2. Par décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux du 8 octobre 2015, M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, sa demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle est devenue sans objet.

Sur la légalité de la décision ordonnant la reconduite à la frontière de M.A...:

3. L'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale (...) ". Aux termes de l'article L. 533-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger, sauf s'il est au nombre de ceux visés à l'article L. 121-4, doit être reconduit à la frontière : 1° Si son comportement constitue une menace pour l'ordre public. / La menace pour l'ordre public peut s'apprécier au regard de la commission des faits passibles de poursuites pénales sur le fondement des articles du code pénal cités au premier alinéa de l'article L. 313-5 du présent code, ainsi que des 1°, 4°, 6° et 8° de l'article 311-4, de l'article 322-4-1 et des articles 222-14, 224-1 et 227-4-2 à 227-7 du code pénal (...). Les articles L. 511-4, L. 512-1 à L. 512-3, (...) du présent code sont applicables aux mesures prises en application du présent article. ". Aux termes du III de l'article L. 512-1 du même code : " En cas de décision de placement en rétention (...), l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision dans les quarante-huit heures suivant sa notification. Lorsque l'étranger a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, le même recours en annulation peut être également dirigé contre l'obligation de quitter le territoire français et contre la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination et la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention ou d'assignation.(...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 512-2 du même code : " Dès notification de l'obligation de quitter le territoire français, l'étranger auquel aucun délai de départ volontaire n'a été accordé est mis en mesure, dans les meilleurs délais, d'avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix. L'étranger est informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments des décisions qui lui sont notifiées en application de l'article L. 511-1. Ces éléments lui sont alors communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend. ".

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté a été notifié à M. A... le 14 septembre 2015, à 14 heures, alors qu'il était incarcéré à.... Si le requérant soutient qu'il n'a pas été mis en mesure d'exercer immédiatement son droit à un recours effectif, en l'absence d'un dispositif d'accès aux droits, il ressort toutefois des pièces du dossier que, retenu au centre de rétention administrative, il a bénéficié d'une admission provisoire à l'aide juridictionnelle et que son avocat a formé un recours contre l'arrêté attaqué qui a été enregistré au greffe du tribunal administratif de Bordeaux le 16 septembre 2015, à 11 heures 07, dans le délai prévu à l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le requérant ne peut sérieusement soutenir qu'il a été privé de son droit à un recours effectif.

5. En deuxième lieu, au soutien du moyen tiré de l'irrégularité de la notification de la décision attaquée, M. A...ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance. Il y a lieu, par suite, pour la cour d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par le premier juge.

6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M.A..., présent en France selon ses déclarations depuis 2013, a été condamné par un jugement du tribunal correctionnel de Bordeaux du 29 juillet 2015 à deux mois d'emprisonnement pour des faits de vol par escalade dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt. Par ailleurs, M. A...est défavorablement connu des forces de police depuis 2013 pour avoir été mis en cause sous quatre identités différentes dans huit procédures entre le 17 juillet 2013 et le 8 juillet 2015 pour des faits de violences volontaires sur dépositaires de l'autorité publique, de dégradation ou détérioration de véhicule privé et du bien d'autrui, de vols, et de violences ayant entraîné une incapacité de travail. Par suite, eu égard à la gravité et au caractère répété et récent des actes commis par M. A..., et alors même que celui-ci a exécuté la peine de deux mois d'emprisonnement à laquelle il a été condamné le 29 juillet 2015 et que le juge judiciaire n'a pas prononcé de peine d'interdiction du territoire français, le préfet de la Gironde n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que le comportement de M. A... constituait une menace pour l'ordre public au sens du 1° de l'article L. 533-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui justifiait qu'il soit éloigné du territoire.

7. En quatrième lieu, ainsi qu'il vient d'être dit, l'éloignement de M. A... est justifié par la menace à l'ordre public constituée par le comportement de l'intéressé, et la mesure est prise sur le fondement du 1° de l'article L. 533-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet, qui a suffisamment motivé la décision prise sur ce fondement, n'avait pas à la motiver en visant l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont il n'a pas fait application.

8. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision portant reconduite à la frontière serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans ses conséquences sur la situation personnelle du requérant. En particulier, le moyen tiré de ce que l'état de santé du requérant s'opposerait à ce que soit prise à son encontre une mesure d'éloignement n'est pas assorti de précision suffisante permettant d'en apprécier le bien-fondé.

9. Enfin, le requérant ne peut utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision portant reconduite à la frontière qui ne fixe pas par elle-même le pays de renvoi. En tout état de cause, les circonstances dont se prévaut M. A...ne démontrent pas la réalité des risques actuels et personnels qu'il encourrait en cas de retour en Algérie, à supposer qu'il en soit le ressortissant.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M.A..., qui ne conteste pas en appel la décision le plaçant en rétention en vue de l'exécution de la mesure de reconduite sans délai dont il a fait l'objet, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

Sur la légalité de la décision portant " refus d'accès au territoire français pendant trois ans " :

11. M. A...est en revanche fondé à soutenir que le préfet a encore prononcé à son encontre, non une décision de refus d'accès au territoire français fondée sur l'article L. 213-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il se trouvait déjà sur le territoire français, mais une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans assortissant la mesure d'éloignement sans délai de départ volontaire, telle qu'elle est prévue par le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont le 1° du II prévoit également une mesure d'éloignement lorsque le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public et a le même objet que les dispositions du 1° de l'article L. 533-1 dont le préfet a fait application.

12. Dès lors, c'est à tort que le premier juge s'est estimé incompétent pour se prononcer sur cette mesure alors qu'en vertu du III de l'article L. 512-1 du code, il en avait le pouvoir s'agissant d'un litige relatif à une mesure de reconduite intéressant un étranger placé en rétention. Par suite, il y a lieu d'annuler le jugement sur ce point ainsi que le demande le requérant, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M.A....

13. Ainsi que le fait valoir M.A..., la décision portant en réalité interdiction de retour sur le territoire français, qui ne mentionne pas le visa du III et l'article L. 511-1, est en outre dépourvue de toute motivation spécifique quant aux circonstances de fait de l'espèce, au regard des critères énumérés par cette disposition et notamment de l'incidence d'une mesure d'interdiction de retour d'une durée de trois sur la vie privée et familiale du requérant et même de l'ordre public, le préfet ne s'étant expressément prononcé sur ces deux points qu'en ce qui concerne la mesure d'éloignement. Le requérant est donc fondé à soutenir qu'elle est irrégulière et doit être annulée.

Sur les conclusions au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 combiné avec l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me B...la somme de 800 euros au titre desdits articles, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.

DECIDE

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A...tendant à être admis provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 17 septembre 2015 et l'article 2 de l'arrêté du préfet de la Gironde du 14 septembre 2015 prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans sont annulés.

Article 3 : L'Etat versera à Me B...la somme de 800 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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N° 15BX03157


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 15BX03157
Date de la décision : 10/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : THAURIGNAC

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-03-10;15bx03157 ?
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